Pot-pourri de voyages
Par Suzie Pelletier
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À propos de ce livre électronique
Ce recueil contient vingt-et-un textes nés au hasard des rues d’une ville ou d’une région, quelque part dans le monde. Ces écrits dissociés les uns des autres connecteront les lecteurs avec l’univers.
Suzie Pelletier
Native de Sherbrooke, Suzie Pelletier habite Kirkland, dans l’ouest de l’île de Montréal, depuis plus de 25 ans. Elle écrit des nouvelles depuis l'adolescence. Elle est également une conférencière inspirée, une animatrice scolaire d'expérience et un coach en écriture.
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Aperçu du livre
Pot-pourri de voyages - Suzie Pelletier
De la même auteure
Aux Éditions Véritas Québec:
Le Réveil (Le Pays de la Terre perdue – tome I), 2013
L’Hiver (Le Pays de la Terre perdue – tome II), 2013
La Mer (Le Pays de la Terre perdue – tome III), 2014
Les Visiteurs (Le Pays de la Terre perdue – tome IV), 2014
Le Retour (Le Pays de la Terre perdue – tome V), 2015
Emmanuel (Le Pays de la Terre perdue – tome VI), 2015
Des nouvelles du Pays de la Terre perdue, 2017
Aux Éditions Messagers des Étoiles:
Deux petites roses au ballet (texte du collectif Un bouquet de roses), 2013
Le passeur – Fédération québécoise du loisir littéraire:
Le bouton à quatre trous, 2013
Aux Éditions du Défi:
La vengeance d’Amélie (intrigue – novella), 2017
La fuite d’Emma (intrigue – novella), 2017
Le destin de Nancy (intrigue – novella), 2017
Noémie et Maxime en Irlande, I – L’île d’Achill, 2018
Aux Éditions Bôchagri:
Je suis gaie! (texte du collectif La fierté a une ville!), 2017
Suzie Pelletier écrit également sur le Web:
www.lavieestbelle54.blogspot.ca
www.wattpad.com/suziepelletier
Éditeur:
Les Éditions du Défi
96, rue Daudelin
Kirkland (QC) H9J 2J6
www.editionsdudefi.ca
Service de publication accompagnée BouquinBec
Illustration de la couverture: Maxime Bigras (www.maximebigras.com)
Grille graphique et mise en pages: Marie Blanchard (marieBdesign.com)
Révision linguistique et correction d’épreuves: Magali Laurent
Conversion numérique: Maryse Bédard
© Suzie Pelletier, 2018
ISBN version imprimée: 978-2-924785-08-9
ISBN version numérique (ePub): 978-2-924785-09-6
Dépôt légal – 3e trimestre 2018
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit, photographie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre, constitue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d’auteur.
Tous droits réservés
Note de l’auteure
Les voyages m’apportent autant d’occasions de laisser libre cours à ma créativité rendue débordante par le flot vertigineux de données hétéroclites que je reçois au cours de chaque périple. Ainsi, je m’amuse à interpréter ces informations hors de leur contexte et à les déconnecter volontairement de la réalité. Au fil de mes pas, un restaurant devient la scène d’une chicane de couple, une plante dévore des gens, un personnage fera partie d’une intrigue. N’importe quel élément que captent mes yeux, mes oreilles ou mon nez camoufle une pièce de fiction… ou à conviction.
Ces instants d’euphorie totale m’obligent à coucher sur papier, ou sur l’ordinateur, ce qui flotte dans ma tête, afin de m’en libérer. Ça me permet de passer à autre chose. L’exercice devient sublime, merveilleux et très satisfaisant.
Ce recueil contient vingt et un textes nés au hasard des rues d’une ville ou d’une région, quelque part dans le monde. On y retrouve des scènes en Europe, dans les Caraïbes, en Amérique du Sud ou, simplement, dans un coin du Québec. Les styles et les genres varient selon l’inspiration du moment.
Ces écrits dissociés les uns des autres me connectent avec l’univers. J’espère qu’ils en feront autant pour les lecteurs.
Merci aux membres de mon comité de lecture (Nicole La Fontaine, Francine Lussier, Diane Pelletier et Rose-Anne Gladu) pour leur contribution extraordinaire. Elles m’ont aidée à faire de ce projet un recueil rempli de nouvelles fort captivantes.
Amusez-vous!
Suzie Pelletier
Table des matières
Note de l’auteure
Paris, France, avril 2015
Les pickpockets
Paris, France, mars 2015
Assassinat à Montmartre
Sherbrooke (Québec), Canada, octobre 2014
Un crime au Salon du livre
Sherbrooke (Québec), Canada, juin 2012
La carte professionnelle
Varadero, Cuba, février 2015
La plante sauvage
Varadero, Cuba, février 2015
Étourderie à Varadero
Trois-Rivières (Québec), Canada, mars 2013
L’homme dans le corridor
Trois-Rivières (Québec), Canada, mars 2017
Alexandre
Chilcapamba (Imbabura), Équateur,mars 2012
Rosa et le droit à l’eau potable
Chilcapamba (Imbabura), Équateur,février 2012
Les trafiquants des Andes
Belœil (Québec), Canada, 2012
Deux petites roses au ballet
Gatineau (Québec), Canada, 2009
Une marche dans la brume
Gatineau (Québec), Canada, 2007
La chevauchée
Samana, République dominicaine, 2010
Le couple de la différence
Le Parc national de la Gaspésie (Québec), Canada, été 2017
L’eau, la montagne et le feu
Le Bic (Québec), Canada, été 2012
Claire et l’enfant
Marbella (Andalousie), Espagne, 2011
Drame à Marbella
Montréal (Québec), Canada, novembre 2014
Le Contrat
Montréal (Québec), Canada, novembre 2012
Le train du courage
Prague,Tchéquie, juin 2017
Le pont
Bratislava, Slovaquie, juin 2017
Les pantoufles ensanglantées
Éditions du Défi
Landmarks
Cover
Title-Page
Copyright Page
Body Matter
Table of Contents
Back Matter
«Le véritable voyage de découverte
ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages,
mais à avoir de nouveaux yeux.»
Marcel Proust
Paris, France, avril 2015.
Les évènements de ma vie me font écrire. J’ai vécu cette scène dans le métro. Une Rom a tenté de subtiliser mon porte-monnaie et j’ai réagi instinctivement. Bouleversée par l’incident, incapable de comprendre de tels agissements, j’ai décidé de m’en libérer en inventant une existence à cette voleuse…
Les pickpockets
Sur le quai de la station de métro Notre-Dame-des-Champs, dans le quinzième arrondissement de Paris, règne une atmosphère sombre et lourde, comme si l’oxygène allait bientôt manquer. Les lieux crasseux invitent à se dépêcher, pour attendre impatiemment le prochain train. Le brouhaha causé par les passagers pressés s’ajoute malicieusement au grincement de la rame de wagons en partance. Cette sorte de brume morne qui entoure les voyageurs est propice à l’engourdissement. On dirait même que le soleil n’existe que dans un autre monde, loin de l’univers de Paris. Le moment est parfait pour les pickpockets qui circulent allègrement dans la foule, bousculant l’un pour détrousser son voisin. Certains, dont les poches sont gonflées de trésors, quittent en douce la station. D’autres, en quête d’un butin plus important, restent à l’affût.
Roxana, une Romni de dix-huit ans, examine cette foule de ses prunelles noires où s’exprime une colère à peine contrôlée. Elle se tient debout, les bras croisés. Du coin de l’œil, elle observe ses acolytes, Ana, sa fidèle amie, et Nathalie, une débutante malhabile. Elle fronce les sourcils. Son équipe ne fournit pas le rendement attendu, surtout depuis qu’on lui impose cette recrue, et ça la rend amère. La voleuse expérimentée a tenté à maintes reprises de convaincre Victor, son patron, que l’enfant de treize ans n’arrivera jamais à devenir une pickpocket efficace. Il n’a rien voulu entendre.
Généralement, les nouveaux n’ont besoin que de quelques semaines pour se transformer en excellents vide-goussets, mais l’adolescente reste encore incapable de subtiliser correctement le moindre objet de valeur, même après huit mois d’entraînement intensif. Son seul exploit fut d’apprendre la langue romani dans un temps record. Roxana a recommandé à Victor de la diriger vers un autre métier, un rôle de prostituée peut-être. L’homme s’est contenté de rire malicieusement, laissant supposer que le problème ne le regardait pas. Agacée, la chef tente à nouveau de secouer la recrue:
— Natalia! Concentre-toi! C’est à ton tour!
— Vas-y mollo, là! J’ai encore besoin d’observer la technique, moi!
L’enfant a levé les bras dans les airs pour les redescendre rapidement dans un geste désespéré. Roxana réfléchit un instant. Si elle accepte la demande de Nathalie, son équipe arrivera peut-être à respecter le quota imposé. Elle soupire devant l’évidence. Victor ne lui laisse aucun choix. La recrue doit assumer son rôle. Elle doit réussir à délester un voyageur de son bien.
La voleuse expérimentée frotte son visage de sa main pour retrouver un peu de calme. En tant que chef, elle doit obliger l’adolescente à prendre sa place, sinon Victor la passera sérieusement à tabac, elle plutôt que Nathalie. D’une certaine manière, l’enfant lui fait pitié. Rien dans son attitude de jeune fille de bonne famille française ne l’associe à la classe sociale de la communauté à laquelle appartient Roxana. On les appelle également Tziganes, Gitans, Bohémiens, Manouches ou Romanichels, selon le pays qu’ils habitent, mais ces nomades viennent originellement de l’Inde. Leur culture commune apatride, basée sur le détroussement des autres, force leur inclusion dans le mégagroupe des Roms partout dans le monde.
À Paris, Roxana et ses acolytes se fondent dans la foule. Habillées d’un jean et de talons hauts, elles portent aussi un manteau chaud qui les protège du vent frais de mars. Leurs visages légèrement maquillés les font passer pour des Parisiennes sophistiquées plus âgées qu’elles ne le sont en réalité.
Pour le moment, Roxana est nerveuse, car son échange avec Nathalie risque d’attirer l’attention des policiers si la plus jeune s’énerve et s’agite. Elle examine la foule qui s’accumule sur le quai. Elle tente à nouveau de convaincre l’adolescente.
— Natalia, tu es une Romni. Fais-toi à l’idée. Tu dois contribuer au soutien de notre communauté. Dieu nous protège dans notre volonté de voler les plus riches pour survivre. C’est notre droit le plus fondamental! Tu as entendu les menaces de Victor, ce matin? Il te battra si tu ne reviens pas avec le produit d’au moins un larcin.
— Je ne suis pas une Romni! Je m’appelle Nathalie, avec un «h» au milieu et un «e» à la fin, non pas un «a»! Ma mère était française! Je ne veux pas devenir pickpocket! Je refuse d’appartenir à votre foutue société de bandits de grand chemin!
Ana n’a pas encore parlé, laissant plutôt sa chef s’occuper de cet être faiblard. Le regard rempli de fureur, elle s’avance vers la recrue qu’elle domine de cinquante centimètres. Elle la gifle violemment au visage.
La conversation se déroulant en romani, les usagers du métro ne peuvent suivre les échanges entre les gitanes. Quand Nathalie se retrouve par terre, un bras s’étirant au-delà du quai d’embarquement, juste au-dessus du rail, deux hommes s’empressent de la remettre sur pied. Mais, comprenant qu’ils ont affaire à des Roms, ils se déplacent vers l’autre bout de la station.
Portant ses doigts à sa joue qui gonfle déjà, Nathalie commence à pleurer.
— Je ne veux pas t’entendre chialer! crache Ana. Cette claque n’est rien à côté de ce que ton frangin t’imposera s’il apprend que tu rejettes encore tes origines.
— Victor n’est que mon demi-frère! Un faux frère…
Nathalie n’a pas terminé sa phrase qu’une deuxième gifle la fait rouler sur le sol dallé. Les gens se reculent sans se préoccuper de cette chicane. Les Parisiens se tiennent loin de ces gens parlant romani et qui, pour la plupart, sont des voleurs. La jeune fille se relève péniblement, animée par la seule volonté de ne pas céder à ses deux bourreaux. Elle serre les dents et soutient le regard furieux d’Ana. Elle ferme les poings et s’apprête à répondre à cette agression quand Roxana l’arrête dans son élan.
— Assez! lance celle-ci pour mettre un terme à l’altercation qui attire un peu trop l’attention.
Elle jette un coup d’œil du côté de l’entrée du métro pour s’assurer que les policiers sont occupés à discuter avec d’autres personnes, puis elle donne des directives précises:
— Placez-vous toutes les deux sur le banc là-bas! Je ne veux plus entendre un mot jusqu’à ce que j’aie repéré une cible facile.
Une fois assise sur un siège de plastique inconfortable, Nathalie revient péniblement sur les évènements de la dernière année. Elle vivait heureuse avec sa mère. Madeleine lui parlait parfois de son père qu’elle présentait toujours comme quelqu’un de beau et de gentil. L’enfant ne comprenait pas l’amour de Madeleine pour un homme qui avait disparu de leur existence avant sa naissance. Pourtant, cette vie à deux lui convenait bien. Puis, il y a deux ans, Madeleine est tombée malade. Le cancer s’est développé avec force, ne lui laissant aucune chance.
Sans famille, Madeleine a tenté de retrouver celui qui les avait abandonnées, afin qu’il assume ses responsabilités et se charge de l’éducation de sa fille. Il y a quatorze ans, Nicolea, un beau magouilleur à la peau basanée et au regard noir, s’était réfugié chez cette femme fragile et fort naïve. Il cherchait à se faire oublier à la suite d’un braquage de banque qui avait mal tourné. Quelques années plus tard, le père de Nathalie a perdu la vie au cours d’une rixe. Informé de la demande de Madeleine, son fils aîné a pris la relève pour s’occuper de l’adolescente alors âgée de douze ans, l’identifiant aussitôt comme une recrue supplémentaire pour son groupe de voleurs. Bien sûr, Madeleine a cru en l’honnêteté de Victor. Ne ressemblait-il pas en tout point à ce Nicolea de sa jeunesse? Elle refusait de voir son comportement de manipulateur hérité de son géniteur.
Nathalie soupire au souvenir d’un autre évènement douloureux. Il y a deux mois, incapable de s’adapter à ce monde insolite, révoltée par cette vie de pickpocket que son demi-frère exigeait d’elle, elle a fugué. Utilisant son large réseau de Roms, Victor l’a retrouvée facilement en quelques heures, sans qu’elle puisse quitter Paris. La correction qu’il lui a infligée l’a immobilisée pendant des semaines. Nathalie a eu peur de mourir, mais l’homme sait faire mal sans casser les os. Elle arrivait à peine à marcher quand il l’a forcée à reprendre l’entraînement.
Ce matin, le leader de la bande a donné des ordres très clairs. Sa demi-sœur doit rapporter au moins un porte-monnaie, sinon il la tabassera encore. Nathalie sait que Victor appliquera ce régime tant et aussi longtemps qu’elle résistera à devenir pickpocket. Elle ne peut se sauver de nouveau, ce qui ajoute lourdement à son fardeau. Elle se sent coincée dans cette existence de paria de la société française, prisonnière d’une vie dont elle ne veut pas.
Pendant que Nathalie laisse son malheur l’envahir, de nouveaux voyageurs s’agglomèrent sur le quai. Roxana s’avance vers elle et se penche pour lui parler doucement, souhaitant que cette approche apporte enfin le résultat escompté.
— Natalia, vois-tu ce couple âgé qui transporte cette grosse valise? Regarde la sacoche de la femme qui ballote de tous bords. L’homme a placé son portefeuille dans la poche arrière de son pantalon. Leur attention est entièrement dirigée sur l’énorme bagage qui semble très lourd. Ils ne réaliseront le vol que plus tard. Tu as le choix entre les deux. C’est facile, tu y arriveras. Nous resterons à côté de toi pour que tu puisses passer le butin à l’une d’entre nous. Viens!
Sans attendre la réponse de Nathalie, qui la regarde avec des yeux de biche apeurée, Roxana la prend par le bras et s’approche des deux voyageurs, suivie par Ana qui couvre leurs arrières.
Quand le métro arrive, le couple déplace péniblement la lourde valise à l’intérieur de l’habitacle. L’homme s’assoit en tenant le bagage devant lui, enlevant du coup la possibilité de subtiliser son portefeuille. Nathalie observe la dame s’accrocher à un poteau de soutien près de la porte et poser une main sur sa sacoche. La jeune voleuse en herbe réfléchit. Elle sait comment traiter la situation. Roxana lui a fait pratiquer la manœuvre plusieurs fois avec Ana, pour mieux l’apprendre. De toute façon, elle n’a pas d’autre choix que d’obéir. Elle respire profondément et sent aussitôt la tension diminuer dans son corps. En cet instant précis, la peur des représailles lui fait mettre en veilleuse ses valeurs ancrées dans son éducation française et elle décide d’adhérer à la mentalité rom qui dicte de détrousser son prochain à tout prix.
Au moment où le métro part vers la station suivante, la pickpocket simule une perte d’équilibre et plonge rapidement son bras droit près des yeux de la femme aux cheveux blancs pour atteindre la barre de métal, comme pour se retenir de tomber. Le recul involontaire de la dame lui fait lâcher prise momentanément sur son sac à main. Nathalie profite de ces quelques secondes pour ouvrir la fermeture éclair et subtiliser le porte-monnaie noir. Elle voit qu’un sourire fend le visage de Roxana, ce qui la rassure, elle, l’adolescente devenue truande.
Nathalie n’a cependant pas le temps de savourer son exploit. D’un coup d’œil rapide, la femme aux cheveux blancs note l’absence de son bien. Une seconde à peine lui suffit pour comprendre qu’on vient de la voler. Saisissant immédiatement qu’elle a affaire à une pickpocket, elle empoigne Nathalie par le collet et pose solidement sa main sur le fourre-tout accroché au cou de l’adolescente, bloquant ainsi ses bras. La dame en colère hurle avec un accent québécois:
— Tabarnac! T’as piqué mon porte-monnaie! Rends-le-moi! Tout de suite!
Dans l’habitacle, la stupéfaction frappe les usagers. Comment cette femme de soixante ans peut-elle réagir avec une telle rapidité? D’une façon aussi vive? Elle n’a pas froid aux yeux, la Québécoise! L’homme qui se tient debout derrière Nathalie affiche un air étonné. Une dame d’âge mûr, agréablement surprise qu’on traite une pickpocket de cette façon, reste toutefois sur le qui-vive, craignant un geste plus dangereux de la voleuse. Une attaque au couteau, par exemple. Une jeune fille laisse échapper un petit cri et porte sa main à sa bouche. Tous ont saisi l’accent québécois et voudraient clamer: «Vas-y! Chère cousine du Québec!»
Nathalie tente de résister, mais la femme la coince solidement contre le poteau de soutien. La voleuse n’a même pas eu le temps de passer l’article à l’une de ses comparses. Si la police s’en mêle, on trouvera le butin dans sa main. Une sueur froide coule sur sa peau et ses yeux s’écarquillent alors que la pression s’intensifie sur son cou. Elle étouffe.
Du coin de l’œil, Nathalie voit des voyageurs se glisser dans les allées pour empêcher toute fuite. Deux autres se placent devant la porte du wagon, anéantissant toute chance d’évasion rapide à l’arrêt du train. La peur fait trembler l’adolescente sans qu’elle puisse se contrôler. Le visage de la Québécoise aux cheveux blancs s’empourpre sous l’effet de la colère et ses yeux semblent cracher du feu. Nathalie reçoit en plein visage le souffle de sa respiration saccadée et bruyante. La dame en furie resserre un peu plus son étreinte et secoue sa victime. La voleuse ressent aussitôt une vive douleur au dos.
— Tabarnac! Tu me donnes mon portefeuille tout de suite! répète la Québécoise.
Roxana fusille la recrue du regard, puis elle lui parle en romani:
— Connasse! Incapable! Cette fois, Victor te tuera! C’est certain. Au moins, je serai débarrassée de toi.
Pour sauver sa peau, Nathalie relâche sa prise sur l’objet subtilisé qui tombe sur le sol. Elle répond difficilement en français en direction de sa tortionnaire:
— C’est bon! Lâchez-moi! Regardez! Vous l’avez juste fait tomber par terre!
L’étreinte se desserre aussitôt et la femme aux cheveux blancs se penche pour