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La nécessaire réconciliation: Réflexion sur la violence
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La nécessaire réconciliation: Réflexion sur la violence
Livre électronique152 pages2 heures

La nécessaire réconciliation: Réflexion sur la violence

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À propos de ce livre électronique

2e édition octobre 2017
Réflexion sur le fléau de la violence

La nécessaire réconciliation est une réflexion sur le fléau de la violence. À l'heure où la violence touche toutes les sociétés, cet ouvrage présente une autre analyse des causes qui permettent à la violence de se généraliser, à travers un nouveau concept celui de « la moralisation de la violence ».

Razika Adnani prend l'Algérie comme exemple pour construire sa pensée. Elle aborde la question de la légitimité de la guerre de libération et réexamine le principe de « la violence justifiée ». La question capitale est de savoir comment faire pour que la justification de la violence ne puisse jamais entraîner sa moralisation.

Mais la guerre suffit-elle, à elle seule, à expliquer le phénomène de la violence ? Razika Adnani croise causes historiques et sociologiques. Elle met en avant le rôle fondamental de l'éducation et pose la question de la modernité confrontée à la tradition, avec des exemples concrets tels que la justification du « voile » ou la pratique de « l'œil indiscret ». Enfin elle voit l'expression d'une souffrance, elle-même source de violence, dans le poids d'une histoire non assumée. Ainsi, elle nous entraîne au cœur des habitudes comportementales pour nous aider à comprendre comment certaines d'entre elles peuvent devenir le terreau de la violence. L'Algérie partage une culture et une vision de l'avenir avec les autres pays du Maghreb et les pays arabes et arabophones. Voilà qui permet de saisir des aspects importants du phénomène de violence sociale non seulement en Algérie mais aussi dans l'ensemble de ces pays.

Razika Adnani construit sa réflexion dans la perspective de savoir si une meilleure relation avec l'autre et un meilleur partage de l'espace sont possibles. Elle s'interroge sur la relation qui existe entre l'image que nous avons de nous-mêmes et la violence faite à autrui.

Cet ouvrage est un outil indispensable de lecture du monde et un formidable message d’espoir.

EXTRAIT
En ce matin du mois de mai 2012, la lumière si particulière d'Alger envahissait ma cuisine. Je prenais mon thé face à la fenêtre. J'étais heureuse de retrouver ma ville. Le journal posé sur la table à côté de moi, j'en survolais rapidement les titres quand l'un d'eux attira mon attention : « Il ne faut pas délégitimer la guerre d'Algérie ». Par cette phrase, « il ne faut pas », le titre se présentait sous la forme d'une injonction ou d'une leçon de morale que la journaliste attribuait à l'une des figures de la guerre de libération. Les leçons de morale attirent toujours mon attention, car elles instillent toujours un doute. Quand on dit à quelqu'un : « il ne faut pas voler », c'est soit parce qu'il vole déjà et qu'on veut le persuader d'arrêter, soit parce que, simplement, on craint qu'il ne le fasse. Il ne nous viendrait pas à l'esprit de le dire à une personne intègre. Quelques questions me vinrent à l'esprit. Pourquoi cette injonction alors que l'Algérie s'apprêtait à fêter le cinquantième anniversaire de son indépendance ? Sous-entendait-on la possible existence d'une opinion qui délégitimerait la guerre de libération ? Qui pouvait en être l'auteur ? J'ai soudain ressenti un besoin fort et irrésistible de m'exprimer, d'écrire comme si, d'un seul coup, j'avais beaucoup de choses à dire.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Essai brillant. Bravo pour cette analyse claire, documentée et sans concession. Razika Adnani est une essayiste et une analyste du monde arabe à suivre sans aucun doute! - client, Amazon

Je recommande la lecture de ce livre qui analyse de façon originale le phénomène du développement de la violence dans la société en s'appuyant sur l'expérience de l'Algérie et qui aborde finement la plupart des questions de société actuelles - JOLY, Amazon
LangueFrançais
ÉditeurUPblisher
Date de sortie12 janv. 2021
ISBN9782759901814
La nécessaire réconciliation: Réflexion sur la violence

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    Aperçu du livre

    La nécessaire réconciliation - Razika Adnani

    Razika Adnani

    La nécessaire réconciliation

    2e édition

    UPblisher.com

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    « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité,

    aussi bien dans ta personne que dans la personne

    de tout autre, toujours en même temps comme

    une fin et jamais simplement comme un moyen »

    Emmanuel Kant (1724-1804)

    Première partie

    DE LA MORALISATION

    DE LA VIOLENCE

    Une leçon de morale

    En ce matin du mois de mai 2012, la lumière si particulière d’Alger envahissait ma cuisine. Je prenais mon thé face à la fenêtre. J’étais heureuse de retrouver ma ville. Le journal posé sur la table à côté de moi, j’en survolais rapidement les titres quand l’un d’eux attira mon attention : « Il ne faut pas délégitimer la guerre d’Algérie ». Par cette phrase, « il ne faut pas », le titre se présentait sous la forme d’une injonction ou d’une leçon de morale que la journaliste attribuait à l’une des figures de la guerre de libération. Les leçons de morale attirent toujours mon attention, car elles instillent toujours un doute.

    Quand on dit à quelqu’un : « il ne faut pas voler », c’est soit parce qu’il vole déjà et qu’on veut le persuader d’arrêter, soit parce que, simplement, on craint qu’il ne le fasse. Il ne nous viendrait pas à l’esprit de le dire à une personne intègre. Quelques questions me vinrent à l’esprit. Pourquoi cette injonction alors que l’Algérie s’apprêtait à fêter le cinquantième anniversaire de son indépendance ? Sous-entendait-on la possible existence d’une opinion qui délégitimerait la guerre de libération ? Qui pouvait en être l’auteur ? J’ai soudain ressenti un besoin fort et irrésistible de m’exprimer, d’écrire comme si, d’un seul coup, j’avais beaucoup de choses à dire.

    Il m’est difficile, étant donné la conjoncture, de savoir à qui ce discours s’adressait réellement. Ces paroles lancées comme une leçon de morale ont été prononcées lors d’une conférence qui s’est déroulée en Algérie face à un public algérien, par définition le plus concerné par cette guerre. Je ne peux pas non plus exclure la possibilité qu’elle s’adressait aux Français, si je prends en considération le contexte dans lequel cette injonction a été formulée : cette conférence faisait suite à un séminaire sur « l’Algérie 50 ans après » qui s’était déroulé à Marseille en 2012. De ce fait, je n’ai pu exclure aucune des deux possibilités.

    Adresser une telle injonction aux Algériens revient à les sous-estimer, notamment les jeunes générations, et à mettre en doute leur capacité à comprendre la légitimité du combat de leurs aînés. Certes, depuis le 5 juillet 1962 le temps a passé, mais cela ne justifie pas un tel doute. Les Algériens aujourd’hui encore, et plus que jamais, sont convaincus de la légitimité de la guerre de libération de leur pays, car ils sont persuadés que tout être humain, homme ou femme, a le droit de se soustraire à l’infériorité dans laquelle on veut le contraindre au nom d’une philosophie et d’un pouvoir qui font de certaines personnes des êtres supérieurs et d’autres des êtres inférieurs ; le droit à la liberté, à la dignité et à la justice est intrinsèque à la personne humaine ; toute spoliation de ce droit donne à la personne ou au peuple concerné le droit de le réclamer. Aujourd’hui encore, plus qu’hier, ils sont conscients que refuser le mépris et l’humiliation est tout simplement un droit indiscutable ; de ce fait, la guerre que leurs grands-parents ou leurs parents ont menée est pour eux l’expression de ce refus et ne pouvait être que légitime. Ils sont persuadés que, grâce à elle, ils ont gagné le droit d’être des citoyens dignes et celui de connaître enfin le goût d’une liberté et d’un honneur longtemps confisqués.

    La guerre de libération nationale était une guerre contre un colonialisme accapareur de terres, déniant de surcroît leur humanité aux habitants. Si même il n’y avait qu’une seule possibilité que la guerre d’Algérie ait été illégitime, cela laisserait entendre que le colonialisme aurait été légitime. Or légitimer le colonialisme, c’est retourner à l’âge de la barbarie, de l’esclavage, de l’injustice et de l’horreur humaine. C’est aussi faire triompher la déraison sur la raison. Défendre le colonialisme, c’est renoncer à l’humanité au profit de l’animalité qui est en nous ; c’est abandonner la modernité.

    Certes, il y a une autre manière de réclamer ses droits : la revendication pacifique, et nul ne doute que ce soit la manière la plus « civilisée » de le faire. Cependant, les massacres de mai 1945 ont prouvé que le colonialisme n’entendait pas ce discours : le peuple algérien l’a compris. L’être humain, quand il est aveuglé par la préservation de ses intérêts personnels, ne comprend pas le langage de la raison. Même la Charte des Nations Unies et « la Déclaration des droits de l’homme », « la conscience universelle » selon l’expression de Malek Bennabi, étaient sourdes aux cris des peuples colonisés. Il écrit : « la bonne conscience universelle sagement muette, quand il le faut, ne trouve rien à dire à propos de certaines affaires intérieures bien qu’elle se mêle de certaines autres. Un pays colonisé, c’est donc une affaire intérieure c’est un postulat. Tout le reste en découle »[1].

    Ainsi, soumis contre leur gré à cet état d’infériorité et ne pouvant le tolérer, les Algériens n’avaient d’autres moyens que de faire la guerre pour s’y soustraire. Elle est alors devenue une solution incontournable.

    C’est cette histoire qui fait que les Algériens sont convaincus de la légitimité de la guerre de libération de leur pays. S’il y a une seule question qu’ils n’auront jamais à se poser, c’est sa légitimité. C’est elle qui leur a permis, après des siècles d’occupation turque puis française, d’être enfin souverains sur leur terre et ils en sont fiers.

    Aujourd’hui, je me rappelle encore la fierté de mes parents et de mes enseignants, quand, alors que nous étions enfants, ils nous racontaient la guerre, notre Guerre, et comment ils avaient arraché leur pays aux mains des colons. Je me rappelle les chants nationalistes algériens : Min Djibalina, ya chahid el watan…[2] et la vive émotion qu’ils suscitaient. Nous sommes la génération de l’indépendance[3]. Nous n’avons connu ni la période coloniale ni la guerre, mais nous portons en nous les souffrances de la première et la fierté de la seconde. Nous adresser une telle injonction est donc dénué de sens.

    Nous ne pouvons pas non plus adresser cette injonction à tous les Français, car cela reviendrait à nier le soutien apporté à la guerre de libération par tous ceux qui, imprégnés des principes de la révolution française de 1789 et « des droits de l’homme », se sont dressés contre le colonialisme. Rappelons que certains l’ont payé de leur vie. De même, cela nierait l’action de tous les intellectuels, penseurs, philosophes et historiens dont les travaux apportent, aujourd’hui comme hier, plus de lumière et de vérité sur l’inhumanité du colonialisme et ses pratiques injustes. Pouvons-nous oublier Maurice Audin, jeune mathématicien étranglé sur une table de torture, Germaine Tillion et son combat pour alléger la souffrance des Algériens détenus et les nombreux avocats qui se sont engagés aux côtés des Algériens pour les défendre alors que la guerre faisait rage ? Devons-nous rappeler la « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », dite « Manifeste des 121 », publiée le 6 septembre 1960 ? Dans ce texte, les signataires déclaraient que « la cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres ». Dans son livre Guerre d’Algérie, droit et non droit, Arlette Heymann-Doat dénonce le Droit en Algérie, rédigé au seul profit du colonisateur et au détriment du colonisé. Il « a été conçu pour le contraire de ce que son image peut représenter : il a été porteur d’injustice, de barbarie et d’impunité. Il a fait des colons des citoyens et des indigènes des sujets »[4], écrit-elle.

    Il y a certainement encore des nostalgiques de l’Algérie française. Cependant, peuvent-ils nier que la guerre des Algériens avait pour cause l’indignation d’un peuple tout entier ? À la base, ne retrouve-t-on pas les mêmes motifs qui animaient la résistance française ? Ces nostalgiques ne peuvent que reconnaître la légitimité d’une guerre dont la cause était la liberté et la fin du colonialisme. Ils ont, certes, poussé des parlementaires français à voter une loi reconnaissant son bien-fondé[5], mais ce texte a été très vite retiré, car au fond personne ne peut le justifier : par principe, nul n’a le droit d’occuper la terre d’un autre. Une chose importante reste à préciser : l’expression « guerre d’Algérie » n’a pas le même sens selon que l’on se place du côté algérien ou du côté français. Du côté algérien, la guerre d’Algérie est une guerre menée contre la France dans le but de libérer le pays du joug des colons : c’est une guerre de libération nationale.

    Du côté français, c’est une guerre menée contre des insurgés algériens pour sauver sa colonie et protéger les Français d’Algérie. Supposer que cette phrase : « il ne faut pas délégitimer la guerre d’Algérie » s’adresserait aux Français, reviendrait à leur dire que la guerre qu’ils ont menée contre les Algériens était juste. Venant d’une des figures de la guerre, ce discours serait absurde non seulement pour les Algériens, mais aussi pour tous les Français qui dénoncent le colonialisme sous tous ses aspects. Une telle leçon de morale ne peut donc logiquement s’adresser qu’aux Algériens.

    Si en réalité personne ne doute de la légitimité de la guerre de libération, pourquoi alors cette leçon de morale alors que l’Algérie fête le 50e anniversaire de son indépendance ? Que se cache-t-il derrière ce discours ? Comment expliquer que ce qui n’était pas même imaginable les premières années de l’indépendance nous leur soit brutalement infligé aujourd’hui par une des figures de cette guerre ?

    Certes, les premières années de l’Algérie indépendante ne furent pas faciles. Tout était à construire, mais nos parents avaient de grands espoirs : ils étaient sûrs que leur avenir, tout comme celui de leurs enfants, ne pouvait être que meilleur. Ils avaient l’espoir que l’Algérie, pour laquelle ils s’étaient battus, n’allait pas les décevoir. Leurs espérances faisaient la grandeur de leur guerre.

    Quelques années plus tard, les difficultés ont commencé à surgir ; les objectifs sont devenus

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