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Le code Khéops
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Livre électronique427 pages5 heures

Le code Khéops

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À propos de ce livre électronique

Enquêteur du NYPD puis mercenaire, Ryan Fall ne pouvait se douter que sa retraite anticipée et sa carrière naissante d’écrivain lui feraient vivre les plus obscurs moments de son existence.

Pendant un braquage sanglant en plein coeur de New York, une tablette égyptienne
antique est dérobée. Ryan, en quête d’inspiration, enquête sur l’affaire.

En compagnie de l’intrépide et séduisante agente du FBI Kayla Lyons, avec qui il entretient une relation très ambiguë, il se retrouve plongé dans un complot international élaboré par de dangereux fanatiques.

De New York au Caire, en passant par Londres et Paris, Ryan tentera de découvrir la vérité... et de survivre.
LangueFrançais
Date de sortie21 juin 2019
ISBN9782898031700
Le code Khéops
Auteur

Benjamin Faucon

Né en 1983, Benjamin Faucon vit en Montérégie avec sa femme et ses enfants. Diplômé en histoire de l’art de l’Université Bordeaux Montaigne, il s’est consacré à l’écriture dès la fin de ses études. Ses deux premiers romans ont été publiés en Europe. Il a par la suite opté pour l’autoédition de ses six romans suivants. Après un passage par la littérature jeunesse, il s’est consacré entièrement au genre du roman à suspense. Ce choix fut confirmé en 2013 par la signature d’un contrat avec les Éditions AdA pour la série La théorie des géants.

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    Aperçu du livre

    Le code Khéops - Benjamin Faucon

    subir…

    1

    New York, États-Unis.

    Les abords du Metropolitan Museum baignaient dans une profonde insouciance, la douceur printanière enveloppant le quartier de son châle protecteur. Quelques oiseaux sifflaient gaiement et volaient de branche en branche tandis que les promeneurs arpentaient la Cinquième Avenue sans se douter qu’un drame s’apprêtait à s’abattre sur la mégalopole.

    Perdu à l’horizon, le soleil entamait sa lente descente, emportant dans son sillage les derniers rayons de clarté. New York s’apprêtait à revêtir son habit nocturne, à se transformer en cette belle-de-nuit qui ravissait autant les riverains que les touristes.

    Bien que l’agitation semblait se propager dans toute la ville, une silhouette masculine demeurait statique. Se tenant contre le tronc d’un arbre, Bogdan Marković observait les passants et lisait sur leurs visages leurs joies et leurs peines. Il captait des bribes de leurs conservations et esquissait un sourire en les entendant parler de leur prochain repas.

    Pourtant, en ce début de soirée, un tout autre type d’attraction que l’appréciation des délices culinaires new-yorkais l’attirait au MET. Ses hommes et lui patientaient en silence. Ils se fondaient dans le décor, suivant à la seconde près un plan élaboré depuis des mois.

    Bogdan releva le bord de son chandail pour jeter un coup d’œil sur sa montre.

    19 h 08.

    Dans quelques minutes, les derniers employés quitteraient le musée, puis les équipes d’entretien feraient leur apparition sur le site, le tout selon une mécanique bien huilée.

    Il poussa un soupir avant de remettre son vêtement en place, puis d’un simple coup de tête donna le coup d’envoi aux hostilités.

    Répondant à sa directive, trois hommes vêtus d’habits bleu nuit se déplacèrent vers l’aile gauche du musée et empruntèrent la voie de desserte qui serpentait entre les arbres. Comme des fantômes, leurs silhouettes glissaient le long du mur du bâtiment dans un parfait silence.

    Ils se postèrent non loin d’une porte dont la paroi portait les stigmates d’un usage intensif. Celle-ci s’ouvrit quelques secondes plus tard et quatre personnes en sortirent tour à tour. Certaines sifflotaient, d’autres parlaient sur leur cellulaire, mais toutes partageaient le même désintérêt sur leur environnement proche. En effet, pas une seule d’entre elles ne remarqua la présence de Bogdan qui attendait, le dos appuyé contre un arbre, ni celle des mercenaires non loin de là.

    Bogdan regarda les employés du musée s’éloigner de la sortie de service et jeta un coup d’œil derrière lui. Comme convenu, un petit véhicule utilitaire attendait ses hommes et lui, une fois leur besogne accomplie.

    Il consulta de nouveau sa montre. 19 h 15.

    Il inspira un grand coup puis, après avoir descendu sa cagoule qui jusque-là lui servait de bonnet, sortit de son sac à dos un fusil d’assaut VHS-D2. Il ajusta la crosse de l’arme croate, puis agita son index et son majeur droit dans les airs comme s’il imitait des oreilles de lapin. La chasse était à présent ouverte et le petit commando se rua vers la porte à la vitesse de l’éclair.

    En tête de peloton, Bogdan se dirigea tout droit vers le lecteur et présenta la carte d’accès usurpée à un employé un peu plus tôt dans la journée. Il ouvrit la porte et, à la manière d’une colonie de fourmis s’engouffrant dans une maison, les mercenaires pénétrèrent l’un après l’autre dans le bâtiment.

    Quelques dizaines de secondes plus tard, des tirs résonnèrent dans l’enceinte du musée et les premiers cris s’élevèrent en une effroyable cacophonie.

    Ils filèrent en direction du niveau inférieur, dans lequel s’entassaient une multitude de boîtes. Bogdan et ses hommes ôtaient la vie à quiconque croisait leur chemin. D’une efficacité militaire, leurs tirs faisaient mouche chaque fois qu’ils pressaient la détente.

    Sans aucune vergogne, Bogdan multipliait les victimes sans éprouver le moindre plaisir ni la moindre compassion. Les balles visaient les organes vitaux, annihilant tout risque de représailles chez leurs opposants. Personnel d’entretien, gardiens, tous succombaient sur son passage. Tous ces malheureux se trouvaient à la mauvaise place, au mauvais moment. Rien de plus.

    Bogdan et son commando gardaient les yeux rivés sur leur objectif, suivant leur plan à la lettre. Formés à la dure, ses hommes provenaient des Balkans et avaient comme lui grandi durant la guerre d’indépendance de la Croatie¹. À l’époque, jeune combattant de 15 ans, Bogdan y avait connu ses premiers faits d’armes, ses premières peines et ses premiers succès. Il avait évolué sur les champs de bataille, acceptant contrat après contrat, bourlinguant autour du monde, y perdant progressivement son âme. La mort ne l’effrayait aucunement ; celle-ci prenait des allures somme toute naturelles, perdant de son mysticisme au fil des années.

    Les mercenaires empruntèrent une série de marches qui les conduisirent au niveau inférieur, les secondes s’égrenant dans leur tête à la manière d’un métronome.

    Sans perdre la moindre seconde, ils avançaient parmi les imposantes caisses de bois, scrutant les numéros qui s’affichaient le long des étagères.

    Ils s’enfoncèrent davantage dans l’immense entrepôt, zigzaguant à l’intérieur de la salle au gré des virages. Pas un seul mot ni une seule hésitation. Les mercenaires continuaient de se mouvoir, sentant le couperet se rapprocher.

    Bogdan savait que chaque seconde valait son pesant d’or, qu’il ne pouvait en aucun cas s’éterniser. Pourtant, ils n’avaient toujours pas atteint leur cible et, à coup sûr, leur sortie s’en trouverait des plus ardues.

    Soudain, il aperçut le Saint Graal que représentait le numéro de boîte qu’ils recherchaient. Bogdan s’immobilisa en indiquant l’étagère sur sa gauche. Ses hommes l’entourèrent, se chargeant chacun de surveiller une direction donnée. Ils agitaient le canon de leur arme au moindre bruit. Compte tenu de leur entrée fracassante dans le musée, nul agent ni gardien n’avait osé se lancer à leur poursuite, mais l’arrivée des forces de l’ordre n’était plus qu’une question de minutes. Trois, tout au plus, si Bogdan ne se trompait pas dans son décompte.

    Il ouvrit la boîte de bois qui se trouvait devant lui et en sortit un paquet emballé dans un tissu protecteur. Il jeta un coup d’œil en direction de la sortie de l’entrepôt, puis de l’étagère sur laquelle trônait la boîte ouverte. Il n’avait plus le temps… À quoi bon vérifier si ses informations étaient exactes et s’il tenait le bon artefact entre ses mains ?

    Confiant dans son choix, il glissa l’objet dans son sac à dos et, d’un geste de la main, fit signe à ses hommes de repartir.

    S’éloignant au pas de course, le commando rebroussa chemin, éliminant toute résistance rencontrée à l’étage. Quelques malheureux membres du personnel d’entretien tombèrent sur le plancher, expulsant leur dernier souffle dans une mare de sang.

    Les premières sirènes retentirent dans le lointain, résonnant à l’intérieur du musée en une agressante ritournelle. Les appels lancés par les policiers convergeaient vers l’entrée principale du musée, mais Bogdan ne s’en alarma pas et poursuivit son avancée.

    Quelques secondes plus tard, le commando s’extirpa du bâtiment au pas de course. Ils observaient les alentours avec crainte, s’apprêtant à ouvrir le feu sur la moindre cible. Se laissant dépasser par ses hommes, Bogdan consulta sa montre et poussa un soupir de soulagement.

    19 h 24.

    Neuf minutes pour réaliser leur braquage. Le NYPD² arriverait sur les lieux quelques secondes plus tard, leur permettant de quitter le stationnement sans être poursuivis.

    Délaissant son décompte temporel, Bogdan courut jusqu’au véhicule utilitaire dans lequel ses hommes s’engouffraient et s’y glissa à son tour pour refermer les portes.

    Dans un crissement de pneus, le Mercedes Sprinter quitta les lieux, ne laissant derrière lui que le silence de la mort. Bogdan avait parachevé sa mission avec succès et pouvait maintenant songer à l’avenir, un avenir brillant placé sous la bénédiction des dieux, ceux que la guilde vénérait et qui guidaient chacun de ses gestes.

    Il inclina la tête et sourit en adressant une prière à ces divinités oubliées par le commun des mortels. À cet instant, il se jura que son travail ne resterait pas vain et que la suite des événements serait à la hauteur de toutes ses espérances.


    1. La guerre d’indépendance de la Croatie s’est déroulée de 1991 à 1995, après la dislocation de la fédération yougoslave.

    2. New York Police Department.

    2

    Un mois plus tôt.

    Ryan Fall regardait par la fenêtre de son appartement, observant la grisaille qui s’étendait au-dessus de la ville. Démobilisé depuis un mois, il peinait à retrouver ses repères, à se faire à cette nouvelle vie qui s’offrait à lui.

    Les appels criés depuis le sommet des minarets résonnaient encore dans ses oreilles tout comme le bourdonnement incessant de la guerre. À l’instar de tous ces pauvres bougres délaissés par les forces armées, il se retrouvait seul chez lui, porteur de blessures psychologiques qui le hanteraient jusqu’à la fin de ses jours.

    Il laissa échapper un soupir et tira le rideau devant la vitre, filtrant par la même occasion les premiers rayons de soleil qui perçaient la couverture nuageuse. Balayant l’espace de son regard, Ryan observait tant la petite cuisine qui flanquait son salon que sa chambre qui s’ouvrait sur le mur opposé. Il hésitait quant à la nature de sa prochaine occupation. Que pouvait-il faire ?

    Mise sous sourdine, la télévision diffusait son flot d’images colorées sur les murs de la pièce tandis que l’écran de son ordinateur portable demeurait allumé sur une page de traitement de texte. Devait-il écrire ?

    Écrire. À lui seul, ce mot faisait rêver. Ryan comptait parmi tous ces gens qui chérissaient cette envie de se livrer à cette activité solitaire, à transcrire leurs états d’âme sur une succession de feuilles blanches. Pourtant, à l’image de tous ces écrivains amateurs, il découvrait subitement l’immensité d’un mur qui s’intitulait « Inspiration ».

    Ryan hésita durant un instant. L’envie de s’asseoir devant son écran pour un long et silencieux face à face le titillait, mais la peur d’être confronté au syndrome de la page blanche le tiraillait au plus haut point. Il savait que cette confrontation avec son ordinateur serait inévitable, d’autant plus s’il souhaitait s’atteler corps et âme à cette carrière d’écrivain à laquelle il aspirait.

    Quitter l’Irak, puis son emploi au sein de l’une des agences de protection les plus prisées — ainsi que les centaines de milliers de dollars qui accompagnaient un tel emploi — n’avait pas été facile… Mais tout découlait d’un choix, d’un rêve : celui de fuir la folie quotidienne, le chaos, la peine et les cris de terreur pour recommencer une nouvelle vie, une carrière où les mots remplaceraient les armes.

    Le doux ronronnement de Namur tira Ryan de ses rêveries. Délaissant ses préoccupations, il se concentra sur l’instant présent, à savoir la multitude de poils que son chat étendait sur son pantalon. Ce chat de gouttière l’avait accompagné sur le trajet du retour. Arraché à une existence de misère dans les rues de Bagdad, le félin présentait une élégante robe, ses longs poils le transformant en une sympathique boule blanchâtre.

    Ryan se pencha pour ramasser le chat, puis, accompagné de la sorte, se décida à s’asseoir devant son traitement de texte.

    — Bon, par où commencer ? s’interrogea-t-il à voix haute. Il pianota sur sa table de travail, fixant l’écran sans qu’aucune idée lui traverse l’esprit. La situation s’étira durant une longue heure au cours de laquelle Ryan passa son temps à caresser la tête de son chat, entrecoupant le tout pour se servir une tasse de café, puis pour changer de disque de musique. De l’électro-jazz jouait dans son salon, lui apportant la dose de joie dont il avait besoin.

    Tel un trente-trois tours rayé, les échos de son passé lui revinrent en boucle. Les explosions, les cris et les pleurs se propageaient dans son esprit en une cacophonie monstre. Il revoyait se jouer la scène, la colère et la douleur défigurant les visages…

    Il se tint la tête entre les mains, laissant libre cours à sa peine. Des larmes s’écoulèrent le long de ses joues. Ressentant la tristesse de son maître, Namur se leva et entama un lent ballet autour des jambes de Ryan.

    Reprenant le dessus sur ses émotions, Ryan préféra se concentrer sur son projet de roman plutôt que sur ses expériences professionnelles qui n’étaient composées que de cris, d’arrestations, de tirs et de douleurs. Autant à ses débuts dans le NYPD qu’à ses longues années passées dans la protection rapprochée en zone de conflit, Ryan avait arpenté une longue voie où seule la tristesse croisait son chemin.

    — Il me faudrait une bonne idée de départ, c’est la base pour écrire un roman à suspense, se dit-il en essuyant ses joues du revers de la main.

    Regardant la vacuité de son appartement, il se gratta le cuir chevelu, cherchant vainement un élément déclencheur.

    « Visiblement, ce n’est pas ici que je trouverai une idée de génie », se dit-il.

    Namur hocha la tête et poussa un court miaulement. Ryan lui gratta le cou et, se laissant happer par la paresse, referma la fenêtre de traitement de texte pour se changer les idées en naviguant sur Internet. Il se perdit dans cet amas d’informations et de divertissements qui se déversait dans son esprit avec la fureur des eaux s’écoulant d’un barrage.

    Une heure plus tard, il réalisa ô combien il s’était éloigné de son objectif et tenta maladroitement de s’extirper de la Toile. Toutefois, autant la fainéantise que l’incapacité à trouver une idée novatrice le tenaient collé à son écran à cliquer sur n’importe quel article d’un site de nouvelles.

    Finalement, au gré d’une énième lecture, Ryan se figea à la vue d’un texte de quelques lignes. Il ne s’agissait non pas du point de départ tant espéré pour son roman, mais plutôt d’une étape menant possiblement à cette idée… Enfin, c’est ce que Ryan espérait.

    Relisant le minuscule article qui faisait état de postes vacants à la bibliothèque de New York, et plus précisément dans son bâtiment Stephen A. Schwarzman, il se prit à rêver, à s’imaginer à quoi pourrait ressembler une carrière durant laquelle il serait entouré de livres.

    Ryan hésita un instant. Il contemplait le texte tout en se demandant s’il devait saisir cette occasion. Il toisa son chat, fixa ses yeux verts, et comme s’il s’attendait à obtenir une réponse, lui demanda :

    — Qu’en penses-tu, Namur ?

    Fidèle à lui-même, le félin se plut à miauler, frôlant sa tête contre celle de son maître.

    — C’est bien ce que je pensais, rit Ryan.

    Faisant de nouveau face à son écran, il contempla la photo de l’un des bâtiments de la bibliothèque de New York et de son emblématique salle de lecture Rose Main Reading Room.

    Il hésita durant une minute, puis, certain d’effectuer le bon choix, éteignit son ordinateur en se convainquant que plus rien ne serait comme avant.

    Malheureusement pour lui, Ryan avait raison.

    3

    Ryan observa son reflet dans le miroir. Ses cheveux ébouriffés d’un blond foncé lui rappelaient qu’un séjour chez le coiffeur s’avérait des plus nécessaire. Une barbe d’une dizaine de jours ornait son visage, lui conférant une touche de mauvais garçon. Sa pilosité faciale dissimulait sa peau de bébé qui lui avait valu tant de moqueries chez ses camarades de mission. Il hésita durant un instant à savoir s’il devait se raser, mais se rattacha à l’idée que les poils demeuraient à la mode et rangea le rasoir dans le tiroir.

    Son regard se porta ensuite sur sa cravate. Il grimaça, puis la desserra quelque peu et, après s’être regardé une dernière fois, l’enleva pour de bon.

    « Nul besoin de s’accoutrer en pingouin », conclut-il en retirant également sa veste de complet.

    Optant pour un simple pantalon habillé et une chemise, il sortit de sa salle de bain et marcha en direction de la porte d’entrée. Il ramassa ses clés qui traînaient sur un vieux meuble en bois, puis se baissa pour flatter Namur qui, fort de ses sens aiguisés, comprenait ce qui se tramait et semblait enclin à convaincre son maître de demeurer en sa compagnie.

    — Je serai bientôt de retour, déclara Ryan en le caressant sous le cou.

    Ne cédant ni aux miaulements de son chat ni à la paresse qui lui arrachait de terribles bâillements, Ryan se redressa et tourna la poignée pour sortir de son appartement. Avant de refermer la porte, il jeta un dernier coup d’œil sur cet intérieur dans lequel il vivait coupé du monde depuis un mois et laissa échapper un soupir. Il était temps pour lui de tourner la page et d’entamer un nouveau chapitre de sa vie.

    Certain de son choix, il hocha la tête, puis referma le panneau de bois avant que le chat se faufile dans l’ouverture.

    Ce retour dans la réalité urbaine, dans cette existence qui accaparait la majeure partie de la population, s’avéra bien trop simple à son goût et dissipa en partie ses craintes quant à sa réintégration new-yorkaise. En effet, un simple courriel lui avait permis de décrocher une entrevue d’une quinzaine de minutes qui avait débouché sur une offre d’embauche. Certes, le poste convoité ne demandait guère de responsabilités si ce n’est d’être ponctuel, silencieux et poli avec les utilisateurs de la bibliothèque. Rien de plus, et les tâches ne semblaient guère plus compliquées, mais Ryan s’en satisfaisait pleinement. Il allait enfin pouvoir mener une existence similaire à celle de ses concitoyens : calme, sans accroc, faite de rêves et de joies. Du moins, c’est la vision qu’il s’en faisait.

    En ce matin où un soleil radieux entamait sa lente ascension du ciel bleuté, Ryan arpentait la Neuvième Rue et ses tours à condominiums typiques de cette partie de Greenwich Village, marchant sous l’ombre rassurante des arbres. Il adorait son quartier, et bien qu’il souhaitait tirer un trait sur sa vie passée, il ne pouvait oublier l’opulence financière que sa carrière lui avait apportée. D’ailleurs, c’était grâce à son ancien emploi qu’il pouvait se targuer d’être propriétaire d’un bel appartement sur l’île de Manhattan ; pour un commis aux livres de la bibliothèque de New York et la majorité des travailleurs, cela relevait de l’impossible.

    Il prit la direction de l’Astor Place Station, se préparant mentalement à embarquer dans une rame surpeuplée de la ligne six pour descendre cinq arrêts plus tard à Grand Central. La claustrophobie ne figurait pas parmi ses tares ; toutefois, la perspective de se retrouver entassé contre une multitude d’inconnus en pleine heure de pointe ne l’enchantait guère. En voyant la colonie d’humains s’engager dans l’escalier menant au métro, Ryan grimaça.

    « Tu l’auras voulu », maugréa-t-il contre lui-même. « Allez, pense au roman ! » se convainquit-il en s’engouffrant dans la foule.

    À contrecœur, il se fraya un chemin dans la station de métro et, une quinzaine de minutes plus tard, put pousser un long soupir en sentant l’air frais balayer de nouveau son visage. Il sentait encore les odeurs de transpiration et de parfum de tous ces inconnus lui chatouiller les narines.

    Ryan couvrit la distance qui le séparait de la bibliothèque en sifflotant, appréciant pleinement cette balade qui contrastait avec son trajet en métro.

    L’imposante bâtisse apparut dans son champ de vision quelques minutes plus tard et contribua à accentuer sa joie. Ryan ne put s’empêcher de s’extasier à la vue du bâtiment qui portait depuis quelques années le nom d’un financier de Wall Street. Fort de son don voisinant la centaine de millions de dollars, Stephen A. Schwarzman, coutumier des succès boursiers, se trouvait immortalisé pour de bon en donnant son nom au plus emblématique des bâtiments de la bibliothèque de New York.

    Datant de 1911, rénové et agrandi depuis quelques années, l’édifice arborait une façade néo-classique qui s’étirait verticalement au-dessus d’une courte série d’escaliers. Flanquant ces marches, deux emblématiques statues de lion se dressaient dans toute leur magnificence. S’arrêtant devant l’une d’elles, Ryan éprouva une certaine fierté à l’idée de travailler pour cet établissement réputé.

    En bon New-Yorkais, il vouait un amour inconditionnel pour la Grande Pomme et prenait un malin plaisir à participer à sa sauvegarde. En plus de lui apporter les idées tant espérées pour son roman, cet emploi de commis lui permettrait de participer à la vie culturelle de sa ville, ce qui lui insufflait cette dose de fierté tant haïe par les autres Nord-Américains. Les New-Yorkais habitaient dans la mégalopole la plus enviée au monde, du moins en Amérique du Nord, et ne se privaient pas de se pavaner en chérissant cette idée ; Ryan ne faisait pas exception à la règle.

    Il gravit les quelques marches deux par deux et s’avança rapidement vers le porche monumental qui marquait l’entrée du Stephen A. Schwarzman Building, poussé par la hâte de commencer son nouveau rôle.

    Trois heures plus tard, Ryan se retrouvait à pousser un chariot dans la section Irma and Paul Milstein de la bibliothèque. Consacré à l’histoire nationale et locale ainsi qu’à la généalogie, ce département apparaissait comme étant l’un des plus calmes du bâtiment. Hormis les quelques curieux qui souhaitaient se renseigner sur leurs ancêtres ou un universitaire venant parfois effectuer son travail de recherche, la grande salle se trouvait relativement vide.

    Chargé de ranger les ouvrages selon les codes établis par ses supérieurs, Ryan arpentait les allées en guettant les cotes des livres. Il s’éternisait en de multiples recherches pour trouver le bon emplacement afin de reposer des ouvrages aussi soporifiques que leurs couvertures le sous-entendaient. Pourtant, l’ancien paramilitaire aimait bien ce nouvel emploi. Sa simplicité, son calme et l’absence de stress lui convenaient à merveille. Certes, le fait d’évoluer dans un environnement étranger lui faisait par instants chercher où se trouvait son arme, sa main tâtonnant vainement autour de sa ceinture. Mais ici, nulle explosion et nul tir ne venaient briser le silence de la bibliothèque, seules quelques paroles égayaient parfois cette atmosphère digne d’un monastère.

    Ryan marchait dans les allées et humait le doux parfum des livres, se sentant inexorablement attiré par cette carrière d’écrivain qu’il chérissait tant. Cette dernière stagnait, et en cette première journée au sein de la bibliothèque, l’idée tant souhaitée ne lui venait toujours pas à l’esprit et aucun fait cocasse ne vint briser la monotonie de ses tâches. Il allait devoir se résoudre à l’évidence que lui seul pourrait trouver le point de départ pour son manuscrit.

    Au fil des jours, Ryan transforma rapidement ses allées et venues pour classer les ouvrages empruntés en véritables chasses aux indices. Il guettait les tics des rares visiteurs, se les imaginait dans des contextes forts différents, espionnant leurs moindres faits et gestes. S’amusant de la sorte, Ryan posait sans le savoir les prémices de sa prose. Il forçait son imagination à découvrir de nouvelles venues et cultivait ce qui allait être la source même de son écriture… et de sa perte.

    4

    Ryan s’installait davantage dans cette petite routine au fil des jours.

    Travailler à la bibliothèque le comblait et, chose étonnante, l’avait motivé à réellement commencer son manuscrit. Certes, celui-ci ne comportait pour l’instant que quelques pages, mais pour un aspirant écrivain, ce premier chapitre prenait des allures de Saint Graal. Ce départ lui insufflait une dose de bonheur sans précédent et le maintenait dans un état proche de l’extase.

    Il pouvait s’estimer heureux de se lever chaque matin le sourire aux lèvres, de se rendre à son travail en sachant que son emploi lui permettait de s’épanouir. Ryan se réadaptait au monde civilisé au fil des jours, cessait de râler en embarquant dans les rames surpeuplées de métro, se réjouissait lors de chacune de ses rencontres avec des clients. Autrefois légions, ses cauchemars devenaient de plus en plus rares, ses immersions littéraires effaçant les blessures de son passé.

    Tout allait pour le mieux et il croquait littéralement dans la vie à pleines dents et, en ce matin ensoleillé, Ryan ne faisait pas exception à la règle.

    Il pénétra dans la pièce réservée aux employés de la bibliothèque pour y déposer ses effets personnels et en ressortit quelques minutes plus tard, prêt à attaquer une nouvelle journée avec le sourire.

    — Si tous mes employés arrivaient chaque jour avec un tel entrain, je crois bien que nous doublerions le nombre de nos abonnés, dit en riant Barbara Winter, la responsable de la section Irma and Paul Milstein.

    La présence de cette femme suffisait au bonheur de Ryan. À vrai dire, il aimait sa bonne humeur qui égayait à merveille ses rondeurs. Âgée d’une quarantaine d’années, Barbara prenait autant soin de son département que de ses cheveux. Permanentés à souhait, ceux-ci ne présentaient aucun faux pli et resplendissaient sous les rayons de la lumière tamisée. Barbara était ce qu’on pouvait appeler une bonne vivante, une personne ayant décidé d’aborder la vie avec joie en se concentrant seulement sur ses aspects positifs.

    — Qui sait, peut-être cela arrivera-t-il un jour ? renchérit Ryan en lui adressant un clin d’œil.

    Barbara le toisa un court instant avant de hausser les épaules.

    — Peut-être, un jour. En attendant, nous nous contenterons de nos quelques visiteurs, conclut-elle en reprenant ses dossiers.

    Ryan inspira un grand coup avant d’entamer sa journée, encore une fois consacrée au rangement des ouvrages empruntés. La plupart de ses collègues paraissaient désespérés par leur emploi, autant en raison de sa monotonie que de leur lendemain de veille. Beaucoup d’entre eux poursuivaient des études en parallèle et, à l’instar de bon nombre d’étudiants, s’évertuaient à fêter chaque soirée comme si la fin du monde les empêcherait de savourer une autre journée.

    Arpentant l’une des allées consacrées aux ouvrages d’histoire locale, Ryan se faufila parmi les étagères de bois lustrées. Une agréable odeur de cire d’abeille emplissait l’atmosphère, complétant à merveille l’ambiance feutrée qui régnait dans la salle de lecture. Quelques mètres plus loin, il regarda la couverture du livre qu’il tenait entre ses mains, puis l’inséra entre deux ouvrages sur l’une des étagères avant de jeter un coup d’œil sur sa droite. Comme à l’accoutumée, il en profitait pour espionner les rares utilisateurs de la bibliothèque plongés dans leur lecture.

    Son regard allait de table en table, d’universitaires en retraités. Tous ces inconnus griffonnaient quelques notes sur leur carnet au gré des pages tournées, demeurant absorbés par les livres ouverts devant eux.

    Ryan s’apprêtait à reprendre son travail lorsqu’il fixa son attention sur un autre lecteur. De son apparence à ses traits marqués, rien ne le disposait à le transformer en rat de bibliothèque et sa seule présence en ces lieux suffisait à le rendre suspicieux.

    Plissant les yeux pour mieux l’observer, Ryan ne pouvait s’empêcher de le dévisager. Il n’avait jamais vu cet homme depuis son entrée en fonction ; peut-être était-ce sa première visite à la bibliothèque ?

    L’individu ne correspondait aucunement au profil typique des utilisateurs qu’il croisait chaque jour dans cette salle de lecture. Était-ce son apparence physique, ses épaules carrées qui se dessinaient sous sa chemise, ou son air de bourlingueur qui le faisaient tant détonner du reste des lecteurs ?

    Pour Ryan, le passé militaire de ce personnage ne faisait aucun doute. Il avait croisé suffisamment de soldats dans sa vie pour ne pas se tromper sur la question.

    Il fit mine de poursuivre son travail pour se rapprocher, il sortait de nouveaux livres et en remplaçait d’autres sur les étagères adjacentes, le tout en prenant soin de faire des gestes lents.

    Son cerveau entrait en ébullition. Il s’imaginait de sombres complots à la seule vue de ce mystérieux personnage. Ryan ne put s’empêcher d’extirper un carnet de sa poche de pantalon et de griffonner quelques idées. Il tenait selon lui une excellente idée pour son manuscrit et se plut à détailler cet inconnu, à le transformer en élément clé de son scénario. Sous sa plume, cet homme se trouvait entraîné dans un sombre complot.

    Ryan passa l’heure suivante à l’observer du coin de l’œil, à scruter ses gestes et sa démarche qui ne faisaient que renforcer sa certitude qu’il provenait d’un milieu militaire.

    La venue de cet homme dans ce lieu de culture sonnait faux. Il ne s’agissait pas d’un préjugé, mais plutôt de détails qui agaçaient Ryan. Sa façon de se déplacer, de prendre les livres et de les refermer avec un certain mépris, ses traits constamment tirés ainsi que l’impression qu’il dégageait en surveillant chaque personne qui marchait non loin de son bureau.

    Tout en poussant son chariot, Ryan se permit de regarder par-dessus son épaule et d’identifier le numéro de la page que cet homme consultait. Il avait eu le temps de remarquer qu’une photo occupait la majeure partie de la page, accroissant d’autant plus sa curiosité.

    Que cherchait cet homme ? Pourquoi semblait-il aux abois ? Était-il en cavale ? Planifiait-il de sombres actions ?

    Ryan dut patienter une heure de plus avant que l’inconnu se lève et range le livre emprunté. Une minute plus tard, il quittait la salle.

    Soupirant un grand coup, Ryan guetta la porte d’entrée de la salle de lecture. Après avoir suffisamment patienté pour vérifier que l’homme ne comptait pas revenir sur ses pas, il se jeta sur l’étagère pour en ressortir l’ouvrage consulté par l’inconnu et en contempler la couverture.

    La collection Theodore M. Davis³.

    Consacré aux tribulations d’une riche famille newyorkaise et de l’un des plus importants mécènes américains, le livre présentait de nombreux éléments artistiques et leurs acquisitions mouvementées par des gens dont l’existence ressemblait à celles de fougueux explorateurs. Ryan s’empressa de consulter la page 262 et écarquilla les yeux en contemplant la photo d’une tablette égyptienne datant du règne du pharaon Khéops.

    « C’est donc après cet artefact qu’il en avait ? » se demanda-t-il en fronçant les sourcils.

    Ryan replongea dans sa lecture, analysant chaque donnée avec le plus grand soin. Le livre racontait l’acquisition mouvementée de la tablette au cours d’une fouille qui ressemblait davantage à un pillage qu’à une véritable expédition scientifique, et se concluait par son don au Metropolitan Museum de New York après que Theodore M. Davis se soit éteint.

    Ryan retourna son attention sur l’apparence physique de la tablette. Que pouvait-elle donc avoir de si particulier pour qu’un homme surentraîné puisse s’y intéresser ?

    Après tout, peut-être que cet homme était amateur d’archéologie et assouvissait ainsi sa passion…

    Ryan se questionna sur ce point, mais préféra éluder la question, car le mysticisme entourant cet inconnu cadrait parfaitement avec la théorie du complot si chère aux récits d’espionnage.

    Il referma

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