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Un amour sauvage: Le sang en héritage
Un amour sauvage: Le sang en héritage
Un amour sauvage: Le sang en héritage
Livre électronique381 pages4 heures

Un amour sauvage: Le sang en héritage

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À propos de ce livre électronique

Si je ne participe à aucune fête, ce n'est pas sans raison...

 

Je l'ai vu dans un nuage de fumée, le péché incarné. Même contusionné et abîmé, je n'ai jamais rien vu d'aussi beau...

 

Sauf à me détester, je devrais garder mes distances avec Nero.

 

C'est un briseur de cœur.

Un fauteur de troubles.

Une catastrophe ambulante.

 

Seulement, voilà le problème : j'ai de gros ennuis avec un flic corrompu. Le seul capable de me sauver, c'est Nero. Nous ne sommes pas amis. S'il me voyait me noyer, c'est une ancre qu'il me lancerait.

 

Mais c'est aussi ma seule chance.

 

Cet homme n'est pas un héros, c'est mon amour sauvage.

 

* * *

 

Un amour sauvage est le troisième acte tourmenté et palpitant de la série Le Sang en héritage. Cette romance sur fond de mafia et de harcèlement peut se lire indépendamment des autres et se termine sur une fin heureuse et sans suspense.

LangueFrançais
ÉditeurGrey Eagle Publications
Date de sortie31 mars 2022
ISBN9781643664088
Un amour sauvage: Le sang en héritage

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    Aperçu du livre

    Un amour sauvage - Sophie Lark

    1

    CAMILLE RIVERA

    Je suis coincée sur cette Chevrolet Silverado depuis trois heures maintenant. Je sors la transmission, une des tâches que j’exècre le plus. C’est délicat, lourd, difficile, un boulot de merde à tous les niveaux. Même dans des conditions normales. Je le fais durant la journée la plus chaude de l’été jusqu’à présent.

    Notre garage n’a pas la climatisation. Je suis trempée de sueur, ce qui rend mes mains glissantes. En plus, ça fait trois fois de suite que ON passe à la radio, et je ne peux rien y faire, putain.

    J’ai enfin retiré toutes les vis et la traverse du chemin. Je suis prête à glisser la transmission vers l’extérieur. Je dois faire attention à y aller doucement pour ne pas endommager l’embrayage ou le convertisseur de couple.

    La transmission pèse soixante-six kilos maintenant que je l’ai drainée de tous les fluides. J’ai un cric pour aider à la soutenir, cependant j’aurais aimé que mon père soit là pour m’assister. Il est parti se coucher juste après le dîner tout à l’heure. Il est épuisé en ce moment, à peine capable de garder les yeux ouverts pour avaler son assiette de spaghettis.

    Je lui ai dit d’aller dormir, que je m’occuperais du reste.

    Je relâche la transmission sur le cric puis la glisse sous le pick-up. Je rassemble ensuite toutes les vis et les écrous pour les ranger dans des pochettes étiquetées et ne rien perdre d’important.

    C’est la première chose que mon père m’a apprise dans le domaine de la réparation de voitures : être organisée et méticuleuse.

    « Ce sont des machines compliquées. Tu dois toi-même être une machine. Il n’y a pas de place pour l’erreur. »

    Une fois la transmission sortie, je décide de prendre un soda pour me récompenser. On n’a peut-être pas la clim, mais il y a un réfrigérateur.

    Mon père possède un garage sur Wells Street. On vit au-dessus, dans un appartement avec deux chambres. C’est juste lui, moi, et mon petit frère Vic.

    Je monte, essuyant mes mains sur un torchon. Ma salopette de travail est baissée jusqu’à ma taille et mon maillot de corps est trempé de sueur. Elle est aussi tachée de toutes sortes de fluides qui peuvent se trouver dans une voiture, en plus de la crasse pure et dure. C’est plein de poussière dans le garage.

    Mes mains sont sales au point qu’il me faudrait deux heures et une brosse en acier pour les nettoyer. J’ai de l’huile incrustée dans chaque pore et ride de la peau, et mes ongles sont noirs en permanence. Essuyer mes mains retire un peu de la saleté, mais je laisse encore des empreintes sur la porte du réfrigérateur quand je l’ouvre.

    Je prends un coca et fais sauter la languette, pressant la canette fraîche contre mon visage un instant avant de la boire.

    Vic sort de sa chambre, habillé comme s’il allait quelque part. Il a semblé sur le point de participer à un clip : jean moulant, T-shirt vif, baskets qu’il nettoie avec une brosse à la moindre tache de saleté. C’est là-dedans que part tout son argent, quand il en a.

    Je dois résister au besoin d’ébouriffer ses cheveux qui sont longs, hirsutes et de la couleur du caramel. Il n’a que 17 ans ; de huit ans mon cadet. J’ai plus l’impression d’être sa mère que sa sœur. Notre vraie mère nous l’a lâché sur le pas de la porte quand il avait 2 ans et demi. Il était un tout petit truc maigrichon avec de grands yeux sombres qui lui prenaient la moitié du visage, avec des cils des plus scandaleux. Pourquoi les mecs finissent-ils toujours avec les plus beaux cils ? Il n’avait pas de vêtements ni d’affaires, à part sa figurine de Spider-Man à laquelle il manquait une jambe. Il la transportait avec lui partout, même dans le bain, et dormait avec en la serrant dans sa main. Je ne sais pas où ils habitaient avant, ni qui est son père. Le mien l’a accueilli, et il vit avec nous depuis.

    — Où est-ce que tu vas ? demandé-je.

    — Je sors avec des potes.

    — Quels potes ?

    — Tito. Andrew.

    — Qu’est-ce que vous allez faire ?

    — J’en sais rien.

    Il prend aussi une canette de Coca et l’ouvre.

    — On va aller voir un film, sûrement.

    — Un peu tard pour un film, répliqué-je.

    Il est 21 heures 40. Il n’y en a pas beaucoup qui commencent à 22 heures.

    Vic hausse les épaules.

    — Ne rentre pas trop tard, lui lancé-je.

    Il lève les yeux au ciel et me dépasse dans la cuisine.

    Je remarque qu’il porte une nouvelle paire de chaussures. Elles sont ridicules : blanches et grosses, avec des sortes de lignes grises étranges qui descendent sur les côtés. Ce sont des chaussures de basket, néanmoins je ne pense pas qu’on les porterait pour jouer, à moins que le match ne se déroule sur la lune en l’an 3000.

    Elles ont l’air chères.

    — Où as-tu déniché celles-là ? demandé-je.

    Vic ne croise pas mon regard.

    — J’ai échangé mes Jordan avec Andrew.

    Je sais quand mon frère me ment. Il a toujours été très mauvais à ce petit jeu.

    — Tu ne les as pas volées à l’étalage, n’est-ce pas ?

    — Non ! réplique-t-il avec virulence.

    — Il vaudrait mieux pour toi que non, Vic. Tu as presque 18 ans, si cette merde reste sur ton casier…

    — Je ne les ai pas volées ! s’exclame-t-il. Je dois y aller, je vais être en retard.

    Il glisse son sac à dos sur une épaule et sort, me laissant seule dans la cuisine.

    Je termine mon soda en fronçant les sourcils. J’aime Vic de tout mon cœur, mais je m’inquiète pour lui. Il traîne avec des gamins qui ont bien plus d’argent que nous. Des gamins qui vivent dans des manoirs sur Wieland et Evergreen, dont les parents ont des avocats capables de payer la caution de leurs idiots de fils s’ils se retrouvent dans les problèmes après une idiotie.

    Nous n’avons pas le même luxe. Je ne cesse de répéter à Vic qu’il doit bosser dur et étudier à fond pour sa terminale et entrer ainsi dans une bonne fac. Travailler avec papa et moi ne l’intéresse pas.

    Malheureusement, l’école ne l’intéresse pas vraiment non plus. Il pense qu’il va devenir DJ. Je n’ai pas encore réussi à le faire descendre de son nuage.

    Je jette la canette de soda dans la poubelle de recyclage, prête à retourner au garage.

    Je passe une autre heure à m’attaquer à la transmission. Le propriétaire de la Silverado ne veut pas la remplacer, il veut la restaurer. Puisque nous ne savons pas exactement ce qui cloche avec cette satanée caisse, je dois la désassembler, nettoyer tous les éléments et vérifier ce qui est usé ou cassé.

    Alors que je travaille, je pense à Vic. Je ne crois pas à son histoire de chaussures et je n’aime pas qu’il traîne avec Andrew. C’est le pire de ses amis ; arrogant, pourri gâté et mesquin. Vic est un gamin avec un bon fond, mais il veut être populaire. Cela le conduit à faire beaucoup de conneries, juste pour impressionner ses amis.

    Je m’essuie les mains et prends mon portable. Je veux vérifier mon application de localisation pour voir s’il est vraiment allé au cinéma.

    Je suis le petit point bleu, et sans surprise, il n’y est pas. Au lieu de ça, il est à une adresse sur Hudson Avenue… on dirait une maison. Ce n’est pas celle d’Andrew ou d’un autre ami que je connais.

    Agacée, je vais sur Instagram et clique sur la story de mon frère. Il n’a rien posté, donc je pars sur le compte d’Andrew.

    Ils sont là, tous les trois, à une sorte de fête chez quelqu’un. Vic boit dans un gobelet rouge et Tito a l’air complètement beurré. Le sous-titre clame : « On va battre un record ce soir ! »

    — Oh, putain, non ! sifflé-je.

    Fourrant mon portable dans la poche de ma salopette, je prends les clefs de ma Trans Am. Si mon frère pense qu’il va se mettre une misère en compagnie de ces gros cons, il se plante complètement. Il n’est pas supposé boire, et il est censé faire des heures à l’épicerie demain matin. S’il fait encore la grasse matinée, ils vont le virer.

    J’accélère jusqu’à l’endroit où se trouve le point bleu, ou du moins, je fonce autant que possible sans faire surchauffer le vieux moteur de la voiture. Elle est bien plus vieille que moi, et ces derniers temps je la maintiens en vie à la seule force de sa volonté.

    Ce n’est qu’un trajet de sept minutes. J’aurais pu trouver sans l’application : on peut entendre la musique bourdonnante à trois rues de là. Des dizaines de voitures sont alignées de chaque côté de la chaussée. Les fêtards se déversent littéralement de la maison, grimpant et sortant par les fenêtres et s’évanouissant dans le jardin.

    Je me gare aussi près que possible, puis me précipite dans la baraque.

    Je fais mon chemin à l’intérieur dans la nuée de gens, à la recherche de mon petit frère.

    La plupart des participants ont l’air d’avoir la vingtaine. C’est une vraie beuverie, avec du bière-pong, des filles topless qui jouent au strip-poker, des fûts, des couples qui sont à deux doigts de copuler sur les canapés, et tellement de fumée de beuh que je peux à peine voir à un mètre devant moi.

    Je ne regarde pas vraiment où je marche. Je percute un groupe de filles, faisant crier l’une d’elles de rage alors que son verre éclabousse l’avant de sa robe.

    — Fais gaffe, connasse ! hurle-t-elle en se tournant.

    Oh, putain.

    Je me suis arrangée pour foncer dans quelqu’un qui me hait déjà : Bella Page.

    Nous sommes allées au lycée ensemble, à une époque.

    Encore pire. Elle est accompagnée de Beatrice et Brandi. Les trois B de l’enfer qui avaient l’habitude de se surnommer « les Reines des Abeilles ». Sans ironie.

    — Oh, mon Dieu ! lance Bella de sa voix traînante. Je dois être plus bourrée que je le croyais, parce que je jurerais qu’il y a la Cambouise devant moi.

    C’est comme ça qu’on m’appelait.

    Ça fait au moins six ans que je n’ai pas entendu ce surnom.

    Et pourtant, il m’emplit instantanément de haine pour moi-même, comme à l’époque.

    — Qu’est-ce que tu portes ? lance Beatrice avec un air de dégoût.

    Elle scrute ma salopette avec le genre d’expression horrifiée généralement réservée aux accidents de voiture ou aux meurtres de masse.

    — Je pensais bien que j’avais senti les poubelles, réplique Brandi en fronçant son parfait petit nez en trompette.

    Seigneur, j’avais espéré que ces trois-là avaient déménagé après l’école. Ou étaient mortes de la dysenterie, je ne suis pas difficile.

    Bella a coupé ses longs cheveux lisses en un carré plongeant. Beatrice s’est fait refaire les seins, et Brandi possède une pierre étincelante à son doigt. Malgré tout, elles sont toutes les trois belles, bien habillées et me regardent comme si j’étais une merde sur la semelle de leurs chaussures.

    — Waouh, dis-je d’un ton neutre. Ça m’a vraiment manqué.

    — Qu’est-ce que tu fiches ici ? demande Beatrice en croisant ses bras maigres sur ses nouveaux seins.

    — Tu ne devrais pas être dans ce gourbi de garage à te laver le visage avec de l’huile ? ricane Brandi.

    — Je pensais qu’elle serait sur Cermak, fait Bella en me scrutant de ses yeux bleus froids. À sucer des queues pour dix balles, comme sa mère.

    La chaleur, la fumée et la musique de la fête semblent se dissiper. Tout ce que je vois, c’est le joli visage de Bella tordu de mépris. Même quand je suis sacrément furieuse contre elle, je dois admettre que, elle, elle est magnifique. Des cils noirs et épais autour de grands yeux bleus. Un rictus au rouge à lèvres rose.

    Ce qui ne m’empêche pas de vouloir lui péter ses dents parfaites d’un coup de poing. Mais son père est une sorte de gros bonnet de la banque, à stocker de l’argent pour tous les connards de la haute de Chicago. Je ne doute pas qu’il m’attaquerait en justice jusqu’à ce que je disparaisse si j’agressais sa petite princesse.

    — Au moins, elle y gagne dix dollars, lance une voix grave. Toi tu le fais gratos en général, Bella.

    Nero Gallo est appuyé contre les placards de la cuisine, les mains dans les poches. Ses cheveux sombres sont encore plus longs qu’au lycée et retombent sur son visage. Ce qui ne couvre pas l’œil au beurre noir en dessous, ou la vilaine entaille sur sa lèvre.

    Et aucune de ces blessures ne peut gâcher la beauté scandaleuse de ses traits. En fait, elles ne servent qu’à les mettre en avant.

    Nero est la preuve de la perversité de l’univers. Il n’y a jamais eu d’objet aussi dangereux qui soit dissimulé sous un emballage si attirant. Il est comme une denrée rare, si rutilante et juteuse que vous en salivez, rien qu’en la regardant. Pourtant, une seule bouchée vous empoisonnerait.

    Il est du sexe liquide dans une silhouette à la James Dean. Tout chez lui, de ses yeux gris brouillard à ses lèvres pulpeuses ou à sa démarche arrogante, est calculé pour paralyser votre cœur dans votre poitrine, et ensuite le ramener à la vie s’il vous jetait ne serait-ce qu’un regard.

    L’humeur des filles change totalement dès qu’elles le voient.

    Loin d’être agacée par sa pique, Bella glousse et mordille sa lèvre comme s’il flirtait avec elle.

    — Je ne savais pas que tu serais là, dit-elle.

    — Pourquoi l’aurais-tu su ?

    Parler à Nero ne m’intéresse pas, et continuer ma conversation avec les Reines des Abeilles encore moins. Je dois retrouver mon frère. Avant que je puisse m’échapper, Nero demande :

    — C’est ta Trans Am dehors ?

    — Oui, dis-je.

    — De 77 ?

    — Oui.

    — La même que Burt Reynolds.

    — C’est ça, dis-je en souriant malgré moi.

    Je ne veux pas sourire à Nero. J’aimerais rester aussi loin que possible de lui. Mais il parle de la seule chose que je possède et que j’aime vraiment.

    Burt Reynolds conduisait la même voiture dans Cours après moi shérif, sauf que la sienne était noire avec un aigle doré sur le capot et que la mienne est rouge longée de rayures. Décolorée et cabossée, mais elle déchire encore, selon moi.

    Bella n’a aucune idée de ce qu’on raconte. Elle déteste simplement que Nero et moi discutions. Elle a besoin de ramener l’attention sur elle, immédiatement.

    — J’ai une Mercedes Class G, dit-elle.

    — Papa a dû avoir une bonne année, réplique-t-il en relevant cette lèvre supérieure pleine, plus gonflée que jamais avec cette ecchymose.

    — Naturellement, roucoule-t-elle.

    — Merci mon Dieu, il y a des héros comme lui pour aider tous ces pauvres milliardaires à cacher leur argent, rajouté-je.

    Bella tourne vivement la tête, tel un serpent, souhaitant manifestement que je m’en aille ou que je meure pour qu’elle puisse être seule avec lui.

    — S’il te plaît, dis-nous comment tu sauves le monde ? crache-t-elle. Est-ce que tu changes l’huile pour les orphelins ? Ou est-ce que tu es la même ratée qu’au temps du lycée ? J’espère vraiment que ce n’est pas le cas, parce que si tu es encore cette petite dégénérée crasseuse, je ne sais pas comment tu vas rembourser cette robe que tu viens de ruiner.

    Je regarde sa robe blanche moulante et les trois petites taches de punch sur le devant.

    — Pourquoi n’essaies-tu pas de la laver ?

    — On ne met pas une robe à huit cents dollars dans une machine à laver, rétorque-t-elle. Mais comment pourrais-tu le savoir ? Tu ne nettoies déjà pas tes propres vêtements ! Ou quoi que ce soit d’autre, apparemment.

    Elle renifle mon maillot de corps sale et mes cheveux attachés en arrière avec un bandana graisseux.

    Je brûle de honte quand elle me regarde comme ça. Je ne sais pas pourquoi. L’opinion de Bella n’a aucune valeur pour moi. Mais je ne peux pas protester contre les faits : je suis pauvre et mon allure est épouvantable.

    — Tu perds ton temps, dit Nero d’un ton ennuyé. Elle n’a pas huit cents dollars.

    — Seigneur, glousse Beatrice. Levi a vraiment besoin d’engager des vigiles pour ces soirées. Pour empêcher les déchets de rentrer.

    — Tu es sûre que tu arriverais à passer ? réplique-t-il doucement.

    Il prend une bouteille de vodka sur le comptoir, avale plusieurs gorgées, puis s’éloigne des filles. Il ne me regarde pas du tout, comme s’il avait oublié ma présence.

    Les Reines des Abeilles m’ont oubliée aussi ; elles le contemplent avec mélancolie alors qu’il repart.

    — Quel enfoiré, lance Beatrice.

    — Mais qu’est-ce qu’il est magnifique, murmure Bella d’une voix basse et déterminée.

    Elle reluque son dos comme s’il était un sac Birkin en Louboutin.

    Pendant qu’elle se consume de désir, j’en profite pour filer dans la direction opposée, cherchant Vic. Ne le voyant pas au rez-de-chaussée, je monte l’escalier et commence à fouiller dans les chambres où soit les gens fricotent, soit ils reniflent de la coke, ou jouent à GTA.

    La maison est immense, mais délabrée. Ce n’est clairement pas sa première fête : les boiseries sont creusées, les murs criblés de trous un peu partout. À l’allure des chambres, je suppose que plusieurs personnes vivent ici, probablement que des hommes. Les invités sont un mélange étrange de mondains qui s’encanaillent, comme Bella, et d’éléments plus bruts. Je n’aime pas que mon frère se mêle à cette foule.

    Je le retrouve finalement dans le jardin, à jouer au ping-pong sur une table extérieure. Il est si pété qu’il peut à peine tenir sa raquette et est incapable de garder les yeux sur la balle.

    Je le saisis par l’arrière du T-shirt et commence à le traîner.

    — Hé, c’est quoi ce bordel ! hurle-t-il.

    — On s’en va, grogné-je.

    — Je ne pense pas qu’il veuille partir, me lance Andrew.

    Je méprise ce type. C’est un petit merdeux suffisant qui aime s’habiller et parler comme un gangster, alors que ses parents sont tous les deux chirurgiens et que je sais qu’il a été accepté en avance par l’université de Northwestern.

    Son futur est assuré. Il peut s’amuser à jouer les bad boys, et quand il sera fatigué, il partira à la fac et laissera mon frère derrière dans la fange.

    — Dégage de ma vue avant que j’appelle tes parents, menacé-je.

    Il ricane.

    — Bonne chance ! Ils sont à Aruba en ce moment.

    — C’est bon, c’est bon, je viens, abdique Vic, vaseux. Laisse-moi prendre mes affaires au moins.

    Il prend son sac à dos sous la table de jeu, trébuchant presque sur ses propres pieds dans ses baskets ridicules.

    — Allez, dis-je avec impatience en le traînant.

    Je l’emmène vers le portail latéral, ne voulant pas traverser à nouveau la maison et risquer une nouvelle rencontre avec Bella.

    Une fois de retour sur le trottoir, je me détends un peu. Je suis toujours énervée contre Vic pour s’être saoulé, en revanche.

    — Tu iras quand même travailler demain, annoncé-je. Je te réveille à 7 heures, et j’en ai rien à foutre si t’as la gueule de bois.

    — Bordel, mais je déteste ce boulot de merde, se plaint-il en traînant des pieds derrière moi.

    — Oh, tu n’aimes pas emballer les courses ? Alors peut-être que tu devrais te sortir les doigts et réussir à l’école, pour ne pas avoir à le faire pour le restant de tes jours.

    Je le pousse dans le siège passager de la Trans Am, claquant la portière sur son nez.

    — Tu n’es pas allée à la fac, toi, dit-il avec ressentiment.

    — Oui, et regarde-moi, rétorqué-je en montrant mes vêtements crasseux. Je vais travailler dans ce garage toute ma vie.

    Je m’engage sur la route. Vic cale sa tête contre la fenêtre.

    — Je pensais que tu aimais ça…

    — J’aime les voitures. Je n’aime pas changer l’huile des gens et réparer leurs conneries, puis après les entendre baver sur moi et se plaindre du prix.

    Je tourne dans Goethe, roulant lentement parce qu’il se fait tard et que la rue n’est pas très bien éclairée.

    Malgré ça, le visage de Vic commence à prendre une teinte verdâtre.

    — Gare-toi, dit-il. Je crois que je vais vomir.

    — Tiens encore un peu. Je ne peux pas…

    — Gare-toi ! crie-t-il en empoignant vivement le volant.

    — Putain ! hurlé-je en le redressant avant que nous heurtions les voitures alignées le long du trottoir.

    Avant que je puisse trouver un bon endroit où me garer, des lumières bleues et rouges jaillissent dans mon rétroviseur. J’entends le hululement bref d’une sirène.

    — Putain ! grogné-je en me garant au bord de la route.

    Vic ouvre sa portière, se penchant pour pouvoir vomir sur la chaussée.

    — Ressaisis-toi, marmonné-je.

    L’officier sort de sa voiture et toque à ma fenêtre, m’aveuglant avec sa lampe torche.

    Je baisse la vitre, clignant des yeux et essayant d’humidifier ma bouche sèche, suffisamment pour parler.

    — Est-ce que vous avez bu ce soir ? demanda-t-il.

    — Non, monsieur. Désolée, mon frère est malade…

    Le policier déplace sa lumière vers Vic, éclairant ses yeux injectés de sang et son T-shirt éclaboussé de vomi.

    — Sortez de la voiture, ordonne-t-il à mon frère.

    — Est-ce vraiment… ?

    — Sortez ! aboie-t-il.

    Vic ouvre la portière et trébuche dehors, essayant d’éviter le vomi. Son pied s’accroche à son sac à dos, l’emportant dans la rue également.

    L’officier le fait se tenir avec les mains sur le toit de ma voiture.

    — As-tu des armes sur toi ? demande-t-il en le fouillant.

    — N…nan, répond mon frère en secouant la tête.

    Je suis aussi sortie, même si je reste de mon côté.

    — Je le ramène à la maison, monsieur, dis-je.

    Le policier s’arrête, la main sur l’extérieur de la jambe de Vic.

    — Qu’est-ce qu’il y a dans ta poche, petit ?

    — Rien, répond-il stupidement.

    Le policier fouille son jean et en sort un petit sac. Un poids s’abat dans mon estomac jusqu’à mes orteils. Il y a deux cachets à l’intérieur.

    — C’est quoi ça ? l’interroge le policier.

    — Sais pas. C’est pas à moi.

    — Reste là où tu es, ordonne le policer.

    Il ramasse le sac à dos de Vic et commence à farfouiller dedans. Une minute plus tard, il sort un sac congélation rempli d’au moins une centaine de cachets identiques.

    — Laisse-moi deviner, dit-il. Ce n’est pas à toi non plus.

    Avant que Vic puisse répliquer, je lâche :

    — C’est à moi !

    Merde, merde, merde. Qu’est-ce que je fous ?!

    L’officier lève le regard vers moi, les sourcils haussés. Il est grand et fin, avec une mâchoire carrée et des yeux bleu vif.

    — Vous êtes sûre de ça ? demande-t-il doucement. Ça fait beaucoup de produit. Bien plus que pour une utilisation personnelle. On parle de possession de drogue avec intention de la vendre.

    Je transpire et mon rythme cardiaque s’emballe. C’est un putain de gros problème, là. Mais ça va devenir le mien, pas celui de Vic. Je ne peux pas le laisser détruire sa vie comme ça.

    — C’est à moi, affirmé-je. Tout est à moi.

    Le regard de Vic passe sans cesse du policier à moi, si enivré et effrayé qu’il n’a aucune idée de quoi faire. Je rive mes yeux aux siens et fais un minuscule mouvement de tête, lui disant de garder la bouche fermée.

    — Remonte dans la voiture, gamin, lui dit le policier.

    Vic se rassoit sur le siège passager. L’officier ferme la portière, le bloquant à l’intérieur. Puis, il repose son attention sur moi.

    — Quel est votre nom, mademoiselle ?

    — Camille Rivera, dis-je en déglutissant difficilement.

    — Je suis l’officier Schultz, dit-il en désignant son badge. Venez ici, Camille.

    Je contourne la voiture pour que nous nous trouvions tous les deux dans la lumière des phares.

    Alors que je me rapproche, je me rends compte qu’il est plus jeune que je le pensais ; peut-être 30 ans, 35 maximum. Il a des cheveux blonds coupés court, rasés sur les côtés, et le visage hâlé. Son uniforme est sévèrement amidonné.

    Il me sourit, et je n’ai jamais eu si peur de quelqu’un de toute ma vie. Il détient mon destin entre ses mains, sous la forme d’un sac en plastique rempli de cachetons.

    — Savez-vous ce que c’est, Camille ?

    Je regarde les pilules qui ressemblent un peu à des biscuits vitaminés pour enfants. Tamponnées

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