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Les « Pacific'acteurs » Voyage conflictuel à Saint-Pierre-et-Miquelon
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Les « Pacific'acteurs » Voyage conflictuel à Saint-Pierre-et-Miquelon
Livre électronique304 pages3 heures

Les « Pacific'acteurs » Voyage conflictuel à Saint-Pierre-et-Miquelon

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À propos de ce livre électronique

Un voyage, un conflit, ce récit permet de comprendre toutes les étapes qui mènent de la grève à la solution en savourant le parcours presque initiatique de l’auteur qui nous plonge au cœur même d’une négociation et qui nous permet de découvrir la partie immergée des rapports sociaux. Etre muté à Saint-Pierre-et-Miquelon est vécu comme une punition par ces « mayoux » contraints. Ce n'est pas pour autant que des facilités sont accordées aux Saint-Pierrais et aux MiquelUn voyage, un conflit, ce récit permet de comprendre toutes les étapes qui mènent de la grève à la solution en savourant le parcours presque initiatique de l’auteur qui nous plonge au cœur même d’une négociation et qui nous permet de découvrir la partie immergée des rapports sociaux. Être muté à Saint-Pierre-et-Miquelon est vécu comme une punition par ces « mayoux » contraints. Ce n’est pas pour autant que des facilités sont accordées aux Saint-Pierrais et aux Miquelonnais à hauteur des contraintes qui sont les leurs. Ceci peut expliquer en partie les façons très particulières de déclencher un conflit et de le gérer. Accumulant les expériences les plus diverses dans le domaine de conflits du travail, de leur organisation à leur réalisation, ayant participé à de nombreuses négociations pour améliorer au quotidien les conditions de travail des salariés ou permettre la signature (ou la non signature) d’accords nationaux, l’auteur ne pouvait s’imaginer se retrouver un jour dans les circonstances présentes. Ni sociologue, ni psychologue mais témoin averti d’un monde du travail en crise, l’expérience acquise permet à l’auteur de comprendre et de traiter ce conflit dans lequel il fut plongé bien malgré lui. Il nous invite au voyage dans un archipel méconnu du plus grand nombre. onnais à hauteur des contraintes qui sont les leurs. Ceci peut expliquer en partie les façons très particulières de déclencher un conflit et de le gérer. Accumulant les expériences les plus diverses dans le domaine de conflits du travail, de leur organisation à leur réalisation, ayant participé à de nombreuses négociations pour améliorer au quotidien les conditions de travail des salariés ou permettre la signature (ou la non signature) d'accords nationaux, l'auteur ne pouvait s'imaginer se retrouver un jour dans les circonstances présentes. Ni sociologue, ni psychologue mais témoin averti d'un monde du travail en crise, l'expérience acquise permet à l'auteur de comprendre et de traiter ce conflit dans lequel il fut plongé bien malgré lui. Il nous invite au voyag
LangueFrançais
Date de sortie3 juil. 2014
ISBN9791029000683
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    Les « Pacific'acteurs » Voyage conflictuel à Saint-Pierre-et-Miquelon - Denis Garnier

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    Les « Pacific’acteurs »

    Denis GARNIER

    Les « Pacific’acteurs »

    Voyage conflictuel

    à Saint-Pierre-et-Miquelon

    Les Éditions Chapitre.com

    123, boulevard de Grenelle 75015 Paris

    Du même auteur

    « Libérez-vous ! De l’économie contre le travail », éditions Le Manuscrit, 2011.

    « L’hôpital disloqué », éditions Le Manuscrit, 2011.

    « Travail : des traumatismes à l’espérance », éditions Le Manuscrit, 2014.

    © Les Éditions Chapitre.com, 2014

    ISBN : 979-10-290-0068-3

    Avant-Propos

    Salarié depuis 40 ans, syndicaliste depuis plus de 38 ans, accumulant les expériences les plus diverses dans le domaine de conflits du travail, de leur organisation à leur réalisation, ayant participé à de nombreuses négociations pour améliorer au quotidien les conditions de travail des salariés ou permettre la signature (ou la non signature) d’accords nationaux, je ne pouvais imaginer être placé un jour dans les circonstances présentes.

    L’expérience que j’ai acquise dans le cadre de la prévention des risques professionnels, de la souffrance au travail, du mal-être, de ce que d’aucun dénomme les risques psychosociaux et qui sont en fait liés en grande partie à des contraintes de l’organisation du travail, m’a beaucoup aidée pour comprendre et traiter ce conflit dans lequel je me suis retrouvé bien malgré moi.

    Le contenu de cet essai illustre par l’exemple toutes les facettes des traumatismes du travail, les conséquences d’un management défaillant ou bien encore le cœur du débat social.

    Saint-Pierre et Miquelon ne m’était pas inconnu, puisque j’y avais séjourné une petite semaine il y a dix ans pour délivrer à des militants syndicaux quelques enseignements pratiques. Les souvenirs que j’en rapportais furent suffisamment prégnants pour qu’ils resurgissent immédiatement dès que le nom de cet archipel m’était cité. Sans dévoiler le contenu du présent récit je peux affirmer que cet endroit n’est comparable à aucun autre. Perdu au sud du Canada, ce caillou qui accueille un peu plus de 6 000 habitants est quelque peu délaissé par la métropole et peut-être même par la République. Contrairement à tous les autres territoires ou départements d’outre-mer, là-bas, pas ou peu de touriste. Les coûts de transport sont au-delà du raisonnable ce qui renforce un peu plus le sentiment d’isolement et d’abandon. Rien à voir avec la Réunion, Mayotte ou bien encore les Antilles qui de par le climat et le nombre d’habitants bénéficient d’une plus grande considération de la part de ceux qui décident et qui bien souvent y séjournent. Être muté à Saint-Pierre-et-Miquelon est presque vécu comme une punition par ces « mayoux » contraints. Ce n’est pas pour autant que des facilités sont accordées aux Saint-Pierrais et aux Miquelonnais à hauteur des contraintes qui sont les leurs.

    Ceci peut expliquer en partie les façons très particulières de déclencher un conflit et de le gérer. Mais ce n’est pas l’unique raison de la rédaction de cet ouvrage. L’aventure qu’il expose restera pour moi un des meilleurs moments de ma carrière militante. Je dis souvent que lorsque l’on n’est plus en capacité d’apprendre c’est que l’on est cliniquement mort. J’ai appris. La conjugaison de cet apprentissage et des savoirs accumulés précédemment renforcent, confortent l’engagement que j’ai pris il y a trente-huit ans de passer du temps aux côtés de ceux qui sont atteints dans leurs conditions d’existence. Je ne savais pas que cela durerait aussi longtemps. Je ne savais pas non plus que l’engagement est une école formidable qui permet de découvrir toutes les facettes de l’humanité. L’humanité qui permet à l’homme d’observer, de comprendre et d’agir avec intelligence et sensibilité. Mais cette école de la vie permet aussi de rencontrer des êtres qui ne flattent pas cette humanité, soit parce qu’ils l’ont perdue, soit parce qu’ils ne l’ont jamais rencontrée. Le choc des incompréhensions peut alors déboucher sur des situations conflictuelles qui auraient pu s’éviter si, d’un côté comme de l’autre, la finalité de l’œuvre commune, ici le sens du travail, n’avait pas perdu son humanité. La compétence fait autorité mais, a contrario, le manque de compétence débouche trop souvent sur de l’autoritarisme.

    Notre époque abandonne l’humanité au profit de dictats de toute nature qui sévissent dans tous les secteurs et qui frappent durement ceux qui n’ont pas la capacité de se défendre, soit parce qu’ils sont dans des situations précaires, soit parce qu’ils ont perdu leur liberté et gagné leur servitude.

    Le travail, même difficile, est une source d’équilibre, la porte de nombreuses libertés, et donne à chaque citoyen son utilité sociale. Faut-il perdre son emploi, son statut, sa condition pour en mesurer toute la quintessence, pour se réveiller ?

    Ici, rien n’est parfait, mais ils ont osé dire ça suffit. Il en est ainsi partout. Rien n’est définitivement acquis. Une occasion pour citer cet enseignement de Kant{1} qui jalonne souvent mes écrits :

    « Il est de la nature intelligible de l’homme de pouvoir par une décision se constituer comme sujet libre. La liberté n’est jamais acquise, elle est sans arrêt menacée. Elle doit toujours faire l’objet d’une lutte courageuse. »

    Mais la lutte courageuse se heurte souvent aux capacités de chacun de pouvoir la mener. Lorsque le salarié est cloîtré dans une précarité qui peut remettre en cause chaque jour ses propres conditions d’existence, alors la lutte peut devenir suicidaire si elle n’est pas accompagnée d’un puissant collectif seul capable de la protéger.

    Mais plus encore sur cet archipel j’ai rencontré la servitude, un bout de République abandonné.

    Des alertes y sont souvent lancées en direction des ministères de la métropole pour que les droits des habitants de Saint-pierre et de Miquelon soient identiques à ceux des habitants de la métropole. Elles sont le plus souvent ignorées et cette absence de réponse laisse certains maîtres locaux régner sur les sujets. S’installe alors une sorte de féodalité qui ne touche malheureusement pas que les salariés de l’hôpital dans cet archipel.

    La Liberté, l’Égalité, et la Fraternité pour les Saint-Pierrais et les Miquelonnais, cela valait bien un livre.

    PREMIÈRE PARTIE

    Le réveil des serfs

    1

    Souvenirs immédiats

    Vendredi midi, devant l’écran de l’ordinateur, je prépare la semaine qui s’annonce. Le téléphone sonne. C’est Didier, mon boss, mon ami, celui qui tient le manche de ma fédération.

    « Bonjour Didier.

    – Bonjour Denis. J’ai besoin de tes compétences.

    – Que puis-je pour toi ?

    – Nos amis de l’hôpital de Saint-Pierre nous demandent de les aider car ils sont en plein conflit.

    – Saint-Pierre ?

    – Saint-Pierre-et-Miquelon.

    – Il faut que je les appelle ?

    – Non il faudrait que tu puisses t’y rendre le plus rapidement possible.

    – C’est si grave ?

    – Ils veulent de l’aide ! Je n’en sais pas beaucoup plus, mais tu sais là-bas ça chauffe vite.

    – Mais j’ai la CHSCT nationale{2} !

    – T’occupe, on fera appel à un autre camarade.

    – OK. Je vois et je te rappelle. »

    Je pose mon regard sur la valise de la veille qui est tout juste ouverte. Je pense à mon petit-fils que je devais embrasser pour ses deux ans, à ma femme qui dans une heure va rentrer du travail en se faisant une joie du week-end festif qui s’annonçait.

    Saint-Pierre-et-Miquelon ! J’y suis allé il y a dix ans. Un séjour paisible pour former de jeunes militants. C’est un archipel Français situé dans l’Océan Atlantique nord à 25 km au sud de l’île canadienne de Terre-Neuve.

    Ces quelques secondes passées, je dois trouver un avion qui m’emmène là-bas. Ce n’est pas si simple. Un vol est possible pour le mardi suivant. J’appelle les camarades de Saint-Pierre pour les informer. Après un bref échange, ils me disent que la grève débute le mardi et qu’il faudrait y être avant si c’était possible. Je reprends mes recherches et on me propose un départ de Bordeaux le samedi matin qui arrive le samedi soir à 21 h 30 à Saint-Pierre. Par contre je n’ai pas de retour avant le mardi d’après, c’est-à-dire que je resterai 12 jours sur l’île. Les amis sont ravis. Mon épouse un peu moins. Ils m’attendront à la descente de l’avion. Ils s’occupent de tout le reste. J’en informe mon « boss ». Me voilà parti dès le lendemain matin sans trop savoir ce qui m’attend là-bas.

    Je ne suis pas un grand spécialiste de cette région, ni de son histoire. Mais, de mon précédent voyage je retiens les passionnantes discussions avec des Saint-Pierrais ou des Miquelonnais. J’ai ressenti leur amour du pays, de leur caillou. Le caillou c’est ainsi qu’ils nomment avec affection leur île de Saint-Pierre ! L’histoire ne les quitte pas Elle est emprunte de fierté et, comme toutes les histoires, elle est fissurée parfois de quelques écarts marginaux. Les conflits sont ici très tendus et parfois violents. Le fait de me plonger au cœur de l’un d’entre eux ne me rassure pas.

    Le souvenir des soirées passées avec le vieux Michel ressurgit instantanément.

    Le vieux Michel, c’était un militant syndical de la pire espèce pour un patron et le meilleur pour défendre le bout de gras des ouvriers de l’usine à poisson qui était, à son époque, la principale activité de l’archipel. Avant son départ à la retraite, en 1995, il organisait l’activité syndicale de tous les secteurs. La solidarité ! C’était son mot. Mais surtout j’ai eu la chance de pouvoir l’écouter.

    C’était dans un bar, un soir, après le repas. Bien assis au fond de sa chaise, cheveux blancs en bataille, la moustache abondante légèrement jaunie par cette demi-cigarette machinalement collée à sa lèvre inférieure, la peau burinée par l’air marin qui lui a définitivement vissé son béret sur la tête, il me raconta les évènements avec la passion d’un jeune militant révolté découvrant l’injustice. Ses yeux, s’ouvraient en grand, se fermaient complètement, se plissaient malicieusement au même rythme que des bras qui s’élevaient, retombaient, s’ouvraient prolongés de grandes mains aux doigts épais qui invitaient par la paume, apaisaient par le dos, énervaient par le poing ou dénonçaient par l’index au gré du récit qui me captivait.

    LA GUERRE POUR NOS REVENDICATIONS

    « Ici, les gens sont chauds ! Tiens par exemple ! En 1983 le pouvoir d’achat des fonctionnaires avait baissé de 35 % depuis l’envolée du dollar en 1981{3}. Le dollar c’est important ici, car quasiment tout ce que l’on achète est importé d’Amérique du nord. 

    Nous avons demandé pour tous les salariés une augmentation des salaires équivalente ! L’État a refusé par la voix du préfet. Alors, nous nous sommes mis en grève. Mais la grève ici, c’est pas pour taper sur un tambour ou souffler dans une trompette. La grève, c’est la guerre pour nos revendications. Ils ne veulent pas négocier. Alors c’est la guerre. On bloque tout. La Mairie, la Préfecture, les entreprises. Tout quoi !

    Bon, la Préfecture c’est plus dur car chaque fois, tous les gendarmes de l’île sont devant. Alors on est allé au Conseil Général.

    Après plusieurs jours de mobilisation, le préfet décide d’ouvrir des négociations. Mais rien n’en sort. Un jour, me voilà convoqué avec les camarades du syndicat. Sur l’île nous sommes majoritaires et tout passe par nous. J’y monte avec mes gars. Le maire était là ! Ils nous proposent un accord qui est nettement en-dessous de nos revendications. J’en prends note en leur disant : je vais voir mes troupes, mais dans l’état où elles sont, ça m’étonnerait fort qu’elles acceptent ! »

    En débouchant sur le quai pour rejoindre mes camarades, les premiers salariés que je rencontre me prennent à partie. Ils m’insultent. Salaud, pourri, vendu.

    Oh, qu’est-ce qui se passe ? Incompréhensible ! Lorsque j’arrive tant bien que mal à hauteur des premiers militants, mes camarades m’expliquent que le maire a déclaré à la radio qu’il s’était arrangé avec le syndicat pour signer un accord médian !

    Quoi ? Signer un accord ? On a rien signé du tout ! Il nous a fait des propositions avec le préfet, mais rien à voir avec nos revendications. Je lui ai dit que nous les présenterons aux grévistes mais en étant convaincus qu’ils refuseraient.

    La colère est montée. Je me suis mis sur un monticule qui dominait la foule des grévistes pour leur expliquer ce qui c’était exactement passé avec le maire en présence du préfet. Ils me connaissaient. Ils savaient que je ne pouvais pas les trahir mais ils voulaient l’entendre. Les quelques camarades qui m’avaient accompagné confirmaient mes dires.

    Alors ce fut de la folie. Ils voulaient tout casser. En fait ils ont tout cassé. J’y étais aussi. On a investi la Mairie et nous en sommes partis quand il n’y avait plus un seul meuble, une seule chaise, un seul tableau au mur. On a tout mis à l’eau. Rien ! Il ne restait rien ! Ou presque rien.

    Nous étions, toute proportion gardée, au bord de la guerre civile. Un commerçant avait même eu la fâcheuse idée de monter une milice pour nous contrer. Six mois après le conflit, il est venu me supplier de lever l’embargo qu’on avait mis sur son magasin !

    Donc, nous étions très en colère.

    Alors après, il a bien fallu que le préfet se mette à table. Le lendemain il nous a reçus à la Préfecture. Nous sommes rentrés entre deux cordons de gendarmes, cagoulés et parés d’un bouclier flambant neuf, qui s’écartaient au fur et à mesure que nous avancions.

    L’entretien ne fut pas très long. Un quart d’heure tout au plus ! Il nous informa qu’une délégation était convoquée à Paris dans les prochains jours pour trouver un compromis. Nous avions gagné l’ouverture de vraies négociations. Ce fut à Paris le 17 novembre 1983. 

    Des dépêches plus pudiques sont relevées dans les archives locales qui confirment au moins les raisons de la grève et les actes musclés{4}.

    2 novembre 1983 : grève illimitée des fonctionnaires. Dans l’après-midi, les grévistes occupent l’aérodrome et empêchent l’avion d’EPA d’atterrir avec des passagers parmi lesquels se trouvaient des malades. En fin d’après-midi, après une violente discussion avec le député-maire Albert Pen, les grévistes occupent les immeubles du Conseil général.

    8 novembre 1983 : les fonctionnaires en grève font irruption à la mairie vers 10 heures. Ils saccagent le mobilier et le matériel, laissant les lieux dans un état pitoyable. A midi, dans le bulletin des nouvelles, le 1er adjoint, Monsieur Michel Beaupertuis, flétrit cet acte de vandalisme en précisant que la mairie est la maison du peuple et appartient à toute la collectivité saint-pierraise.

    10 novembre 1983 : les fonctionnaires affiliés au Syndicat F. O. mettent fin à leur grève. Une réunion aura lieu à Paris le 17 novembre. Participera à cette réunion, une délégation de fonctionnaires et de conseillers généraux dans le but d’obtenir des compensations à la perte du pouvoir d’achat de tous les salariés et retraités du département.

    L’ARMÉE TENUE EN RESPECT

    Toujours le béret vissé sur la tête, chaud comme au bon vieux temps, Michel déversait chaque soir des histoires militantes succulentes d’anecdotes. Mais celle qui me marqua certainement le plus, c’est le blocage de l’aéroport.

    « C’était en 1989. Nous apprenons par les contrôleurs aériens que des avions de l’armée, envoyés par la Métropole, allaient se poser pour délivrer l’île !

    Il faut dire que pour défendre la pêche à la morue, ici on est prêt à tout. Donc on a tout bloqué. Dans le quart d’heure qui suit, (c’est pas grand chez nous), la seule piste de notre petit aéroport est envahie par les camions, les tractopelles, les voitures des grévistes, etc. etc. Impossible pour eux de se poser. Lorsqu’on les voit repartir au-dessus de l’île sans qu’ils aient atterri, ni même réalisé une approche, c’est la joie. La nuit tombante, tout le monde retourne chez soi. Le calme est revenu. Il faut qu’on récupère car les journées se suivent sans que l’on puisse prendre de repos.

    Au petit matin, un coup de fil ! Alerte. Deux avions de l’armée vont se poser sur la piste. Je saute du lit, passe deux ou trois coups de fil aux camarades. Rendez-vous immédiatement à l’aéroport avec tout ce que vous pouvez amener.

    Lorsque j’y arrive, le premier avion venait tout juste de toucher le sol et freinait sur la piste pour prendre son virage et se diriger vers notre petite aérogare. »

    Il m’explique alors que ce n’était pas celui sur lequel je m’étais posé, qui est tout neuf, mais sur le vieil aérodrome qui était sur le plateau à 500 mètres en face des maisons de Saint-Pierre, là où se trouve le nouvel hôpital.

    « Tu penses. Tous les camarades sont là ! Déjà, j’aperçois dans le noir les voitures, les camions et les tractopelles qui roulent vers l’avion pour l’empêcher d’aller plus loin. Il n’a pas eu le temps d’arriver à l’aire de stationnement. Il est planté là, en bout de piste. Lorsque j’arrive tout près, je vois que les conducteurs d’engins ont bloqué les portes de l’avion avec les mâchoires béantes de leurs engins. L’un d’entre eux est monté sur un véhicule et tape à grand coup de masse sur un hublot, pour l’exploser. Je crie et je lui demande :

    – Mais qu’est-ce que tu fais ?

    – On va les noyer ces enfoirés !

    – Les noyer ? »

    Juste à côté, effectivement, le camion-citerne des pompiers est là, gyrophare allumé, donnant encore plus de gravité à la situation. Au pied du camion les grévistes s’afférent pour brancher les tuyaux. J’interviens.

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    « Arrêtez camarades. Ils ne peuvent pas sortir. De là à casser l’avion et à noyer les militaires, ça va pas non ! » J’ai peur qu’ils ne m’écoutent pas. Je monte sur le véhicule et j’enlève la masse des mains du camarade qui est vraiment très en colère.

    Cela mit un coup d’arrêt à cette action suicidaire pour nos revendications. Progressivement, j’ai réussi à calmer la foule et nous sommes entrés en contact avec le commandant de bord pour négocier. 

    « Vous reprenez le bout de la piste, vous mettez les gaz et vous décollez, sinon je ne réponds de rien ! »

    Le message fut assez clair car, presque sans insister, le commandant de bord accède à la demande. Il savait que s’il y avait la moindre tentative d’ouverture des portes, c’était la guerre. C’était aussi des militaires !

    Alors, encadré d’un cortège de voitures, de camions et de tractopelles qui le mène jusqu’au bout de la piste, l’avion se positionne pour décoller. Les véhicules s’écartent et il part sous un tonnerre d’applaudissements, de klaxons et de sirènes en tout genre. »

    « Et les gendarmes ?

    – Pas vu ! me répond-il. Ils sont pas fous. D’abord, nous

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