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Pourquoi maman ?
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Livre électronique313 pages5 heures

Pourquoi maman ?

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À propos de ce livre électronique

L’histoire de Marie est malheureusement une histoire vécue par des milliers de petites filles qui deviennent des femmes beaucoup plus tôt que ça ne le devrait. Des petites filles qui subissent jour après jour l’inceste de la part de la personne qui représente bien souvent l’autorité au sein du foyer. Toutes ces petites filles à qui l’on demande le plus grand silence autour de ces affaires sordides pour éviter soi-disant les représailles. Mais même si elles observent cette règle du mur du silence rien ne les protège des coups qui pleuvent sur ces petits corps fragilisés, plus souvent que de raison. Le moindre écart est toujours prétexte à subir des sanctions si pénibles qu’elles se retrouvent souvent défigurées par les coups puissants, top souvent assénés sans se préoccuper de leur gravité. Marie est cette petite fille à qui l’on à volé son enfance, fait de sa vie un enfer et qui a réussi grâce à l’amour de son conjoint, à se reconstruire et mener une vie normale.
LangueFrançais
Date de sortie26 mars 2013
ISBN9782312009131
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    Aperçu du livre

    Pourquoi maman ? - Annick Pellerin

    cover.jpg

    Pourquoi maman ?

    Annick Pellerin

    Pourquoi maman ?

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-00913-1

    Avant-Propos

    L’histoire de Marie est malheureusement une histoire vécue par des milliers de petites filles  qui deviennent des femmes beaucoup plus tôt que ça ne le devrait. Des petites filles qui subissent jour après jour l’inceste de la part de la personne qui représente bien souvent l’autorité au sein du foyer. Toutes ces petites filles à qui l’on demande le plus grand silence autour de ces affaires sordides pour éviter soi-disant les représailles, mais jamais le silence ne protège des coups qui pleuvent comme une pluie de grêlons. 

    Mais même si elles observent cette règle du mur du silence rien ne les protège des coups  qui pleuvent sur ces petits corps fragilisés, plus souvent que de raison. Le moindre  écart est toujours prétexte à subir des sanctions si pénibles qu’elles se retrouvent souvent défigurées par les coups puissants, top souvent assénés sans se préoccuper de leur gravité et de la souffrance physique et morale que bien souvent, malheureusement ils entrainent

    Marie est cette petite fille à qui l’on à volé son enfance, fait de sa vie un enfer et qui a réussi grâce à l’amour de Maxime, son mari, à se reconstruire et mener une vie normale.

    Ce livre est dédié à toutes les petites victimes du sadisme des adultes qui vivent dans l’angoisse, emmurée dans ce silence qui les tue peu à peu. Marie a voulu exorciser ses cauchemars qui la hantaient jour et nuit depuis ce fameux soir, alors qu’elle n’avait que neuf ans. Elle a voulu en finir une fois pour toutes avec cette enfance violée, cette vie brisée en pensant aux enfants qui sont battus et abimés, pour qu’ils ne restent pas enfermés dans cette triste solitude, et les amener à trouver cette force au fond d’eux pour briser ce monde du silence qui les entoure.

    Marie est ce bel exemple de petite fille ayant été martyrisée plus qu’une enfant de son âge ne pouvait le supporter et qui a réussi à se reconstruire avec l’aide et l’incroyable patience de son mari et à mener cette vie dont toutes femmes rêvent, fonder un foyer avoir des enfants, qu’elle aimerait plus que tout au monde.

    Chapitre 1

    Je suis arrivée par un beau matin de décembre assez frisquet. Ma mère n’avait alors que dix-sept ans, et j’étais le fruit d’une aventure sans lendemain. Je compris très vite que je n’étais pas une enfant désirée. Dès que je sus marcher et qu’un visiteur se présentait, je devais me mettre dans le placard sous l’escalier et surtout ne pas faire de bruit pour ne pas attirer l’attention. Bien souvent, dans ce noir qui me faisait très peur, serrant contre moi ma poupée de chiffon, je finissais par m’endormir.

    Quand je grandis, et que, comme tous les enfants du village, je devais aller à l’école, je ne parlais pas. Je n’avais pas de camarade, je vivais avec cette cruelle impression que personne ne me voyait. J’avais l’habitude d’être seule, mais quand je voyais toutes ces petites filles qui jouaient, riaient, couraient, chantaient, j’avais une folle envie de me mêler à leurs jeux, mais la peur d’être rejetée me faisait rester dans mon coin.

    J’étais cette petite fille qui pleurait trop souvent à cause de ce que je subissais chaque jour. Le manque d’amour d’une mère qui ne me regardait qu’à peine, le cachot sans l’avoir mérité et les coups qui pleuvaient comme une pluie de grêlons sur mon pauvre petit corps meurtri. J’étais la plus petite, la plus fluette de la classe, l’institutrice me plaça au premier rang juste devant l’estrade de son bureau. Je ne venais pas à l’école tous les jours mais il me semblait déjà que ça ne dérangeait personne.

    Je ne savais pas lire aussi bien que les autres élèves, ce qui me valut souvent d’être traitée d’ignorante. Un matin cette institutrice plate et sèche  qui ne savait pas ce que je vivais au quotidien, me demanda d’aller au tableau et de copier la dictée. Je me mis à pleurer, j’avais honte de dire que je ne savais pas écrire, je ne savais que dessiner les histoires que cette femme racontait au ralenti. Toute la classe se moquait de moi, j’avais envie de m’enfuir, alors qu’elle me tirait l’oreille en me traitant d’âne, de cancre, de bonne à rien. Je marchais sur la pointe des pieds et grimaçais de douleur, puis je devenais hermétique à ses hurlements.

    J’avais l’habitude quand j’étais malmenée de me mettre en boule comme un hérisson et d’attendre que l’orage passe. Cette défense passive attisait la rage de l’institutrice, ce qui la faisait crier encore plus fort en m’empoignant par les épaules comme si elle voulait me jeter dehors.

    Je me retrouvais régulièrement coiffée de ce drôle de chapeau à oreilles pointues qui faisait rire toute la classe, qui devait sans doute trouver ça rigolo, mais pour moi c’était une brimade de plus qui me saignait le cœur.  Une offense profonde qu’elles ne comprenaient pas. 

    Alors qu’elle me hurlait dessus, j’entendais dans mon esprit confus, les élèves qui ricanaient, me montraient du doigt comme si j’étais une bête de foire, se moquaient de moi jusqu’à ce que j’éclate en sanglots, tremblant de peur. Je compris que comme Serge le faisait, elle ne cherchait qu’à m’humilier.

    Je n’aimais pas beaucoup l’école et certains jours elle m’apparaissait comme une monstruosité destinée à embêter les enfants. Je détestais cette femme qui me faisait faire des choses que je ne savais pas faire ou que je ne pouvais pas faire. Elle ne me donnait pas envie de changer et d’apprendre. Je me posais des tas de questions sur cette vie qui m’était offerte comme un cadeau empoisonné.

    Sur mon visage personne ne percevait d’émotion, j’aurais tant voulu disparaitre sans faire de bruit !... Tourner cette page où il n’y avait aucune image qui me fasse sourire. Pourtant j’aurais voulu connaitre comme tous les enfants de mon âge, le plaisir de rire, courir, chanter sans me faire gronder. M’amuser sans être maltraitée, mais je savais que pour moi, cette vie de rêves était sans espoir.

    Parfois la colère qui me dominait était si présente que je devenais méchante. Pourquoi ma mère qui était encore une enfant elle-même, ne me comprenait pas ? Pourquoi déchainait-elle toute cette haine contre moi ? Quand j’avais trop mal, je la suppliais d’arrêter toute cette violence qui me faisait tant souffrir, mais je crois qu’elle restait sourde à mes appels, je ne pourrai garder de mon enfance brisée que cet horrible passé d’enfant maltraitée. D’enfant perdue dans ses malheurs, comme un oiseau tombé du nid, que sa mère ne reconnait plus.

    En grandissant je me demandais pourquoi les adultes se servaient de leurs pouvoirs à outrance ? Pourquoi étais-je aussi souvent battue sans que personne ne me donne ma chance ? Pourquoi personne ne se rendait compte que j’étais sans défense ? Pourquoi devais-je vivre tant de souffrances, d’humiliations ?

    Puis un jour, alors que je n’avais que neuf ans, l’un des visiteurs de ma mère posa ses sales mains sur moi. Comme un abruti, il m’empêcha de crier en me posant sa main fortement sur la bouche alors que son autre main se dirigeait vers les parties les plus intimes de mon anatomie. Je n’étais qu’un ange à qui ce sale individu venait de couper les ailes.

    Alors que j’étais en larmes, je ne vis aucun remords sur son visage rayonnant. J’aurais voulu à ce moment précis, que ce misérable qui me volait ma vie, soit happé par le diable lui-même et qu’il le fasse quitter cette terre, où il n’avait plus sa place. D’un ton qui me glaça les os et le sang, il me dit :

    _ Tu n’es qu’un minuscule grain de sable sur cette terre, quelque chose d’insignifiant. Je n’avais plus envie de voir ces deux visages qui ricanaient de me voir pleurer. Je me cachais dans mon refuge sous l’escalier et pleurais toutes les larmes de mon corps, ce qui venait de m’arriver me suivrait tout au long de mon existence. Je voulais mourir mais je me demandais si même avant cette ultime dernière minute, ma mère me donnerait ce que j’attendais depuis toujours, un simple baiser pour me dire qu’elle m’aimait.

    Ce sale individu dont j’avais l’image en horreur, devint un client régulier de ma mère et malheureusement je devais subir ses avances sans broncher jusqu’à ce que j’aie l’âge de lui dire que j’avais intention de dénoncer ses agissements pour qu’il me laisse enfin tranquille, mais le mal était en moi, et je savais que je porterais ce mal comme une croix toute ma vie. Rien ne me redonnerait mon enfance volée, et personne ne saurait réparer ce mal qui m’avait été fait.

    Je savais que je ne devais raconter à personne ce que je vivais à la maison, les représailles auraient sans doute été terribles. Je devais malheureusement faire comme si toutes ces souffrances qui m’étaient infligées étaient entourées d’un interdit. Je n’avais donc pas d’autre choix que de garder bien enfouies au fond de moi toutes ces douleurs qui m’empêchaient de sourire à la vie. Je savais que même si je mettais toute mon énergie à vouloir oublier ce que je vivais, rien ne pourrait effacer une telle tragédie, de ma mémoire.

    Je vivais dans ce silence qui m’engourdissait et me paralysait. C’était toujours le même rituel, le placard sous l’escalier, les coups, les insultes. J’étais devenue au fil des ans d’une fragilité effrayante et Serge en profitait. Entre ses grosses mains, j’étais cet être si frêle, fragile et rempli de confiance  qui aurait voulu hurler à la face du monde et dénoncer ce geste immonde. Dans mon esprit la colère grondait comme en plein cœur d’un violent orage. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait mais je savais que je n’avais d’autre choix que de subir le pire. Que j’étais par la force des choses, obligée d’accepter l’inacceptable, l’inimaginable, l’intolérable pour une enfant de neuf ans à peine,  et me taire.

    Le premier réveil après une telle souffrance est un réveil douloureux, l’esprit rempli de cet acte monstrueux, et là, on se rend compte que quelque chose ne serait plus jamais comme avant, que notre innocence est brisée à tout jamais et que notre enfance bafouée, déchiquetée en mille morceaux ne pourrait jamais être recollée.

    En devenant une femme moi-même j’eus peur de n’avoir comme amie, qu’une bouteille d’alcool qui me ferait oublier toutes ces années d’enfer. Même si les doses étaient fortes elles ne feraient disparaitre cette douleur que pour quelques heures puis elle reviendrait au galop, dès que les vapeurs d’alcool seraient dissipées, je compris que ce n’était pas la solution. J’étais alors résolue à confier toute cette souffrance à un psychiatre qui pourrait peut-être me donner les clés, pour enfin trouver le bonheur.

    Je choisis donc de m’adresser à une femme, qui je pensais, comprendrait mieux ce que j’avais traversé, qu’un homme. En sa présence, j’étais donc décidée à faire le vide de tous ces souvenirs qui m’empêchaient d’être une femme, et je racontais toute mon histoire depuis le plus loin que je me souvienne. J’étais enfin décidée à faire rentrer la lumière dans ce cœur qui broyait du noir depuis si longtemps. Je me sentis tout à coup comme si le vent de la colère balayait toutes ces années, qu’il venait nettoyer de fond en comble cette mémoire enveloppée d’un air empoisonné.

    Si je voulais me construire, je n’avais pas le choix, même si ce déballage me coûtait beaucoup plus que je ne l’aurais imaginé, il fallait en passer par là. Si je voulais avoir des enfants et me conduire comme une bonne mère je ne devais plus trainer cette douloureuse enfance comme un boulet.

    Je savais qu’il y avait de par le monde beaucoup d’histoires d’enfants maltraités qui ressemblaient à cette histoire, et que parmi tous ces enfants à qui un adulte à volé l’innocence, certains ont réussi  à force de patience, de sacrifices à s’en sortir. Je voulais faire partie de ces enfants là qui réussirent à devenir de vraies femmes malgré toute cette souffrance.

    Je sais qu’il est difficile pour des gens ayant vécu une enfance digne d’être appelée ainsi, de comprendre ce que peuvent vivre des enfants dont le moindre geste, le moindre sourire sont prétextes à recevoir des coups. Je  sais qu’il est difficile de comprendre quand on a eu un père, digne d’être appelé « papa » que certains hommes puissent prendre des petites filles  pour des femmes.

    Je sais aussi qu’il est impensable  que certaines mamans aiment si peu leurs enfants qu’elles sont prêtes à toutes les bassesses pour les faire souffrir. Je sais que tous ces gens se demanderont comment ces enfants ayant subi de tels sévices, survivent et finissent par en triompher.

    La réponse est simple, quand ces petites filles grandissent et qu’elles deviennent des femmes, qu’elles se trouvent entourées d’amour par un homme qui les respecte  et surtout beaucoup d’écoute, elles finissent par prendre le dessus. Ces mains qui se posent sur elles dans d’infinies caresses, deviennent alors ce réconfort qu’elles cherchèrent longtemps en vain. Elles laissent alors derrière elles cette nuée de couleurs sombres, ces montagnes d’idées noires, pour ne sentir que cette douceur qui remplace la rage.

    Elles se laissent aller à écouter des mots qui mélangent encore trop souvent l’amour et la peur. Elles regardent ces hommes au début avec des yeux vides d’émotion puis, peu à peu le calme s’installe dans leur  esprit et leur corps tout entier pour devenir avide de tendresse.

    Elles écoutent religieusement ces hommes leur parler de projets d’avenir,  leur dire des mots si beaux et si rassurants qu’elles seraient prêtes à les suivre au bout du monde. Des mots si forts qu’ils sont capables de briser les lourdes chaines qui les entravent. Des mots remplis d’amour qui effacent les rides  laissées par des sourires forcés qu’elles durent faire toute leur jeunesse à une  foule qui les entourait.

    Des mots si tendres qu’ils sont capables d’effacer cette chape de haine qui les blesse et laisse des traces indélébiles au fond de leur cœur. Blotties au creux de l’épaule de ces  hommes qui leur apportent ce réconfort tant cherché, elles laissent couler en silence ces larmes qui sans cesse lavent les affronts qui leur font si mal.

    Puis elles se laissent surprendre par de longs silences comme si un ange passait et écartait d’elles ces mauvais regards comme des menaces, remplis de cette haine tellement gratuite qui se déchaine sur elles en les laissant fracassées en mille morceaux.

    A force de patience et d’amour, ces hommes réussissent à les sortir de cet enfer, et font briller au-dessus d’elles ce soleil qui leur a tant manqué. La porte du bonheur s’ouvre enfin en jetant un voile épais sur toutes ces souffrances donnant libre cours à une douce folie. Découvrant que finalement l’amour et la haine sont des sentiments aussi puissants l’un que l’autre et peuvent faire autant de mal.

    Cette haine qui a fait que pendant toute mon enfance j’ai tant souhaité que chaque cri devienne un profond silence, l’un de ces silences qui vous enferme au plus profond des ténèbres pour ne jamais en sortir. Toute cette enfance où j’ai souhaité que ma mère m’accorde un simple regard pour me montrer que j’existais. Je ne demandais pas une vie comme tous les enfants de mon âge, mais seulement un peu d’attention quand je n’allais pas bien, un peu de réconfort quand dans mon cœur tout n’était que glace.

    Toutes ces nuits à pleurer dans mon coin, souhaitant vivre dans un monde meilleur. Toutes ces nuits de cauchemar où je ne pouvais m’abandonner à rêver car j’en avais pas le droit. J’enviais malgré moi, les petites filles de ma classe qui vivaient ces moments de grands bonheurs d’être serrées dans les bras aimants de leurs parents, la joie de recevoir une caresse sur leurs joues rosées, goûter tous ces moments de joies en recevant un cadeau. Moi, je restais blottie dans un coin de ma chambre avec cette peur rivée au ventre, que ce sadique n’ouvre ma porte et ne m’oblige à satisfaire tous ces caprices. Je tremblais, il faisait froid dans mon cœur comme dans ma vie.

    Je passais de longues heures à me demander ce que je faisais sur cette terre où je n’intéressais personne. J’étais seule, enfouie dans cette misère qui m’entourait, me sentant à chaque instant plus menacée que lorsque l’orage gronde et menace de tout détruire. J’avais ces envies de vengeance qui mûrissaient en moi, des idées qui devenaient meurtrières. Je souffrais tant que je ne pouvais plus  supporter toutes ces larmes qui me brûlaient les yeux. Toutes ces larmes qui ne suffisaient pas à noyer ma douleur ni ces affreux souvenirs. J’aurais fait n’importe quoi pour vivre un seul instant de tendresse, pour combler ce manque qui meurtrissait mon âme et me faisait atrocement souffrir.

    Sentir la main de cette mère qui ne me parlait pas, ébouriffer mes cheveux mais elle restait de marbre, totalement insensible à ma détresse. Puis le visage de ce monstre qui m’apparaissait chaque fois que je tentais de fermer les yeux, me laissant immobile et sans voix. Quoi que je fasse je restais enchainée à sa brutalité,  à cette violence qui me détruisait chaque jour un peu plus.

    Cette vie de misère m’empêchait de respirer, toutes ces humiliations se gravaient jour après jour profondément dans ma mémoire. J’avais au fil du temps perdu mon innocence. J’étais entourée pour mon plus grand malheur d’une atmosphère de solitude pesante. Je me sentais si seule avec moi-même, seule avec mes habitudes que je ne voyais jamais cette petite étincelle qui brille dans les yeux des enfants. J’étais au cœur de cette vie où tout me semblait flou, je n’avais pas d’enfance et  peut-être aucun avenir !... Mon existence ne tenait qu’à un fil qui ne demandait qu’à se rompre sous le poids de la misère.

    Sans cesse des larmes coulaient sur mes joues, noyant ma tristesse dans un océan de détresse. Dans cette solitude les heures, les minutes, les jours passaient interminables. Ma vie se résumait à cette violence qu’elle me réservait, et contre laquelle je ne pouvais m’insurger. Je savais depuis toujours que je resterais longtemps seule face à cette souffrance, face à mes tourments. A aucun moment de ma misérable existence ma mère ne m’aura adressé un  sourire qui m’aurait réchauffé le cœur. Sa présence ne m’inspirait qu’une haine intense, avec un mépris indéfinissable, sans broncher  j’encaissais les coups.

    Elle ne comprendra jamais que ce dont j’avais besoin c’était simplement une mère qui m’aimerait comme toutes les mères aiment leurs enfants. J’étais condamnée à rester seule dans mon coin, à regarder par la fenêtre sans faire de bruit, laissant les larmes ruisseler sur ma peau douce de fillette, en espérant qu’on me comprenne un jour, qu’on m’écoute et peut-être qu’on m’aime !...  Mais le fait d’aimer était-il vraiment pour les enfants comme moi !... J’en doutais.

    Je dois dire que j’ai beaucoup envié ces enfants qui grandissaient dans des foyers aimants et équilibrés. Ces enfants qui ne se rendirent jamais compte à quel point je souffrais. Comment auraient-ils pu comprendre ce monde de violence auquel ils étaient complètement étrangers, ce monde qu’ils n’étaient même pas en mesure d’imaginer.

    Ce qui console l’enfant qui vit une telle galère c’est de se dire qu’il n’est pas seul dans ce cas et qu’il grossit seulement une liste déjà bien trop longue de noms d’enfants ayant vécu les mêmes galères et peut-être pires encore, et surtout de se dire que rien n’est de sa faute.  On ne peut malheureusement rien contre cette folie des êtres qui se défoulent sur des enfants.

    Aujourd’hui, ma vie de femme me fait comprendre que je peux non seulement vivre une vie normale mais que je peux transformer toute cette souffrance en quelque chose de positif, alors je souhaite  que ce ciel bleu qui luit au-dessus de moi, ne se ternisse jamais. J’ai vécu avec ce mal enfoui en moi pendant tant d’années, qu’il est devenu pour moi pire qu’un tueur en série, un personnage cruel, sanguinaire, ignoble.

    Je verrais toute mon existence, les yeux de ce monstre, briller de plaisir, quand il se penchait au-dessus de moi, mais maintenant j’arrive à lui donner moins d’importance. Ce personnage qui est devenu depuis plusieurs années l’amant régulier de ma mère, au travers de ces aventures de passage, sait qu’aujourd’hui, je suis capable de le faire enfermer pour ce qu’il a osé faire. Il ne pourra plus jamais me faire de mal, transformer ma vie en cauchemar.

    Cette rencontre avec le mal qui envahit toute mon enfance fut terrifiante, mais je n’étais plus la petite fille qui devait subir et se taire. J’avais trouvé la force et le courage de lui tenir tête en dénonçant toutes  ces activités inavouables, à la police. Il ne pourrait jamais exercer cette activité favorite et impitoyable sur d’autres petites filles sans courir le risque de se voir interner.

    Je ne voyais en lui que le bourreau qui paralysa ma vie de petite fille et fragilisa ma vie de femme. J’avais traversé tant de galères, vécu tant d’humiliations, de privations, que je finis par m’endurcir. Je ne voulais plus vivre dans ce monde secret, ce monde inconcevable pour la plupart des humains.

    Ce monde où vivent ignorés de tous, des enfants qui subissent l’insupportable, parce que toutes les personnes qui s’adonnent à de tels crimes, exigent de leurs victimes, le plus grand silence. Ils peuvent donc en toute impunité continuer à martyriser leurs malheureuses petites victimes. Bien souvent la peur des représailles, la honte qui entourent ces petites filles, les empêchent de raconter leur histoire.

    J’ai décidé une fois pour toute, de mettre un terme à cette agonie de ma vie. Je poussais la porte de ce cabinet, où je lisais sur la pancarte en laiton gravée « Docteur Jeanne Blanchard, psychiatre » Dès que la porte s’ouvrit, je fis un pas hésitant pour entrer et je crus que le courage me manquerait, mais au moment où je voulus reculer une petite voix me cria d’aller au bout. Je me revis quelques années plus tôt alors que je rentrais dans cette salle d’audience pour assister au procès de celui qui m’avait tant fait souffrir.

    Jamais depuis que j’étais partie, je n’avais encore connu un moment aussi pénible. Devoir me tenir sur un banc derrière cet immonde personnage, me donnait la nausée, mais le pire était à venir, quand je serai obligée de raconter à haute et intelligible voix ce que ce monstre m’avait fait endurer. Je sentis alors les larmes me monter aux yeux, je me sentais bien seule auprès de mon avocat qui était là pour m’assister. Dans ma tête je m’adressais à lui en lui disant pauvre type, tu n’es qu’un con qui ne mérite pas de vivre.

    Je tentais de dissimuler mon visage derrière les mèches de mes longs cheveux bruns. Je bouillais en entendant ma mère qui reniflait en pleurnichant sur le sort de son compagnon. Ce démon se retourna avec un sourire que je lui aurais volontiers fait avaler, son comportement m’horrifiait. Il me semblait que comme quand j’étais enfant, il n’avait aucun remords, ce qui me rendait encore plus méchante envers lui. Dès que j’entendis prononcer mon  nom, je me dressais et me dirigeais vers la barre en levant la main droite et en prêtant serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

    Ce récit fut d’une longueur qui me parut durer une éternité, de temps à autre je baissais la tête comme si la honte me rougissait le visage. Alors que je regardais dans sa direction, je vis sa paire de chaussures noire bien cirées que pointaient vers moi. Son visage me tétanisait encore à tel point que je crus un instant que j’allais défaillir.

    Ces yeux verts étirés comme des yeux de serpent me fixaient, sa bouche se tordait dans un rictus qui ne me disait rien qui vaille. Même s’il avait maintenant des cheveux grisonnants, je ne voulais pas lui faire de cadeau.

    En retournant m’asseoir, je ne voulais plus être juste derrière lui, je me décalais de plusieurs bancs et allais m’installer dans la foule qui assistait au procès. Malgré la distance que je mis entre nous, je sentais ses yeux qui me transperçaient et ses pensées pénétraient mon cerveau endolori. Je m’endossais sur le banc et écoutais le juge prononcer sa sentence, je trouvais qu’il s’en tirait  bien avec cette condamnation à seulement cinq années de prison. Mais je jubilais, pendant ce temps, il ne ferait de mal à personne et j’en étais ravie.

    Il passerait ces cinq longues années à méditer sur son comportement, et peut-être réaliserait-t-il que sa conduite est inqualifiable, insupportable. Je ne lançais même pas un regard vers ma mère qui restait effondrée sur son coin de banc.

    Durant des années la douleur se conjugua pour moi à la laideur. Je ne connus à aucun moment le bonheur entre les murs de cet appartement plutôt vieillot. Aujourd’hui depuis que je vivais chez Simone, je découvrais avec plaisir que tout autour de moi, était vrai et beau. Ce cœur tendre qu’elle offrait était pour moi comme pour José, elle nous aimait comme si nous étions ses enfants. Je m’attachais de plus en plus à cette nouvelle vie et apprenais à devenir une femme. Je contemplais fascinée, cette femme qui commençait à avoir les cheveux gris de la sagesse.

    Au petit matin, le premier jour de l’audience du procès de Serge, Simone m’accompagna, elle était tendue et se demandait si je trouverais au fond de moi cette force nécessaire pour envoyer cet individu à l’ombre pour un certain temps. Après nous avoir fait entrer dans une grande pièce où attendaient tous les témoins des différentes affaires à juger, nous devions rester assises sans même nous adresser la parole.

    Je commençais à paniquer, je me demandais ce que je faisais dans cet univers de grands où je ne me sentais pas avoir ma place. Mon avocat s’approcha et me dit à l’oreille que le fourgon qui amenait Serge n’était pas encore arrivé qu’il fallait que nous soyons patientes. Ces mots m’arrivèrent dans les oreilles comme des coups de marteau frappés si forts que je me sentais soudainement toute étourdie.

    Il se passa un certain temps avant que nous soyons appelées, il fallait que les jurés prêtent serment et que tous les rituels soient accomplis. Je pensais alors que Serge serait appelé le premier mais ce ne fut pas le cas. Je fus appelée et secrètement je savourais le moment où je pourrais lui faire autant de mal qu’il m’avait fait en le privant de sa liberté. Je partais avec la ferme intention de ne pas lui faire

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