Pour une antipsychiatrie transpersonnelle: Écrits d'une « bipolaire »
Par Andréa Cabanes
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À propos de ce livre électronique
Par ces quelques mots, le jugement de mon état de santé mentale est tombé : bouffée délirante aigüe.
Se raser les cheveux pour se sentir plus en contact avec la nature, quelle idée !
Ce n’est pas comme si le cuir-chevelu était directement exposé à des éléments tels que l’air et l’eau. Ce n’est pas comme s’il y avait, derrière cette démarche radicale, une volonté de renouer avec mon être originel, ou mon enfant intérieur.
Ce n’est pas comme s’il s’agissait d’une reviviscence.
Cet ouvrage est une compilation de textes traitant de près ou de loin de la psychiatrie actuelle au travers du prisme de mon expérience personnelle et de mes lectures. Vous y trouverez de quoi forger votre propre opinion, en marge des conclusions hâtives de la biopsychiatrie. Du moins, je l’espère.
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Aperçu du livre
Pour une antipsychiatrie transpersonnelle - Andréa Cabanes
Pour une antipsychiatrie transpersonnelle
Andréa Cabanes
Pour une antipsychiatrie transpersonnelle
Écrits d’une « bipolaire »
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2021
ISBN : 978-2-312-07978-3
À mes deux amis d’infortune.
« Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale que d’être bien adapté à une société malade. »
Jiddu Krishnamurti
Avant-propos
Je m’appelle Andréa, j’ai 27 ans depuis le mois d’octobre 2020, et suis diagnostiquée bipolaire depuis environ trois ans. Mes « troubles » ont débuté en janvier 2014, à l’âge de 20 ans. À cette époque, j’étais en deuxième année d’études supérieures, et j’étais plutôt cartésienne. Je n’avais même pas une bribe des connaissances que j’ai acquises depuis ma première hospitalisation psychiatrique ; ou plutôt, depuis mon premier épisode de « bouffée délirante aiguë » (BDA), que je qualifierais plutôt de « crise d’émergence spirituelle », « crise psychospirituelle spontanée » ou « urgence spirituelle » (spiritual emergency en anglais), selon les termes du psychiatre transpersonnel Stanislav Grof, l’un des pionniers de ce mouvement.
Ce n’est qu’à la suite, donc, de ma première hospitalisation, que j’ai commencé à lire des ouvrages sur le sujet. Sujet qui à mon sens devrait nécessairement regrouper toutes les thématiques répertoriées dans ma bibliographie.
Au début, sous traitement, il m’était très difficile de lire et surtout de comprendre ne serait-ce qu’une seule phrase de mon livre de chevet. Il m’arrivait systématiquement de relire une, deux, trois fois le même paragraphe. Ce n’est qu’en persévérant que j’ai pu réapprendre à lire correctement ou en l’occurrence à disposer comme il se doit de ma mémoire de travail, ou de ma capacité de concentration. Au bout d’une ou deux semaines, en effet, j’ai réussi à saisir le sens et la portée des phrases que je lisais.
Ce n’était pas une mince affaire, surtout que je n’avais pas l’habitude de ce genre de lectures. Il y avait des chiffres et des concepts qui m’étaient totalement étrangers. Cela ne veut pas dire que je lisais tout autant avant cette période : au contraire, je ne lisais quasiment rien à l’université, mis-à-part quelques textes par-ci par-là des manuels que l’on nous fournissait.
En réalité, ce n’est qu’à partir de ma première « crise » que j’ai enchaîné les lectures les unes après les autres, et sans entracte, mis-à-part le recopiage des phrases que j’avais surligné dans le but de regrouper les données : avoir une vision panoramique. C’est d’ailleurs peut-être – sûrement – à cause de ce travail acharné que cet ouvrage regorge de citations… Je n’ai pas mis beaucoup de temps à commencer à écrire suite à la lecture des oeuvres qu’il me semblait indispensable de lire avant un travail d’écriture. Je ne vous le cache pas : l’essai que vous trouverez dans ce livre a été rédigé à vif, pendant que le fer était encore chaud. Avec le recul dont je dispose à présent, je me rends compte qu’il n’est pas l’oeuvre dont j’avais rêvé…
Mais je ne m’en tiens pas rigueur, puisqu’au moment où je l’ai écrit, je n’avais pas tous mes moyens… J’entends par là que j’étais sous neuroleptiques et que j’avais peut-être une vision étriquée de l’éveil spirituel, propre à mon vécu personnel. Je le reconnais : il y a une forte tendance à la généralisation dans mon essai, mais je vous prie d’être indulgents à ce propos.
Il est vrai que j’aurais pu en faire la réécriture, mais je n’ai trouvé ni les idées ni le courage de le faire, ayant eu à subir de nouvelles hospitalisations par la suite. Celles-ci ont été très éprouvantes pour moi, et je me suis donnée tant de mal à chercher l’exactitude dans les termes que j’employais que je n’ai pas voulu toucher à mon texte.
Longtemps je me suis demandée si mes écrits valaient la peine d’être publiés, en raison du manque d’estime que j’avais pour leur qualité, ou en raison du manque de confiance en moi-même. Mais tout récemment un brasier s’est emparé de moi et a fait de la publication de mes textes un impératif : je crois aux signes… Ou dirait-on plutôt en termes savants : aux synchronicités.
Je sais que mon livre ne fera pas l’unanimité ; je sais aussi qu’il me fera me confronter scripturalement ou oralement – voire publiquement – à des spécialistes ou doctorants dans le domaine de la psychiatrie, mais je saurai garder la tête haute, forte de mon expérience et des connaissances acquises au fil de ces sept dernières années.
Il est vrai que mon pamphlet est virulent, mais soyez rassurés : il vise une catégorie bien précise de psychiatres.
Aussi trouverez-vous dans cet ouvrage des passages sans rapport direct avec l’intitulé des chapitres : ce sont des digressions que j’assume. Hors sujet ou coq-à-l’âne, comme il vous plaira. De mon côté, j’ai trouvé pertinent de restituer l’effervescence de mes idées en pleine écriture. Il faut savoir qu’il est également très difficile pour moi d’organiser mes idées sous neuroleptiques. Enfin, je manque aussi d’expérience dans le domaine de l’écriture (ou de l’édition). Sachez tout de même que j’ai dû interrompre mes études en Licence 2 à cause des difficultés que j’ai rencontrées suite à mes premières hospitalisations. Ces sept dernières années ont surtout été consacrées à ce projet d’écriture, qui touche enfin à son terme.
Alors voilà : détracteurs, à vos cerveaux !
Janvier 2021
(rédigé sous neuroleptiques)
Esquisse d’autobiographie
Je suis née pendue, le cordon ombilical autour du cou. Vers l’âge de 2-3 ans, je ne sais plus exactement (l’ai-je vraiment su ?), je me suis mise à pleurer dans mon lit ou mon landau, parce que je voyais un mandala se dessiner dans les grésillements du noir – je n’avais pas encore de veilleuse. Je venais de prendre conscience de mon existence ici-bas. Tout ce qui précédait cet épisode, je n’en avais pas la mémoire : je suis donc apparue à la vie à ce moment-là, dieu seul sait ce qu’il s’est passé avant… Je suis tombée dans une cellule, et la cellule s’est démultipliée…
Ensuite, à trois ans, je me souviens de la salle de classe en Maternelle. Il paraît que je m’amusais à colorier mes ongles avec des feutres. Rose et Marie étaient de la partie. Et il y avait Sourire aussi, Paquito et Robinson. J’aimais beaucoup jouer avec Robinson dans l’enceinte de la résidence, le plasma. J’aimais beaucoup jouer avec Paquito pendant la récré. Enfin ça, c’est peut-être un souvenir inventé, car j’ai le sentiment qu’à cette époque, en maternelle, nous étions souvent séparés… Pourtant je l’aimais, mais il était souvent absent… Et Sourire était toujours là pour me réconforter. La pauvre… Je la martyrisais, à mon insu. Conditionnée par les écrans télé.
Un jour, nous devions faire une représentation spectaculaire sur l’estrade d’une salle communale. Nous étions devant un rideau rouge au drapé somptueux. À cette époque, tout allait bien. Je faisais de la danse en tutu rose, et en Maternelle, on m’a choisi pour jouer le rôle du petit chaperon rouge pour le spectacle de fin d’année. J’étais ravie ! On m’accordait bien souvent trop peu d’intérêt… C’était une exception pour moi.
J’étais un garçon manqué. Je me sentais faire partie de la gent masculine, et en classe verte, à table, j’étais entourée de garçons… J’aimais ça, et j’aimais les spaghettis à la bolognaise. Et il y avait la clé, accrochée à un arbre, qui permettait d’accéder à un château dont on n’a jamais vu l’intérieur… Parce que la clé ne voulait pas quitter son arbre, ou parce qu’on nous prenait pour des imbéciles. Peu importe, c’était magique ! Et j’avais une casquette des 101 Dalmatiens sur la tête, ça faisait rire tout le monde, parce qu’il y avait des petites oreilles noires… Moi ça m’amusait, je n’avais pas peur du regard des autres. On se marrait bien ! Il y avait de jolis têtards dans le ruisseau, et sûrement de belles libellules aussi… Que de magie ! Époustouflant. Une forêt enchantée.
Une fois, j’étais partie en colonie de vacances avec mon frère âgé de 2-3 ans de plus que moi. Il faisait froid, c’était en hiver. Maman me manquait… Mais la féerie des animateurs emplissait mes yeux d’étoiles, même si je grelottais, je finissais par avoir chaud en écoutant leurs histoires… On nous racontait, autour d’un feu sur la neige, que des loups descendaient de la colline boisée de sapins en face de moi, munis de torches… Et moi je les imaginais surmontés de bonnets de saltimbanques aux grelots de fous du roi. C’était joli ! Ça scintillait… Des étoiles, encore des étoiles. Un des plus beaux souvenirs de ma vie.
Je n’étais pas très douée en ski de fond, à trois ans… Je n’étais pas très douée de manière générale. Les exercices ou les « tests » qu’on nous faisait passer en Maternelle révélaient mon infériorité mentale… Je ne faisais pas preuve de beaucoup de logique, j’étais un peu arriérée… Mais je percevais déjà les ruines de l’ancien monde. Les boîtes à Playmobils inertes, reflet de notre inconsistance. Reflet de mon désespoir… J’avais la tête endurcie, concentrée comme ce n’est pas permis ; les autres autour de moi divaguaient… J’avais l’impression d’être la seule à me rendre compte de la supercherie. J’étais déjà un peu tristounette. C’était la tristitude.
À trois ans, à Noël, j’avais demandé à mes parents un costume de D’Artagnan, rouge bien sûr, avec la ceinture noire et tout ce qui va avec… J’étais heureuse ! Mais mon frère me tapait souvent sur les nerfs, sur les mains… Ça faisait mal, déjà. J’aimais pas lui, non, j’aimais pas lui. Je crois qu’il me jalousait, depuis ma naissance. Quand je n’étais qu’un petit bout de chou, il essayait de me faire peur, ça ne marchait pas… J’étais incorruptible. Voire même, j’adorais… Et maman me faisait faire mes premiers pas. Elle m’acclamait.
Nous habitions à Ermont, dont la gare principale a été rebaptisée Ermont-Eaubonne aujourd’hui. C’est là que je suis née.
Lors d’un spectacle de fin d’année (encore !), je me suis mise à pleurer au milieu des bâtons de pluie et des grenouilles… Ce souvenir est sûrement faussé, parce que c’est un mauvais souvenir. Et il s’est mis à pleuvoir… Et tous les gens dans le public avaient de la peine pour moi, je crois, enfin surtout les gens de ma famille, dont mes grands parents maternels. Ils ne comprenaient pas… Mais moi je savais ce qui n’allait pas. Je ne parvenais pas à faire comme mes petits camarades, à suivre les règles, déjà. J’étais prostrée. Je ne savais pas ce qu’on attendait de moi et les autres étaient plongés dans l’ignorance quant à ce fait. Mais j’aimais les bâtons de pluie, ils me fascinaient…
J’ai toujours entendu les oscillations du silence dans mes oreilles, c’est ma conscience éveillée. Si je veux, je peux m’isoler du bruit par une simple contraction de muscles, et me rendre myope par une simple contraction de « muscles » aussi. Il n’y a qu’une seule chose que je ne peux taire, c’est ma bouche… Même si je n’ai jamais été trop bavarde. Plus tard, j’ai dû apprendre à me taire.
Entrée à l’école primaire, dans les Yvelines, j’avais le punch, mais j’ai vite déchanté… Tout ce que je voulais, c’est me faire de nouveaux amis. Ma voisine de table était gentille, elle m’apprenait beaucoup de choses et me tenait compagnie. Les épiphanies ! Je me souviens de ses dents qui étaient comme des Smarties… Et de ses yeux qui riaient. Mais les cours étaient ennuyeux au possible, je n’y comprenais rien et de toute façon je n’arrivais pas à suivre. Malgré mes oreilles de Dumbo, j’entendais rien. Je n’étais ni vraiment trop là, ni vraiment ailleurs… Perchée. Comme toujours, mes compte-rendus d’intelligence n’étaient pas brillants. QI sur Q-con, j’étais dans l’oraison. La sagesse m’importait plus que toute cette mise en scène ubuesque. Un camarade de classe était particulièrement agité… Tout ce brouhaha me fatiguait. On me reprochait d’écrire mes « o » à l’envers aussi, on me montrait les bonnes manières. Je n’en avais que faire ! Je n’y arrivais pas, c’était plus fort que moi. La discipline…
Là encore, je n’avais à me plaindre de rien. Je ne me suis jamais vraiment plainte, ni auprès de mes professeurs, ni auprès de mes parents. J’étais mutique. Ce n’est qu’en CE1 que tout a basculé. Papa et maman avaient l’habitude de s’engueuler, mais je n’y prêtais pas attention. Trop