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Morts à Venise: Les pigeons se ramassent à la pelle
Morts à Venise: Les pigeons se ramassent à la pelle
Morts à Venise: Les pigeons se ramassent à la pelle
Livre électronique176 pages2 heures

Morts à Venise: Les pigeons se ramassent à la pelle

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À propos de ce livre électronique

Les enquêtes ornithologiques de Louise van Sponkerverkrofchtenberg, fille putative du commissaire San-Antonio.
–  Tu ne vas pas être déçue par ton autrice préférée pour ce nouvel opus délit. De l'action presque gratuite (toujours 14 euros, malgré l'inflation galopante), des bons mots et des beaux maux, des moins bons aussi, qui permettent aux bons d'être encore meilleurs, quelques contrepets foireux comme les fientes de pigeons de cette fable moderne.  De l'espionnage qui ferait passer John Le Carré pour une bille, du romantisme qui pourrait faire passer Chateaubriand pour un steak, et encore et toujours du stupre et de la fornication qui pourraient faire passer Brigitte Lahaie pour Mère Teresa…   Direction Venise, cette fois ; l'inoubliable Venise et ses canaux, ses gondoles, son carnaval, sa place Saint-Marc et… ses pigeons qui meurent par centaines. 

À PROPOS DE L'AUTEURE

Louise van Sponkerverkrofchtenberg est le nom d'emprunt d'une célèbre diplomate d'Alabanie orientale en poste à Paris. Elle publie sa deuxième aventure, après Quand trépassent les autruches ! chez le même éditeur.

LangueFrançais
ÉditeurGlyphe
Date de sortie13 oct. 2021
ISBN9782369341871
Morts à Venise: Les pigeons se ramassent à la pelle

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    Aperçu du livre

    Morts à Venise - Louise van Sponkerverkrofchtenberg

    ON LESSIVE SAINT-MARC

    Que je te rapporte cette seconde aventure que tu attends avec une fébrile mais justifiée impatience. Je le sais de source sûre puisque je te poursuis sur les réseaux sociaux (Fesse-bouc, copains de derrière, snap chatte, Instagram pique et pique des kilogrammes…).

    Tu ne vas pas être déçu(e) par ton autrice préférée pour ce nouvel opus délit. De la violence presque gratuite (toujours à peine 14 euros, malgré l’inflation galopante), du sexe hard-dur comme le preux chevalier, des bons mots et des beaux maux, des moins bons aussi, qui permettent aux bons d’être encore meilleurs (vieille technique marketing), quelques contrepets foireux comme les fientes des pigeons de cette fable moderne¹, de l’espionnage qui ferait passer John le Carré pour une bille, du romantisme qui pourrait faire passer Chateaubriand pour un steak, et encore et toujours du stupre et de la fornication qui pourraient faire passer Brigitte Lahaie pour Mère Teresa…

    Quatre mois à peine se sont écoulés depuis l’épisode sud-africain qui t’a tenu en haleine sur le dos deux heures durant, voire plus si tu as pris des notes pour ton comité de lecture, ou si tu as posé ton livre pour te dorloter l’entre-cuissot lors de certains passages coquins que mon éditeur a bienencontreusement laissé malgré la censure, qui ne s’use que si l’on s’en sert.

    Direction Venise, cette fois. L’inoubliable Venise et ses canaux, ses gondoles, son carnaval, sa place Saint-Marc et… ses pigeons, qui y meurent par centaines.

    De la pièce voisine de celle où je me trouve en ce froid matin de février, au premier étage du bâtiment des nouvelles Procuries, trois paires et demie d’yeux plongent sur ladite place devenue un immense charnier de plumes et de sang. Sagement caché derrière la porte entrouverte, mon voisin me désigne les quatre hommes d’un doigt majestueusement dédaigneux.

    – Le vieux con borgne avec le nez de travers, c’est Quirino Plasti, le responsable des services sanitaires. À côté, le grand con, c’est Aldo Remifasol, le chef de la police. Méfiez-vous de lui. Il n’est pas que con, il est aussi méchant. Le con qui se gratte les fesses, c’est Ildefonso Laidebrebi, son adjoint. Lui, il n’est que con, mais un con comme on n’en fait plus. Un con d’apothéose. Sa Majesté Godefroy de Couillon, sa Sainteté Benêt Ier ! Derrière eux, Silla Remifasol, notre maire, partisan des luttes de classe, et frère d’Aldo. Pas encore con, mais ça viendra.

    J’ai envie de lui dire que la connerie, ça ne s’attrape pas. C’est comme les poils sur les orteils, les sourcils en guidon de vélo ou le menton en galoche. C’est génétique. On naît avec. On meurt avec. Mais je me tais d’oreiller. Je préfère détailler d’un œil inquisiteur le quarteron d’édiles. Il est toujours bon de savoir à qui on a affaire avant de commencer une enquête de cette importance. Sans doute l’affaire politico-policière la plus marquante de ces soixante dernières années. Hier l’assassinat de Kennedy, aujourd’hui l’affaire des pigeons de Saint-Marc. Entre les deux, rien, nib, peau de zébi, calme plat, total néant.

    Quirino Plasti, qui observe la place de son œil unique, semble le plus accablé du groupe. J’écarte le rideau crassouille de la fenêtre et me penche vers la source de son désespoir. Des centaines de pigeons gisent sur le sol humide. Les uns traînent lamentablement leurs ailes devenues trop lourdes, mazoutées par une invisible marée noire. Les autres, les plus nombreux, la tête couchée sur le côté, le cou tordu, leur minuscule langue pendante, évoquent une image apocalyptique de fin du monde.

    Le port de la piazzetta a été bloqué par les services de la ville. De hauts panneaux de bois ont été placés par les carabiniers autour de la place transformée en charnier. Une douzaine d’hommes pellettent les pauvres corps inertes et les jettent dans de larges carrioles grillagées. D’autres lessivent les dalles grises à grands jets d’eau savonneuse. On devine la moiteur humide et froide du vent venu du grand canal à la fumée blanche qui monte du sol et s’échappe de leurs bouches enchifonnées. Saint Théodore et le lion de Saint-Marc disparaissent dans cette brume épaisse comme une polenta pas cuite qui enveloppe aussi le campanile et les cinq coupoles de la basilique, coule en larmes géantes sur la façade de marbre puis glisse à quelques centimètres du sol sous la lumière blafarde des lampadaires des ders. Les traînées vaporeuses s’infiltrent entre les arcades des cafés et les boutiques de souvenir encore fermées, tel un serpent de mer à mille têtes venu tout dévorer sur son passage, une gorgone plus zélée que Zola, une hydre aux gènes sulfureux (H2S). Manque plus que l’apparition du Nosferatu de Murnau ou de Sarkozy de Nagy-Bocsa.

    Le chef des services sanitaires essuie la buée sur la vitre avec la manche élimée de son uniforme gris. Je vais vite apprendre de mon voisin que la vie entière de Quirino Plasti a été grise et élimée. Depuis sa naissance dans les ruines de Monte Cassino en 1950, le pauvre homme a accumulé les emmerdements comme d’autres les vieux timbres. En philatéliste passionné, il donne d’ailleurs l’impression depuis quelques années de chercher les plus rares, les plus inattendus… Son phimosis ayant nécessité douze interventions, dont la dernière pour nécrose s’est terminée par une amputation de la verge, épisode tragique suivi par le départ de sa femme volage avec son chirurgien maladroit, son œil crevé par un abruti avec sa carabine alors qu’il bronzait sur sa terrasse, son cancer des hémorroïdes (deux cas décrits dans le monde), ses faillites successives… Cette nouvelle épreuve que le destin lui impose à quelques mois de la retraite semble bien être son penny black.

    Son œil unique circumducte la place. Il se prend la tête entre les mains, gémit, geint, pleurniche, couine, larmoie. Quirino, c’est le ponte des soupirs.

    – Mama mia. Quel désespoir ! Qu’allons-nous devenir ? Venise sans pigeons ! Autant imaginer New York sans ses tours… marmonne-t-il avec le ton définitivement las d’un paysan malien après le cinquième passage d’un nuage de sauterelles sur ses trois mètres carrés de sorgho.

    Le colonel Remifasol, le chef des carabiniers, lui jette un regard mollet, c’est-à-dire pas tout à fait dur, mais pas non plus à gober.

    – Quirino ! Je ne pense pas que la comparaison soit judicieuse depuis l’attentat du Ouord traide santteur. Disons plutôt Paris sans Bigbaine.

    – Sans vous offenser…, je crois que Big Ben se trouve à Berlin, corrige son fidèle adjoint qui a terminé de se gratter les fesses pour se lancer dans une chasse éperdue d’étrons au fond de son nez trop fin pour ses doigts trop gros.

    Malgré ses deux mètres et des poings comme des masses d’armes, Laidebrebi parle avec une voix de fausset quand il s’adresse à son supérieur. En poste depuis trois ans, son sens inné de la hiérarchie en fait le plus grand lèche-cul de la Sérénissime, voire de l’ensemble de la péninsule italienne. Sans pousser trop loin la physiognomonie, il est d’ailleurs étonnant de noter le faciès immuable du lèche-cul à travers les époques et les continents : petits yeux en trou de pine, bouche fine, nez pointu, petite barbiche taillée en pointe… Modèle du genre, Laidebrebi peut être considéré comme la mesure étalon de la flagornerie, le modèle du fayot, le prince incontesté de la lèche. Et « lèche-bottes » en Italie n’est pas un vain mot.

    – Justement… C’est encore plus facile à imaginer comme ça ! insiste le chef de la police, l’index tournoyant sur sa tempe grisonnante, dessinant la logique impénétrable de sa réflexion. Et puis je ne vois pas en quoi la mort de ces bestioles pose un problème ! Ce n’est pas la première fois que ces saloperies qui chient partout viennent à crever par centaines. Il en revient toujours plus, et des plus gros, qui dégueulassent ma terrasse de cent mètres carrés qui surplombe le grand canal.

    Mon voisin me montre discrètement une photo encadrée sur le bureau du maire dans lequel nous nous trouvons. Il m’explique à voix basse que le colonel Aldo Remifasol, à droite sur la photo, doit sa place enviée de chef de la police à un vague lien familial avec la mère du maire, au milieu du portrait, dont il est le fils, ce qui en fait du même coup le frère du premier magistrat de la ville, à gauche sur la photo. Cette parenté lui permet habituellement de bénéficier d’une grande indulgence de la part de son cadet, mais, cette fois, il semble avoir dépassé les bornes.

    – Arrête de dire n’importe quoi, Aldo, hurle le frère maire. Pas un problème ! Le pigeon est l’âme, l’emblème, le symbole, la personnification de notre ville. Venise sans pigeons n’est plus Venise !

    La génétique a eu davantage d’égards pour le maire, même si ce n’est pas encore le maire à boire, que pour son frère aîné en ce qui concerne le contenu, mais guère pour le contenant de la boîte crânienne. Si Aldo, le militaire, a hérité de la sauvage arrogance de condottière de son père, en arrière-plan sur le cliché, ancienne chemise noire reconvertie dans le textile, Silla, le politique, est le portrait craché de sa mère, la barbe et l’opulente poitrine en moins. S’il en a hérité l’intelligence sagace, la finesse d’esprit, le jugement tranchant, il en a aussi le gros nez boursouflé, les joues pendantes qui lui donnent de faux airs de Pluto, les hamacs sous les yeux et des oreilles de satellite en perdition.

    – Venise sans pigeons, à deux jours du Carnaval, c’est pire que tout. C’est la fin du monde…, se lamente-t-il, s’affaissant dans un large fauteuil club aux accoudoirs râpés, glissant un doigt fébrile entre son cou suant et le col déboutonné de sa chemise.

    – C’est la raison pour laquelle je vous ai tous réunis ici de si bon matin, lâche alors mon voisin en entrant dans la pièce avec Perte et Fracas, ses deux fidèles chihuahuas. Plus de pigeons, plus de touristes, et plus de touristes, plus de pigeons à plumer…

    En le voyant s’éloigner d’un si bon pas, je n’avais pas remarqué qu’il était aussi petit et disgracieux quand il était venu me chercher dans le hall quelques minutes plus tôt. L’homme, légèrement bossu, mesure à tout casser un mètre cinquante, mais des talonnettes et des semelles expansées le rehaussent de dix bons centimètres. Cette asymétrie entre son buste et ses jambes lui donne l’allure de l’échassier de la fable, d’autant que son cou est emmanché d’un long nez.

    – L’heure est effectivement dramatique, fait le héron au sourire si doux. Notre bien-aimé président du conseil est d’ailleurs tenu au courant de ces évènements minute par minute, je dirais même pigeon par pigeon. L’honneur de notre pays repose sur nos frêles épaules, m’a même déclaré le ministre de l’Intérieur en me serrant la main, il y a quelques heures à peine.

    Puis, après un court mais profond silence, bombant son torse torve, la main encore moite de la sueur du ministre dirigée vers l’asphalte de la place :

    – Messieurs, César, Garibaldi et *****² nous regardent. Ne les décevons pas…

    Léandro Ginoli, surnommé « Mais pas que » dans les couloirs de son ministère, notamment ceux des toilettes, a toujours eu le sens de la formule oratoire. Il enveloppe son envolée lyrique de sa cape rouge comme il s’est maintes fois entraîné à le faire lors d’un passage éclair à l’école de théâtre de La Fenice où son amant de l’époque, devenu ministre, est venu le chercher pour le mettre à la tête des services culturels de la région de Vénétie.

    – C’est la raison pour laquelle Bruxelles nous envoie un de ses meilleurs agents, afin de démasquer les coupables de cette infamante infamie… continue-t-il sur le même ton emphatique.

    Il vrille sur ses talonnettes comme un danseur sur glace et me fait signe d’avancer. Je traverse la pièce pompeusement décorée, stuc au plafond, lambris aux murs, parquet ouvragé, lustres de cristal, peintures croûteuses. Le maire se lève poliment de son fauteuil et s’incline du chef. Les trois autres se retournent avec un synchronisme digne d’une chorégraphie de Jerome Robbins.

    – Une spécialiste en ornithologie policière… ajoute Léandro.

    Je m’avance vers eux, sûre de mon petit effet. L’air chaud gonfle ma chevelure, les pans de ma jupe volent à chacun de mes déhanchements, mes talons aiguilles claquent sur le plancher, mes bas crissent sur mes cuisses, ma poitrine 90 C se soulève au rythme de ma respiration. Je m’attends aux habituelles réactions que provoque en général une telle arrivée digne d’une montée de marche cannette (logique pour une enquêtrice du Pipo) dans une assemblée masculine… Yeux exorbités, langues pendantes, mains moites,

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