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L'Afghanistan, du provisoire au transitoire: Quelles perspectives ?
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Livre électronique279 pages3 heures

L'Afghanistan, du provisoire au transitoire: Quelles perspectives ?

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À propos de ce livre électronique

Professeur de droit à Kaboul, puis chargé de cours à Paris I Sorbonne et Paris V René-Descartes, Kacem Fazelly a côtoyé et conseillé quelques-uns des acteurs majeurs de la vie politique afghane - Mohammed Zaher Chah, l'ancien roi, et le nouveau président Hamed Karzai notamment. Aujourd'hui ambassadeur d'Afghanistan en République tchèque, il retrace le passé proche de son pays et s'interroge sur le futur.


A PROPOS DE L'AUTEUR

Kacem Fazelly est né en 1932. Il est licencié en droit de la Faculté de droit de Grenoble et docteur en droit de la Faculté de droit de Paris. Il est aussi diplômé de l’Ecole nationale supérieure des PTT en France. Chargé de cours à l’Université Paris I, Sorbonne et à l’Université Paris V, René Descartes. Sa thèse de doctorat est consacrée à une autre institution spécialisée de l’Organisation des Nations-unies, « l’Union postale universelle ». Depuis mai 2010, il est Ambassadeur, Délégué permanent de l’Afghanistan auprès de l’UNESCO.

LangueFrançais
Date de sortie2 janv. 2020
ISBN9782360571543
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    Aperçu du livre

    L'Afghanistan, du provisoire au transitoire - Fazelly Kacem

    glossaire.

    Avant-Propos

    En répondant à l’appel de Hamed Karzai* me priant de reprendre la collaboration entamée sous l’égide de l’ancien roi à Rome, en juin 1999, je me suis retrouvé, pour la quatrième fois, au palais de Golkhana, siège de la présidence de l’Autorité provisoire. Le lieu ne m’était donc pas inconnu, et je me remémorais les trois passages que j’avais effectués dans cette enceinte royale.

    En 1960, de retour au pays après avoir effectué des études de droit en France, l’audience accordée par le roi scellait mon engagement de citoyen dans la vie civile. C’était l’âge d’or et la veille d’un nouvel élan du constitutionnalisme, des réformes et de la démocratie en Afghanistan. Le souvenir du déjeuner, à la table royale, dans la grande salle où se réunit aujourd’hui le conseil des ministres m’est resté gravé dans la mémoire.

    En septembre 1979, dans un régime communiste en total désarroi, je faisais partie du groupe de professeurs d’université que le dirigeant khalqi* Hafizollah Amine avait convoqué, après avoir éliminé dans des conditions atroces son rival, Nour Mohammad Taraki. Ce fut plutôt une scène d’épouvante. C’est à peine si quelques-uns eurent le courage de lui demander son aide pour retrouver les traces des membres disparus de leur famille. Peine perdue.

    En septembre 1980, le khad* vint m’arrêter à mon domicile pour me mettre entre les mains de son chef, Dr Nadjibollah, qui me conduisit ensuite personnellement au même palais de Golkhana pour y rencontrer le président Barbak Karmal. Celui-ci, qui tentait en vain de justifier son appel à l’Armée rouge, voulait que cessent les troubles de l’Université, auxquels j’avais activement pris part.

    Le processus de paix en cours fut pour moi l’occasion de me retrouver au centre des événements, en acteur privilégié, participant à la démarche arbitrairement nommée nation building.

    Le présent ouvrage décrit les espoirs et les désillusions liés à cette expérience. Il se propose, en outre, de tirer un certain nombre de leçons, à partir d’un processus unique en son genre, sur des sujets d’actualité brûlante.

    Ma satisfaction est d’avoir retrouvé le roi Mohammad Zaher Chah* et d’avoir eu le bonheur de m’être entretenu très souvent avec lui. En revanche, j’ai été le témoin malheureux de sa seconde abdication. Et surtout, j’ai vu naître un régime hybride, baptisé « République islamique d’Afghanistan ».

    Face à cette situation tout le monde applaudit, oubliant que ce qu’on appelle communément le terrorisme international est l’aboutissement de querelles nées à propos de l’installation de l’État islamique en Afghanistan.

    Introduction

    Il serait faux d’évoquer l’action militaire américaine en Afghanistan en tentant d’établir une analogie avec celle que les États-Unis ont conduite ensuite en Irak. Dire que le gouvernement américain est en guerre avec l’Afghanistan dénote, en tout cas, une déplorable méconnaissance de la situation dans ce pays.

    La même méprise a d’ailleurs été remarquée chez ceux qui, au lendemain du 11 septembre 2001, s’empressaient d’identifier l’action militaire américaine à l’agression soviétique, en 1979, pour conclure précipitamment à son échec futur.

    Pour plus de clarté, nous affirmons que la plupart des Afghans qui participent actuellement à la reconstruction de leur pays sont ceux-là mêmes qui sollicitaient instamment l’assistance internationale, au sein de laquelle ils envisageaient en bonne place la contribution des États-Unis.

    Bien entendu, le gouvernement américain est sujet à des reproches quant à l’attitude conciliante adoptée à l’égard des talibans* et de leur complice, Al-Qaeda, en 2000-2001. Une part de la responsabilité du désastre du 11 septembre lui reviendrait de ce fait. Pire encore, la présence américaine pourrait apparaître comme une intervention hostile si l’attitude néoconservatrice aux États-Unis était perçue comme une démarche messianique rappelant, sous une forme différente, le militantisme idéologique de l’ancienne Union soviétique. La similitude de discours entre un néoconservateur américain et un chef intégriste dans le djihad* islamique en Afghanistan est simplement inquiétante. Certaines de leurs pratiques rappellent aussi celles des talibans.

    Les points de ressemblance avec l’Irak d’aujourd’hui se font par ailleurs de plus en plus frappants. À Bagdad, la « zone verte » où sont localisés le palais et les immeubles qui abritent les services civils et militaires américains, protégés par des murs de béton et des barbelés, rappelle l’immense chantier qui pousse autour de l’ambassade des États-Unis à Kaboul et qui jouxte le palais de Golkhana, l’aéroport et le quartier diplomatique de Wazir Akbar Khan. Cette zone s’appelle aussi, étrangement, « Deh sabz », le Village vert.

    Tout en procédant à cette constatation, des mises au point sont à faire pour préciser le sens et les limites de la situation particulière en Afghanistan.

    L’Afghanistan connaît, sans conteste, une situation que l’on peut qualifier de semi-occupation, et qui l’expose donc, obligatoirement, à des limitations de souveraineté, parfois incompatibles avec son statut d’État indépendant. La gouvernance particulière dont les contours ont été définis par la conférence de paix de Bonn, en accord avec l’Organisation des Nations unies, vient d’achever la première phase de sa gestion, dont il importe de tirer les enseignements.

    Les limitations de souveraineté dont il est question sont dues surtout à la guerre contre le terrorisme international, laquelle est venue couvrir les successifs affrontements internes. L’expérience durable de la démocratie qui est engagée en Afghanistan doit donc libérer ce pays à la fois du terrorisme international et des convulsions internes.

    Au cours de la période de transition, c’est l’apport du modèle américain de démocratie, caractérisé par la création de commissions indépendantes, le renforcement de l’appareil judiciaire et le développement de la société civile qui a fourni les bases de cette expérience. L’Europe a marqué sa présence surtout par la liberté de la presse et le développement de celle-ci.

    Alors que les dernières phases du processus s’accomplissent, des régressions sont à noter. Elles sont à attribuer au dérapage d’une loya djirga manipulée par l’Autorité de transition, et aux incohérences d’une constitution marquée d’un côté par les orientations d’une présidence soutenue de l’extérieur et de l’autre par la censure théologique que maintiennent les cercles fondamentalistes héritiers de la période du djihad.

    En dépit de la façade démocratique de la nouvelle constitution, l’ancrage de la politique dans la religion est en train de faire resurgir le fondamentalisme, défendu âprement par les anciens djihadistes. Se contenter de la chute des talibans ne garantit pas le succès de la guerre contre le terrorisme international. De profondes mutations économiques et culturelles sont souhaitées pour que le message de paix introduit par les accords de Bonn soit durablement entendu.

    La tenue prochaine des élections présidentielle et parlementaires sera enfin, pour l’Autorité de transition, l’épreuve la plus difficile à surmonter, non pas tant en raison de l’absence de logistique bien adaptée au terrain (listes électorales et bureaux de vote) que parce qu’il y a exigence d’une réelle participation démocratique comme voie de légitimation des institutions de l’État. Cela nous amène à déduire qu’au terme du processus de paix et au sein d’une insécurité croissante les Afghans maîtrisent mal le passage à l’institutionnalisation de l’État, toujours tributaire du soutien de la société internationale.

    De Rome à Petersberg

    Le 26 juin 1999, se tenait à Rome, à l’hôtel Colony, une réunion à laquelle participaient quatorze Afghans, tous invités par le bureau de l’ancien roi d’Afghanistan. Elle faisait suite à une série de rencontres et de comités réduits, tenus à échéances espacées, à Francfort, Istanbul et Bonn. La réunion tenue dans l’ancienne capitale allemande au milieu de l’année 1998 s’affichait plutôt comme un rassemblement élargi, politiquement composé des partisans du roi, liés au mouvement de la loya djirga, et d’éléments ouverts et modérés appartenant au Front islamique uni, en lutte depuis 1996 contre les talibans. À cette réunion participait le petit-fils du roi, Mostapha Zaher, ce qui pouvait être interprété comme un signe de l’engagement direct de l’ancien monarque, même si de telles suppositions doivent être avancées avec réserve, vu les désaccords permanents dans l’entourage familial du futur « Père de la nation ».

    Les Afghans réunis à Rome et désignés dans cet ouvrage sous l’appellation de groupe de Rome appartenaient, grosso modo, à deux catégories : les partisans de la solution pakistanaise et les sympathisants du Front islamique uni. Ce clivage durera jusqu’à la signature des accords de Bonn en décembre 2001, le temps qu’il faudra pour intégrer la loya djirga dans le processus de paix. Autrement dit, le rôle fédérateur de l’ancien roi sera respecté, malgré la multitude de sensibilités personnelles. Soulignons que Hamed Karzai penchait plus du côté des sympathisants du Front islamique uni, même s’il avait établi son quartier général à Quetta (Pakistan), où son père avait été assassiné.

    La réunion de Rome prévoyait trois axes de discussion. Il fallait d’abord débattre de la crise elle-même et des obstacles qui se dressaient devant le retour à la paix. Il fallait ensuite sonder la position des protagonistes quant à l’organisation de la loya djirga. Et il fallait enfin établir un agenda et mettre sur pied des structures permanentes chargées d’assurer la logistique nécessaire à la tenue de la réunion.

    En tout état de cause, il fallait établir un plan d’action, une feuille de route acceptable incluant le cas échéant le combat politique.

    I. LA TENUE D’UNE LOYA DJIRGA, DERNIER RECOURS POUR RESOUDRE LA CRISE

    Dès l’ouverture des travaux, les participants ont saisi l’ampleur de la tâche à laquelle ils étaient conviés. Six années s’étaient écoulées depuis que l’idée de réunir une loya djirga avait été lancée pour la première fois en 1993 par l’ancien roi. Le mot d’ordre était « accélérer et concrétiser » : la loya djirga était le dernier recours pour résoudre une crise qui avait connu de multiples rebondissements durant les deux décennies passées.

    Conscients de la complexité du problème, les participants se sont attaqués avant tout aux causes de la crise. Insistant constamment sur la nécessité d’une mobilisation générale, ils n’ont omis ni l’importance relative des faits, ni la multitude des pistes qui se dessinaient à l’intérieur comme à l’extérieur.

    Au centre se situait la préoccupation de restituer à la loya djirga sa réalité historique et la mission de portée nationale qui lui revenait dans des circonstances exceptionnelles. Ce message devait parvenir au pays, où l’impatience était aussi grande que la joie, dans la société civile et dans les rangs des composantes ethniques qui avaient enduré les souffrances de la crise.

    À L’EXTERIEUR :

    • La réticence pakistanaise

    Parmi les obstacles, l’attention se focalisa en priorité sur les ingérences pakistanaises, déjà fortement ressenties durant la période du djihad antisoviétique. En effet, des relations durables et fortes avaient été nouées entre les cercles politiques pakistanais et les groupes de moudjahidins* afghans présents sur le terrain et ayant, pour certains d’entre eux, un relais obligé de l’autre côté de la frontière.

    Priorité fut donnée à une analyse de la dynamique du pouvoir dans la société pakistanaise, qui fut examinée en premier. L’idée était qu’une connaissance plus directe des centres de décision dans ce pays, conjuguée avec une étude de la réalité pluriethnique de celui-ci, faciliterait les contacts politiques. Les participants ont apporté de précieux renseignements sur les rapports complexes qui lient l’armée, les services de sécurité et les groupes ethniques entre eux. Il a été aussi souligné que chez les Pakistanais euxmêmes un mécontentement visible était dû à la peur suscitée par les groupes intégristes islamiques.

    Quant à la vision du gouvernement pakistanais à l’égard de la crise afghane, elle fut résumée en six points :

    – Le gouvernement pakistanais regardait la crise afghane comme un problème d’ordre interne.

    – L’approche adoptée par le gouvernement pakistanais était strictement militaire et c’était l’armée qui était l’institution la plus concernée.

    – Cette vision militaire n’écartait pas toutefois un traitement politique de la crise.

    – Le Pakistan préférait voir s’installer en Afghanistan un gouvernement fantoche plutôt qu’un gouvernement ami.

    – Le gouvernement pakistanais recourait aux partis islamiques radicaux pour asseoir son influence en Afghanistan.

    – Dans les circonstances qui prévalaient, le gouvernement pakistanais n’avait pas intérêt à ce que la question du Pachtounistan soit soulevée.

    Au regard de l’action à mener à l’encontre des ingérences pakistanaises et auprès du Pakistan pour qu’il use de son influence sur les talibans, quelques démarches ont été évoquées :

    – Agir auprès des Afghans réfugiés au Pakistan qui avaient déjà exprimé par sondage leur soutien à l’ancien roi.

    – Requérir l’aide des pays amis favorables au retour de la paix en Afghanistan.

    – Approcher les cercles politiques pakistanais hostiles à leur gouvernement.

    – Participer aux travaux de la conférence des pays « 6 + 2¹ ».

    – Lancer un appel direct, émanant de l’ancien roi, en direction du gouvernement pakistanais.

    Le gouvernement pakistanais n’a jamais accueilli favorablement l’initiative de Rome. La délégation du roi, apparemment reçue avec égard, est rentrée bredouille. Aucune promesse mais un brin de moquerie, c’est l’impression recueillie par la délégation lors de sa visite à Islamabad.

    Dans le groupe de Rome, certains éléments ménageaient les intérêts pakistanais. L’ambassadeur du Pakistan, le propre frère de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Gaohar Ayoub, contactait régulièrement ces Afghans.

    Par la suite, lorsque Parwiz Mocharraf a présenté la suprématie des Pachtouns comme une garantie de la sécurité au Pakistan, et que les talibans ont procédé à la destruction des Bouddhas de Bamiyan, le sentiment nationaliste s’est emparé de tous les Afghans même sympathisants vis-à-vis du Pakistan. L’ancien roi, bouleversé, a publié un communiqué dans lequel il a très violemment critiqué les propos de Mocharraf et rappelé à celui-ci que l’Afghanistan, ethniquement multiple, était uni et décidé à défendre son intégrité territoriale. Dans ce communiqué, le roi a même averti le gouvernement pakistanais des conséquences désastreuses de la politique qu’il menait.

    • L’embarras iranien

    Que dire de l’Iran dont la fièvre révolutionnaire était largement tombée au moment où le roi lançait le mouvement de la loya djirga à partir de son exil dans la capitale italienne ? Face à une initiative qui émanait d’un ancien monarque, le régime islamique fit preuve de pragmatisme. Les relations ambiguës de l’Iran avec les États-Unis d’une part, et l’Arabie saoudite de l’autre, recommandaient une ouverture prudente.

    La présence de Mohammad Zaher Chah à la tête du mouvement de la loya djirga suscitait malgré tout des méfiances justifiées au sein du régime islamique. En effet, de réels espoirs étaient nés au sein des opposants iraniens monarchistes à l’étranger. Cela n’empêcha pas la délégation du roi d’être reçue à Téhéran, dans un climat de parfaite entente. La seule réserve concerna le groupe de Chypre que le gouvernement iranien voulait inclure dans la démarche de la loya djirga. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que l’Iran a longtemps laissé courir le bruit d’une loya djirga parallèle qui se tiendrait soit à Téhéran, soit en Arabie saoudite. Vu du côté de Rome, cela visait à créer la confusion ou, pire, à banaliser l’importance de l’initiative du roi. Finalement, le groupe de Chypre a figuré bel et bien parmi les signataires des accords de Bonn : le fils de l’émir Ismaïl Khan, ministre de l’Aviation civile dans le gouvernement de transition de Hamed Karzai et récemment décédé dans des circonstances que nous évoquerons plus loin, a fait partie de cette délégation.

    Le résultat obtenu par la délégation du roi à Téhéran fut interprété comme un succès, à la différence de ce qui s’était passé à Islamabad. N’oublions pas que, tout compte fait, le gouvernement iranien préférait la solution élaborée à Rome à la menace des talibans, même si un tel choix comportait le risque d’une détérioration accrue de ses relations avec le

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