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Apocalypses: Littérature blanche
Apocalypses: Littérature blanche
Apocalypses: Littérature blanche
Livre électronique160 pages2 heures

Apocalypses: Littérature blanche

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À propos de ce livre électronique

Apocalypses est le récit de plusieurs vies dans leurs moments essentiels, concentrés d’émotions et de mystères, de violences et de tendresses. La vie est un roman, une énigme, une comédie, une tragédie où chacun tente de trouver un sens à travers le chaos du monde, de grappiller un peu de lumière. Qu’ont-ils donc en commun, cet instituteur centenaire, cette adolescente qui correspond avec Philippe Sollers, Amélie Nothomb, Françoise Sagan…, ce philosophe à la Cioran qui se réfugie dans une grotte de Patmos, cette femme de Ministre qui entreprend une thérapie, ce « petit rat » d’opéra qui rêve que son pied touche un jour les étoiles, ce monstre pervers qui fait frissonner la planète entière ? Pas grand chose et, pourtant, le hasard dénouera les fils de leurs destins sur l’île où Saint Jean écrivit jadis l’Apocalypse. À travers ces pages riches en rebondissements, Pascal VREBOS signe un roman de l’essentiel, une danse de la mort et de l’amour au son d’une lumière initiatique.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pascal VREBOS est né à Bruxelles en 1952. Traduit et représenté comme auteur dramatique dans de nombreux pays à travers le monde, il enseigne aussi la sémiologie, la stylistique et l’analyse textuelle au Conservatoire Royal de Bruxelles et à l’Institut Cooremans. Homme de radio et de télévision (à la RTBF, puis à RTL/TVi et Bel RTL), il est, outre ses pièces de théâtre, l’auteur de multiples publications dont, notamment, Le Gorbatchoc (Le Cri, 1989), Ultimes Entretiens avec Henry Miller (Le Cri, 1991). Il a reçu de nombreux prix parmi lesquels le Prix de la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques, pour l’ensemble de son œuvre, et le « Best ou California » pour Tête de Truc. Il a acquis la notoriété scientifique et professionnelle en 1994 par un arrêté du Gouvernement. En décembre 1999, le Sénat le nomme membre du Conseil Supérieur de la Justice.
LangueFrançais
ÉditeurLe Cri
Date de sortie5 août 2021
ISBN9782871068013
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    Aperçu du livre

    Apocalypses - Pascal Vrebos

    CARNETS PLEIN CIEL D’ÉMILIE 1

    J’ai peur de tout… dites-moi pourquoi j’ai peur de tout… vous ne dites rien… votre silence me fait peur, vous voulez que je parle… j’ai peur de parler, de dire des mots qui ne vous plairaient pas, des mots auxquels il manquerait une syllabe, ou deux, des phrases sans verbe avec des virgules crochues et des points de suspension si lourds qu’ils s’enfonceraient dans le silence en faisant un bruit de ressort.

    J’ai peur des oiseaux, du bruit sec de leurs ailes, j’ai peur de la sonnerie du téléphone, de l’ombre du facteur, des portes qui claquent, j’ai peur des clowns, des gendarmes, des docteurs, des juges, des orages, j’ai peur de mon père, même quand il me sourit, des gardiens, des pharmaciens, j’ai peur du sang, j’ai peur de l’eau, de l’air, des hommes qui dans la rue me frôlent, ricanent, sifflent les doigts tendus.

    J’ai peur de ma mère, peur de lui ressembler, j’ai peur des femmes avec leurs couteaux dans les yeux qui me regardent, des miroirs qui brisent les visages, des arbres qui étranglent, des chiens qui violent, des trains qui hurlent, des trottoirs qui tuent.

    J’ai peur quand le ciel se noie dans la mer et que la mer tremble de toutes ses vagues… et que les vagues jaillissent jusqu’au soleil et que le soleil dégouline sur la terre et que la terre crache de la boue et que la boue éclabousse le ciel et que le ciel m’engloutisse en faisant hurler les étoiles à mort jusqu’à ce qu’elles me noircissent et me couvrent de cendres.

    Oh ! Merci de m’avoir écoutée, même si vous ne m’avez rien dit.

    Un après-midi d’été, à New York, une jeune fille de dix-sept ans se jeta du haut de l’Empire State Building et s’écrasa au coin de la Fifth Avenue et de la 38 e Rue.

    Au milieu de flaques mauves de membres éparpillés et de la chair écrasée, son visage, préservé dans la chute, souriait.

    Et si c’était moi ? Et si c’était moi ?

    IL N’Y A QUE LE MURMURE QUI DURE

    Depuis dix-sept ans, il n’avait jamais osé lui dire : « Je t’aime ».

    Elle non plus.

    Et pourtant, chaque samedi, peu avant le Journal Télévisé, lorsqu’il sonnait à sa porte les bras chargés de roses fraîches ou de jonquilles, il préparait sa phrase.

    Elle aussi.

    Mais dès l’instant où il la voyait, il bredouillait un « bonsoir » saccadé.

    Elle aussi.

    Pendant le dîner, toujours fin, arrosé d’un Bourgogne ’85 ou d’un Bordeaux ’80, il se traitait de « lâche », de « demeuré », de « complexé ».

    Elle aussi.

    Au dessert, souvent des profiteroles ensevelies sous le chocolat doux, il était désespéré, encore plus que Kafka ou Marilyn Monroe, prêt à se trancher la gorge, le sang dût-il tacher la nappe brodée et fleurie, la même depuis dix-sept années. « Je me tue ou je lui parle » se disait-il en s’essuyant la bouche.

    Elle aussi.

    Il commençait : « Je… ».

    Elle aussi.

    « Je t’… ».

    Elle aussi.

    Au café, un moka à réveiller un mort, il toussotait.

    Elle aussi.

    Il ne voulait pas partir sans lui avoir dit enfin « Je t’aime ».

    Elle non plus.

    « Je … »

    Elle aussi.

    « Je t’… »

    Elle aussi.

    « Je t’ai… »

    Elle aussi.

    Comme à chaque fois depuis dix-sept ans, il partait vers minuit.

    Elle aussi.

    « J… »

    Il n’est que le murmure qui dure.

    Philippe SOLLERS, inédit,

    don de l’Auteur à Émilie.

    Jean, Anathème 1

    Abandonné. Je. À l’écart. À la lisière de. Au-delà des bordures.

    M’époumone dans la zone sèche de la vérité. L’ami de la vérité n’a pas d’ami.

    Au guet du cirque-univers.

    Je suis l’insolent dont on veut la peau.

    Lacérer la peau.

    Que des lambeaux. Je connais la chanson. Diplômé, Docteur, mais pas de chaire, pas de boulot.

    Silencifié.

    Mieux vaut rester dans l’ombre.

    Ils s’esclaffent en me nommant : « le bouffon, « l’innocent », « le provocateur ». Mais ne veulent plus m’exhiber. N’osent plus.

    Avant, ça faisait bien. Excès de pluralisme. Aujourd’hui, ça fait mauvais genre. Arrêtons les frais. Rayons-le du champs de la bien-pensance. Notre perspective idéologique est belle, pérorent-ils, qu’elle rayonne, unique et fière, et plus de syllogismes de viande et d’os, plus de faisandé gratuit, et de pus violent, virulent. Plus de cul, plus de merde. Plus de cadavres. Plus de squelettes.

    Enfouir, enfouir, enfouir.

    Rien que de belles marchandises.

    Les clans ont eu ma peau.

    Je la leur ai donné volontiers, cette peau qui faisait pâââté dans la bien-penséité…

    Tant mieux.

    Je n’existe plus. Libre plus qu’il n’en faut. Crier pour gagner la postérité. Une chance sur trente-six. La roulette de l’existence.

    Vis chichement. Un peu de pain complet, de l’eau, parfois de la piquette, des fruits pré-putrides volés à la fin des marchés, légumes lacérés. Comme ma peau.

    Me plains pas. La diète allume l’esprit, le garde au frais. Je porte la cinquantaine mince !

    Un peu d’âme bat au travers de ma peau. Je, bougie soufflée.

    Des bouteilles de lait AAA que m’offre Jeanne, quand il lui reste quelques sous. Jeanne vivote du CPAS (Centre public d'aide sociale). Moi, je refuse. Évidemment. Pour que le système, après m’avoir expulsé, fasse de moi un assisté, un redevable.

    Non.

    Je m’arrange. Je vis chez Jeanne (Jean chez Jeanne, un titre champêtre !). Un réduit. Grotte urbaine. Deux mètres sur trois. Pas de fenêtre. Table. Chaise. Matelas. Étagère. Papier. Crayons. Bics.

    Jeanne ne veut rien. Simplement, le samedi, lui lire une ou deux pages. Elle se prend pour Catherine II subventionnant Diderot. Je lui ai dit que je n’étais pas Diderot, que je détestais Diderot. Elle a ri. Elle passe son temps à lire Kant, à relire Kant pour connaître son œuvre par cœur. Elle n’est pas dangereuse.

    Moi, je le suis. Enfin, je l’étais. Je ne le suis plus que virtuellement.

    Je n’ai jamais touché Jeanne. Pas même une étreinte. Elle a pourtant trente ans de moins que moi. Et elle n’a personne. Je l’entends se masturber de temps en temps, mais on ne parle jamais de sexe. On ne parle que de Kant ou de l’actualité.

    L’orgasme est un paroxysme, le désespoir, aussi ; l’un, un instant ; l’autre, une vie.

    Je ne peux que blasphémer, que profaner artifices et jeux de paraître, boursouflures de corps qui se prennent pour ce qu’ils ne sont pas, ne seront jamais.

    Valse des pouvoirs. Fox-trot des possédants.

    L’avoir sans cesse accumulé.

    Marchandise, marchandisation.

    Tout.

    Mêmes les organes des nourrissons. Ou des vagins de bambines. Voulez-vous un fœtus blond ou bouclé ou avec trois yeux pour mieux y voir ? Payez, vous aurez ! Ou un pénis plus long, plus gros ? Ou le Point G avec enclenchement automatique ? Payez, vous aurez ! Ou un anus désodorisé en permanence ou des organes de maillot jaune ? Payez, vous aurez ! Ou des viscères de centenaire ou un squelette pré-embaumé ou une peau antirides avec, en prime, des seins gonflables à volonté, payez, vous aurez !

    Et les mots-postiches, ah ! ces langues qui cuisent leur propre bubon, langues fétides, glottes avariées de corps fardés qui se pavanent… le monde est naturellement laid ; et la race, naturellement malfaisante.

    Cette obligation de vivre et de tuer le temps.

    Cet avaler-déféquer, ce naître-mourir, cette agitation, ces désirs d’avoir, d’avoir à avoir, ces appétits de pouvoirs, cet attrait de mettre à mort, cet… l’homme est condamné avant d’être mis au monde.

    Il ne veut pas l’accepter.

    Conséquences : guignolades, dieux, projets de curriculum vitae. Guerres. Rites. Rituels. Recherche du sens. Amour. Massacres. Pitreries qui étranglent. Du sang et des viols. Des fours crématoires et de la jouissance.

    Mon combat est perdu à l’avance, m’époumoner dans le désert.

    Deux milliards de non rassasiés.

    Vitres blindées de l’apartheid social.

    Radoteur en chambre noire, je suis cuit.

    Mais je persévère (un peu) dans l’épopée : « Enfouir, enfouir, encore enfouir ».

    Prière de Coralie, petit rat 1

    Si je danse, c’est pour ma bonne-maman Mélanie, elle me regarde de là-haut, j’en suis sûre, je voudrais l’entendre crier : « concentre-toi ! tiens-toi bien droite ! ». Elle me parlait toujours de la danse.

    Un samedi, il y a cinq ans, que j’étais cafardeuse, elle m’a serré dans les bras et elle m’a dit : « On va acheter des chaussons et un tutu ». Et pourtant, elle n’avait qu’une petite pension de veuve, femme au foyer.

    C’est elle qui m’a emmenée chez Madame. Madame a dit que les tutus, c’était plus à la mode. Bonne- maman a répondu « Oh, ce n’est pas grave, je le garderai en souvenir ».

    Elle avait toujours rêvé d’être un petit rat et de faire des pointes dans le Boléro de Monsieur Ravel.

    Moi, j’étais emballée. Bonne-maman m’accompagnait à chaque cours, Madame l’acceptait parce qu’elle ne disait rien, elle se recroquevillait dans son petit coin et elle me stimulait par de petits signes de tête.

    Il y a une semaine, elle m’a dit, les larmes plein les yeux : « Tu seras un petit rat, ma chérie, et si je ne suis plus là, je t’encouragerai de là-haut ». Continue, bonne-maman, tous les jours, j’ai besoin de toi…

    Zut ! J’ai oublié de me présenter aux anges pour qu’ils fassent passer mes messages…

    Mon nom est Coralie, j’ai dix ans, enfin presque, 31 kgs, je vis seule avec ma maman au septième étage de la Tour, ma bonne-maman m’a élevée, elle était bonne, vous me l’avez enlevée il y a quelques jours en lui collant un infarctus, c’est ce qu’a dit le Docteur Claude et là, j’en peux plus, j’ai besoin d’elle, qu’elle m’écoute et qu’elle me réponde…

    Merci, les anges, je compte sur vous !

    Je n’ai pas beaucoup de monde à qui parler, vous savez… je veux dire d’adultes…

    Ma mère, elle est souvent en cure, oui, vous devez le savoir, elle boit trop de vin et de bière depuis que papa l’a quittée… et papa l’a quittée sept mois avant ma naissance, vous voyez, j’ai pas beaucoup de chance… à part ma

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