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Partie de rien...
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Livre électronique251 pages3 heures

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À propos de ce livre électronique

En Alsace, sur un fond de seconde guerre mondiale, Louisa enfant de l’ennemi, est abandonnée dès l’âge de six mois par sa mère accablée par le malheur. Recueillie par la famille du garde forestier, elle mène une enfance paisible jusqu’au jour où le sort s’acharne de nouveau sur elle. Entre indifférence et soumission, les années passent et comprenant que son avenir serait dans la continuité d’une jeunesse tourmentée, empreinte de solitude et de manque, elle décide de prendre son existence en main et de lui donner un sens. Partie de rien… Louisa réalise son rêve en faisant d’elle une femme indépendante et devint ainsi une Maîtresse femme.
LangueFrançais
Date de sortie21 févr. 2013
ISBN9782312008387
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    Aperçu du livre

    Partie de rien... - Claudia D.

    cover.jpg

    Partie de rien…

    Claudia D.

    Partie de rien…

    De Bellefosse

    aux Halles

    LES ÉDITIONS DU NET

    22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-00838-7

    Avant-propos

    Lever le voile sur un secret de vie est une aventure à laquelle je n’avais jamais songé participer au travers de l’écriture, moi qui ne me laissais aller que très secrètement à cet exercice.

    C’est fin août 2011 que ce voyage à travers le temps débuta en compagnie de Louisa déjà âgée de soixante-quinze ans. Dévastée par la disparition récente de son époux, elle fit de moi sa confidente, la seule qu’elle ait eue de toute son existence. À ce moment précis, je compris qu’ensemble nous ferions un bout de chemin.

    Sans réellement se connaître, était-ce ma disponibilité ou ma capacité d’écoute qu’elle perçut et qu’elle saisit pour se libérer de son vécu ?

    Sans doute que les raisons qui l’ont conduites à remonter dans le passé et à me faire tant de confidences sont multiples et pour certaines inconscientes, l’essentiel est que cette femme, si pudique, si secrète éprouva l’envie ou même le besoin de se raconter, de me raconter son histoire.

    Dans une grande complicité, je devins la dépositaire de son récit en me livrant sereinement au fil du temps, chaque jour un petit bout de ce qu’elle n’a jamais osé confier à quiconque, à savoir son parcours de « vies » entre autre les circonstances de son abandon par sa mère, Madeleine.

    Fascinée par sa personnalité et profondément touchée par son récit, je me suis sentie happée par une irrésistible envie de l’immortaliser.

    En toute modestie, j’ai suggéré à Louisa de mettre des mots sur ce que me livrait sa mémoire puis comprenant que cette femme avait besoin de se libérer d’un vécu qui lui pesait, tout en restant fidèle à ses propos, j’y ai associé au-delà de ma personnalité, ma tonalité, mon style comme si j’allais composer un morceau de musique.

    C’est au fur et à mesure des pages noircies que j’ai trouvé un rythme, celui que j’ai estimé être le plus adapté.

    Mon souci constant fut de toujours être en quête du mot juste et qui soit en adéquation avec l’époque, l’atmosphère.

    Cet ouvrage, je l’ai écrit pour elle, pour ses petits-enfants, pour ceux de la troisième génération mais également pour moi.

    Très égoïstement, je dois l’avouer, ce fut l’opportunité de mon côté d’exprimer des émotions, d’évacuer des idées reçues, des non-dits, tout simplement de me faire du bien et de me laisser aller en toute liberté. Cette liberté, je ne l’ai trouvée nulle part ailleurs.

    Moi qui ignorais mes capacités à relater autre chose que mes états d’âme, et qui n’avais jamais eu ni l’idée ni l’envie de mettre ma plume au service de quiconque, je me trouvai soudain liée à Louisa par une sorte de contrat moral en lui proposant de consigner au plus près de la réalité, les épisodes de sa vie qui s’imposèrent à elle ainsi que son aptitude à toujours aller de l’avant, à observer, à prendre le meilleur de ce qui se présentait à elle.

    Durant tous ces mois d’écriture, au fil des mots, des phrases, des dialogues, je me suis sentie intimement habitée par l’héroïne que j’ai eue plaisir à mettre en scène, qui m’a bouleversée, émue aux larmes et qui a suscité mon admiration.

    En Alsace, sur un fond de seconde guerre mondiale, de la naissance à l’adolescence, sa vie fut émaillée d’abandon, de souffrance, d’humiliation.

    Sans instruction, sans le sou en poche, difficultés auxquelles s’ajoutait une absence de modèle et de clarté sur elle-même, sur ses origines ; après des mois passés comme domestique au service des autres, Louisa comprit que le courage qu’elle déployait ne serait non seulement jamais récompensé à sa juste valeur mais ne lui permettrait pas d’être reconnue parce qu’elle était femme au sein de la société telle qu’elle était encore structurée dans les années qui suivirent la seconde guerre mondiale.

    Au-delà de l’énergie, de la personnalité que cette jeune alsacienne dégageait, elle incarnait une forme de modernité assortie d’une force intérieure qui lui permit de tracer sa route telle qu’elle l’avait rêvée c’est à dire en femme libre.

    Pourtant être une femme libérée dans les années cinquante était un sacré défi à relever.

    Pas encore émancipée, immergée dans le monde du travail, elle comprit très tôt que le chemin serait long et que seul un esprit créatif et indépendant, une personnalité séduisante, une ambition, des rencontres ou tout simplement le grain de sel qu’elle rajouterait, feraient la différence avec les autres.

    Surement que l’abandon vécu à un moment important de son développement, le sentiment de solitude et de vide affectif associé plus tard au manque d’argent lui donnèrent l’élan nécessaire pour oser braver les carcans qui maintenaient les femmes dans des rôles secondaires.

    Louisa tout juste âgée de seize ans fit réellement ses premières armes comme serveuse dans différents restaurants de la capitale.

    Malgré les contraintes qui allaient de paire avec ce métier, d’emblée elle s’y sentit à l’aise, et emboitant le pas des professionnels, de gargotes en maisons plus prestigieuses, elle s’appropria les bons gestes, les bonnes manières qui firent de cette jeune fille, une personne reconnue pour son savoir faire.

    De sa condition féminine elle n’en fit ni une faiblesse ni un handicap, elle ne nourrissait aucun complexe face à ses collègues du sexe opposé. En revanche être l’égal de l’homme fut son combat, une lutte individuelle de tous les instants, être reconnue comme femme actrice de sa propre vie fut sa ligne de conduite.

    Elle n’eut de cesse de cultiver son indépendance financière et professionnelle.

    Le parcours de Louisa jalonné de surprenantes rencontres mit en éveil l’envie de s’attarder davantage sur la nature humaine et la conforta dans l’idée qu’elle ne se cantonnerait pas dans un rôle de seconde classe comme serveuse de restaurants ou autre sous fifre.

    Qu’ils aient été dans les affaires, la magistrature, les finances ou artistes, le dénominateur commun qui unissait ces gens qu’elle servait, était leur capacité à agir, la volonté d’être maître d’eux même, d’aller de l’avant, de s’exprimer librement en brisant parfois des interdits, des barrières ne seraient ce que celles du langage ou de la tenue vestimentaire.

    Les rencontres les plus insolites qu’elle fit, furent à Saint Germain des Prés où elle croisa de drôles de dames connues sous le nom de Françoise Sagan et Coco Chanel qui lui prodiguèrent quelques leçons de liberté non seulement par des mots mais par des comportements. Jamais elle ne s’investit collectivement dans la marche pour la libération de la femme, il n’en n’est pas moins vrai qu’en côtoyant ces « femmes du monde » elle s’appropria les valeurs, les manières qui lui permirent de quitter un statut social auquel elle avait décidé de ne plus appartenir.

    Autre rencontre déterminante dans son ascension sociale et professionnelle fut dans le quartier de la Bastille, celle des bougnats qui n’appartenaient à aucune de ces catégories mais qui étaient les pionniers de la profession et qui détenaient une forme de pouvoir, de savoir-faire qu’ils déclinèrent auprès de Louisa dont elle s’empara sans sourciller.

    Pour résister au monde d’hommes dans lequel elle évoluait, elle apprit à s’imposer, à imposer sans vergogne ses valeurs morales, à faire admettre sa touche féminine, à revendiquer ses droits et à saisir les occasions qui auraient un impact positif dans sa vie.

    À tout juste vingt et un ans en 1957, elle remporta sa première victoire professionnelle en s’installant comme tenancière de bar dans le quartier des Halles.

    Émancipée par le mariage à dix-huit ans, mère d’un garçon à dix-neuf ans ; dans cet îlot de Paris où l’existence y était particulièrement rude, elle devint le pilier du « café du commerce ». Une de ses plus belles revanches sur le passé, c’est là qu’elle la connut. Ce fut la première, d’autres suivirent.

    Loin d’être née dans un nid douillet, Louisa, au travers de ses expériences apporte la preuve que quiconque y compris ceux issus d’un milieu modeste peuvent réussir leur vie bien loin de ce que le destin leur réserve.

    D’ailleurs croyez-vous au destin ?

    Sans courage, sans humilité, sans appartenance à un groupe ni opportunité à saisir, prétendre réussir est du domaine de l’impossible.

    En moins d’un quart de siècle, elle parvint à un niveau d’indépendance et de liberté que la société des années cinquante essentiellement conjuguée au masculin s’interdisait de lui accorder.

    Je vous invite donc à partager cette leçon de vie que Louisa m’a livrée avec autant de passion que celle qui fut le moteur de sa réussite.

    Les Petitgand

    Que peut bien présager cette date de naissance ponctuée de multiples de trois ?

    Née un 6 juin 1936 dans le Bas Rhin, la petite Louisa fut déclarée par Madeleine Petitgand à la mairie de Strasbourg quatre jours après sa naissance.

    Son Père d’origine allemande déjà clerc de notaire dut interrompre ses études pour se préparer à servir son pays, lui était le fils unique d’une famille de notables bavarois. Ce furent les seules indications que l’enfant eut de lui.

    Du côté des Petitgand, Ernest, le père de Madeleine était paraît-il secret, peu causant mais un brave homme toujours prêt à rendre service à ses voisins.

    Été comme hiver, coiffé d’un bonnet noir, sa tenue vestimentaire n’avait rien de singulier. Toujours vêtu d’un pantalon en velours, d’une blouse épaisse de couleur bleue sous lequel il portait une chemise en popeline à carreaux ou à rayures sans oublier la paire de bretelles, la ceinture de flanelle autour du ventre et les sabots aux pieds, Ernest sous le joug de son maître tyrannique dont il était le métayer, travaillait dur dans les champs.

    Il trouvait courage et apaisement auprès de Dédé un cheval de trait sans pareil, un boulonnais au large poitrail avec lequel il passait le plus clair de son temps et qui lui obéissait au doigt et à l’œil.

    Pas besoin de beaucoup le guider pour qu’il trace de beaux sillons bien rectilignes dans lesquels son maître faisait pousser avoine, choux, pommes de terre, rutabagas et autres légumes destinés à la consommation humaine ou à celle des animaux.

    Dédé extrêmement bien traité ne manquait de rien.

    Chaque soir Ernest le rentrait à l’écurie où une litière propre et quelques bonnes fourchetées de foin faisaient son bonheur. Ensuite Ernest le passait à l’inspection pour vérifier qu’il n’ait pas de blessures susceptibles de s’infecter.

    Puis c’était le moment de l’étriller, la meilleure façon qu’avait Ernest de récompenser son compagnon de labeur.

    Julienne, la mère de Madeleine, lassée de vivre dans les bas fonds de Strasbourg, dès l’âge de dix-huit ans, avait pris l’habitude d’aller à bicyclette avec deux ou trois copines, danser les dimanches après-midi dans les bals de la campagne environnante. Les jours de mauvais temps, elles empruntaient le tramway qui menait directement sur leur lieu de réjouissance.

    Les déplacements en bicyclette étaient plutôt folkloriques, les filles encombrées de leurs longs jupons volumineux, s’équipaient d’épingles à linge pour éviter que les tissus se prennent dans la chaine du vélo. L’endroit qu’elles préféraient pour aller guincher était l’auberge d’Alphonse à Wolfisheim dans le Bas Rhin et qui était à environ huit kilomètres de Strasbourg.

    Là elles retrouvaient toute la jeunesse des villages environnants dont elles enviaient la jovialité, la simplicité, la solidarité, l’enthousiasme.

    Elles se sentaient bien en leur compagnie, ils riaient à gorge déployée tous ensemble, comme s’ils étaient du même monde. À l’inverse des filles qui vivaient à la campagne et qui étaient accompagnées de leur mère, Julienne, Louisa, Ernestine et Maria venaient seules au bal. Les quatre citadines, un tantinet plus délurées que les villageoises se moquaient parfois sans grande retenue, de leurs mères qui passaient pas moins de deux heures assises sur les bancs jouxtant la piste de danse.

    Ces jeunes filles accompagnaient d’abord leur mère aux vêpres pour terminer l’après-midi sur la piste de danse prenant le risque de se faire courtiser par les garçons qui venaient aussi se divertir.

    Décidemment ces pauvres femmes faisaient tapisserie des après-midi entiers d’abord sur des bancs en bois pour finir sur les banquettes de moleskine de chez Alphonse. Surement qu’elles aussi auraient eu envie d’aller se dégourdir les jambes au son de l’accordéon et de la clarinette mais elles s’en gardaient bien, qu’auraient dit les voisins ?

    Ah mon Dieu, si ce dévergondage était venu aux oreilles d’un mari parfois jaloux, quel malheur !

    Elles n’étaient pas prêtes à mettre leur couple en danger pour quelques pas de danse.

    Elles auraient vécu de quoi après ? Et elles seraient passées pour des femmes de mauvaise vie !

    Donc au lieu de passer le temps agréablement, elles cultivaient leur frustration en restant prostrées là, les unes à côté des autres, comme des pies sur un fil, à papoter, à raconter des cancans sur les uns, les autres mais surtout à surveiller leurs filles ; c’était à celle qui surprendrait la sienne à se laisser glisser un tendre baiser dans le cou de son cavalier.

    Si tel était le cas, le scénario était toujours le même, la mère se levait, allait nerveusement sur la piste, sans dire mot, un peu honteuse, pour soustraire sa fille toute rougissante du bras du jeune homme avec lequel elle dansait pour la précipiter vers la sortie avec pertes et fracas.

    Voilà comment la soirée pouvait se terminer, aussi vite qu’elle avait commencé.

    Souvent les aînées fatiguées du travail de la semaine guettaient cet instant pour rentrer plus vite chez elles et se reposer à l’ombre d’un marronnier, l’été ou au coin de la cheminée, l’hiver.

    Selon les saisons, les approches amoureuses avaient une saveur différente.

    L’été n’était pas l’idéal pour les baisers volés, les moins aventureux préféraient l’hiver où l’obscurité précoce mêlée à la lueur chétive des lampes à pétrole devenait les meilleurs alliés des plus aventureux.

    Les dimanches d’hiver en fin de soirée étaient les moments où la magie de la séduction s’opérait sans crainte d’être réprimandée par les vieilles pies qui, à la tombée de la nuit n’avaient plus l’œil assez aiguisé pour dénicher une tête abandonnée sur une épaule, des jeux de mains égarées ou des ombres en quête de douceur, de tendresse, tout simplement de messages d’amour non encore avoués.

    En réalité ce qui dérangeait les mères des jeunes filles n’était pas de savoir que leur progéniture fréquentait le fils du voisin mais tant que les tourtereaux n’étaient pas officiellement fiancés, ils devaient se cacher pour ne pas laisser libre cours aux qu’en dira t-on qui se disséminaient dans les villages alentours à la vitesse de la lumière.

    C’était la coutume, les familles entretenaient le secret essentiellement autour de leurs filles. Heureusement Julienne et ses amies élevées en ville ne se voyaient pas imposer ces usages qui leur paraissaient être d’un autre temps. Sans faire les folles, sans s’afficher comme libératrices des filles de leur génération, respectueuses des traditions, elles profitaient sainement de ces moments entre parenthèses, en compagnie de jeunes gens de leur âge.

    Tous ensemble levaient le verre, partageaient des moments conviviaux, sans crainte d’être jugés.

    Ces bals de campagne à l’époque où les gens s’endimanchaient en habits régionaux ressemblaient à de véritables parterres de fleurs.

    Les demoiselles aux jupons brodés de fils de soie de couleurs vives et aux larges coiffes noires étaient resplendissantes, chacune était à elle seule une fleur des quatre saisons.

    Quant aux hommes, ils ne portaient pas de costumes d’apparat mais leurs vêtements étaient toujours propres, le jour du Seigneur était celui où ils sentaient bon le savon à raser. Comme ils disaient, ils se mettaient en bourgeois. La mode étant au petit gilet sans manche enfilé au-dessus d’une chemise blanche, tous sortaient accoutrés dans la même tenue. À la tombée de la nuit entre chiens et loups, ils avaient tous la même dégaine.

    Cette jeunesse qui venait de vivre l’enfer, et qui n’avait qu’une seule envie, mordre dans la vie à pleine dent pour oublier tant d’années de restriction, de malheur, baignait dans une totale insouciance au lendemain de la première guerre mondiale.

    Un jour, un dimanche après-midi à peine entrées dans l’auberge de la place centrale à laquelle était adossé un parquet utilisé comme piste de danse, un homme de taille moyenne, aux cheveux châtains soigneusement gominés qui semblait plus âgé que Julienne et que celle-ci n’avait jamais rencontré auparavant, s’avança nonchalamment vers la demoiselle et lui tendit la main droite.

    – Mademoiselle, accepteriez-vous de faire cette polka avec moi ?

    – Oui bien sûr, répondit – elle, elle n’était pas venue pour faire banquette, pardi !

    Les deux jeunes gens esquissèrent pour la première fois ensemble quelques pas de polka.

    Un peu maladroits les toutes premières secondes, juste le temps de s’accorder, les voilà sur un air de polka, après quelques pas chassés, piquaient le talon, pointaient le bout du pied sur la piste comme s’ils avaient toujours dansé ensemble.

    Puis l’orchestre perché sur une estrade enchaîna valse musette puis tango pour donner de l’entrain à tous ces bidochons qui se régalaient de danser comme ils savaient, au son de l’accordéon, ils étaient plaisants à regarder. Julienne et son cavalier étaient de ceux-là.

    Cependant trop timides l’un et l’autre pour discuter même de banalités c’est à peine s’ils échangèrent un sourire, un regard furtif. Une fois les quelques danses terminées, il raccompagna Julienne vers l’extérieur de la piste puis s’inclina vers elle, une façon bien galante de la remercier, pensa-t-elle.

    Et oui, c’est ce qui faisait la différence entre les citadins et les gens de la terre.

    Les uns se conduisaient comme de jeunes chiens fous avec les jeunes filles, les autres plus prévenants respectaient les traditions. Puis chacun repartit de son côté, Julienne un peu émoustillée par cette rencontre, sortit prendre l’air à l’ombre du tilleul vieux de quatre-vingt-dix ans qui trônait en maître sur la place du village.

    Elle alla radieuse, le sourire en coin, retrouver ses copines qui ne manquèrent pas de la taquiner et de la questionner sur l’illustre inconnu qui l’avait invitée.

    La jeune fille aurait bien aimé avoir matière à leur raconter mais elle ne savait encore rien de lui, elle ne put donc rien en dire si ce n’est qu’il était un excellent danseur et qu’il sentait bon l’eau de lavande

    L’homme de quatre à cinq ans son aîné habitué à retrouver ses copains autour d’un verre laissa filer quelques danses avant de refaire un tour de salle pour chercher une cavalière.

    Mais Julienne, voyant que

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