L'appel de Mbidi Kiluba: Un réveil de la conscience Luba
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Aperçu du livre
L'appel de Mbidi Kiluba - M. A. Muambay et A. A. Mulangu
M. A. MUAMBAY & A. A. MULANGU
L’APPEL DE MBIDI KILUBA
Un réveil de la conscience Luba
Préface du Professeur Jean ABEMBA Bulaimu
Dédicace
A toi Mulopwe
Kalala Ilunga Mbidi,
Symbole de notre grandeur perdue !
A toi jeunesse luba distraite et inconsciente,
Pourtant espoir de notre avenir !
Nous vous dédions ce minuscule ouvrage.
© Les Éditions du Net, 2013
ISBN : 978-2-312-01859-1
« Nous cherchons la philosophie qui convient à ce que nous possédons, c'est-à-dire celle qui lui prête un reflet doré. Les grands réformateurs comme Mahomet s’entendent à donner un nouvel éclat aux habitudes et aux biens des hommes ; ils ne leur ordonnent pas de chercher « autre chose », mais de sentir comme une essence supérieure ce qu’ils peuvent et veulent avoir (à y « découvrir » plus de sagesse et de bonheur qu’ils n’en avaient trouvés jusqu’alors) ».
(F. Nietzsche, La volonté de puissance II, 1995, 179)
Remerciements
A tous ceux qui de loin ou de près ont rendu possible la réalisation de cet ouvrage : ceux qui nous ont inspiré l’idée de l’écrire à travers les entretiens et les dialogues, puis ceux qui ont accepté de répondre à nos différentes questions sur la culture de diverses tribus luba, et enfin ceux qui ont permis son accomplissement par leur assistance matérielle et financière.
Qu’ils trouvent ici l’expression de notre gratitude du fond du cœur.
Préface
Construire une nation, voilà l’un des défis majeurs auxquels sont confrontées les anciennes colonies devenues voici déjà un demi-siècle, les jeunes États africains. Mais, le fait national est une donnée d’histoire, qui a besoin de temps et de patience.
Une nation, c’est comme une tour, un immeuble à plusieurs étages. La famille, le lignage, le clan, la tribu, voilà les étages inférieurs et successifs que l’histoire bâtit l’un après l’autre, l’un avant l’autre.
Au Congo, le fait national est d’une complexité particulière, à cause entre autres de l’immensité de l’espace géographique national et du trop grand pluralisme ethnique et tribal. Toutefois, la diversité et le pluralisme des groupes vont heureusement se faire avec un certain nombre de convergences qui font que la de multitude, se sont dégagés quelques grands ensembles ethniques qui jouent le rôle de locomotive dans le processus d’intégration nationale.
Parmi ces grands ensembles, les Luba occupent une position majeure. D’une part le concept rassemble à la fois les Luba-Kasaï et les Luba-Katanga. Il s’agit de deux fonctions d’un même grand ensemble qui occupent l’espace géographique actuel au Kasaï, au Katanga et au Maniema; à la faveur d’une migration partie de l’Afrique du Sud dès le XVIIe siècle.
L’étude qui nous est proposée ici a une double finalité. La première finalité est d’abord pédagogique: la connaissance de la communauté luba est une nécessité et une utilité. La connaissance est une condition de l’existence historique d’un organisme biologique et social. La connaissance de soi ou en soi précède la connaissance pour soi. Or l’existence historique est celle qui résulte de la connaissance d’un groupe qui découvre et partage un espace-temps et un espace-lieu avec les autres. Cependant, vivre avec d’autres groupes sur un espace c’est devoir vivre en concurrence, mieux en compétition, et parfois une compétition féroce pour la vie ou pour la mort du groupe. Or, il n’ya jamais des victoires en dehors de la connaissance en soi et de la connaissance pour soi, et il n’y a pas des meilleures connaissances pour soi qui ne soient précédées par une connaissance de soi. C’est ce que les auteurs de cet essai proposent aux Baluba.
Nous avons la certitude, les auteurs de cet essai savent que les Baluba dont ils parlent ne sont pas seulement ceux qui vivent dans les deux Kasaï mais aussi les Luba dits Balubakat, et aussi les groupes ethniques « Lubaïsés », auxquels il faut associer les groupes ethniques Songye de Kabinda et d’ailleurs; groupes ethniques dont est originaire le fondateur de l’empire Luba Ilunga Mbidi.
La revendication du rapport Luba en Égypte pharaonique n’est pas une invention de leur part, c’est une réalité historique, biologique et culturelle confirmée par l’histoire, l’anthropologie et la théologie. Et c’est là que réside l’autre finalité de cet essai; une finalité philosophique et sociopolitique. L’Afrique et le Congo vivront et survivront grâce à l’intégration et à l’unité. Or, l’éloge de la connaissance et de la réalité Luba est une contribution à cette intégration car, le phénomène Luba dépasse le fait tribal Luba. Il est un phénomène supra-tribal et en tant que tel, il est un étage supérieur dans le processus de l’unité du Congo qui est elle-même un étage vers l’unité de l’Afrique.
L’éloge de la grande communauté Luba est un appel à l’éloge des grandes communautés ethniques voisines et sœurs dans la grande nation congolaise, d’autres communautés ethniques avec lesquelles les Luba ont partagé la même origine égyptienne et le même parcours migratoire, depuis l’Égypte dans l’antiquité jusque sur les terres congolaises au XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, en passant par le Sahara et l’Afrique du Sud.
De ce fait, les auteurs de cette étude ne font pas l’éloge des origines et de l’histoire sur les Luba et les Lubaïsés mais aussi sur celles des grandes communautés Né-Kongo, Lunda, Bangala et de beaucoup d’autres ensembles ethniques et culturels aujourd’hui engagés dans le processus de cette grande nation congolaise.
Jean ABEMBA Bulaimu
Professeur Ordinaire
Université de Kinshasa
Avant-propos
Nous sommes en janvier 2012. Quelques semaines après les élections présidentielles et législatives couplées du 28 novembre 2011. Un compatriote et frère, un professionnel des médias, originaire du Maniema, de la tribu Bangu-Bangu, lui-même un Luba sans qu’il s’en rende compte, nous pose une question très pertinente sans s’imaginer un seul instant qu’elle sera un jour à l’origine d’un travail, ce minuscule ouvrage. Il dit :
« Pourquoi de toutes les grandes communautés ethniques du Congo, il n’y a que vous les Baluba qui êtes en conflits perpétuels ? Vous vous dénigrez les uns les autres et vous semblez ne pas vous supporter mutuellement. Alors que pour nous du Maniema, par exemple, tout ressortissant du Grand du Kivu{1}, quelle que soit sa tribu, est un frère que nous avons l’obligation d’assister en cas de besoin ». Pour étayer ces propos, il renchérit :
« Les Mongo, les Kusu et les Tetela sont tous des Anamongo. Ils sont répartis sur trois provinces différentes : l’Équateur, le Maniema et le Kasaï Oriental ; mais ils se sentent tous frères, même dans une ville mosaïque comme Kinshasa. Ils s’appellent Noko : oncles, et s’entendent parfaitement. On les voit se mettre ensemble et trouver des solutions devant un problème.
Les Teke aussi. Sur le plan national, il y a des Teke de Kwamutu, le long du fleuve Congo et de la rivière Kasaï ; et les Teke de la terre ferme, le long de la route de Bandundu jusqu’à la rivière Kwango. Ces gens là sont toujours ensemble. Lorsque les premiers ont un problème, ils se réfugient chez les seconds et vice versa. Sur le plan international les Teke sont établis dans trois pays : le Congo Démocratique, le Congo Brazzaville et le Gabon. Plus fort encore, ce peuple, en dépit des nationalités différentes, manifeste une réelle fraternité et obéit à un même chef : le Roi Makoko basé au Congo Brazzaville.
Tout ceci n’est pas le cas pour les Baluba qui constituent une exception paradoxalement à toutes les grandes communautés ethniques du pays. Ils brillent par des mésententes, des dénigrements mutuels, des querelles interminables et des conflits fratricides qui mettent en danger même les intérêts de tout le Congo. Les illustrations suivantes sont très éloquentes à ce propos:
1°. Le conflit fratricide entre les Katangais et les Kasaïens au début des années 90, vers la fin du règne sans partage de Mobutu, est un cas encore frais dans nos mémoires qui a semé la désolation et renforcé des discordes au sein de la grande famille Luba. Ces désordres ont été entre autres causes de la chute vertigineuse de la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines) et de la Société Nationale des Chemins de fer du Zaïre (SNCC), deux sociétés sensiblement vitales pour le pays, composées à l’époque d’une importante main-d’œuvre Luba Kasaï particulièrement au niveau des équipes dirigeantes.
2°. Un jour, un ami originaire Luba de Kananga me fît remarquer lors d’un entretien, à ma très grande stupéfaction parce que je ne pouvais jamais l’imaginer auparavant: ‘’Nous, nous sommes des Baluba, d’accord, mais plus spécifiquement des Lulua, différents des autres, des gens de Mbuji-Mayi, par exemple, qui sont arrogants. Nous, nous sommes plus civilisés.’’
3°. Les Bazula reconnus comme des Baluba au Maniema semblent se faire rejeter par les autres compatriotes de leur province à cause de leur arrogance et leur verve oratoire. Imaginez qu’ils sont originaires du territoire de Kasongo où ils vivent dans les faubourgs à une dizaine de kilomètres. Tandis que leur territoire avait droit à trois sièges à pourvoir aux dernières élections législatives de Novembre 2011, au lieu de s’entendre et présenter un ou deux candidats, par exemple, eux en ont présenté cinq. Finalement ils n’ont gagné aucun siège sur leur propre territoire ; et pourtant, ils ne pouvaient pas mieux ailleurs. Voyez-vous comment, à cause de leur hargne réputée ils ont perdu certaines responsabilités politico-administratives de leur terroir !
4°. Pour comble enfin, nous venons de connaître dans notre pays des élections présidentielles et législatives très attendues par notre peuple, où les deux plus grands candidats à la présidence, Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi, sont tous Baluba, originaires respectivement du Katanga et du Kasaï. Le premier a été proclamé vainqueur et le second a contesté. L’un et l’autre ont prêté serment avec trois jours d’intervalle. Nous courons une nouvelle fois les risques de confrontation entre Katangais et Kasaïens avec comme incidence un embrasement total du pays. Pourtant les deux candidats Luba auraient pu s’entendre pour que l’un, par exemple, désiste au profit de l’autre, afin de mettre la majorité de l’électorat Luba d’un même côté et maximiser les chances de réussite. Vous comprenez combien les Baluba sont à l’origine d’innombrables malheurs qui frappent notre pays.»
Après une oreille attentive, interpellés, conscients, nous avons remercié notre très cher interlocuteur pour la pertinence de ces observations où il nous a appris une nouveauté, une révélation que les Bazula au Maniema sont une tribu de la grande ethnie Luba.
A la suite de cette interpellation profonde, nous nous sommes finalement imaginé que les Bazula ne pouvaient pas constituer un cas isolé, qu’il devait y avoir d’autres tribus Luba, au Maniema et ailleurs, que nous ignorions ; les rechercher, les identifier, les localiser et les rassembler aura été un grand avantage pour notre peuple.
Dans le but de satisfaire cette première motivation, nous avons vite couru vers notre petite bibliothèque rechercher tout ce qui pouvait avoir un rapport avec le peuple Luba au Congo et dans le monde : culture, histoire, ethnographie, économie, politique, etc. Et du résultat de notre recherche, nous fûmes émerveillés de découvrir, entre autres choses, que : les Baluba, rien que pour les provinces du Katanga et des deux Kasaï, constituent la plus grande ethnie du Congo et l’unique communauté naturelle de ce pays où l’on trouve effectivement des tribus répondant au nom de Luba auxquelles correspondent également des langues naturelles, le Kiluba ou le Ciluba, parlées comme langues premières, maternelles et tribales. Ces découvertes élargirent notre motivation profonde que nous fumes finalement interpellés pour la rédaction de cette minuscule dissertation.
En effet, avec une vaste superficie de 2.345.409 km², soit l’équivalent de l’Union Européenne actuelle avec ses 27 États, le Congo est un pays aux dimensions d’un sous continent, composé de 570 tribus{2} répertoriées parmi lesquelles les Baluba. Ces tribus à la démographie variable, forment des ensembles linguistiques et culturels, les ethnies, parfois disséminés sur plus d’une province, voire étendus au-delà des frontières nationales. Pour n’illustrer que peu, tel est le cas des : Lunda répartis au Katanga et au Bandundu ; Chokwe vivants au Katanga et au Kasaï Occidental ; Bakongo étalés sur les provinces du Bas-Congo et de Bandundu ; Anamongo dans les provinces de l’Équateur, du Kasaï Oriental et du Maniema ; et Baluba répartis sur les provinces du Maniema, du Katanga, du Kasaï Oriental, du Kasaï Occidental et de Bandundu, etc.
Sans avoir tenu compte du Maniema et de Bandundu, le recensement scientifique de 1989 donnait aux Baluba du Katanga et des deux Kasaï, à eux seuls, plus de 18% de la population congolaise{3}, et partant en faisait la première communauté ethnique et la première force démographique du Congo.
Excepté la communauté Luba qui fait l’objet de cet appel, la vie des autres ethnies congolaises trans-provinciales reste caractérisée par la reconnaissance mutuelle, l’entente, l’unité, la fraternité, la cohabitation pacifique, etc., partout où ils se retrouvent. Comme exemples :
Sur le plan national : un Chokwe du Kasaï Occidental fraternise bien avec les Chokwe du Katanga qu’avec les Baluba-Lulua de sa province. Un Rega du Maniema se sent chez lui parmi les Rega des deux Kivu que parmi les Kusu de son terroir. J’en passe et des meilleures. Au niveau continental : Un Gbandi du Congo Kinshasa pactise bien avec ses frères ethniques de Centrafrique, au détriment de ses propres compatriotes congolais. Un Tutsi Ougandais compose bien avec les Tutsi Burundais qu’avec ses compatriotes d’origine bantoue. On n’en dira jamais assez.
Même à l’échelle planétaire, nous pouvons aussi voir que : un Anglais britannique traite à merveille avec un Anglais américain qu’avec un Français européen comme lui. Un Juif anglo-saxon des États-Unis harmonise facilement avec un Juif Mandarin de la Chine qu’avec son compatriote hispanophone. Un Arabe du Maghreb en Afrique est plus proche de son frère Arabe du Machrek au Moyen Orient que de son compatriote Berbère. Un Kurde de Syrie se sent plus apparenté aux Kurdes de Turquie, d’Iraq, d’Iran et d’Azerbaïdjan qu’à ses compatriotes Arabes. Les exemples sont légion.
Mais, les Baluba font totalement exception à cette sagesse indispensable pour le développement et la grandeur des peuples. D’abord, ils ne se connaissent même pas, d’une manière générale. Lorsqu’ils se connaissent, dans quelques cas, ils se connaissent mal, ne vivent pas dans l’unité, la solidarité et la cohésion. Parfois, ils se livrent à des rivalités et des concurrences déloyales, surtout en matière de commerce ; ils s’engagent dans des conflits fratricides qui les affaiblissent et remettent en cause l’unité, la paix, la stabilité et l’existence de tout le Congo. Sinon, ils vivent continuellement sous des tensions latentes et permanentes, dans une paix de braves, sur une poudrière où tout peut arriver et à n’importe quel instant. On dirait qu’ils se sont entendus pour ne jamais s’entendre. Et pourtant, ils sont tous frères.
Au moment où tous les Arabes du Machrek en Asie et leurs frères du Maghreb en Afrique militent pour l’unification de leur nation et l’émergence d’un seul État arabe ; au moment où tous les Kurdes de Syrie, de Turquie, d’Azerbaïdjan, d’Iran et d’Iraq luttent pour l’unification et la formation d’un État kurde ; au moment où tous les juifs du monde rêvent d’abord d’un Grand Israël du Nil en Égypte à l’Euphrate en Iraq, puis d’un État juif planétaire sous couvert de la globalisation et de la mondialisation ; au moment où des mosaïques des peuples qui ne sont unis par rien si ce n’est par leur humanité se sont évertués jusqu’ à former des unions, des nations et des États ça et là à travers le monde, les Baluba, un grand peuple uni par le sang, l’histoire et la culture, reparti au Congo et dans certains pays limitrophes, se lèvent avec les armes à la main pour se combattre, s’entretuer et verser ce sang commun, pour des petits intérêts égoïstes. Un paradoxe !
Ce comportement malheureux, pour ne fustiger que lui, dont la conséquence fatale est la ruine, exige avant qu’il ne soit trop tard, de la part de tout esprit patriotique Luba, un véritable changement de mentalité et un sérieux éveil de conscience. Le Seigneur Dieu n’a-t-Il pas dit :
"Dieu ne change rien en un peuple
jusqu’à ce qu’ils changent ce qui est en eux-mêmes."{4}
L’homme est un dieu qui s’ignore, disent les gens de la gnose. Et l’homme est un roseau pensant, a dit Blaise Pascal. La source de son bonheur se trouve en l’homme lui-même, tout comme la source de son malheur. Dans un recueil de vers attribués à Ali Ibn Abitalib, nous lisons :
"Prétends-tu n’être qu’un petit ver,
Alors qu’en toi se cristallise tout l’univers,
Ton remède est en toi, mais en as-tu conscience ?
Et ton mal vient de toi, en as-tu clairvoyance ?" (Lari, 1987)
« Aide-toi, le ciel t’aidera », dit un adage populaire. Tout changement dans la société humaine dépend du changement de mentalités, du réveil de conscience, de la réforme de l’homme d’abord, car :
« L’homme est l’essence de tous les êtres dans le monde. L’homme est un merveilleux être qui est infini dans tous les extrêmes, infini en béatitude, infini en misère. La source de tous les dangers de l’homme c’est l’homme lui-même et la source de la réforme doit aussi commencer par l’homme lui-même. Le point de départ pour n’importe quelle réforme c’est l’homme. Lorsque l’homme est réformé, toute chose est rectifiée. Et c’est la voie divine droite qui peut guider l’homme de la déficience à la perfection » (Khomeiny, 1994).
C’est peut être dans le même ordre d’idées que l’ancien président chinois Lee Teng-Hui constatera pour sa part que :
« La civilisation moderne valorise exagérément le ‘’profit’’ et le ‘’plaisir’’. Nous avons oublié le sens de la vie et les moyens d’enrichir notre vie spirituelle. C’est pour cela que j’ai demandé à mes compatriotes de s’améliorer et d’essayer d’élever leur esprit et leur âme. » (Kapanga, 2005).
Aldous Huxley donne en substance un enseignement conforme lorsqu’il écrit :
« Le karma, selon les Hindous, ne dissipe jamais l’ignorance, étant dans une même catégorie avec elle. La connaissance seule dissipe l’ignorance, de même que la lumière seule dissipe les ténèbres (…) Le processus causal s’effectue dans le temps, et ne saurait absolument pas avoir pour résultat la délivrance à l’égard du temps. Une telle délivrance ne peut s’accomplir que comme conséquence de l’intervention de l’éternité dans le domaine temporel ; et l’éternité ne peut intervenir, à moins que la volonté individuelle ne fasse un acte de négation du moi, produisant ainsi en quelque sorte, un vide dans lequel puisse couler l’éternité. Supposer que le processus causal dans le temps puisse, par lui-même, amener la délivrance à l’égard du temps, c’est comme si l’on supposait que l’eau montera dans un espace qui n’a pas été préalablement purgé d’air » (Huxley, 1936).
Même pour la philosophie de l’auto-prise en charge de l’homme ou le nihilisme de Nietzsche,
« L’homme, en dernière analyse, ne retrouve dans les choses que ce qu’il y a mis lui-même ; ce qu’il retrouve s’appelle science, ce qu’il introduit s’appelle art, religion, amour, orgueil. Dans les deux cas, même s’il ne s’agissait que d’un jeu d’enfant, on n’aurait qu’à continuer et à garder bon courage, les uns pour retrouver leur mise, les autres – nous autres – pour l’y introduire » (Nietzsche, 1995).
L’on s’aperçoit finalement, eu égard à tout ce qui précède, que l’action humaine est un véritable catalyseur dans la situation des individus et de leurs communautés. C’est une hypothèse claire et démontrable qui réfute la thèse d’un quelconque peuple élu, virant le plus souvent à un fatalisme aveugle qui laisse supposer que les gains sont tout à fait prédestinés dans la vie d’un être humain. Alors que chaque peuple, quel qu’il soit, grand ou petit, blanc ou noir, jaune ou rouge, peut se donner un rôle historique et l’assumer pleinement. Le destin de chaque peuple est dans ses propres mains. Chaque nation peut elle-même déterminer son propre devenir. Par la volonté du peuple, volonté qui soit conforme à la volonté de Dieu, volonté qui soit pour Dieu, l’impossible devient possible et le probable devient certain. Mais pour y parvenir, ce peuple doit modifier d’abord sa propre mentalité, réveiller sa conscience, et se doter d’une perception correcte du monde.
Telle est une conscience collective éveillée, une conscience cultivée c'est-à-dire une conscience qui se situe elle-même. Le réveil de la conscience Luba a pour but d’éveiller dans tout sujet Luba le sentiment du devoir de grandeur du Lubaland, du Congo et de l’Afrique. La prise de conscience Luba est un véritable appel à l’unisson adressé à tous les Baluba pour la construction d’une communauté forte, au sein d’un Congo paisible et fort, uni et prospère, sur les bases culturelles que nos peuples ont générées et développées pendant des millénaires.
Le présent appel adopte donc un discours au second degré sur l’histoire Luba. Les présentations narrative et explicative apparentes se doublent en filigrane d’un rôle épistémologique, cognitif et ontologique visant des fins, en dernier ressort, tout à fait plus politiques (pensée et vie politique, politique socio-économique, politique culturelle, etc.) et articulées sur des créneaux réels. L’éveil de la conscience Luba entend mettre à profit ces différents créneaux pour ses fils et ses filles, et pour tous les Congolais dans une large mesure.
Il s’agit d’un discours visant une nouvelle dynamique du « développement centré sur un noyau démographique » et qui transcende expressément le simple rôle « d’histogenèse » des peuples liés par des relations de consanguinité. On ne devrait nullement se laisser leurrer par la simple évocation du passé et par la restitution cohérente et intelligible des tableaux ; le rôle de l’histoire déborde ici sa vocation traditionnelle de reconstitution des véritables trames des événements.
Pour les uns, cette démarche va s’avérer plus ambitieuse. Revivifier une réalité vieille des millénaires ne peut être possible que dans un songe. Pour les autres, la préoccupation reste vilaine, affreuse, infecte, téméraire, menaçante…Revenir au tribalisme en ce 21ème siècle où l’humanité entière pense mondialisation, c’est rester en marge de l’histoire, faire montre de bassesse morale et spirituelle.
Certes, lorsque nous choisissons de créer, nous devons nous accorder une plus grande liberté que celle qui nous est habituellement reconnue par les normes. Nous devons nous affranchir de ces limites et orienter nos pensées vers des buts fermes et pertinents. Sans doute, « le Dieu qui crée un Bien nouveau, les conservateurs du Bien ancien l’ont toujours tenu pour un diable. » (Nietzsche, 1995). La destruction des valeurs sur lesquelles se fondent actuellement les droits et les avoirs des peuples ne peut jamais paraitre une bonne chose aux yeux de ceux qui tirent un quelconque avantage de ces distributions même si elles sont visiblement dépassées ou inappropriées. C’est la difficulté à laquelle ont été confrontés tous les hommes dont la supériorité s’avère encore comme Jésus Christ, Muhammad ou encore plus proche de nous, Lumumba pour ne citer que peu. Les différentes versions historiques nous rapportent le sort tragique qui leur a été réservé (pendaison, croisades, assassinat) pour rendre compte du niveau d’hostilité des conservateurs au changement. Les « valeurs » sur base desquelles ces sentences ont été fondées ont-elles été valables à une époque connue de l’histoire ? Nous pensons que la conscience de tout un chacun a une réponse à cette interrogation.
Revivifier le « produit » de Mbidi Kiluba ne peut être regardé avec mépris en vertu d’une quelconque morale que si cette mesure correspond à « la forme la plus maligne de la volonté de mentir » (Nietzsche, 1995). Sinon, tous les peuples de la terre ont droit de prolonger leurs dynasties et leurs cultures. C’est la voie ultime pour assurer l’éternité des esprits les plus nobles de son peuple ; se réconcilier avec un passé édifiant afin de servir d’exemple à l’avenir et ainsi tisser une chaine intergénérationnelle de référentiels qui sauvegardent la survie à jamais des générations passées, présentes et futures ; vivre et agir conformément aux aspirations les plus nobles de son peuple. Tout individu cultivé devrait donc posséder au moins une tradition continue de connaissances et de pensées nobles et de la prolonger en soi.
Les juifs ont livré un bel exemple d’un peuple dispersé à travers le monde, sans territoire, sans gouvernement mais qui finalement s’est ressaisi et constitué un État après des siècles d’inconstance. Alors que le peuple Luba se trouve concentré, dans sa majorité, au sein d’un même État, sur sa propre terre qu’il ne dispute avec personne, la création d’un corps solide et ambitieux n’est pas autant risquée ; il suffit d’un réveil de conscience pour dégager une large base sur laquelle bâtir une race plus vigoureuse, plus organisée, plus prétentieuse.
Pareille organisation est une forme naturelle de socialisation humaine, plus durable et plus prospère parce que la transmission des caractères génétiques y déborde le simple domaine des individus vers celui de la communauté; érige des institutions pertinentes et aussi les normes qu’elles sécrètent ; facilite le lissage des objectifs individuels a priori épars ; développe une identité en vertu de laquelle les influences exogènes sont mesurées et tenues à la charge de la communauté qui, grâce à son pouvoir ambivalent, est en droit de résister et les asphyxier ou les ménager et les intégrer.
Ces sociétés naturelles se retrouvent dans tous les États du monde et font office de partenaires légitimement reconnus aux côtés d’autres forces. Ailleurs où leurs intérêts sont étouffés, elles se battent acharnement pour faire entendre leurs convictions intimes allant de simples revendications à une autodétermination. Ces revendications, nombreuses et grouillantes à travers l’ensemble de la planète et toujours identifiables malgré les multiples carapaces dont elles se recouvrent, laissent conjecturer même sans se verser dans une quelconque prémonition qu’à défaut de se convertir en États de demain, elles en seront partout la seule forme de composantes majeures.
Le Programme de Nations Unies pour le Développement (PNUD) a reconnu autrement cette dimension décisive par le fait d’admettre que « l’aptitude des individus à tisser des liens avec d’autres, en particulier lorsque c’est dans des conditions de confiance et de réciprocité, constitue une autre forme de ressource, un capital social » ( Rapport du PNUD, 1997). Il s’agit ici d’un aval transparent donné à la culture sociale et politique dont la perfection fait partie intégrante du développement humain, car les individus ne sont pas tenus à rechercher simplement les richesses matérielles pour se développer, ils doivent en plus acquérir et parfaire sans relâche leur capital humain, à l’aide de l’éducation et de la culture entre autres moyens.
Mais la culture sociale et politique des peuples n’est pas à penser en termes d’un « succédané mondial » bien que le développement rapide des moyens de communication ait amplifié la vulgarisation de certaines traditions, de certains modes de vie. Les deux cultures, sociale et politique, constituent pour chaque peuple des sous-ensembles de sa propre culture, elle-même liée à l’origine de ce peuple sous l’aspect d’un système des clichés, lesquels, développés correctement traduisent simultanément les caractères déterminants du parcours communautaire dans son environnement spatio-temporel et la rationalité collective afférente à chacun des caractères. L’obstination d’une herméneutique locale vis-à-vis des réalités étrangères constitue avant tout une confrontation des rationalités. Lorsque le capital humain local qui fait généralement office d’agent préposé à cette mesure sanctionne la primauté de sa propre rationalité, l’élargissement de la culture à ces valeurs nouvelles se révèle inapproprié.
C’est ainsi qu’il serait surprenant de remarquer chez certains sujets indiens une réticence nette face à la consommation de la viande de bœuf alors qu’ils ne partagent pas la foi hindoue. La raison juge ce comportement comme insociable et provocateur, mettant à mal leurs auteurs par rapport à leur milieu d’origine. Alors, il n’est pas logique de développer cette pratique ou de l’inculquer dans descendance car ce serait comme couper cette dernière de son origine. La même raison peut motiver une arabe chrétienne à porter quotidiennement le voile ou à tenir éloignés la viande de porc et l’alcool ; ainsi d’un musulman à respecter les fêtes chrétiennes ou juives. Toutes ces concessions, qu’elles s’accomplissent à titre de conformisme ou d’intégration, sont autant nécessaires pour la paix et la cohésion sociale. Le développement devrait donc rechercher ces conditions de cohabitation aisée plutôt que de véhiculer un « spécimen » comme une certaine culture noble. Il n’existe pas de culture plus noble que sa propre culture. C’est pourquoi, cette dernière, même placée dans l’impossibilité extrême de rejeter une valeur exogène prescrite, a la capacité d’entretenir un « effet d’hystérésis » si la rationalité locale n’est pas convaincue. En République Sud Africaine par exemple, la légalisation de l’homosexualité l’a rendue conforme à la loi mais elle est restée incongrue et source d’homophobie croissante comme partout ailleurs en Afrique noire. On comprend finalement que le caractère informel de l’homosexualité n’est pas là la cause de l’homophobie. Ainsi de l’avortement dans certains milieux religieux où il est associé à un homicide. Alors, si étouffer la culture demeure si laborieux, détruire l’origine des peuples devra s’avérer encore plus pénible, voire irréalisable. Autant intégrer le caractère d’origine dans la considération des peuples pour les aborder avec leurs différences que de forger un lissage simplement illusoire pendant qu’au fond chacun reste attelé à sa source.
Pour comprendre l’importance de la notion de « peuple » et anticiper que c’est le modèle de développement de demain, le plus stable, le plus permanent, le plus pérenne, il suffit de passer le monde en revue pour identifier le nombre de velléités et des turbulences autour de la question.
Aux États-Unis d’Amérique par exemple, les peuples sont toujours désignés en fonction de leurs origines : Arabes, Juifs, Anglo-Saxons, Hispaniques, Afro-Américains, etc. Ces origines permettent de les identifier, les connaitre, les comprendre, les accepter dans une mesure et les inciter à parfaire l’autre part incompatible en les confrontant justement à ce qui est socialement plus satisfaisant. Aucun peuple n’est parfait, chacun a ses défauts dont il ne peut se débarrasser, à défaut d’innovation, qu’en copiant ce qu’il y a de plus valable chez son partenaire. De même lorsque ceux qui orientent le cours des choses décident de faire profiter à l’ensemble du pays certaines options plus bénéfiques, ils savent plus ou moins parmi les