Prophétie: Un thriller à couper le souffle
Par Johann Etienne
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À propos de ce livre électronique
Et si la fin du monde n'était qu'un commencement ?
Une prophétie vieille de mille ans annonçant la fin du monde. Des meurtres sanglants qui se multiplient. Une enquêtrice obstinée qui ne se fie pas aux évidences. Quelques mois pour empêcher le pire de se produire...
Rien ne prédisposait Catherine Claymore, brillante généalogiste testamentaire, à croire en cette légende maya vieille de dix siècles qui prophétisait la fin du monde. Jusqu’à ce qu'on tue pour l'accomplir. Commence alors une course contre la montre implacable et mortelle, où même ses propres certitudes vacillent les unes après les autres. Aidée dans sa quête par un ex-flic à la dérive, elle n’a que quelques mois pour découvrir la vérité, et empêcher l’exécution d’un des plus sombres desseins que l’Homme ait portés...
Une enquête au féminin sur les traces d'un mystérieux tueur friand de légendes maya !
EXTRAIT
"Intriguée, Catherine emboîta le pas du jeune flic, qui souleva les bandes de plastique, libérant le passage devant elle. Là, sous ses yeux, elle découvrit alors le terrifiant spectacle. D'abord, le chaos. Chaises et meubles renversés, tiroirs et étagères démolis, sol jonché de livres et de papiers en tout genre. La pièce avait visiblement été le théâtre d’une lutte acharnée.
Et puis, le sang. Partout où se portait le regard. Le liquide écarlate maculait tout, les murs, les bibliothèques, le bureau. Sur le sol, une immense tache noirâtre recouvrait le centre d'un tapis de laine à motifs amérindiens. Autour, des lignes d'adhésif dessinaient les contours d’une silhouette, témoignant de l’emplacement du corps."
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
"Un très bon roman, entre thriller et aventure, qui m'a tenu en haleine jusqu'à la dernière page." - Céclie Bontonnou, Pole Culture
"Entre mensonges, légende et opportunisme, le rythme est effréné et le suspense haletant. Johann Etienne maîtrise son histoire parfaitement et capture le lecteur dés le début." - Sylvie Guevel, Babelio
"Le joli plus comme je les aime : des flash codes dissimulés au fil des pages afin de créer l'ambiance musicale... Un très bon roman, entre thriller et aventure, qui m'a tenu en haleine jusqu'à la dernière page." - Blog Céci Bon de Lire
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1975 à Troyes, dans l'Aube, Johann Étienne écrit depuis l'âge de seize ans. Passionné d’Histoire et d’actualité, il se sert des réalités qui nous entourent pour élaborer intrigues et personnages au profit de romans de fiction policière.
Il est l’auteur de trois thrillers, Le Théorème de Roarchack, Prophétie et La Colonie, et d’un roman court intitulé Le Plan, tous parus chez Ex æquo.
En savoir plus sur Johann Etienne
Le théorème de Roarchack: Thriller Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes résidents: Un thriller déroutant Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Colonie: Un thriller historique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
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Aperçu du livre
Prophétie - Johann Etienne
Johann Etienne
Prophétie
Thriller
ISBN : 978-2-35962-336-9
Collection Rouge
ISSN : 2108-6273-338-3
Dépôt légal novembre 2012
©couverture Hubely
©2012 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.
Éditions Ex Aequo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les bains
www.editions-exaequo.fr
www.exaequoblog.fr
Corrections établies par Martine Allimant
Dans la même collection
L’enfance des tueurs – François Braud – 2010
Du sang sur les docks – Bernard Coat L. — 2010
Crimes à temps perdu – Christine Antheaume — 2010
Résurrection – Cyrille Richard — 2010
Le mouroir aux alouettes – Virginie Lauby – 2011
Le jeu des assassins – David Max Benoliel – 2011
La verticale du fou – Fabio M. Mitchelli — 2011
Le carré des anges – Alexis Blas – 2011
Tueurs au sommet – Fabio M. Mitchelli — 2011
Le pire endroit du monde – Aymeric Laloux – 2011
Le théorème de Roarchack – Johann Etienne – 2011
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Le roman noir d’Anaïs – Bernard Coat L. – 2011
À la verticale des enfers – Fabio M. Mitchelli – 2011
Crime au long Cours – Katy O’Connor – 2011
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Le rituel des minotaures – Arnaud Papin – 2011
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…et la lune saignait – Jean-Claude Grivel – 2012
La sève du mal – Jean-Marc Dubois - 2012
L’affaire Cirrus – Jean-François Thiery – 2012
Blood on the docks – Bernard Coat traduit par Allison Linde – 2012
La mort en héritage – David Max Benoliel – 2012
Accents Graves – Mary Play-Parlange – 2012
7 morts sans ordonnance – Thierry Dufrenne – 2012
Stabat Mater – Frédéric Coudron –2012
Outrages – René Cyr –2012
Montevideo Hotel – Muriel Mourgue –2012
Séquences meurtres – Muriel Houri –2012
La mort à pleines dents - Mary Play-Parlange – 2012
Engrenages – René Cyr - 2012
Hyckz – Muriel combarnous - 2012
La verticale du mal – Fabio M. Mitchelli – 2012
Prophétie – Johann Etienne – 2012
Léonis Tenebrae – Jean-François Thiery – 2012
Hyckz – Muriel CVombarnous – 2012
IMC – Muriel Houri - 2012
Crocs – Patrice Woolley - 2012
Du même auteur
Dans la même collection
Le théorème de Roarchack - 2011
Avant-propos
Comme vous pourrez le remarquer, des « flash-codes » ont été intégrés à certains passages du récit, permettant à ceux qui le souhaitent d’accompagner leur lecture d’ambiances musicales.
Si vous souhaitez accéder à ces musiques, rien de plus simple : téléchargez une application gratuite sur votre Smartphone permettant de scanner les codes, lancez l’application, viser le flash-code avec votre écran, et laissez-vous guider*.
* Les liens vers lesquels renvoient les « flash-codes » sont valables au moment où nous imprimons. Nous ne pouvons malheureusement garantir leur pérennité. Si l’un d’entre eux venait à manquer, retrouvez-le sur la page officielle de Prophétie (voir ci-dessous).
Plus d’infos sur : http://www.facebook.com/prophetie.johann.etienne
Remerciements
Je tiens tout d'abord à remercier Laurence Schwalm et les Éditions Ex Aequo de m'avoir fait confiance pour ce deuxième roman.
Je remercie ensuite, et plus particulièrement, Céline Jeannin pour sa précieuse collaboration et l'important travail de correction qu'elle a apporté au manuscrit de Prophétie.
Merci, enfin, à toutes les personnes qui ont eu la patience de supporter mes digressions et mes doutes lors de l'écriture de ce livre. Un écrivain ne serait rien sans ses lecteurs. Il ne serait rien non plus sans ceux et celles qui l'entourent au quotidien.
À France, en souvenir d’Orion.
Aux anges qui, quelque part, veillent sur nous.
La plupart des hommes d’action tendent au fatalisme, alors que le reste du monde croit en la Providence.
Honoré de Balzac.
Sommaire
Avant-propos
Prologue
V
IV
III
II
I
Épilogue
Prologue
img1.pngSan Francisco, il y a vingt ans.
Soleil implacable, asphalte brûlant. Juillet plombait les rues d’une chaleur écrasante. Franchissant à pleine vitesse l’air incandescent qui nimbait le sommet de Columbus Avenue, une Ford rouge s’éleva soudain dans l’atmosphère, moteur hurlant.
Pris en chasse par trois patrouilles de police aux sirènes tonitruantes, le véhicule manqua l’embardée en retombant, heurtant le bitume dans une gerbe d’étincelles. Cramponné au volant, son conducteur, le front perlé de sueur, s'évertuait à conserver un calme apparent. Son passager, lui, avait perdu le sien depuis longtemps.
— Faut qu’on se rende, Rodney ! hurla-t-il, paniqué, désignant du regard un sac de toile posé sur la banquette arrière. J’ai pas envie de crever pour ça !
— La ferme, Tony ! le coupa l’autre. Si on ne livre pas la marchandise, on y passera de toute façon !
À peine avait-il achevé sa phrase qu’une quatrième unité de police se joignait au cortège, accentuant la menace. La Ford louvoyait à tombeau ouvert au milieu de la circulation, passant d'une file à l'autre. Chaque véhicule frôlé et esquivé de justesse sifflait à ses vitres latérales comme des balles traçantes.
— Par les docks, vociféra Tony en indiquant la direction.
Pied au plancher, l'automobile poursuivit sa course folle sur Montgomery Street, puis bifurqua sèchement sur Market Street en direction de la baie. Dans son sillage, les sirènes n’avaient pas lâché leur proie. Accélérant encore, la Ford braqua sur Embarcadero. À cent mètres de là, Bay Bridge surplombait des eaux d'un bleu profond, indifférent au ballet mécanique que se livraient fuyards et forces de l’ordre.
King Street, puis le Giants Stadium. Quelques centaines de mètres encore, et la kyrielle d’entrepôts des docks offrirait aux fugitifs le labyrinthe idéal où perdre leurs poursuivants. La manœuvre inopinée d’un engin de levage sur le trajet de la Ford coupa court à l’ambition. Un coup de volant rageur évita la collision, pas le tête-à-queue, qui s'acheva sèchement contre l’angle abrupt d’une pile de béton.
Seul Rodney parvint à s'extraire, hagard, de l'amas de tôles froissées. Le front ensanglanté, il jeta un œil sur sa gauche. Tony gisait sur le tableau de bord. Ne subsistait de son crâne qu’un agrégat de chair et d'os informe, d’où émergeaient deux yeux exorbités. Gravée sur les rétines, la dernière image perçue, celle du pare-brise, percuté de plein fouet.
Les sirènes toutes proches sortirent Rodney de sa torpeur. Récupérer le sac sur la banquette arrière. Prendre la fuite. En une fraction de seconde, ces priorités s’imposèrent, au moment où les policiers rejoignaient le véhicule accidenté.
Trente secondes plus tard, ces derniers balayaient de leurs torches la pénombre d’un entrepôt voisin, où s'était réfugié le rescapé. Les faisceaux des lampes s'agitaient sur le méandre de marchandises comme des insectes frénétiques autour d'une flamme. Arme au poing, la dizaine de flics se scinda en binôme afin de couvrir plus de terrain. Seul le clapotis de leurs semelles de cuir sur le sol bétonné transgressait le silence.
Des murs de caisses se dressaient autour d'eux, masses oppressantes, presque menaçantes d'inertie. Malgré l'obscurité, une chaleur lourde saturait l'air ambiant, engluant les gestes, brûlant les yeux. Dans la lumière électrique, des particules de poussière s'agitaient par milliers, anarchiques, telles des constellations en mouvement perpétuel.
Un bruit suspect brisa soudain la pénombre, attirant à lui l'un des groupes. Convergeant vers son origine, les uniformes débouchèrent sur une aire de stockage de produits chimiques, où une douzaine de cuves d'acier frappées d'une tête de mort sans équivoque s’alignaient en bon ordre.
Ted Kowalski ne respirait plus que par intermittence. De puissants effluves d'alcool et d'ammoniaque emplissaient l'atmosphère, brouillant ses sens. Arme et torche braquées, l’officier, rompu aux patrouilles de rue, avançait maintenant à pas feutrés. Au sol, des flaques irisées lui renvoyaient son image déformée. Un nouveau grincement métallique acheva de le convaincre. Le suspect était là, tout près. Il pouvait presque entendre son souffle saccadé.
Tendu comme un arc, il avança encore. Une pression familière s'insinuait dans ses veines, mélange d'adrénaline et de peur. Le tissu de sa chemise, trempé de sueur, collait à sa peau brûlante. Mais Kowalski ne sentait plus rien. Son corps s'était comme dématérialisé, s'abstrayant de la réalité ambiante, tout entier concentré sur son objectif.
Un mouvement furtif détourna soudainement son regard. Cette fois, il tenait son fuyard. D'un signe de tête, il ordonna à son coéquipier de contourner la zone, afin de couper court à toute retraite. À cinq mètres de là, Rodney se tenait debout, tournant le dos au policier. Essoufflé, mais calme. Étrangement calme.
Lorsque Kowalski proféra les sommations d’usage, il se retourna avec une lenteur froide et calculée. Le flic découvrit alors son visage, blême, presque extatique. De longues mèches brunes, émanant de sa chevelure hirsute, collaient au sang séché de sa blessure au front. Un regard étrange émergeait du tumulte. Lointain, presque absent.
Nouvelles sommations. La voix du policier se perdit dans les limbes. Mutique, Rodney n’avait pas bougé d’un pouce ; jusqu’à ce que son regard change soudain, provoquant son éveil, brutal, inattendu. Une arme avait surgi. La balle qui sortit du canon faucha l’officier en pleine poitrine.
L’écho de la déflagration n’avait pas encore disparu que deux autres tirs déchiraient l’obscurité. Une balle dans la jambe, une autre dans l’épaule. Le second flic n’avait, lui non plus, pas manqué sa cible. L’assassin s’écroula comme un pantin, au moment où une forêt d’uniformes, alertée par la fusillade, investissait les lieux.
Dans l’heure qui suivit, des myriades de gyrophares imprimèrent leurs lumières hystériques aux abords du hangar, accompagnant les allées et venues de dizaines de policiers. Des combinaisons blanches inspectaient les lieux à la lueur diffuse de lampes à rayons ultraviolets. Rodney y était entré avec un sac, mais rien d’autre que le corps de Kowalski ne sortit de la scène de crime.
V
1
Paris, février, de nos jours.
La vague de froid, brutale et inattendue, s’abattait sur la capitale. Périphérique, heure de pointe, embouteillages. L’interminable cohorte de véhicules semblait figée dans l’air glacé. D’un geste impatient, Catherine Claymore essuya la buée qui couvrait l’intérieur de son pare-brise, puis avisa un panneau de sortie au travers de la trouée. Deux heures de calvaire prenaient fin.
Les rues s’enchaînèrent silencieusement. À défaut d'un chauffage digne de ce nom, les véhicules électriques possédaient au moins cet avantage. Un œil sur le GPS, un autre sur la route. Catherine était rodée à ce type d’exercice. En bonne Parisienne, elle évita un Vélib’ qui surgit à sa droite, se débarrassa d’un bus, klaxonna un taxi qui prenait une ruelle à contresens.
— 42, rue Boudreau, ânonna la voix synthétique. Vous êtes arrivé.
La rue Boudreau était coincée entre le Boulevard Haussmann et le Boulevard des Capucines, à deux pas de l’Opéra. Façade XIXe, balcons de fer forgé. Trois véhicules de police occupaient encore le trottoir lorsque la jeune femme y stationna sa micro citadine, se faufilant entre une voiture de patrouille et un imposant SUV. Étrange. D'ordinaire, les forces de l’ordre avaient fini leur travail quand on faisait appel à ses services. Intriguée, elle rejoignit le porche en s’emmitouflant dans son écharpe, puis pénétra dans l’immeuble.
Cinquième étage, ascenseur privatif. Visiblement, son « client » ne se refusait rien. Encore transie de froid, elle franchit le seuil de l’appartement qu’encadraient deux agents en uniforme et découvrit les lieux d’un regard panoramique. Boiseries omniprésentes, tableaux de maîtres, bibliothèques richement dotées. Un véritable intérieur 1900.
Ce qui retenait le plus l’attention demeurait cependant ces larges vitrines où s’alignaient en bon ordre sculptures, masques et autres statuettes d’origine amérindienne. Pierre Stenhardt était sans nul doute l’un des plus grands collectionneurs d’art précolombien de son temps. Au cours de sa vie, il avait assemblé l’une des collections privées les plus prestigieuses au monde.
Mais Stenhardt venait d’être sauvagement assassiné à son domicile. On ne lui connaissait aucune famille, et il ne laissait pas de testament.
C’est pour cette raison précise que Catherine Claymore avait été mandée. À trente-deux ans, et en sept années d’exercice seulement, cette généalogiste testamentaire faisait figure de référence dans son domaine. La fortune du défunt attiserait bien des convoitises. Trouver les véritables ayants droit en froisserait assurément plus d’un. Rien qui sortait du cadre de son ordinaire professionnel, donc.
En revanche, la jeune femme ne s'attendait pas à ce que tant de policiers soient encore présents sur les lieux du crime, bien après que le corps de la victime eut été conduit à l’I.M.L.{¹}. Deux heures plus tôt, un coup de fil lapidaire l’avait missionnée, sans plus de précisions.
— Salut Cathy.
La voix provenait d’un jeune inspecteur venant à sa rencontre. Léger sourire, politesse contenue.
— Bonjour Stéphane. Tu m’expliques ?
Le lieutenant Stéphane Garnier promenait ses cinq années passées à la Criminelle avec une certaine nonchalance. Son look – Perfecto, sweat à capuche et jean usé – ajoutait au décalage, tout comme son jeune âge, vingt-huit ans. Ce jour-là, cependant, son dilettantisme apparent s'effaçait sous une tension palpable.
— Des « huiles », fit le policier en désignant le groupe de personnes en costumes sombres qui occupaient le salon. Brigade financière, R.G., même Interpol s'est invité à la fête.
— Ces types ne se déplacent jamais sans raison, grommela la chercheuse. Je n’aime pas ça.
— D’accord avec toi, mais Stenhardt n’était pas n’importe qui, et la façon dont il a été tué n'est vraiment pas… ordinaire.
Garnier n’hésitait jamais. Quelque chose n’allait pas. Nerveux, tendu, il semblait marcher sur des charbons ardents. Catherine ne l’avait jamais vu ainsi. Son regard insistant désigna une autre pièce de l'appartement. Le bureau de la victime. Là où le meurtre avait eu lieu. Des rubans jaunes en barraient encore l'entrée, comme un avertissement.
Intriguée, Catherine emboîta le pas du jeune flic, qui souleva les bandes de plastique, libérant le passage devant elle. Là, sous ses yeux, elle découvrit alors le terrifiant spectacle. D'abord, le chaos. Chaises et meubles renversés, tiroirs et étagères démolis, sol jonché de livres et de papiers en tout genre. La pièce avait visiblement été le théâtre d’une lutte acharnée.
Et puis, le sang. Partout où se portait le regard. Le liquide écarlate maculait tout, les murs, les bibliothèques, le bureau. Sur le sol, une immense tache noirâtre recouvrait le centre d'un tapis de laine à motifs amérindiens. Autour, des lignes d'adhésif dessinaient les contours d’une silhouette, témoignant de l’emplacement du corps.
D'un coup, les jambes de l’enquêtrice semblèrent se dérober. Livide, elle recula, cherchant, d’un geste incertain, un appui sur le chambranle de la porte. Le cœur au bord des lèvres, elle ne dut qu'à l'intervention de Garnier de ne pas vomir ses tripes sur le parquet.
— Désolé, j’aurais dû te prévenir.
— Mais qu'est-ce que... ?
Le lieutenant hésita, une fois encore. Puis il se décida. On avait découvert le corps de Stenhardt tôt le matin même, baignant dans une mare de sang. Sa poitrine déchiquetée n'était plus qu’une gigantesque plaie béante. Béante, et vide. La jeune femme coupa court, craignant de mal comprendre.
— Attends une minute, tu veux dire que...
— Précisément. On lui a arraché le cœur.
2
Au-dehors, les derniers rayons d’un soleil aux abois transperçaient par endroits la couche nuageuse, frappant le bitume scintillant de gel. Paris, sortie ouest, nouvel embouteillage. Catherine prit la Porte de Saint-Cloud, traversa Boulogne-Billancourt, puis franchit la Seine. Les lumières diffuses des quartiers résidentiels de Sèvres émergeaient déjà de l'obscurité naissante.
Appartement spacieux, façon loft industriel récemment rénové. La façade alliait béton brut, poutres métalliques, parement de bois et larges espaces vitrés. La lourde porte d'acier se referma sur le silence. D’un geste mécanique, Catherine ôta ses chaussures, posa son sac sur le sofa, puis appuya sur le bouton du répondeur. Trois messages, tous professionnels.
Rien, pourtant, pas même une longue douche, ne parvint à effacer l'horreur. Le sang était toujours là, imprégnant son esprit, tout comme il avait imprégné le tapis indien du bureau de Stenhardt. Cathy peinait à s'imaginer la scène du meurtre. À vrai dire, elle se le refusait, s'évertuant à en demeurer extérieure.
Les faits étaient là, pourtant, implacables. La nuit dernière, en plein centre de Paris, on avait tué un homme, on lui avait ouvert le thorax et on avait pris son cœur. Quel monstre pouvait se montrer capable d'une telle abjection ? Et surtout dans quel but ? Personne, pour l'heure, ne semblait en mesure de répondre. Pas même les « huiles » que la jeune femme avait croisées en arrivant chez le collectionneur, et qui n'avaient pas bougé du salon lorsqu'elle était reparue, blafarde, de la scène de crime.
— Viens, je vais te présenter, avait dit Garnier en l'enjoignant à le suivre.
Sur les quatre hommes aux visages froids qui lui avaient fait face, seuls trois d'entre eux s’étaient entretenus avec elle, le quatrième, étrangement silencieux, était demeuré en retrait de la conversation. Contre toute attente, chaque service avait exigé son rapport au plus vite. Et chaque service avait reçu la même réponse : il fallait du temps pour faire parler un mort, et elle n’avait pas pour habitude qu’on vienne s’immiscer dans son travail.
Décidément, l’affaire était hors norme. Rien de tout cela n'avait de sens. Il était bien trop tôt pour qu’on vienne lui réclamer des comptes. Stéphane n'avait d'ailleurs pas tardé à abonder en son sens.
— Ce type était plein aux as, mais d’après les premières constatations, on n’a touché à rien. Regarde autour de toi.
Catherine avait observé. Hormis le saccage du bureau, tout lui avait semblé parfaitement en ordre. Les vitrines, en particulier, étaient intactes. Aucune d’elles n’avait été brisée ou forcée. Surtout, pas un objet de la précieuse collection précolombienne ne semblait manquer à l’inventaire.
— Rien ne colle dans cette histoire, avait ajouté le flic. Même le mort n'est pas ordinaire.
Assise en tailleur sur son lit, une tasse de thé earl grey à la main – la seule chose qu’elle pût avaler ce soir-là – Cathy ne cessait de se répéter cette dernière phrase. Garnier n'avait pas tort. L’homme sur lequel elle s’apprêtait à enquêter s’était ingénié, toute sa vie durant, à faire preuve d’une discrétion confinant à l’opacité. De nombreux pans de son existence demeuraient dans l’ombre, y compris pour ses plus proches collaborateurs. À commencer par ses origines, encore mystérieuses à ce jour.
En transférant les données de son smartphone sur le disque dur de son ordinateur portable, Cathy se dit qu’elle en apprendrait sans doute davantage lorsqu’elle pourrait compulser les archives personnelles du collectionneur. Pour l’heure, le mystère annoncé autour de l’existence de Stenhardt, dont on ignorait jusqu'à l'âge exact, l’intriguait.
Un coup d'œil sur la base de données des actes de naissance ne lui donna qu’un seul nom, celui de Charles Michel Stehnart, né à Paris le 13 janvier 1919. Mais ni l'orthographe, approximative, ni la date, bien trop ancienne, ne pouvaient correspondre. À croire que la victime n’était même jamais venue au monde.
Catherine posa ses lunettes de lecture et éteignit son ordinateur. Ce premier résultat était peut-être médiocre, mais elle ne s'avouait pas vaincue pour autant. Elle n’en était qu’aux prémices de ses investigations, et savait d'expérience que les choses n'étaient jamais aussi simples que l'apparence qu'elles revêtaient. Sans quoi, on n’aurait pas fait appel à ses services.
Debout devant la baie vitrée de sa chambre, elle but une dernière gorgée de son thé, presque froid, avec pour fond sonore la litanie d’une chaîne d’infos en continu. Brutalité de l’hiver, mort de soldats français en Afghanistan, disparition mystérieuse d’un biologiste renommé, frasques sexuelles d’un homme politique en vue, instabilité des marchés boursiers en proie à des investisseurs agressifs… Rien, encore, sur le meurtre du collectionneur. Pour le moment du moins.
Dehors, la nuit glacée enveloppait tout, délitant les contours des bâtisses environnantes à la faible lueur des réverbères. Même les premiers arbres du parc de Saint-Cloud, habituellement visibles de sa fenêtre, semblaient avoir disparu, avalés par les ténèbres. Un sentiment inquiétant se dégageait de l’obscurité. Catherine réprima un frisson. Quelque part, dans l'ombre, rôdait un monstre. Un monstre capable d’arracher un cœur. La simple idée de son existence la terrifia. Il fallait pourtant qu'elle se reprenne, qu'elle se concentre sur ce qui la concernait vraiment.
Après tout, le volet criminel de l’affaire n’était pas de son ressort. En outre, la mort était un peu son quotidien, sorte de compagne devenue familière au fil des années. Comme si l'esprit des êtres sur lesquels elle enquêtait la côtoyait parfois, l'accompagnant sur le chemin de leur passé. Elle viendrait au bout de ce dossier comme des précédents, elle en avait la certitude.
La jeune femme jeta un œil sur le cadran du réveil. Une heure trente du matin. Gagnée par le sommeil, elle laissa là craintes et interrogations. Sa nuit serait courte, une fois encore. En quittant la fenêtre, ce fut à peine si elle remarqua le 4X4 sombre stationné au coin de la rue. Le même auprès duquel elle se trouvait garée, rue Boudreau, cinq heures plus tôt.
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16 février
Deux jours que Marc Berthier s’échinait à retrouver des traces du passé de Stenhardt. Le trentenaire à la calvitie