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Trois fois en guerre: (Un Amour)
Trois fois en guerre: (Un Amour)
Trois fois en guerre: (Un Amour)
Livre électronique387 pages6 heures

Trois fois en guerre: (Un Amour)

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À propos de ce livre électronique

Et m’y voici donc, m’y voici bel et bien - chez les fous !
Il pourrait s’agir d’une chambre d’hôtel, assez d’espace et puis cette joie, vrai combien amère, on trouve ici de l’ordre autour de soi.
Une douche, un lit, une table, une chaise ; de quoi se laver, dormir, travailler ; l’exactitude utilitaire, stricte, organisée ; un hôpital ; et tous les hôpitaux se ressemblent. Par là comme une sorte d’oubli discret de ce qui fut et, dans le même temps, un retour, un saut : Des souvenirs, des heures passées ; des parts de soi lointaines qu’on croyait oubliées. Quelques tendresses, des sourires - ici, présents.
Le tout, fait ressurgir, ce qui s’est tue depuis longtemps, et voici
donc ces minutes : Celles du moment, celles revenues, celles aussi auxquelles on voudrait croire : Celles non advenues encore.
Un peu d’air, d’espace, au calme. Des infirmiers rien à dire ; discrets, simples et courtois. On n’a pas trop - par le traitement et les formes - attenté je crois à ma personne ; ici, ma dignité reste acquise.
LangueFrançais
Date de sortie15 avr. 2016
ISBN9782312043081
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    Aperçu du livre

    Trois fois en guerre - Florent Verdier

    978-2-312-04308-1

    Partie I

    Et m’y voici donc, m’y voici bel et bien – chez les fous !

    Il pourrait s’agir d’une chambre d’hôtel, assez d’espace et puis cette joie, vrai combien amère, on trouve ici de l’ordre autour de soi. Une douche, un lit, une table, une chaise ; de quoi se laver, dormir, travailler ; l’exactitude utilitaire, stricte, organisée ; un hôpital ; et tous les hôpitaux se ressemblent. Par là comme une sorte d’oubli discret de ce qui fut et, dans le même temps, un retour, un saut : Des souvenirs, des heures passées ; des parts de soi lointaines qu’on croyait oubliées. Quelques tendresses, des sourires – ici, présents.

    Le tout, fait ressurgir, ce qui s’est tue depuis longtemps, et voici donc ces minutes : Celles du moment, celles revenues, celles aussi auxquelles on voudrait croire : Celles non advenues encore.

    Un peu d’air, d’espace, au calme. Des infirmiers rien à dire ; discrets, simples et courtois. On n’a pas trop – par le traitement et les formes – attenté je crois à ma personne ; ici, ma dignité reste acquise.

    Je tourne et retourne ce qui m’arrive, m’essaie à en rire – et je ris parfois, je ris aux éclats ; n’ai-je pas tout compté bien de la chance ? Toute celle possible après ces années folles ? Mon dieu ! Quelle paix ! Et tant de bonnes nuits en perspectives ! Voici donc, pilules, sommeil et rires.

    Médication, Valium, pastille, Zyprexa, deux jours à Sainte Anne puis la clinique. N’est-elle pas jolie d’ailleurs, cette clinique aux allures de navire ? Jamais architecte n’a si bien compris la mer qu’il en fasse ainsi, par métaphore, par l’extérieur, la capitale, celle qu’on voit, sise juste aux portes de l’ouvrage.

    Une seconde je vérifie, oui, tout va bien, le lit est bon ; aussi bon que cette chaise d’ailleurs aux allures de fauteuils et qui – tel une voile-gonfle ou dégonfle suivant qu’on s’y assoit.

    Médication/ Médication 2 : Pastille – pour le sommeil – à l’arrivée.

    De toute façon tout est déjà décidé. Vos parents, vos proches ne vous supportent plus et, par un jeu compris, comme entendu, vous voici là, inscris entre quatre murs dont la clé vous échappe.

    C’était il y a déjà deux jours et de ces deux premières nuits je n’ai gardé, je l’ai dit aucun souvenir ; aucun souvenir véritable. Des histoires de boissons, un café pris peut-être, une visite, un jeu de blouse blanche, des hommes, croisés, regardant autour d’eux ; ici, jusqu’aux sourires sont fragiles. Des démarches hésitantes, encore, et des queues entre deux fous, des pilules. Mais cela n’a pas d’importance ; je me tais car ce que je vois, vois d’abord ici, c’est la paix, le silence absolu. Ainsi, je ne proteste pas, et tant pis si goutte à l’occasion l’amertume, les neuroleptiques passent – en bleue –

    Or j’imagine le fissuré discours, un silence, inaboutis, jeune, d’humeur.

    Marche, bouton, ronron, voitures.

    Incapable de calme, reste l’autre et la folie – rire. Je déçois et décevrais encore. Mais le livre viendra. Cet infime allongement obligé, soi devant les autres, ces médecins qui vous voient. Ô comme de visu, d’entendu, tout me manque.

    En sortir à tout prix, mener à bien quelque-chose, un projet, chercher, chercher donc :

    Un Projet, Un Projet.

    Très cher lecteur ! Très chère lectrice ! Homme ou Femme de mérite, de bien ! Homme loin du monde ou si près qu’il s’y confond, j’aimerais ici t’offrir au moins un témoignage ; rien entendons-nous de factuel, d’assumé ; non, plutôt les virements et les vagues d’êtres pris et trop pris par ce qu’ils voient, envisagent sous la forme, l’immense forme d’autres-ci, insensibles, partout, ces fantômes, du souvenir, l’esprit.

    J’écris parfaitement au calme. Face à moi des tours aciers/bétons quelques immeubles, des briques. Rossignols chantant et peut-être au loin le clocher d’une église.

    Les médicaments qui me suivent du soir au matin font qu’il m’est difficile, atrocement, d’organiser, différencier avec suffisamment de suite ce qu’il est bon de dire et ce qu’il vaut mieux taire. Malaise insupportable et qui m’apeure et qui m’inquiète. Se secouer, se secouer à tout prix et tenir, tenir bon – ce mot d’ordre – un leitmotiv intime. L’aveu, l’inacceptable aveu d’une souffrance invisible.

    Je mesure une certaine taille et pèse un poids qui change. Mes cheveux, mes yeux sont aussi noirs que possibles. En bref, j’ai vingt-neuf ans et suis interné donc ici, en psychiatrie. Avouons en parenthèses, c’est un miracle si personne ne s’y perd ; on miaule, on regarde la messe ; on se demande, on imagine, et c’est toujours le pire.

    Quels sortes de démons ont-ils en eux ; quelles sortes d’idées fixes ; de malaises ; pour qu’ils soient à mon image, enterrés ici ? Des ratiocinations, d’évidences, partout, et bien sûr, bien sûr, à moins d’abrutir –pilules – l’on y peut pas grand-chose.

    Ici chaque phrase est un combat ; un combat contre, ce combat contre l’acquiescement qu’on me souhaite, médecins et malades – de toutes parts. De ces combats à mener seuls, chuchotés, et plus graves au vrai, par-là, qu’on ne voudrait. A qui faire confiance ? A quelles mains laisser sa vie ? Qui vous enferme peut-il comme ils disent vous vouloir un peu de bien ?

    La population ici, ne partage pas de traits communs ; jeunes, vieux, hommes ou femmes ; l’air de l’hôpital souligne seul ce qui les faits proches et cette proximité, ces similarités, on les identifie moins à des parcours qu’à quelques prises d’une même pharmacopée. Anormal, anormal évidemment ; on ne frappe plus à ma porte on y entre comme en place publique. Un lieu, un lieu comme un autre. C’est donc que je n’y vis pas que je m’y tiens en transit. Que rétorquer ? Ne pas rester surtout, partir et partir quand on peut.

    Mais qu’ai-je fais à l’extérieur, qu’ais je fais pour me trouver ici ? Rien ; pimenter peut-être ce bien dont on m’a délesté, ma liberté, rien de plus, écrire, me nourrir, dormir à mes heures, vivre enfin, à ma guise.

    Ici, tout manque ; plus d’indépendance ; plus rien hors ces murs et ces pages qui défilent. Plus qu’esclave ; exactement prisonnier. Bêtise, nécessité ?

    Pour le reste j’hésite ; je devrais me taire et penser s’il se peut à quelques un des moments drôles émaillant ma vie.

    Mes escapades, mes départs impromptus pour Nice ou Vintimille ; la quête d’un train pour Milan, train que je n’obtins jamais sinon pour à mi-chemin en descendre ; à présent, vivre et pour quoi faire ? Pour quel projet ? Et dans quel sens ? Et pour qui ?

    Non rien ; rester assis, attendre et survivre. Drôle de guerre, les médicaments, les pilules, les pastilles ; sans cesse ainsi se voir dessous ; dessous l’homme qu’on incarnait il n’y a pas six mois encore.

    Ainsi retrouver le bon, l’idée, le timbre juste ; aboutir.

    Mais Paul, puisque Paul est mon nom, ne saurait du tout construire des phrases ; je veux dire des phrases admissibles ; le peu qui sort de ce qu’il est – exactement – est encore, ne vaut rien. Mais le lit m’insupporte, mais je ne parviens plus à lire :

    Liberté – foutue. Acuité même – disparue.

    Et je ne peux rester ainsi ; c’est-à-dire simplement assis là combattant pour ma perte l’effet médicamenteux qu’on renouvèle, quel est-il ? Quel risque à l’éviter ? Compassions infirmières, méfiances de tous ceux qui, de fait, sont simplement mes pairs. Potions après potions, ceux là qu’on castre et diminue ; oui, quelle ignominie veule, quelle terrible existence ! Une belle idée, traiter, hospitaliser, une idée que certain sans rougir certainement revendique ; non ici mais quelque-part, loin, où l’on peut faire sinon mieux, agir au moins comme on veut. Pas de jolie femme non plus ; celles-là je n’en ai croisées qu’à mon arrivée ; c’est à croire que mon cas est bien grave puisque partout je ne vois que des gens très atteints. Et, loin d’avoir la paix j’ai comme activé par du symptôme le peu d’autrui qu’on trouve. On me demande, « ça va ? », « ça va ? » et comment donc acquiescer ; que répondre à ceux-là qui m’ont eux-mêmes enfermé ?

    ***

    Un appel ; un grand appel hors d’ici ; inclusion mémorielle de ce qui fut par l’image, le son. L’œil, je veux dire la perception qu’il suppose n’est plus rien, pas grand-chose. Ce sont des aplats en couleurs. Des formes qui – toutes incadrables – dépasse et de loin mes moyens ; il s’agit si l’on veut d’un effrayant accès, d’un effort, l’effort dernier. Il faut y croire et puis le livre, le vrai, celui qu’on lit avec plaisir, tout cela pour plus tard.

    Ici commence ce projet dont nous parlions tout à l’heure. Projet du phénomène puisqu’il s’agit avant tout d’une plongée indicative en quelque soi passé ; ce « je » même qui vous parle ; ces trois dernières années d’abord puis, extrait, ce qui fit, non l’homme que je suis mais celui-là, disparu, que j’étais bien alors.

    De Dreyer à Peckimpah ; de tous les genres, de l’expressionisme inquiet – angles, asymétries – aux justifiées prophéties/ Viol brutal, une arme et tous les sangs possibles.

    Ainsi, ainsi, des rires ; ainsi des peines.

    L’image, le son.

    Je ne souhaite pas et d’ailleurs suis incapable de rédiger comme une sorte d’ouvrage didactique autour des arts. Les œuvres décrites, les musées qui viendront et dont on parlera plus tard, ne sont là qu’en cela qu’ils révèlent ceux-ci qui les visitent. Ce dont je peux, ce dont je veux parler – et c’est sois dit je crois la meilleure chose à faire – c’est de l’aventure qui m’a mené d’à peu près fou – en liberté – à tout à fait raisonnable, c’est au moins ce qu’on croit – mais encore enfermé.

    C’était il y a quatre ans ; à la mi-février – je n’ai pas les dates exactes en tête et ça n’a d’ailleurs pas la moindre importance. Ce qui importe, ce qui importe avant tout, c’est qu’à cette époque j’étais, sans vraiment l’avouer, infiniment amoureux. Amoureux fou même d’une jeune fille qu’en tout et pour tout je n’ai de ma vie pas vu six fois. De ces vues –rares – c’était extrait par je ne sais quel produit fruit du désir une série – elle bien longue – de lettres folles. Cas commun donc utile.

    Les réponses étaient rares.

    Ah Elsa ! Tendre, délicieuse Elsa !

    Un jeune homme. C’est son existence, leur rencontre, et la connaissance que j’en eu qui doivent je crois commencer mon récit.

    A la mi-février donc.

    J’eu cette chance alors, car c’en était bien une, de vivre en découvrant, en regardant, mieux même, en épousant des œuvres. Je structurais par là le temps qui passe ; ne rien lui laisser, l’adorer.

    Viande –brune – cris – bruissements de la foule. Inquiétude souveraine pour tout le bien d’un peuple. La guerre, l’insurrection.

    Avec ces saluts, ces cris, ces larmes aigues, ensembles éternels qui, partout, martèlent, rognent, tournent et suivent à la terre. Multiplicité, prises. Visage pour un plan ; ville d’une seconde ; comme un grand silence devant le souverain, l’éminent.

    Et l’infinie pitié que l’on accorde au monde. Premiers émois de la chair et du sang.

    Eisenstein n’était pas seul ; une équipe ; comédiens, photographes ; jusqu’au figurant nécessaire. C’est un pays, ces peuples qu’ils reflétaient ensemble.

    Et la couleur, l’icône, les chants et les rires, l’orgie, la faim. Nevsky l’esquisse et puis Ivan surtout.

    Malgré, l’évidence.

    Mes muscles, mes nerfs, la douleur sans cesse revenue et qui me ronge là à l’articulation de tout mon poignet droit. Vaincre, vaincre, c’est aussi s’affronter. Agir non pour ou contre les autres mais selon qui l’on est, l’homme de bien qu’on était, effacé. Un « facere » qui viserait en tout chemin un bonheur ; son bonheur. Ah ! Si l’on savait des maximes la pratique ! Comme on les craint ; comme autour d’elles on vagabonde ; comme on les nie, comme on les applique !

    Ce qui fait l’homme, l’humain, c’est peut-être ceci, soit aussi bien qu’il n’ait de sa réalité qu’une vision très partielle. Ainsi ne sais-t-il que ce qu’il sent, du moins croit sentir. Echappe, froid et dur, ce reste hors du cercle restreint qu’il dessine des yeux, des oreilles, de la main. Puis, fragilisé même, l’esprit tient le tout. Là donc, et là donc seul ce qu’il nomme : Son monde, juste ici.

    Jusqu’alors, je n’avais jamais vu de psychiatre. On va si j’ai bien compris me faire subir une série de test – neurologique-sanguin – moteur. Et je ne puis moi tandis qu’on m’ausculte rien qu’espérer ; d’ici ressortir en état d’agir aussi bien qu’à mon entrée !

    De l’image et du texte donc ; de l’amalgame historial et du signe sensible – couleurs et formes – de l’infini, du non arithmétique, puis quelque peu de sang. Authentifié par l’œil et par l’oreille ce qui vient, s’imagine ; comme un immense écran qu’on ouvrerait devant soi.

    La franchise, pigment sur pellicule venu d’une série sans grammaire, substantifié, diffusé. Franchise, sincérité, c’est l’être sentis, présenté – la seconde – son là-. L’au-delà du mensonge.

    Ainsi l’auteur forcé est-il le seul qui vaille ; c’est celui-là qui fouille ; qui sort, s’extrait. Du temps, l’instantanée, la mémoire expliquée.

    L’emploi, l’estime, l’art de séduire, les moyens financiers, l’alacrité facile, tout ceci n’y fait rien ; Ah cher lecteur ! Je me trompe, je me trompe peut-être mais interné qui m’en voudrait !

    Ainsi donc l’on se combat, au pire, qu’un texte perdu. Visages et fourmillements d’hommes, d’enfants. Ces blés couchés, vivants ; machines, impressions et cahutes, traversées par le vent. Oui, des cristaux très anciens ; des rires ; et toujours des rires d’enfants. Ce dont il s’agit ? Du grand viseur de la conscience.

    On peut se moquer lecteur ! J’étais bien jeune, tu peux, aller-retour Paris-Rennes, le silence, l’amour fou. Immense amour, Elsa, elle donc dont à longueur de nuit j’épelais l’idée. Et puis cette conclusion, chose absurde, je n’aimais rien que des mots rares. A l’amour contrarié il n’est qu’un bonheur solide ; la route. Le train, la voiture, la marche à pied même ; on ne sort pas de là, ce n’est qu’en mouvement que le corps s’apaise ; que les sens s’oublient ; ainsi, rêvant, je cautérisais à pied beaucoup de mes blessures. Ah courageux lecteur ! C’était il y a si longtemps, des années.

    Alors, j’habitais Rennes.

    Je ne m’y suis fait qu’un ami, il s’appelait Yves. Sans domicile fixe, installé dans la maison que nous partagions à trois, élève tous d’une même école. Yves aimait les chiens mais n’en possédait plus, il écrivait des contes et lisait des romans d’aventures.

    Yves.

    PORTRAIT D’YVES

    De taille moyenne, il portait des lunettes et possédait cet air, un brin perturbé, qui se retrouve généralement chez ceux ayant écopé des peines les pires, qu’elles soient familiales ou sociales. Mal rasé, le verbe facile, amical et sociable, il eut fait un homme utile sans certaines blessures qu’il m’apprit en partie.

    Prison, fréquentations mauvaises et l’inquiétude surtout qu’il avait à se demander lui ce qu’il était. Le paradoxe était qu’il possédait aussi cette qualité dont à l’époque plus qu’aucune j’éprouvais le besoin, celle de sourire et toujours à la vie. L’espace d’un peu moins d’une année il fut mon compagnon, nous déjeunions et dinions ensemble, discutant des heures. J’y découvris des trésors rares – peu liquide – au point qu’ici les distiller m’est difficile.

    A une exception près, sur laquelle je reviendrais, ce fut je crois la seule rencontre heureuse de mon année. Nous marchions ensemble, nous arpentions les rues, il les connaissait toutes et de la voix les expliquait pour moi. L’Histoire, les hommes, les coups bas. Yves savait, j’étais heureux pour ça.

    C’est cette époque aussi qui fait que je vous parle ici, moi qui malade et clôt ne suis plus rien. Alors avant, avant Elsa, puisqu’elle s’appelle ainsi, j’effectuais en bon élève des études d’ingénieur. Disparu l’ambition quand naquit mon amour, ma chimère, Elsa pas rencontré six fois. Tout ce que je voyais, sentais, se colorait d’Elsa, mes jours, mes nuits, mes rêves, mes pas. La même année, j’ai dit avoir et j’ai fait une toute autre rencontre. Rencontre, le mot n’est peut-être pas juste ; exactement une connaissance. Elle était jeune c’est-à-dire avait mon âge et possédait tout ce que je n’avais plus ; c’est-à-dire le désir de réussir, de travailler, de devenir membre à proprement parlé de cette communauté, l’école, dont – tandis que passaient les jours – sans même je crois m’en rendre compte, j’étais entrain et tout à fait de m’écarter. Je ne me souviens pas avec exactitude de son nom de famille ; mais nous nous plûmes ; il est possible que s’il n’y avait eu tant Elsa, par elle, sans-doute, à cette époque, j’eusse pu je crois être sauvé.

    Il n’en alla pas ainsi et, tandis que les jours passants me découvrais fou, elle, fit ce que beaucoup – avec raison – eusse attendu de moi. Soit produire un bon travail et puis enfin trouver un poste stable.

    Comme j’étais loin moi de cela ! Et comme il m’est difficile encore de décrire plus avant cette année ! J’y vivais d’un appétit en tout trop virtuel pour ce qui n’existait nulle part ailleurs que chez cet être même qui s’échinait – c’est moi – à s’interdire par tout moyen de guérir ; encore une fois, à l’époque, tout était Elsa. De Paris à Rennes et de Rennes à Paris, je la voyais, l’envisageait partout comme je ne sais quel fantôme marchant auprès de moi. A l’image des théories littéraires orientant la lecture elle était cette grille par laquelle je lisais tout du monde ; elle orientait, structurait, décidait mes agissements les moindres, le plus anodin même de mes propos.

    J’ai deux exemples en tête.

    Parenthèse ; je crains que cette histoire, qui ne durera guère, lasse déjà mon lecteur ; il est des amours fantômes comme des théories s’appariant mal aux objets desquelles elles voudraient s’appliquer ; elles ennuient, pire, choquent ; allant à l’encontre du bon sens, elles ne sont jamais lues. En ce sens, je fais appel – ça ne durera pas deux heures – à la bonne volonté de mon lecteur et lui demande humblement de continuer à lire. Des faits nombreux viendront en temps voulus.

    Comme je l’ai dit donc deux exemples des troubles qui m’assaillaient alors me reviennent aujourd’hui avec assez de clarté pour les évoquer ici.

    Le premier à Barcelone ; j’y passais un réveillon avec deux trois amis connu de longue date ; je n’étais pas à la fête et n’était vraiment à mon aise que marchant seul dans les rues inconnues de cette vraie capitale. De Barcelone à l’époque je ne connaissais rien sinon Gaudi. Il se passa ce fait remarquable que face aux bâtiments nombreux qu’à mis au jour ce grand esprit je retrouvais en rime certain de mes tourments ; de mes doutes ; mes cris d’amours suintaient des gestes d’un architecte éteint. Gaudi, la ville entière, le pavé, les maisons et la mer ; tout alors était Elsa ; tout criait son nom et je n’étais rien ici sinon l’esclave de la ville même, de ses murs, ses humeurs. Je croyais voir du Gaudi et je voyais Elsa ; je croyais voir Elsa ; et je voyais Gaudi.

    Le second exemple que j’ai toujours en tête est similaire, beaucoup, au premier ; remplacez Barcelone par une petite ville du Finistère dont aujourd’hui le nom m’échappe et Gaudi par quelque fermier enrichi du dix-septième, montant colombages et poutrelles. Partout la mer et la force du vent. En tous lieux, les mêmes rêveries creuses ; un songe. Non Elsa cette fois, mais ce qu’au vrai je voulais d’elle.

    Ainsi marchant, je grillais de comprendre, de sentir, ce qu’un tel agencement, des murs à la mer, avait permis aux habitants passés ; exactement ce que sable ou galets pouvait bien vouloir dire. Villégiature urbaine dont je quêtais les plausibles avantages, fragile espoir de ne pas demeurer fou.

    Quelques mois après, je quittais définitivement Rennes et la Bretagne pour m’installer à Paris. Il y eu avant cela toute une série d’aller-retour qu’à défaut de décrire j’évoque au moins comme de ces moments rares à l’époque où –quittant mes amours – j’avais la chance d’un peu regarder autour de moi. Il me reste de ces escapades sinon des visages au moins des formes, des éléments variés qui – quoique pour la plupart côtoyé lors d’un unique voyage – me marquait suffisamment pour me faire oublier – au moins une paire de jour – un peu de mes chagrins dont les causes – toutes artificielles qu’elles fussent – n’interdisait ni la violence ni proprement la vérité de ce que je sentais alors. Cet état – si particulier – ne m’a quitté tout à fait qu’à mon installation comme professeur de Lycée dans la ville de C. Et si le compte est bon j’ai donc ainsi vécu malade pas loin de cinq années.

    Elsa, Elsa qui j’en suis sûr ne compris pas alors ce qui se jouait en moi ; pas même un passant, je n’étais rien pour elle, des messages, trop nombreux, dont j’assaillais nerveux ses boites internet ou postale, un importun– un de plus, et quoi d’autre ?

    L’ironie veut que si l’on y regarde bien c’est à cette même époque que j’ai, je crois, étais le plus aimé des femmes ; pas une sortie dont – en coquette – je ne ramenais à foison sourires, semi clin d’œil, appel du pied. Ce charme ; ce charme était tout à fait fou ; c’est qu’il provenait d’une idée fausse, la mienne : L’amour, celui qu’alors je portais à Elsa, était, croyais-je, exactement partagé. Et toute cette période est marqué par ce point qu’il faut répéter : Je croyais être aimé d’elle et ce, autant que je l’aimais. Une réponse de dix lignes après dix lettres de milles mots suffit largement au fou. Il voit du charnel, du cheveu, des bras ouvert et tout cela derrière un « s’il te plait, ne m’écris plus. »

    C’est par ma cousine, à la mi-février donc que j’appris la vérité ; à savoir qu’Elsa non seulement ne m’aimait pas mais aimait, aime encore ailleurs – et loin de moi.

    Le dégoût vint très vite.

    Je sortais peu, restais assis là, plus qu’éteint dans ma chambre, grillant des cigarettes, rêvant, attendant même nerveux comme quelque solution, quelque ouverture qui m’offrirait une fuite hors de l’état statique dans lequel j’existais. Et si je n’étais rien, c’est un fait très étrange que – tandis que je souffrais – une part de moi se trouvait toute heureuse d’être ainsi circonscrite en potentialité dont j’égrenais les titres.

    Ainsi, quoique malade, souffreteux, sur ce grabat, j’étais comme un enfant ; un paon – plumé, rejoué – mais paon tout de même qui, tout malheureux qu’il fut, se trouvait satisfait d’être à vingt-cinq ans, libre, vivant et diplômé.

    Le mot exact, ce mot, c’est fatuité ; j’étais fat ; infatué profondément de ma petite personne qu’ainsi couché je regardais de loin et qui, surement, quoique l’incarnant en vérité, ne ressemblait à rien.

    Cher lecteur ! J’ai posé mon stylo, ma plume un bon moment ! Approche ce qui fait là je crois tout le nœud du reste. Une rencontre, quelconque et commune et qui allait et qui va devant vos yeux, à ce point transformer ma vie qu’il m’arrive sans doute à tort de croire que ce que je vis ici, dans cet hôpital, cloitré sans qu’il y aille de ma volonté, est le dernier tourment, la dernière aventure, conséquence de cette rencontre ci. D’elle, je veux dire de Sophie. Je me rends compte à mes hésitations qu’il est très possible malgré le temps, qu’encore aujourd’hui, je n’en ai fait tout le deuil. Sophie me triture ; son nom ; son visage – quand ils me reviennent à quelques occasions rares– sont encore des épines et du sang. Car Sophie fut bien la matière de ce qu’était l’esprit d’Elsa.

    Il ne se passa pas plus de quelques jours, entre la découverte que je fis des amours, de la vie, menée par la seconde et ma rencontre, la première, avec Sophie.

    Un temps.

    Nous nous sommes rencontrés le plus simplement du monde ; ni dans une fête, ni même à l’université. Exactement en passant. Une bousculade, dans le métro. Une bousculade vive comme nous le fumes pour l’un et l’autre toujours. Je vais tenter à quelques exceptions près de décrire – comme s’il s’agissait d’une toile – plutôt que de narrer – ce que fut cette histoire.

    Il y eu d’abord ce grand bonheur ; le seul même qu’à bien y voir je connu dans ma vie ; mais comment rendre compte ? Par quel faisceau liant humeurs, tempéraments, perceptions ? C’est qu’il s’agit de diffuser ici, d’inspirer du sens et cela de tel façon que ce soit ce sens même qui prime toujours sur ces temps racontés ; une aventure inconnue ; une autre forme, une image. Quitter le monde des faits et tenter malgré tout par quelques gymnastiques d’offrir à son lecteur un peu des joies qu’il tient – qui sais d’abord – d’un certain esprit de suite.

    Comme c’est drôle ! Elles me reviennent et m’entourent triturant ma conscience ces jeunes filles, toutes aimées ; Elise, Cécile, Florence ou Marie qu’importe leurs noms. Se rassemblant tel quelques groupes abstraits mêlant ce qui les fait une ; et se joignant, aimables, dans une fascinante sorte de ronde, liées toutes qu’elles sont.

    Mais je divague ; mais revient sans doute ce mal dont ici, en cet hôpital, l’on me soigne ; ma chambre est bien vide et pas une seule d’entre celles-ci n’aurait jamais l’idée d’y pénétrer ; oui, comme tout à coup je suis seul, et seul de les avoir aimé !

    Chacune à son tour elles ont occupé mes nuits, mes veilles, la moindre marche, le moindre soupir, rien qui ne leur était dédiés un jour. Ensemble elles sont ces visages, en gros plan, pimentant « octobre » ; ici, partout ; et pour toujours, elles sont près de moi ; penchées tout contre mon épaule ; regardant inquiète, ce qui, là, veut s’écrire ; suprêmes juges et premiers destinataires.

    Elsa, physiquement, était sublime – Un mètre soixante-cinq, des cheveux roux roussis tirant sur le châtain ; Lèvres boudeuses – extrémités courtes ; bonheur, bonheur entier d’être auprès d’elle ; Sophie fut tout ce que n’était pas Elsa.

    Cinéma ; Lyotard ; Deleuze. Et nos lectures à voix hautes. Les étourdissements par le monde ; les rencontres ratés ; sourires, affinités.

    Comme j’étais heureux alors oui comme – follement – j’étais heureux.

    Il faudrait mettre un peu d’ordre ; pour commencer la seule mi-février.

    D’un tempérament propre au voyage, s’il est des natures sédentaires, il est certain que je n’en suis pas. Il n’empêche, peu de nomades ont si peu changé de place. J’ai toujours habité à quelques années près, le même arrondissement, dans la même capitale et, si j’ai changé de domicile parfois, ce fut au mieux pour transférer mes nippes de places en places, les mêmes, à cinq cent mètres près.

    Ce sont les êtres, avec les circonstances, qui font les vrais rencontres. Dans le métro.

    Une ligne 7, cent fois prises. Station Censier, changement Opéra ; première vue – premiers mots échangés.

    Les mots changent, pour tous, mais ils reviennent au même ; les meilleurs sont ceux-là qu’on devine et font je crois mieux l’affaire que tout ceux qu’ici je me mêlerais d’écrire.

    Rencontre artificielle ; rencontre fausse ; car à l’un et l’autre, il eut j’en suis sûr, fallu tout autre-chose. Ça n’est qu’à présent qu’enfin j’entr’aperçois le vrai ; et plutôt que d’errer ainsi que je fais d’un rêve à son prochain, me parait qu’à l’époque, mieux eut valu que je me taise.

    Thèse, ma thèse pour laquelle j’étais parti à Rennes et craindre, craindre surtout le féminin chez chacun. Laisser au loin les mots, les usages et n’exister qu’en ingénieur expert. C’était mon avenir et par maladresse – bêtise – je ne sus moi tout à fait n’en rien faire sinon des regrets douloureux, là depuis une heure.

    Mes longues marches dans Paris ne cessèrent pas mais si je marchais encore, je marchais avec elle ; Sophie – toujours – se tenait contre de moi ; aux ratiocinations qui tenaillaient ma cervelle répondait quelque-chose qui certes n’était pas Elsa ni même l’image que jusqu’alors j’avais mise à sa place ; mais enfin, il s’agissait d’une voix – bien humaine – très physique et dont j’appréciais l’amour avec la compagnie ; famille de chair et d’os qui – touché – m’offrait du plaisir, des images, des baisers.

    Sourire satisfait ; longs moments au lit, tranquillité si l’on veut musculaire ; c’était un tout qui valait l’acte. Pour moi, à tort sans doute, j’en concevais du dégoût ; j’avais honte – Peut-être ici, commençais-je à me rendre malade. Maladie singulière qui fait corps il me semble avec tout mon caractère ; ne jamais savoir prendre un plaisir bien complet sans que derrière s’y cache quelques scrupules ; quelques inquiétudes abstraites.

    Nous courrions alors fusionnel d’un lieu à l’autre. A cette fusion pourtant répondait l’exception : Sa vie ; sa vie d’ambitieuse qu’elle menait parallèle à celle que nous partagions. Un pacte nous liait ; implicitement il était entendu que je ne devais que le moins possible interférer avec ses études, ses soutiens à la faculté ; ma place était à table, au lit dans le meilleur des cas, en sortie ; mais je n’ai jamais même seulement fait la connaissance de ses amis ; d’elle je ne savais rien sinon l’intime.

    C’était il y a longtemps déjà et je m’étonne que tout ceci soit d’une prégnance telle que l’évoquer ici me soit si douloureux encore. Les musées, les cinémas, les longs entretiens autour de tout ce qui touchait à sa personne ; tout ceci n’est rien, rien sinon le souvenir d’une simple paire de jambe. Signe étonnant d’un désir qu’aucun lieu, jamais n’a su filtrer ; ainsi l’idée succombe à l’image ; l’utile au souvenir là désiré. Longues marches sous la pluie et sensation vive encore de sa paume – liquide – cherchant la mienne aimée. Marcher au pas ; voir défiler devant soi rails, grillages, caténaires. Le bruit sourd d’un talon, la chaussée – rires – Et tout mon ridicule – prévu – de chercher, par les mots, à rendre ce qu’alors j’obtenais en quantité.

    Revoir, redécouvrir un peu du monde par le seul jeu des yeux ; l’entendre ; sentir sa parole au-delà des objets ; comme un drapé qui, jeté par-dessus les épaules, permettrait à l’œil d’espérer une émotion nouvelle.

    J’obtempérais à tout. Ainsi du désir – dont plus qu’elle – j’étais l’esclave ; il décidait ma vue, mesurait ma vie. Combien savent ! Combien comprendrons ! Lecteur, lectrice, un peu de patience ; il me semble qu’il faille comme je le fait d’abord un peu décrire ce qu’on connait assez. L’exploration variée d’une évidence, forger un protocole et parvenir au vrai. Je m’y emploie, m’y essais de mes forces toutes. Un effort, lecteur ! dix mille mots seulement d’ennuis encore !

    Il y avait, inscrit dans son passé, son « avant moi », un quelque-chose qui m’effrayait beaucoup, choquait mes sentiments, m’interdisait même de voir en elle comme une plausible épouse ; c’était une part d’obscurité ayant tout trait à son rapport avec les hommes. De ceci je ne puis rien dire ; c’était comme une sorte de revanche qu’elle devait prendre à tout prix ; moins du féminisme qu’une énergie « de famille » ; qu’une guerre à mener pour toutes ces femmes qui –directement ou pas – l’avaient engendrée. Et – tant qu’il m’était possible – avec mes moyens, tout bornées qu’ils fussent, j’aidais je crois à la bonne marche d’une guerre, guerre qui tenait à quelque ascension désirée et désirée loin de moi.

    Seul, souvent, il me semblait travailler pour elle. Cherchant dans mes livres ce qui pouvait l’aider ; distinguant par avance le bon grain de l’ivraie ; le lieu commun de l’idée bonne. Si nous parlions beaucoup nous nous entendions peu. Tout était je m’en souviens prétexte à controverse ; nous y gagnons l’un et l’autre et bien souvent c’est de ce gain mutuel qu’aux moments les plus heureux nous faisions nos disputes.

    Ma grande erreur fut je crois tout ce temps de ne savoir élever la voix. Et tandis qu’elle criait, hurlait, déchirait livre et piétinait papier je ne savais rien faire, moi, que la regarder.

    Je pousse un soupir, lecteur ; je me vois si seul, si mal entouré, enfermé là dans cette petite chambre dont je n’ai même pas la clé.

    Me revient l’espace qui m’appartenait alors, ce pouvoir, ce sentiment de liberté.

    Mais comment comparer l’un et l’autre, cette petite chambre, ce que j’entends, ce que je sais. Le grincement de la porte ; la commisération qu’on a, croisant mes pupilles, et cette privation – vivace – : la rue m’est interdite.

    De son domicile, je n’eus jamais la clé ; je n’entrais chez elle que lorsqu’elle le souhaitait ou bien plutôt après que j’eusse lourdement insisté. Toujours nous achoppâmes ici ; je veux dire que jamais nous ne sûmes nous construire sur quelques bases jouant la réciproque. Moins de dix fois je la sentis ainsi, demandeuse vraiment d’un peu de moi et pour ceci aussi nous vivions en guerre ; je la voulais – quand elle ne me voulait pas ; jamais nous nous souhaitâmes ensemble, jamais, jamais nous ne fûmes si l’on veut, en accord.

    Comme cette fureur dans laquelle nous vivions fait contraste avec le calme, le silence dont je dispose ici ; le seul bien qu’on puisse extraire de cet enfermement ; on obtempère, on se tait.

    Crispations intérieures, mains fébriles, un souvenir fait tout entier en chair. Je grillais des heures et des heures, le souvenir de son épaule, d’une boucle qu’elle aurait perdue en s’appuyant fort peut-être un peu contre mon bras. Pendant physique de mon désir d’Elsa j’idolâtrais Sophie ; tout chez elle valait pour du plaisir. Et j’entrevoyais nos rencontres comme quelques bons pris d’avance auprès d’un paradis. Jeu de jambes, tensions, ô mon lecteur, je l’aimais tant ! Elle savait par quelque jeu vivace tisonner fragments et brisures. Elle connaissait ma chair autant hélas que j’ignorais la sienne. Un tout chamboulé ; une flagrance d’être ; un lit finalement qui valait pour tous ceux qui m’avait échappé.

    J’entrais donc ; attendant qu’elle le veuille ; alors elle chantonnait, courrais de ci de là préparait un café, s’asseyait, se relevait aussitôt. Je l’ai dis déjà ces huit premiers mois furent les plus heureux peut-être de ma vie ; les plus mouvementés, les plus drôles oui, les plus sujets à

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