La rencontre entre Céline et Lucas s’était faite par hasard alors qu’elle sortait du RER, gare de Lyon à Paris. Dans le brouhaha invraisemblable de cette fin de journée où les trains emportaient leurs rames de travailleurs exténués vers la banlieue, les notes de musique lui étaient parvenues aux oreilles comme par miracle. Détachées du chaos ambiant, elles avaient ricoché sur les parois de mosaïque blanche avant d’éclater, limpides et pures, alors que Céline quittait le niveau où circulaient les lignes du métro.
La jeune femme avait levé la tête, à la recherche de cet air qu’elle connaissait bien. Les couloirs semblaient étouffer les mesures endiablées de Beethoven. Céline n’avait pu s’empêcher de tenter de découvrir l’artiste qui avait su si bien faire résonner l’allegretto de La Tempête du compositeur allemand.
Elle prit l’escalator à la recherche de l’emplacement du piano qui avait réussi à traverser si harmonieusement le flux des voyageurs. Lorsqu’elle découvrit l’instrument de musique, niché dans un coin de l’un des étages de la gare, le pianiste allait achever son interprétation. Tout autour de lui, un groupe de voyageurs curieux s’était amassé comme autant de libellules auraient été attirées par les rayons du soleil. Sauf que là, ils étaient prisonniers des lumières artificielles des néons qui inondaient les sous-sols du métro parisien.
Céline s’accouda à une rambarde et observa le jeune homme qui jouait si brillamment la sonate en ré mineur de Beethoven. Le pianiste qui avait interprété avec brio l’allegretto portait une parka de voyageur. Un sac reposait à ses pieds.
Tout semblait indiquer qu’il s’était posé là, quelques minutes auparavant, après avoir débarqué d’un train en provenance des grandes lignes, à l’étage supérieur. Ou peut-être attendait-il un départ qui lui serait signifié par haut-parleur.
A l’instar de ces voyageurs qui allaient rejoindre leur lointaine banlieue et qui retardaient le moment où ils allaient partir, elle demeura immobile. Elle était abasourdie par la grâce de cet instant inattendu. Elle n’entendait plus la rumeur