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Au-delà des Collines
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Au-delà des Collines
Livre électronique280 pages5 heures

Au-delà des Collines

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À propos de ce livre électronique

Dans le dernier volet de la saga A l'Ombre des Collines, le temps est venu pour chacun de tracer son propre chemin.


Quand un nouvel évêque, influent et ambitieux, accède au pouvoir, les tambours de guerre résonnent une nouvelle fois dans la vallée.

Des cachots de Venise aux champs de bataille d

LangueFrançais
Date de sortie1 oct. 2021
ISBN9782970131571
Au-delà des Collines
Auteur

Audrey Moulin

Audrey Moulin est née dans le canton du Valais, en Suisse. Dès son plus jeune âge, elle se passionne pour la lecture et rêve de faire de l'écriture son métier. Après des études de littérature anglaise à l'Université de Liverpool ainsi qu'à l'Open University, elle retrouve son Valais natal où elle travaille en tant qu'enseignante entre de nombreux voyages. C'est en 2013 qu'elle met enfin un point final à son premier roman jeunesse, Esmeralda et l'Arbre du Temps . Fin 2016, après une année passée à San Diego, elle auto-édite le tome 2, Esmeralda et les Secrets Dévoilés . Dès le mois de janvier 2017, de retour chez elle, elle s'attèle à l'écriture de sa première fiction historique, A l'ombre des collines . Il s'agit d'un véritable retour aux sources après deux romans inspirés de son expérience de globe-trotteuse. Avec A l'ombre des collines , elle rend hommage à sa ville de Sion, dont les châteaux perchés sur des collines l'ont toujours fascinée.

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    Aperçu du livre

    Au-delà des Collines - Audrey Moulin

    … Un jour nouveau se lève

    II

    Environs de Florence, janvier 1477

    sabelle berçait Andrea. Elle lui chantait une comptine qu’elle tenait de sa mère. Dans son berceau à bascule en bois oriental, couvert par un édredon en laine épaisse cousu par les meilleures tisserandes de Toscane, le petit garçon s’assoupissait paisiblement. Pas un bruit ne venait briser le calme de la pièce située au troisième étage de la grande maison de campagne d’Amerigo. Un plancher luisant, des tapis d’une beauté sans égale, des tableaux de maitres et un mobilier digne des plus grands princes d’Europe rendaient la demeure royale. Isabelle avait grandi dans la haute société, mais jamais elle n’avait goûté à tant de confort et de splendeur. Malgré tout, elle n’en profitait pas. Plus de deux mois après leur départ de Venise et l’attaque brutale qu’ils avaient subie, elle n’avait toujours aucune nouvelle de Sebastian. Accompagnée de Magdalena et de ses deux filles, elle était arrivée à Florence, terrorisée et affamée. Elle avait facilement trouvé Amerigo, qui les avait accueillies à bras ouverts, soulagé de les voir saines et sauves. Chez lui, se réfugiaient déjà Alice, Louis et, pour le plus grand soulagement d’Isabelle, le petit Andrea. Durant d’interminables semaines, Isabelle et Sebastian l’avaient cherché partout, après que leur enfant leur ait été arraché lors des terribles événements qui avaient mis un terme à leur résidence vénitienne. Dans ses pires cauchemars, Isabelle avait maintes fois imaginé, alors qu’ils étaient perdus, prisonniers sur un bateau en pleine Méditerranée, qu’elle ne reverrait jamais son fils. De retour à Venise suite à leur captivité, les Asperlin avaient écumé la ville, retrouvant tour à tour Lucien, puis Magdalena et ses filles. Alice, Louis et le petit Andrea, quant à eux, semblaient avoir disparu.

    Lorsqu’Amerigo l’avait donc guidée jusque dans la nurserie, où Alice était en train de nourrir l’enfant, la jeune femme s’était écroulée, terrassée à la fois par le soulagement de tenir à nouveau son fils dans ses bras, et l’angoisse d’avoir perdu, peut-être à jamais, son époux et son meilleur ami. Amerigo, toujours amicalement surnommé « le Florentin » par Sebastian, avait bien sûr immédiatement envoyé ses hommes les plus fidèles en direction de Venise, sur la trace de son associé. Mais Isabelle n’avait que très peu d’espoir. L’attaque avait été si violente et les derniers mots de Sebastian si convaincants, qu’elle n’osait croire à son retour.

    Depuis, elle revivait sans cesse ces instants de terreur, sur une route de campagne à quelques lieues de Venise. Juste avant que tout ne bascule, la petite troupe, d’humeur légère, riait de bon cœur suite à la chanson entonnée par Lucia. Puis, le premier coup de feu avait retenti. Les chevaux, comme les humains, avaient été pris de panique. Très vite, Isabelle s’était retrouvée au sol, heurtant la terre battue du sentier avec violence. Le souffle coupé, elle avait tenté de relever la tête, mais n’avait pu apercevoir que les capes noires des cavaliers sortis tout droit de l’enfer.

    Sebastian n’avait pas eu le temps de réagir. Les hommes étaient arrivés de nulle part, se matérialisant sur le sentier, armés comme des démons. En quelques instants, Lucien avait déjà été fait prisonnier, jeté sans ménagement, pieds et poings liés, sur la croupe de l’un des chevaux. La rapidité de l’attaque avait coupé le souffle du chevalier et, lorsqu’il avait senti le familier contact du métal sur la chair de son épaule, il n’avait pu retenir un cri de douleur. Gisant sur le sol, attendant qu’on l’emmène à son tour, il avait croisé le regard terrifié d’Isabelle. La jeune femme avait deviné, avant même qu’il ne prononce un mot, ce qu’il s’apprêtait à lui dire. Les agresseurs n’étaient guère intéressés par les femmes qui accompagnaient Sebastian et Lucien. Dans un dernier souffle, avant de perdre connaissance, Sebastian s’était donc adressé une dernière fois à son épouse :

    >Chapitre 2

    Pays sans chemin

    LI

    Environs de Venise, novembre 1476

    orsque Sebastian reprit connaissance, il se trouvait à bord d’un chariot. Durant quelques instants de confusion, il espéra qu’il s’agisse du véhicule dans lequel ils avaient embarqué lors de leur fuite de Venise. Il imagina furtivement que, s’il relevait la trappe située à l’avant du véhicule, il apercevrait Lucien, les rênes en main, ainsi que Magdalena et ses filles, confortablement installées à ses côtés. Isabelle serait en selle, trottinant à côté du chariot. Cependant, il fut rapidement ramené à la réalité lorsqu’il sentit les cordes qui entravaient ses mains, les retenant dans son dos. Sa tête lui faisait terriblement mal tandis qu’une douleur lancinante lui déchirait l’épaule. Aucun doute ne subsistait, ils avaient été attaqués et ils avaient perdu. À l’autre bout du véhicule, Lucien était toujours inconscient. Au grand soulagement de Sebastian, son meilleur ami respirait normalement et semblait en bonne santé. Sa propre blessure à l’épaule le faisait souffrir. Il avait cependant déjà fait l’expérience d’une lame traversant sa chaire lors de la bataille de la Planta, un an auparavant, et il savait que cette deuxième entaille était bien moins sérieuse. Au moins, les deux hommes étaient plus ou moins en pleine possession de leurs moyens. Ils pourraient tenter de s’enfuir lorsque l’occasion se présenterait. Leur famille les attendait à Florence, pour autant que la fuite se soit bien passée pour Isabelle, Magdalena et les enfants.

    Isabelle devait à tout prix rejoindre la ville toscane et retrouver leur fils, qu’ils cherchaient depuis si longtemps.

    Le trajet dura plus d’une heure et, tout à coup, le véhicule fut plongé dans les ténèbres. La trappe arrière s’ouvrit et des bras l’attrapèrent pour le trainer dehors. Sebastian perdit l’équilibre et chuta sur le sol en pierre, froid et humide. Lucien avait retrouvé une partie de ses esprits. Il peinait à tenir sur ses deux pieds. Sans un mot, les deux hommes furent expédiés dans un cachot sombre et malodorant. Leurs geôliers leur ôtèrent les cordes qui retenaient leurs mains avant de refermer brusquement la lourde porte en métal. Une faible lumière provenait d’une ouverture située au niveau du plafond, qui permettait d’apercevoir le ciel. Le soleil brillait, la journée était calme. Rien n’avait laissé présager un tel dénouement. Mis à part, peut-être, ce nuage de tempête qu’ils avaient tout à coup aperçu sur la route alors qu’ils fuyaient Venise. Sebastian se souvint avoir été nerveux à sa vue, comme s’il présageait des problèmes. Lucien poussa un long soupir et secoua la tête. Il semblait aller bien.

    Lucien rit de bon cœur, conscient que leurs vies, si entremêlées, avaient été mouvementées pour de multiples raisons. Il aurait été injuste d’en faire porter l’entière responsabilité à son ami.

    Sebastian roula des yeux, bien qu’il doive admettre que Lucien possédait quelques arguments valables. Il n’avait bien sûr pas souhaité perturber à ce point l’existence de ses proches, mais les circonstances s’étaient enchainées depuis sa promotion au rang de chevalier, quelques années plus tôt. Son entourage en avait fait les frais.

    Ils passèrent la plus grande partie des quatre jours suivants à observer leurs geôliers, tentant d’engager la conversation à plusieurs reprises, dans l’espoir de se faire un éventuel allié parmi eux. Trois hommes se relayaient dans la prison. Ils leur apportaient à manger deux fois par jour puis s’asseyaient au fond du couloir, les yeux rivés sur la porte d’entrée. Ce détail n’échappa pas aux prisonniers, qui en conclurent rapidement que Luigi craignait une invasion d’Amerigo et de ses hommes. Ils en déduisirent que leur cellule était probablement gardée également à l’extérieur. En sortir par la force, même avec l’aide d’un geôlier, était illusoire.

    Lucien demeura silencieux, doutant d’une telle possibilité. Selon lui, le bras de fer entre les deux marchands ennemis était insoluble, rendant leur libération impossible. Les heures leur semblaient infinies dans l’humide prison. Les températures étaient glaciales et ils devinaient que, dehors, seul un soleil pâlot réchauffait l’atmosphère. Derrière les murs épais de la prison, aucune chaleur ne pénétrait, les laissant grelotants, craignant de mourir d’une mauvaise infection avant d’avoir pu ne serait-ce qu’entrevoir un espoir de fuite. Au matin du sixième jour, le plus jeune de leurs geôliers leur apporta deux épaisses couvertures avec leur repas.

    Une fois leur repas terminé, il ne leur restait plus qu’à attendre encore. Ils tentaient de garder l’esprit vif, ainsi que la notion du temps. Sebastian avait trouvé dans la cellule un bout de bois d’environ un pied de longueur, sur lequel il gravait chaque jour une petite entaille. Il le gardait précieusement dans la poche de son manteau.

    Le septième jour, ils furent réveillés par le bruit d’une clé dans le lourd cadenas qui fermait la porte de leur cellule. Les trois gardes se tenaient face à eux et, sans cérémonies, leur firent signe de se lever. Groggys, les deux hommes obéirent et on leur ligota les mains derrière le dos. Les gardiens les empoignèrent fermement par le bras et les emmenèrent en direction de la sortie. Lorsque la porte s’ouvrit, Sebastian et Lucien furent momentanément aveuglés par l’éblouissante lumière du jour, qu’ils n’avaient plus aperçue depuis une longue semaine. Les gardiens ne s’en soucièrent guère, les forçant à avancer, jusqu’à ce qu’ils atteignent le chariot qui les avait transportés sept jours plus tôt. Le véhicule se mit en branle brutalement, propulsant les deux hommes de part et d’autre de la plateforme en bois. Sebastian marmonna un juron tout en tentant de s’asseoir dans un coin du chariot afin de garder son équilibre, ses mains attachées dans son dos lui compliquant considérablement la tâche. Lucien voulut l’imiter, mais fut pris de court par un soubresaut du chariot, qui l’envoya à nouveau valser contre la paroi en bois. Excédé, il se contenta de la position dans laquelle il avait atterri et resta couché sur son côté gauche. Le trajet fut des plus désagréables tant la route était en mauvais état. Les prisonniers apercevaient à peine les quelques rayons de soleil qui filtraient à travers les lames de bois qui composaient le véhicule. Il leur était donc très difficile de s’orienter, ce qui limitait leur possibilité d’action.

    Lucien observa le chevalier d’un œil amusé alors que ce dernier se frottait le dos contre la paroi en bois.

    Peu convaincu, Lucien se redressa tout de même tant bien que mal et s’efforça d’inspecter les trois autres parois à la recherche d’une écharde identique. Il tâtait le bois avec ses mains, perdant l’équilibre à plusieurs reprises lorsque le chariot prenait un contour serré, sans compter les nombreux bleus qu’il récoltait à force de se cogner dans tous les coins du véhicule. Il se retrouva rapidement en nage et de mauvaise humeur.

    Quelques instants plus tard, il présenta ses deux mains libres à Lucien qui demeura pantois. Le sergent n’avait pas cru au tour de passe-passe de son ami, mais devait admettre que son éternel optimisme lui faisait dénicher les solutions les plus farfelues et efficaces, peu importe la situation. Le chevalier délia ensuite la corde qui retenait les mains de Lucien, puis les deux hommes mirent au point la stratégie qui devait leur permettre de retrouver la liberté.

    Le chariot effectua un dernier soubresaut avant de s’arrêter complètement. Le trajet avait été long et tortueux. Les deux hommes qui tenaient les rênes étaient soulagés d’être arrivés à bon port. Impatients de se dégourdir les jambes, ils mirent pied à terre puis attachèrent les chevaux dans la cour de la grande maison campagnarde. Loin de Venise, l’atmosphère était moins humide et un soleil hivernal timide apportait une chaleur bienvenue. Fatigués par le voyage, les gardes étaient un peu distraits. L’un d’eux manqua de déverrouiller la porte arrière du chariot alors que son arme était restée à l’avant.

    Le garde roula des yeux, peu méfiant. Son collègue se posta ensuite devant la porte en bois qu’une solide chaine maintenait bien fermée. Il fit un signe de tête à son camarade puis enfila la clé dans le cadenas, laissant entrer brutalement une aveuglante lumière dans le véhicule. Les yeux des gardes n’étaient pas habitués à la pénombre du chariot, ils ne discernèrent donc pas immédiatement les deux silhouettes en mouvement qui se ruaient sur eux.

    Sebastian et Lucien n’hésitèrent pas. Comme convenu, ils comptèrent jusqu’à dix puis se précipitèrent sur leurs geôliers. Sebastian heurta l’un des deux hommes de plein fouet, les envoyant tous les deux valser loin du chariot. Le garde amortit sa chute et le chevalier se releva immédiatement. Le geôlier, quant à lui, fut assommé par le choc et donc hors d’état de nuire. Le chevalier se retourna vers Lucien, qui terminait de se débarrasser du second gardien d’un coup de poing dans la tempe. Ignorant où ils se trouvaient, les deux prisonniers prirent leurs jambes à leur cou dans la direction opposée de la maison où ils avaient été conduits. Sebastian jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et aperçut furtivement du mouvement à l’intérieur de la demeure.

    Sebastian ne répondit rien, trop occupé à analyser les alentours à la recherche d’une échappatoire. Derrière eux, une dizaine d’hommes, la plupart à pied, étaient à leurs trousses. Les fugitifs entendirent ensuite les hennissements des chevaux et comprirent qu’il ne leur restait que quelques instants pour trouver une solution. Ils sentaient presque le souffle des destriers de leurs poursuivants sur leur nuque lorsqu’ils aperçurent la rivière en contrebas. Ils n’eurent pas besoin de se parler, un regard leur suffit à se comprendre. Ils se préparèrent mentalement à la chute et au choc puis s’élancèrent dans le tumultueux cours d’eau, laissant leurs ennemis sur la rive.

    L’eau était glacée et Sebastian eut le souffle coupé durant de longs instants. Il sentit ses doigts geler instantanément. Ses poumons le faisaient souffrir le martyre. Le courant était puissant, l’emportant rapidement en aval, vers une destination inconnue. Mais ce qui l’inquiétait le plus était l’absence de Lucien. Il imagina son ami assommé par l’un des troncs d’arbre qui flottaient dans la rivière, coulant comme un roc et disparaissant à tout jamais. Puis, il vit les cheveux noirs du sergent Héritier flotter au-dessus de la surface. Mauvais nageur, Lucien luttait pour garder la tête hors de l’eau.

    Sebastian observa les alentours, à la recherche de leurs poursuivants. Il s’étonna de ne pas les repérer sur la rive, suivant le courant de la rivière pour venir les cueillir à la première occasion. Il trouva leur absence très étrange. Lisant dans ses pensées, Lucien avança une explication.

    Sebastian hocha de la tête. Peut-être qu’il existait une autre route et que leurs ennemis étaient tout proche. Ils n’avaient pourtant pas d’autre choix que de tenter leur chance. Un peu plus loin en aval, ils repérèrent un arbre penché dont les branches les plus basses effleuraient la surface de l’eau. Ils tendirent leurs bras, prêts à s’y agripper dès que le courant les aurait emmenés suffisamment proche de l’arbre salvateur. Ils se hissèrent hors de l’eau, trempés et frigorifiés, et reprirent leur course à travers la campagne. Au loin, la silhouette des maisons agglutinées d’un village se dessinait sur l’horizon.

    Ils ne pénétrèrent pas à l’intérieur des murs de la petite localité. Il aurait été trop risqué de se présenter ainsi, trempés jusqu’aux os et sans un sou en poche. Les autorités du village auraient sans doute eu des suspicions. Si les hommes de Luigi parvenaient jusqu’à la bourgade, ils seraient dénoncés immédiatement. Ils ignorèrent donc le froid qui les faisait claquer des dents et se tapirent derrière une série de trois petites maisons situées hors des murs. Deux d’entre elles semblaient abandonnées, ils se résolurent donc à s’y abriter. À pas de loup, ils poussèrent la porte de celle qui était la plus isolée, à quelques toises des deux autres, qui étaient mitoyennes. À l’intérieur, ils constatèrent qu’elle n’avait pas été utilisée depuis un certain temps et que ses propriétaires étaient partis vers d’autres horizons, ne laissant derrière eux que quelques objets sans valeur. Le foyer situé contre le mur en face d’eux leur tendait les bras, mais ils renoncèrent à allumer un feu qui pouvait les faire repérer. Ils trouvèrent cependant deux vieilles couvertures que les puces semblaient avoir épargnées et les enroulèrent autour de leurs corps grelottant après avoir enlevé leurs vêtements trempés.

    Épuisés par les événements de la journée, ils s’assoupirent avec la tombée de la nuit, ignorant le froid qui les assaillait sous leurs couvertures de misère et la faim qui leur creusait le ventre. Ils ouvrirent les yeux juste avant l’aube et, sans un mot, enfilèrent leurs vêtements encore mouillés. Ils jetèrent un rapide coup d’œil par l’unique petite fenêtre qui ouvrait l’un des murs de la maison, prenant garde à relever discrètement le volet qui la recouvrait, et constatèrent que la voie était libre. Ils sortirent de la maison en silence et prirent la direction opposée au village. Les alentours étaient déserts, il leur était donc impossible de demander leur chemin. Ils firent confiance à leur sens de la déduction, qui leur dictait qu’ils se trouvaient au sud de Venise. Ils devaient continuer dans cette direction puis bifurquer vers l’ouest dès qu’une route le leur permettrait pour atteindre Florence. Ils pressèrent le pas sur le chemin qui, bien qu’il soit vide, représentait un danger considérable, car il n’offrait aucune couverture. Les sens en alerte, ils progressèrent dans l’inconnu, ignorant combien de temps ils devraient marcher avant de tomber sur une localité.

    Ils avancèrent sans s’adresser la parole jusqu’aux alentours de midi, lorsqu’ils aperçurent une ferme un peu plus loin dans la plaine. Ils se sentaient un peu plus légers, leurs vêtements étaient presque secs, ils s’étaient éloignés du danger et le soleil brillait avec ardeur. Ils firent le tour de la ferme, dont le bâtiment d’habitation était vide. Dans un pré adjacent, quelques vaches paissaient paisiblement tandis que plus loin, dans les champs de céréales, ils décelèrent les silhouettes des paysans à la tâche. Ils passèrent devant la cuisine, dont la porte était entrouverte, et un merveilleux effluve de pain fraichement cuit les enveloppa. Lucien guigna à l’intérieur de la pièce vide et repéra immédiatement une dizaine de petits pains ronds, encore chauds et bien dorés. Il se retourna vers Sebastian et lui fit un signe de la tête, lui exposant ainsi le dilemme devant lequel ils se trouvaient.

    Lucien s’apprêtait à répondre lorsque des bruits de pas résonnèrent en provenance d’une pièce voisine. Les deux hommes s’éloignèrent de la porte, se tapissant contre les murs extérieurs de la maison. Une voix de femme se mit ensuite à chanter tout en déplaçant des objets dans la petite cuisine. Ils l’entendirent allumer un feu, puis accrocher une marmite à la longue chaine suspendue au-dessus du foyer. Craignant que les paysans ne rentrent bientôt pour se rassasier, les deux fugitifs

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