Le Garçon d'Appartement
Par Michaël Gonzalez
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Aperçu du livre
Le Garçon d'Appartement - Michaël Gonzalez
Le Garçon d’Appartement
Michaël Gonzalez
Le Garçon d’Appartement
LES ÉDITIONS DU NET
70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
À tous ceux qui.
© Les Éditions du Net, 2013
ISBN : 978-2-312-00741-0
Chapitre 1
Un après-midi, à la fin du mois d’octobre, j’étais assis à la terrasse d’un café avec vue sur La Maison Carrée.
Après un rapide déjeuner solitaire, j’avais décidé de profiter du soleil pour m’éclaircir les idées.
Depuis quelques temps je supportais assez difficilement de rester enfermé entre quatre murs.
Mes idées s’y cognaient de manière assez violente et revenaient vers moi meurtries, espérant que je pourrais les soigner.
Ce dont je n’étais pas capable, évidemment.
J’étais donc sorti et avais fermé la porte de mon appartement.
Le clic du tour de clé, c’était le son de cette petite guillotine domestique qui, je l’espérais, trancherait la tête de mes idées noires et les laisserait pour mortes quelques heures au milieu du salon.
En bas de l’escalier, j’avais croisé ma voisine, une belle femme un peu mûre qui m’avait salué avec un gentil sourire puis je m’étais retrouvé dans la petite rue piétonne.
En face de mon entrée, le temple protestant et sa bouche sombre ouverte.
J’avais traversé la rue de la République, assez péniblement car il y avait toujours beaucoup de voitures et je m’étais dirigé vers les Halles.
Ensuite à droite, je m’étais retrouvé sur la Place de l’Horloge mais après un examen rapide des personnes assises aux terrasses des cafés, une lassitude triste et une envie de me trouver ailleurs s’étaient emparés de moi et j’avais décidé de retourner sur mes pas.
J’avais donc choisi La Maison Carrée et ses piliers millénaires comme cadre à mes pérégrinations imaginaires.
J’en étais à mon troisième café et, après avoir secoué le petit sachet de sucre puis après l’avoir versé dans la petite tasse, je tournais inlassablement ma petite cuillère tout en regardant les gens passer.
J’avais perdu mon emploi depuis une semaine et cela me tracassait beaucoup.
Mes soucis n’étaient pas vraiment sur le plan économique.
Bien sûr, je ne pouvais rester sans ressources que de manière temporaire.
Il fallait que je retrouve assez rapidement de quoi subsister à mes besoins et payer mes charges.
Mais grâce à mon tempérament de gestionnaire j’avais des économies qui me permettaient d’envisager sans angoisse réelle cette mauvaise passe.
Non, ce qui me tracassait particulièrement, c’était que je n’avais pas pu voir Cécile depuis une semaine.
Depuis l’incident en fait.
Je suis communément ce que l’on appelle un homme à tout faire.
Depuis toujours ou presque, j’ai enchaîné les CDD chez des particuliers qui avaient besoin d’une personne capable de faire à peu près tout chez eux.
Jardiner, bricoler, réparer un mur du jardin, une prise électrique défectueuse, programmer un arroseur automatique pour la nuit…ou même, la version plus moderne, installer une box internet et paramétrer les identifiants ou le wifi…
J’ai fait de tout.
Je ne pense pas être plus doué qu’un autre. Mais aussi loin que je puisse m’en souvenir, j’ai toujours été un touche-à-tout.
J’ai vraiment eu de nombreux employeurs.
Et j’ai toujours essayé de faire ma place dans la classe aisée.
Donc le plus souvent il s’agissait d’un milieu social assez bourgeois.
C’est vraiment là que se trouve la monnaie.
Quel n’était pas alors mon étonnement et mon plaisir lors d’un entretien d’embauche lorsque je découvrais mon potentiel futur lieu de travail.
Souvent, de superbes villas luxueuses sur plusieurs niveaux avec piscine et terrain de tennis.
Gazons parfaitement entretenus et garages à doubles portes automatiques pour la grosse berline de monsieur et la petite sportive nerveuse de madame…
Le tout retranché derrière de hauts murs impeccables et protecteur des dangers extérieurs.
Ainsi, j’ai acquis dans ce milieu particulier, ce qu’on pourrait appeler une « petite réputation ».
Un travail propre et bien fait.
Tout en restant discret et au service.
On m’a recommandé plusieurs fois.
Dans ce cénacle friqué, ça aide pour faire son trou.
La plupart du temps je traitais avec les maris pour ce qui concernait les tâches à faire, les travaux à effectuer, le gros œuvre extérieur.
Puis il m’est arrivé d’effectuer des travaux domestiques à l’intérieur des maisons et j’ai pu ainsi côtoyer certaines de leurs épouses.
Quand elles daignaient me parler, me considérer.
Certaines se sont révélées être de gentilles personnes avec qui il était agréable de travailler.
Je ne pourrais pas dire que toutes sont devenues des amies mais il m’est arrivé d’avoir des conversations intéressantes avec certaines d’entre elles.
Et finalement, en bon homme à tout faire, quelques unes m’ont demandé de les baiser.
Ce que j’ai accepté de faire, considérant cette partie de mon travail comme la moins pénible.
Cécile était dans cette catégorie d’épouse.
De celles qui ajoutent un avenant au contrat initial sans juger opportun d’en avertir leur mari.
Cela s’était passé comme dans le mauvais scénario d’un pauvre film de fesses.
Son mari, un homme très gentil et généreux au demeurant, éminent médecin au CHU de Montpellier, était parti pour quelques jours assister à une conférence.
J’avais reçu un appel masqué sur mon portable en début de soirée et j’avais tout de suite reconnu la voix puisque je travaillais pour Cécile et son mari depuis environ trois mois.
Un soi-disant problème électrique était survenu dans la maison et certaines pièces n’avaient plus de lumières.
Un fusible à changer et je serais sans doute aussi vite reparti que j’étais venu.
En arrivant à la villa, j’avais en effet remarqué que tout était éteint.
J’avais sonné mais s’il n’y avait plus d’électricité on ne m’avait peut être pas entendu.
Cependant ayant avec moi les clés de la maison, j’étais entré.
Ma première intention avait été d’aller directement au boîtier électrique mais à peine avais-je refermé la porte d’entrée que la voix de la patronne m’avait demandé de venir à l’étage.
J’étais monté sans hâte, me disant qu’elle pourrait peut être m’en dire plus sur les circonstances de l’incident.
Je n’avais pas vraiment repéré d’où m’était parvenu sa voix, car je connaissais moins bien cette partie plus privée de la demeure, aussi je l’appelais de nouveau.
Je suis dans ma chambre, avait-elle répondu.
Effectivement, il y avait de la lumière qui venait de cette pièce.
Parvenu à la porte, j’avais frappé doucement mais il n’y avait pas eu de réponse.
Alors j’étais rentré et je l’avais découverte en sous-vêtements, bas noirs et bustier transparent.
« Jean, heureusement que vous êtes venu. »
Voilà.
J’étais donc resté pendant les trois jours d’absence de mon patron, à manger, à regarder des DVD et à baiser avec sa femme.
Evidemment, les tâches courantes avaient été laissées un peu de côté…
Ainsi, j’étais devenu l’ouvrier le plus besogneux de la maison de mon employeur.
Cécile était vraiment bonne et généreuse.
N’hésitant pas à me prodiguer soins et petites gâteries tout au long de la journée. Même lorsque son mari était dans la maison.
Elle s’arrangeait toujours pour me retrouver dans un coin un peu reculé de la villa.
J’avais alors essayé d’avoir une démarche introspective pour savoir ce que m’apportait ce genre de relation clandestine.
Un jeu, oui c’était un jeu.
Ce n’était pas la première fois que j’avais des relations avec les épouses de mes patrons.
Certaines avaient été ponctuelles.
Si le mari s’était absenté, je pouvais servir de substitut affectif et physique le temps d’une relation d’un soir ou d’un matin pour pallier le manque mais lorsque l’ayant-droit revenait sur son territoire, les choses devaient être remises à leur place en quelque sorte.
Merci de m’avoir écoutée, de m’avoir comprise, d’avoir su être là au bon moment, me faisaient comprendre ces femmes tout en comptant sur ma discrétion.
En général, le préavis de fin de mon contrat de travail me parvenait peu de temps après.
Certaines relations avaient été plus longues. Et le cadre, toujours par soucis de discrétion, s’était déplacé de la maison familiale à des hôtels de banlieue ou de ZI anonymes et interchangeables.
Le rituel était souvent le même.
C’était moi qui devais réserver la chambre d’hôtel. Le plus souvent par le biais d’internet.
Moi qui arrivais en premier pour récupérer les clés et le numéro de la chambre.
Et ce en général en début d’après midi, de manière à pouvoir profiter pleinement.
Ensuite, j’envoyais un texto à l’épouse infidèle avec le numéro de la chambre et elle me rejoignait un peu plus tard en essayant de se faire remarquer le moins possible.
Tout cela n’était qu’un jeu avec des scenarii interchangeables et seul parfois le protagoniste féminin était différent.
Mais j’étais dans la position évidente du perdant car, dans mon cas précis, si le mari de Cécile venait à tout découvrir, je perdrais mon emploi et ma relation avec elle.
Car malgré ma volonté, des sentiments contrastés d’affection étaient apparus en moi pour cette femme plus âgée.
Les femmes mûres m’ont toujours attiré.
Lorsque je croise une femme attirante d’un certain âge dans la rue, il y a comme un appel que je suis le seul à entendre.
Une évocation.
C’est presque un tonnerre sourd qui me traverse.
Mon corps se tend et une féroce envie de capter l’attention, de séduire, de posséder, de tout faire pour être dans ses yeux, dans son regard, d’être dans son être à elle, se met en place à l’intérieur de moi.
C’est comme un mécanisme automatique qui fonctionnerait sans que je puisse comprendre ce qui le met en route.
Bien que ce soit un peu différent, cela me fait souvent penser à mon cours de français en classe de première lorsque j’étudiais Don Juan et dont le but, nous expliquait notre professeur, n’était rien d’autre que le jeu de la séduction.
Ce qui l’intéressait et lui importait, c’était de séduire.
Don Juan aussi subissait un mécanisme impérieux et plus fort que lui.
Dès que la femme était conquise, il pensait déjà à sa future proie.
Je crois que ces femmes plus vieilles me réconfortent et me maternent.
Telle une source nourricière.
Ma relation prolongée avec Cécile avait quelque peu pris cette tournure.
Elle me nourrissait aussi bien en me faisant à manger les midis quand son mari était à son travail qu’en m’offrant son corps aux courbes généreuses, sa grosse poitrine venant se coller contre ma bouche dans un acte d’offrande presque maternel.
Quel genre de relation s’était donc installé entre elle et moi ?
Au bout de quelques semaines, quand venait le moment de quitter la villa, le soir avant que ne rentre son mari, un sentiment d’angoisse me prenait lentement en étau.
J’imaginais cette solitude qui m’attendait chez moi, au garde-à-vous, faisant même du zèle, sachant que j’allais bientôt arriver.
A peine avais-je démarré ma voiture qu’un sentiment de vide plantait son premier coup de piolet quelque part en moi pour m’escalader lentement.
Le sommet de mon crâne, le sommet de mon âme était le but à atteindre pour que la terrible vacuité du sentiment d’abandon prenne possession du moment présent.
J’aurais aimé pouvoir me dissoudre et disparaître par le trou d’un caniveau comme un liquide nauséabond que l’on refoule coûte que coûte.
Je me sentais abandonné et je savais qu’il en était de même pour Cécile de l’autre côté.
Car chaque soir ou presque, je recevais ses sms où elle m’écrivait que je lui manquais terriblement.
Fragile cordon qui relie virtuellement deux amants entre eux.
Mis à part le frisson de l’interdit et l’excitation des situations insolites, des prises de risques inutiles et futiles qui vous font sentir plus vivant que d’habitude, que pouvais-je représenter pour Cécile ?
Qu’attendait-elle de moi ?
Elle, dans son confort matériel et moral, sa vie réglée comme des horaires ferroviaires, le train de sa vie avançant de manière régulière, sans cahot apparent avec la même série de paysage, peut être gris d’automne ; elle, comment pouvait-elle descendre soudainement dans cette petite gare de campagne, passer, inconsciente du danger, sur les rails devant la locomotive, franchir les barrières du passage à niveau et me rejoindre dans ma petite auto pour que je l’emporte ?
Elle qui venait se blottir contre moi dans la chaleur artificielle de l’habitacle de mon véhicule, qui prenait ma main et me demandait de lui caresser la tête et les cheveux avec tendresse, comme lui caressait son père quand elle était petite fille.
La première fois que j’avais fait ce geste, docilement elle avait courbé le cou pour m’offrir une plus grande surface de caresse, et je l’avais sentit se relâcher, se rétrécir, un peu soumise à des souvenirs qui oblitéraient le moment présent.
Cela faisait donc plusieurs semaines que j’officiais chez Cécile et son mari avec la casquette officielle d’homme à tout faire et celle, officieuse, d’amant de madame.
La prudence était de rigueur permanente.
Et notamment de mon côté car l’attitude de Cécile avait une tendance à l’exubérance voire à l’inconscience, comme si elle cherchait des limites qui seraient de se faire prendre par son mari.
Entendons-nous sur le verbe prendre.
J’avais remarqué que j’étais de plus en plus souvent appelé à la villa les week- ends. Et ce pour de petits travaux qui auraient très bien pu attendre le début de la semaine suivante.
Cécile et son mari avaient des activités séparées et lorsque j’arrivais après un appel le samedi, disons vers seize heures, son mari était encore au golf ou au tennis, ou je ne sais où.
Si nous ne nous étions pas vu, depuis le mercredi ou le jeudi, à peine avais-je franchi le seuil de la maison, c’était tout de suite une effusion de baisers et de caresses.
Ses mains, de manière sibylline, trouvaient toujours un passage jusqu’à ma peau et, il n’était pas rare que je me retrouve la braguette ouverte et à moitié nu au milieu du vestibule.
La fellation pouvant être menée à son terme entre le frigo américain et le micro-onde de la cuisine qui se trouvait à côté.
Et donc, samedi dernier, j’avais reçu cet appel de Cécile vers seize heure trente, me décrivant un incompréhensible problème de fuite d’eau dans la buanderie et dans une injonction douce mais ferme, me demandait de venir immédiatement.
J’avais reçu cet appel et j’étais loin de chez elle, je revenais en voiture de chez un ami.
Aussi je ne me garais devant la villa que vers dix huit heures.
Elle m’avait entre-temps appelé trois fois sur mon portable.
La maison semblait presque engloutie sous les eaux !!!
A peine avais-je sonné que le rituel tourbillonnant et dévorant de la maîtresse de maison m’emporta du vestibule, aux premières marches de l’escalier, puis petite escale au salon sur le canapé en cuir gris et terminus dans la cuisine près de ce cher frigo.
Cécile s’activait sur moi comme elle savait si bien le faire pour me satisfaire, c’était vraiment intense cet après midi là.
Parvenus une nouvelle fois dans la cuisine, je cherchais un endroit pour me maintenir droit et, dans un geste inopiné et anodin j’appuyai sur le bouton « start » du micro-onde dont le ronronnement envahit l’espace sonore, en plus des bruits de succion et de mes râles à demi contenus, car je sentais que j’allais venir bientôt.
C’est donc dans ces circonstances que nous n’entendîmes pas la porte d’entrée s’ouvrir et se refermer.
Au moment où je déchargeai dans la bouche de Cécile, j’entendis un petit cri de surprise comme celui d’un enfant qui découvrirait au pied du sapin que le Père Noël s’est trompé de cadeau.
J’ouvris les yeux et découvris le mari de Cécile pétrifié dans l’encadrement de la porte de la cuisine.
Sa bouche était figée dans un incrédule « o » rond et carré en même temps.
La scène qui s’ensuivit, n’avait cessé depuis de se jouer et de se rejouer dans mon esprit.
Un doigt virtuel et masochiste n’arrêtait pas d’appuyer sur le bouton de ma télécommande mentale de manière malsaine et lubrique.
Cécile à genoux et la bouche pleine en train de s’étouffer, son mari rouge brique et sa bouche soufflant l’enfer des hauts fourneaux et moi, filant vers la porte-fenêtre de la cuisine, tout en essayant de remettre mon pantalon.
Cela faisait donc une semaine que je m’entraînais à boire des cafés avec vue sur La Maison Carrée.
Je pouvais rester en terrasse tout l’après midi car cette fin de mois d’Octobre était particulièrement douce et ensoleillée.
J’avais du temps à tuer et peut être que j’étais en train de me découvrir l’âme d’un assassin.
Je n’espérais pas recevoir un chèque pour les trois semaines de travaux que j’avais effectué à la villa.
Un ou deux petits chantiers auraient mérités qu’on les finisse.
Sincèrement, cela m’ennuyait de penser que ce travail restait inachevé.
Peut être que des professionnels était venus pour bâcler la chose.
Après toute cette histoire, sans doute pas un autre homme à tout faire.
J’avais essayé d’appeler Cécile sur son portable.
Il y avait encore trois jours, ça sonnait mais elle ne répondait pas.
J’avais fini par laisser deux messages.
La dernière fois que j’avais appelé, le numéro n’était plus attribué.
Chapitre 2
Lundi vers midi, j’étais en train de finir de me raser, souhaitant me rendre présentable pour un hypothétique rendez-vous professionnel chez un particulier en fin d’après-midi, lorsque la sonnerie de mon portable se mélangea inconfortablement avec le buzz de mon rasoir électrique.
Je laissai tout tomber dans le lavabo, le