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Les coulisses de la mort: Roman policier alsacien
Les coulisses de la mort: Roman policier alsacien
Les coulisses de la mort: Roman policier alsacien
Livre électronique298 pages4 heures

Les coulisses de la mort: Roman policier alsacien

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À propos de ce livre électronique

Meurtres à l'opéra de Strasbourg.

À l'opéra de Strasbourg, on découvre des cadavres dans les placards des studios de danse ! Un grand chorégraphe, Jonel Rose, vieux lion décadent à la crinière blonde et blanche, séducteur, despotique et pervers à ses heures est le centre d’une coterie de danseurs hauts en couleurs. Son épouse, Lucie Delattre, une belle brune aux yeux d’un violet profond semble s’être fait une raison des frasques, infidélités et même de la bisexualité de son mari. Passions amoureuses, ambition débridée dévorent les étoiles qui gravitent autour de Jonel Rose et se déchirent pour avoir la vedette sur scène et dans le cœur de notre bel indifférent, aussi génial que dépourvu de sentiments véritables... En apparence ! Deux journalistes des Dernières Nouvelles d’Alsace parviennent à pénétrer la compagnie et à nouer avec certains de ses membres des liens de confiance et davantage...
Tout cela se termine mal ! L’inspecteur Lantier, sorte de Colombo alsacien, totalement déplacé dans ce milieu se laisse abuser un peu par tout le monde. Il finira par s’orienter dans cet imbroglio de passions et ambitions malsaines, pour révéler - mais un peu tard - la Vérité. Ceux des danseurs qui parviendront à échapper à une mort violente sortiront éclopés de l’aventure. Le lecteur frissonnant de peur refermera le livre avec le sentiment d’avoir été lui aussi baladé mais ce fut une belle échappée dans les coulisses de l’Opéra du Rhin, pas si éloignées, peut-être, des coulisses de tous les théâtres, en tout lieu et en tout temps.

Découvrez l'enquête de l'inspecteur Lantier, projeté dans les coulisses du monde du spectacle, où règnent passions amoureuses, ambitions débridées, et jalousies malsaines.

EXTRAIT

Trois petites explosions ouvrirent le spectacle, issues de trois pétards lumineux disposés sous le proscenium. Dans l’obscurité qui succéda aux flashes, des éclairs jaillirent un peu partout sur la scène, pareils à des feux follets s’agitant par une nuit noire. Puis un éclairage rasant découvrit la silhouette de sept danseurs vêtus de simples justaucorps.
Soudain, tout s’éteignit. Un court instant plus tard, s’allumait un projecteur puissant, placé juste au-dessus du proscenium. Pivotant sur lui-même, l’énorme projecteur était dirigé vers la salle à intervalles irréguliers, plongeant alors la scène dans une nuit profonde.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Anne Basc est originaire de Nice, elle réside en Alsace. Elle a enseigné l’histoire de la danse au conservatoire de Strasbourg et les Lettres classiques au Lycée Kléber de la même ville. Elle est l’auteur de pièces de théâtre pour la jeunesse, des contes de la Cathédrale, de livrets de cantates et d’oratorios, pour les compositions de son mari, Bernard Lienhardt. Les coulisses de la mort est son quatrième roman policier dont l’intrigue est étroitement mêlée au monde artistique de la ville de Strasbourg.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie20 févr. 2017
ISBN9782359625974
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    Aperçu du livre

    Les coulisses de la mort - Anne Basc

    cover.jpg

    Table des matières

    OUVERTURE 1

    OUVERTURE 2

    PREMIER MOUVEMENT :

    DEUXIÈME MOUVEMENT

    TROISIÈME MOUVEMENT :

    FINALE

    Anne Basc

    Les coulisses de la mort

    policier

    ISBN : 978-2-35962-597-4

    Collection Rouge

    ISSN : 2108-6273

    Dépôt légal mars 2014

    ©couverture Ex Aequo

    ©2014 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.

    Toute modification interdite.

    Éditions Ex Aequo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.fr

    Dans la même collection

    L’enfance des tueurs – François Braud – 2010

    Du sang sur les docks – Bernard Coat L. — 2010

    Crimes à temps perdu – Christine Antheaume — 2010

    Résurrection – Cyrille Richard — 2010

    Le mouroir aux alouettes – Virginie Lauby – 2011

    Le jeu des assassins – David Max Benoliel – 2011

    La verticale du fou – Fabio M. Mitchelli — 2011

    Le carré des anges – Alexis Blas – 2011

    Tueurs au sommet – Fabio M. Mitchelli — 2011

    Le pire endroit du monde – Aymeric Laloux – 2011

    Le théorème de Roarchack – Johann Etienne – 2011

    Enquête sur un crapaud de lune – Monique Debruxelles et Denis Soubieux 2011

    Le roman noir d’Anaïs – Bernard Coat L. – 2011

    À la verticale des enfers – Fabio M. Mitchelli – 2011

    Crime au long Cours – Katy O’Connor – 2011

    Remous en eaux troubles –Muriel Mérat/Alain Dedieu—2011

    Le rituel des minotaures – Arnaud Papin – 2011

    PK9 - Psycho tueur au Père-Lachaise – Alain Audin- 2012

    …et la lune saignait – Jean-Claude Grivel – 2012

    La sève du mal – Jean-Marc Dubois - 2012

    Blood on the docks – Bernard Coat traduit par Allison Linde – 2012

    La mort en héritage – David Max Benoliel – 2012

    Accents Graves – Mary Play-Parlange – 2012

    7 morts sans ordonnance – Thierry Dufrenne – 2012

    Stabat Mater – Frédéric Coudron –2012

    Outrages – René Cyr –2012

    Montevideo Hotel – Muriel Mourgue –2012

    La mort à pleines dents - Mary Play-Parlange – 2012

    Engrenages – René Cyr - 2012

    Hyckz – Muriel combarnous - 2012

    La verticale du mal – Fabio M. Mitchelli – 2012

    Prophétie – Johann Etienne – 2012

    Crocs – Patrice Woolley – 2012

    RIP – Frédéric Coudron – 2012

    Ténèbres – Damien Coudier – 2012

    Mauvais sang – David Max Benoliel - 2013

    Le cercle du Chaos – Fabio M Mitchelli – 2013

    Le Cœur Noir – axelle Fersen – 2013

    Transferts – Fabio M Mitchelli – 2013

    La malédiction du soleil – Mary Play-Parlange – 2013

    La théorie des ombres – Aden V Alastair – 2013

    Green Gardenia – Muriel Mourgue – 2013

    Effets secondaires – Thierry Dufrenne - 2013

    Le plan – Johann Etienne - 2013

    Eliza – David Max Benoliel - 2013

    Les opales du crime – Mary Play Parlange – 2013

    Association de malfaiteuses – Muriel Mourgue - 2013

    Triades sur Seine – Yves Daniel Crouzet – 2013

    À feu et à sang – Bruno Lassalle – 2013

    Black Diamond – Muriel Mourgue & Dominique Dessort - 2013

    Le reflet de la Salamandre – Philippe Boizart – 2013

    Témoin distant – Isabelle Brottier - 2013

    Le masque de Janus – Frédéric Coudron - 2013

    La chapelle des damnés – Samuel Gance – 2013

    Le contrat Magellan – Jean-François Thiery – 2013

    Duo infernal – David Max Benoliel – 2013

    Qui a suicidé Pamela Janis Patersen – Muriel Mourgue – 2013

    Le costume – Marie Allain – 2013

    Clair-obscur en Chartreuse – Mary Play-Parlange – 2013

    Hantise – Virginie Lauby – 2013

    Sur la Vénus d’Ill – David Max Benoliel – 2013

    Cavale – Frédéric Coudron – 2014

    Un Certain Arthur Bony – J-M Pen – 2014

    Sangs froids – J-M Pen – 2014

    Wolf – Jean-François Thiery – 2014

    Les coulisses de la mort – Anne Basc - 2014

    Du même auteur :

    La maison du silence -  editions du batsberg

    L’oiseau noir - editions du batsberg

    Les disparus de Saint-Amand - editions du batsberg

    Contes de la Cathédrale - editions du batsberg

    Avertissement

    Si les lieux qui servent de décor à ce roman sont trop précisément décrits pour ne pas avoir été peints d’après nature, il n’en va absolument pas de même pour l’intrigue et les personnages, sortis tout entiers de l’imagination quelque peu échauffée et parfois débridée de l’auteur… Toute ressemblance avec des faits ou personnes existants relève donc de la pure fiction ou d’une improbable coïncidence…

    OUVERTURE 1

    Jonel Rose

    Trois petites explosions ouvrirent le spectacle, issues de trois pétards lumineux disposés sous le proscenium. Dans l’obscurité qui succéda aux flashes, des éclairs jaillirent un peu partout sur la scène, pareils à des feux follets s’agitant par une nuit noire. Puis un éclairage rasant découvrit la silhouette de sept danseurs vêtus de simples justaucorps.

    Soudain, tout s’éteignit. Un court instant plus tard, s’allumait un projecteur puissant, placé juste au-dessus du proscenium. Pivotant sur lui-même, l’énorme projecteur était dirigé vers la salle à intervalles irréguliers, plongeant alors la scène dans une nuit profonde.

    Placé au premier rang, un homme fixait la scène avec une attention douloureuse, sans se rendre compte qu’un peu plus haut, au troisième étage, penchée du haut de la loge située au-dessus de la scène, une femme dédaignait le spectacle pour concentrer ses regards sur sa personne. L’homme ne passait guère inaperçu. De haute stature, peu soucieux de la gêne qu’il occasionnait aux spectateurs placés derrière lui, il arborait un couvre-chef aussi extravagant que suranné, à mi-chemin entre la coiffure de d’Artagnan et le chapeau de Clint Eastwood dans « le Bon, la Brute et le Truand »…

    Dans la loge du balcon, à droite de la scène, la femme avait fini par tourner les yeux vers le seul spectacle. Il est vrai que le projecteur pivotant s’était éteint, plongeant la salle dans les ténèbres d’où il est d’usage qu’elle ne sorte jamais.

    L’éclairage baissa lentement sur les danses qui continuaient à s’exécuter dans le fracas assourdissant de percussions métalliques au son strident. Le son s’interrompit net, à l’instant exact où le noir investit les lieux.

    Ce silence subit ne cessa qu’aux pleins feux, salués d’une clameur sourde qui allait s’amplifiant, faisant place à une salve crépitante d’applaudissements frénétiques. Finalement, les sept danseurs eurent droit à une ovation du public debout, martelant un enthousiasme qui semblait ne jamais devoir se calmer. Puis un cri fusa :

    — Jonel Rose ! Jonel Rose !

    Le cri fut repris par des centaines de voix, émanant des spectateurs qui comblaient le parterre et les loges de l’Opéra du Rhin. Cependant l’homme au couvre-chef extravagant avait escaladé prestement les quelques marches qui menaient à la scène et saluait cérémonieusement, en ôtant d’un grand geste théâtral son chapeau noir à panache.

    Debout sous les feux de la rampe, il paraissait plus grand et imposant encore, sorte de vieux lion légèrement décadent, échappé d’un film de Visconti et sans aucune parenté physique avec le spectacle d’avant-garde dont, à en croire les acclamations fanatiques de la foule, il avait réglé la chorégraphie. À la façon dont il se mouvait, pleine à la fois d’aisance et de vigueur, on reconnaissait la maîtrise du danseur. La taille un peu épaissie par l’âge (plus de cinquante ans), le visage poupin, les cheveux longs et blonds, la finesse douloureuse de ses traits était contredite par l’expression énergique des yeux clairs qui fixaient la foule d’un air triomphant dont l’expression se fit légèrement cruelle, lorsqu’il leva son regard vers la loge du troisième étage.

    Penchée par-dessus la rampe et donnant l’impression d’une bascule imminente, la femme de la loge paraissait, malgré l’éloignement dû à la hauteur, dans un état d’irritation extrême qui tranchait avec la joie débridée de l’assistance. D’une maigreur effrayante, son visage émacié extraordinairement pâle était comme irradié de l’intérieur par un feu dévastateur dont l’éclat se reflétait dans les yeux immenses, noirs et fiévreux. Sa bouche s’entrouvrit pour adresser un message au vieux lion qui, en bas, se contenta de baisser les yeux d’un air souverainement dédaigneux.

    Les acclamations d’enthousiasme de la foule se figèrent en un long cri d’effroi comme jailli d’un seul cœur pour accompagner la chute brutale du corps léger de la femme sur la scène, juste aux pieds de Jonel Rose.

    Le vieux lion n’avait pas bougé. Levant la tête en direction de la loge, il avait froidement suivi des yeux la forme gracile qui se dirigeait vers lui. Et quand elle fut à ses pieds, gisant écroulée sans un cri, il n’esquissa pas un geste, laissant le tumulte s’enfler autour de lui et les danseurs se précipiter pour lui porter secours.

    Il assista, toujours immobile, et comme absent, à la levée du corps sur un brancard que des secouristes accourus s’affairaient à manier. Un régisseur annonça que la femme était seulement blessée et que les spectateurs étaient attendus dans les salons de l’Opéra pour le gala… Que la fête continue !… Comme à regret, la foule si brutalement tirée de son euphorie délirante refluait vers les portes, dans un silence traversé de murmures bruissants. L’on commentait « l’accident » à mi-voix, parlant à voix basse de la vie privée mouvementée de Jonel Rose.

    Au moment de fermer les portes, une ouvreuse tomba en arrêt devant une silhouette menue, restée assise au premier rang, dans une attitude songeuse. Elle voulut la prier de sortir, mais se mit à murmurer des paroles d’excuse confuses, quand la dame eut levé sur elle des yeux couleur de violette à l’expression égarée. Si mademoiselle Delattre voulait bien l’excuser… Mais la dame sortit sans répondre, d’un air condescendant. C’était une très jolie femme, très brune, le teint mat, d’une quarantaine d’années. Apparemment peu disposée à alimenter la chronique déjà bien assez fournie, à son goût, pour ce soir, elle s’esquiva rapidement.

    La réception dans les salons de l’Opéra du Rhin était fastueuse. La salle du « Bar de l’Opéra » était tendue de rouge sombre et il subsistait en ce lieu un reste de l’atmosphère passée luxueuse à laquelle s’accordaient les toilettes recherchées des convives actuels. Celle qu’on avait appelée « mademoiselle Delattre » s’était faufilée parmi les convives et regardait fixement un trio qui s’exhibait non loin d’elle : une blonde somptueuse à la chevelure mousseuse, vêtue d’une longue robe noire ajustée, dont le décolleté de tulle laissait entrevoir la délicate carnation se tenait près de Jonel Rose. Ayant renoncé à son extravagant couvre-chef, le danseur arborait un smoking gris anthracite qu’il portait avec ostentation, conscient de son allure et de sa classe ; à ses côtés, un jeune homme, sanglé dans un costume noir dont le col officier l’obligeait à un maintien compassé semblait mal à l’aise, sans doute habitué à des tenues plus décontractées. La petite femme brune les regardait s’avancer d’un œil intrigué, un toast entre les mains. Jonel s’esclaffa :

    — Lucie, ma chère, ne faites donc pas cette tête d’enterrement ! Amusez-vous ! Le monde ne va pas s’arrêter parce qu’une déséquilibrée a jugé bon de s’immoler à mes pieds ! Tenez, prenez cette coupe de champagne, du Heidsieck, ma chère, trinquez avec nous !

    Pendant cette tirade affectée, le jeune homme s’était détourné, l’air ennuyé, tandis qu’à ses côtés, la somptueuse créature blonde partait d’un éclat de rire complètement artificiel. Lucie Delattre reprit, toute trace d’aménité effacée :

    — Jonel, tout le monde ici connaît ton goût du théâtre et de l’ostentation. Qui cherches-tu à convaincre ? Si cette comédie est pour moi, à quoi bon ? Personne mieux que moi n’est au courant de ta vie !

    Le chorégraphe n’eut pas le loisir de répondre. Une femme rondouillarde et accorte s’approchait du groupe, l’air affable et souriant. Le vieux lion s’inclinait, ses deux acolytes reculaient discrètement, tandis que Lucie s’effaçait. La voix de stentor de Jonel Rose résonna soudain, faisant vibrer les lustres de cristal du lieu auguste où se déroulait la réception en son honneur :

    — Madame le Maire ! Je suis très honoré ! Comment avez-vous trouvé ma petite fantaisie de ce soir ?

    Le reste de la conversation se perdit dans le brouhaha des conversations qu’animait le champagne coulant à flots. Fendant la foule des convives à grand-peine, Lucie s’éloignait, la mine soucieuse, petit oiseau effarouché perdu au milieu de volatiles jacasseurs.

    *

    Près du pilier du vestibule, à deux pas du vestiaire vers lequel Lucie se dirigeait en hâte, un homme la considérait, la mine sombre. Il semblait attendre quelque chose ou quelqu’un et la suivit des yeux, tandis que, sur le parvis de l’Opéra, ayant ouvert un parapluie d’un geste précis, elle descendait rapidement les marches ruisselantes sous la pluie crépitante.

    Ce n’est qu’une fois qu’elle eut obliqué vers les quais de l’Ill et disparu à la vue de l’homme, qu’il se détourna et se dirigea d’un pas déterminé vers l’intérieur du bâtiment où la réception battait son plein.

    OUVERTURE 2

    Lucie Delattre

    10 octobre 1994, 0h30

    Je reprends ce vieux cahier couvert de toile noire que je n’avais plus ouvert depuis douze ans. Ce cahier de jeune fille où j’avais pris l’habitude de consigner mes moindres états d’âme. Comme tout cela est périmé ! Qu’est-ce donc que cette brusque impulsion qui m’a jetée vers ce tiroir, condamné depuis si longtemps ?

    De vieilles photos écornées. Des cartes postales fanées. Des mots d’amour oubliés. Il me semble que c’est une autre qui a reçu tout ça, une autre qui est photographiée à côté de ce jeune homme fringant, devant le Conservatoire, un jour de juillet, plein de soleil et de chaleur.

    Mais lui, comme il est beau. Brillant. Insolent. Oh, je l’ai aimé, oui. Je l’ai aimé.

    10 octobre, 1h20

    Je me suis laissé reprendre par ces souvenirs jaunis. À quoi bon remuer tout ça ? Ce Jonel-là n’existe plus, mon jeune et brillant amoureux. Il me comblait de cadeaux et de paroles tendres. Il m’enveloppait d’amour. Oh, Jonel !... Se peut-il que cet homme ait feint la tendresse et l’amour à seule fin de me circonvenir, de me séduire ? Oh je lui suis encore attachée, oh oui, je lui suis attachée !

    Il faut que j’en vienne à ce soir. À cette soirée terrible. Considérer la vérité en face. Rien d’autre ne pourra me sauver. « Me sauver » ! De quoi donc, grands dieux ! De moi-même ? Ou de Jonel, de l’emprise incroyable qu’il continue à exercer sur moi, malgré les blessures qu’il ne cesse de m’infliger ? Regarder en face, ne serait-ce qu’une fois, la vérité de son être, à travers ce qu’il est capable de faire à une autre. Flora. Petit corps sans vie échoué sur la scène. L’effervescence des danseurs autour d’elle. Et lui, impassible. Sans réaction.

    Flora. Entrée si vite dans notre vie. Nous revenions de ce que Jonel appelait en riant « notre voyage de noceurs »... Notre merveilleux voyage en Écosse. J’avais le cœur rempli des mots tendres dont Jonel n’avait cessé pendant quinze longs jours de m’abreuver. Nous nous promenions au long des berges de l’Ill, main dans la main comme deux amoureux. C’était une soirée tiède, des odeurs de fleurs flottaient dans l’air. Et nous l’avons vue. Elle était assise sur un banc, toute menue dans sa robe d’été décolletée à grandes fleurs bleues. Elle souriait. Nous lui avons souri aussi. J’ai tout de suite été frappée par ses yeux. Deux immenses yeux noirs à l’expression tragique, malgré le sourire, et innocente. Naturellement Jonel a été impressionné, lui aussi. Il a murmuré à mon oreille : « Tu n’es pas fatiguée ? » et il m’a entraînée doucement sur le banc, à côté d’elle. Nous avons entamé une conversation des plus banales, mais je sentais bien que Jonel était séduit, et tout de suite j’ai été mordue par le dard de la jalousie.

    Ce soir-là, Flora a partagé notre repas, dans notre petit appartement de la Krutenau. C’était une jeune yougoslave partie en France pour chercher du travail. Il y avait un mois qu’elle errait dans les rues de Strasbourg, ne sachant où aller. Les belles perspectives de travail qu’on lui avait fait miroiter n’étaient que leurre et illusions. Sans papiers, sans formation, elle subissait le handicap supplémentaire de son origine étrangère. Elle a couché sur le divan du séjour et cette nuit-là, Jonel n’a cessé de chercher à me persuader qu’il relevait de la simple humanité de nous charger de Flora, que nous ne pouvions la laisser ainsi sur le pavé, au risque de la jeter dans les mailles de la prostitution... Je ne résistais pas, tout en sachant, au-dedans de moi-même, que Jonel m’endormait de belles paroles, que Flora l’avait séduit au premier coup d’œil. Mais n’était-ce pas un signe d’amour que de m’associer à cette tentative de sauvetage ? Et ma fibre maternelle avait été émue par le regard perdu de Flora.

    J’ai pu ainsi assister, et même participer, jour après jour, à l’entreprise de séduction entamée en ce beau jour d’été. Mon beau mariage dérapait sous mes yeux, sans que je tente quoi que ce soit pour éviter le désastre... Mieux, je collaborais à cette entreprise de démolition... La seule chose que j’avais à faire était pourtant de prendre mes jambes à mon cou : un être capable de m’enjôler au point de me rendre spectatrice consentante de ses frasques amoureuses ne méritait rien d’autre. Mais il avait pris la précaution de me paralyser par des paroles de miel et d’amour. Oiseau effarouché pris à la glu, je ne pouvais bouger et restais là, sidérée...

    Flora devint bientôt la compagne de tous les instants. Jonel l’avait prise dans son cours de danse où, en tant que débutante « exceptionnellement douée », elle avait droit à un traitement de faveur, objet de tous les soins du maître... Nous travaillions côte à côte à la barre et Jonel ne m’accordait plus aucun regard, réservant sa sollicitude à celle qu’il estimait un véritable prodige... Flora ne résistait pas. Et comment aurait-elle pu ne pas fondre devant tant de compliments sur sa personne et sur ses dons ? Je ne pouvais m’empêcher de la trouver sympathique et émouvante dans sa bonne volonté à suivre à la lettre les conseils de son mentor. Jetée à la rue par l’imprudence avec laquelle elle avait cru au miroir aux alouettes de la France, elle s’accrochait désespérément à nous, à notre bienveillance inespérée.

    Je tâchais de faire taire ma jalousie. Flora n’était qu’un petit être victime de conditions de vie terribles. La charité commandait le reste... Un jour cependant j’eus la preuve que Jonel n’agissait pas par simple charité chrétienne. J’étais allée faire le marché Boulevard de la Marne, quand je me suis aperçue que, dans ma précipitation à sortir avant l’heure du déjeuner, j’étais partie sans rien pour payer. Je rentrai en hâte dans notre petit appartement. Trop tôt...

    Jonel et Flora étaient couchés nus, l’un à côté de l’autre... Je n’éprouvai aucune surprise. Au-dedans de moi-même, je savais que le moment était arrivé où leurs relations devaient se concrétiser autrement. Peut-être même que cela s’était produit dès le début de leur rencontre. Il m’importait peu, au moment présent. L’oubli de mon porte-monnaie n’était-il pas un acte manqué, témoignant de ma volonté latente, volontaire, préméditée, née du besoin de savoir ? Oui, je le pense maintenant, ce jour-là, je rentrai exprès plus tôt. Je tournai aussitôt les talons et me précipitai vers ma voiture. Je roulai jusqu’au soir, jusqu’à ce que l’aiguille du carburant eût affiché le vide du réservoir. Alors seulement, je m’arrêtai, sortis hébétée de ma voiture et me laissai tomber sur le bord de la route en sanglotant. J’ai déménagé ce soir-là à la cloche de bois. Il y avait exactement un mois que je m’étais mariée à Jonel Rose. Je n’avais pas l’intention de divorcer. Juste de m’éloigner et de retrouver mon autonomie. Mon amie Priscilla m’accueillit. J’aspirais à sa présence et à sa demeure comme à un havre où me reposer et reprendre mes esprits.

    Le reste... Comment cet être gai, au sourire fragile, mais plein de joie de vivre, aux yeux à l’expression intense, tour à tour tragique et malicieuse, est-il devenu ce qui, ce soir, est venu s’échouer sur la scène comme un oiseau blessé à mort ? Son histoire est trop étroitement tissée avec la mienne en fils de soie douloureux. Je veux me souvenir, ne jamais oublier. Jonel, assis à mes côtés, entièrement tendu vers « son » spectacle, son ballet « Arborescences », si complexe et dissonant, aux stridences par moments insoutenables. Sans un regard pour celle qui, là-haut, ne cessait de l’observer, avec une rage douloureuse. Les spectateurs immobiles et tendus, retenant leur souffle. Et moi, subjuguée, oui, subjuguée devant tant de talent et aussi par autre chose que j’étais seule à percevoir : la violence inouïe qui sous-tendait le spectacle et dont moi seule — et quelques autres — connaissais les retombées dans la vie personnelle du créateur.

    « Un désastre permanent », pensais-je, tandis que mes voisins, debout, applaudissaient à tout rompre et appelaient le maître sur scène. Je le regardais escalader les marches avec grâce et vigueur, en songeant à la scène déchirante dont je venais d’être le témoin, juste avant le spectacle, dans les coulisses. Flora sanglotant aux pieds du « maître », le suppliant de la laisser danser le rôle qu’elle répétait depuis des mois inlassablement. Et Jonel proférant en souriant ces mots inouïs : « Ne te donne pas en spectacle, Flora ! Rentre te coucher, tu ne tiens pas sur tes jambes ! » Et en effet la belle Flora chancelait, tragiquement amaigrie par le régime forcené qu’elle s’imposait depuis des mois : jeûne et entraînement incessant...

    Comme assommée par les paroles cruelles du maître, elle s’est traînée vers la porte et a disparu. J’ai murmuré à l’oreille de Jonel : « Tu ne peux pas la repousser ainsi, rattrape-la et parle-lui, je t’en supplie, parle-lui ! On ne sait pas de quoi elle est capable, après ça ! » Mais il s’est dégagé avec une telle violence que j’ai chancelé à mon tour, terrifiée par l’expression que j’ai lue à ce moment dans ses yeux. Alors, au lieu de me jeter à la poursuite de Flora pour lui porter secours, je suis repartie à mon tour vers la salle, en lâchant ces mots prophétiques :

    — Si Flora attente à ses jours, vous pourrez vous dire que vous êtes coupable de meurtre, Jonel Rose, oui, de meurtre !

    Comme si j’avais pu voir à l’avance la scène qui allait se dérouler sous les yeux de centaines de spectateurs, deux heures plus tard.

    Mais que je n’ai pas su empêcher.

    PREMIER MOUVEMENT :

    David Cornwell

    (Allegro appassionato)

    — 1 —

    Au Bar de l’Opéra, derrière le pilier du vestibule, un autre homme avait relayé l’inconnu. Lui aussi semblait attendre quelque chose. Ayant consulté sa montre à plusieurs reprises, il se dirigea soudain résolument vers l’intérieur des salons. Une foule bigarrée s’y pressait. Un clivage s’opérait naturellement par les vêtements. Certaines jeunes femmes arboraient de luxueuses toilettes, quand d’autres, plus branchées, s’exhibaient en pantalons et tops moulants. Même différence entre les hommes, vêtus de complets ou de jeans. Le nouveau venu cependant portait une tenue passe-partout qui ne permettait guère de le situer. Il cherchait des yeux quelqu’un dans la foule.

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