Élise et autres nouvelles: Recueil de nouvelles
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Michel Bongiraud est né en 1955 et vit dans le Jura. Il a publié la revue Parterre verbal de 1992 à 2001, puis de juin 2008 à décembre 2012, le bimestriel Pages Insulaires. En 2013, il a fait paraître le journal Fermentations, publication ouverte à l’actualité et à la réflexion.
Il a publié une quinzaine d’ouvrages chez différents éditeurs, des poèmes ou des articles dans différentes revues.
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Aperçu du livre
Élise et autres nouvelles - Jean-Michel Bongiraud
Bibliographie
Poésie
À la fin du cri, Les fruits de l’alphabet, Mouvements, Mains, Le coin du tableau, Éditions Encres Vives.
Les mots de la maison, Pages Insulaires, Pour retendre l’arc de l’univers, Éditions Gros Textes.
Fermentations poétiques, Apesanteur fiscale, Le livre des silences, Du bout de mes orteils. Un livre pour la pluie, L’herbe passagère, Arpège, Éditions Editinter.
Les mots du manœuvre¹, La noisette n’a pas son pareil…, Éditions L’épi de seigle.
Mots d’atelier, Édition le dé bleu.
Le cou de la girafe, Éditions L’Amourier.
L’ombre de la bêche, Éditions Alain Benoît.
Abeilles, Éditions des Vanneaux.
Sang et broussailles, Édition Rafaël de Surtis.
L’herbe et le néant (Das Grass und das Nichts), Édition En Forêt (Allemagne).
Voyages anarchistes, Édition A l’Index (2019).
Romans
Déviations, Éditions Alzieu.
Benoit, Edilivre.
Le banc, Edinet
Essais
L’empreinte humaine, Éditions Editinter.
La poésie et nous, Éditions Corps Puce.
De la nécessité d’écrire…, Éditions Edilivre.
Écrits de résistance, Edilivre.
Nouvelles
La chaudronnerie et autres nouvelles, Édition Prem’Édit.
Contes poétiques
René Blain ou la poétique du vélo, Édition Atramenta.
Anthologie
Appel aux riverains (Anthologie 1953-2013), Christophe Dauphin, Editions Les Hommes sans Epaules
Visage de Poésie – Tome 6, Portraits crayon et Poèmes dédicacés, Jacques Basse, Editions Rafael de Surtis
Des écrivains en Franche-Comté, Editions Neo avec le Centre Régional du Livre
La fête de la vie – Das Fest des Lebens, Volume 5, Editions En Forêt (Allemagne)
Le baigneur
Le visage impassible, malgré les tressautements de sa voiture, le conducteur regardait fixement devant lui. Il avait cette habitude d’écouter de la musique en silence, sans en fredonner l’air qu’il entendait. Il appuya sur le bouton d’arrêt du poste radio. Il n’était ni mélomane ni musicien. Son éducation musicale se limitait à quelques airs connus ou à des symphonies revues et corrigées par quelques artistes à la mode. La partition était gommée, limée, sans aspérités sans qu’elle puisse interroger l’oreille de l’auditeur. Selon les critiques, c’est ce que les gens aimaient. Quelque chose de simple, de doux, de si universel que la musique en devient anodine et sans caractère. Notre chauffeur n’avait aucune réflexion personnelle en dehors de ce que les médias bégayaient à longueur d’antenne ou des faits compris au travers des gros titres des journaux. Quelles questions se serait-il posées ? Le cinéma est-il un art ou une technique, la poésie est-elle juste une affaire de mots, la peinture est-elle une représentation ou une imitation ?
Notre chauffeur n’avait aucune idée sur ces sujets, mais ceux qu’il écoutait en avaient sur tout, la politique, la médecine, le féminisme. Leurs discours étaient une reformulation des articles, discussions, rendez-vous formels ou non avec leurs amis, intégrés là dans un média, l’autre dans un journal, ou parfois les deux. Leur avis était toujours le même, s’arc-boutant sur une société au principe libéral selon lequel le monde doit prospérer et s’identifier.
Notre homme se levait tous les matins à sept heures. Dimanches, jours fériés ou de travail, ce rituel était immuable. Depuis dix ans, il occupait cet appartement de trente mètres carrés. Il n’en avait changé ni le papier ni ses habitudes de plus en plus enracinées dans son être. Son réveille-matin était programmé sur la même fréquence depuis son achat. Une voix d’homme le réveillait, hormis durant les vacances, pendant lesquelles une voix féminine donnait plus de spontanéité et de vivacité aux nouvelles du jour égrenées. Durant la nuit, il portait un masque sur les yeux pour se protéger de la lumière des réverbères et de celle du jour qui filtrait à travers les volets. Il maugréait continuellement contre la société privée qui gérait les immeubles. La promesse de poser des volets roulants électriques n’était toujours pas tenue.
Il déposait son masque sur la table de chevet sur laquelle, outre le poste radio, trônait une petite lampe blanche cendrée. En dessous s’entassaient des revues d’automobiles et de voyages. Elles dataient de plusieurs mois car il ne les achetait que si un titre accrocheur retenait son attention.
Ce matin-là, un dimanche, selon ses habitudes, il déposa son bol dans l’évier et le nettoya énergiquement avec un produit liquide à base de citron. Il débarrassa la table des quelques miettes et se sentit tout joyeux à l’idée de se rendre dans cette crique qu’il avait récemment découverte. Il avait préparé, la veille au soir son sac de sport dans lequel il avait mis une serviette, une gourde, un paquet de gâteaux, un sandwich et son écouteur sans fil qu’il prenait pour les grandes occasions. Il vérifia la programmation des chansons et airs musicaux qu’il écouterait durant cette journée à la mer. Le site de la météorologie annonçait un soleil ardent avec des températures élevées. Il fit le tour de son appartement afin de voir si rien ne traînait. Il n’était pas vraiment méthodique dans son rangement. Il suffisait d’ouvrir un placard pour s’en convaincre. Tout était bien aligné, mais les tasses se mélangeaient aux assiettes et dans son armoire, un pull pouvait cacher un tee-shirt ! Tout n’était qu’apparence. Après avoir inspecté l’ensemble, il s’assit sur la chaise de l’entrée vérifiant à nouveau le contenu de son sac à dos. Il sortit, prit les escaliers et se retrouva sur le trottoir non loin d’où était garée sa voiture. Il ne rencontra personne de connaissance. C’était une heure matinale pour sortir un dimanche. Il était à peine sept heures quarante-cinq.
Une demi-heure plus tard, il conduisait sur ce petit chemin légèrement cabossé qui le rapprochait sinueusement de l’endroit où il avait l’intention de passer la journée. Autour de lui s’étendait une immense prairie, où les pissenlits se pressaient les uns contre les autres tant le champ en était inondé. Aucun troupeau de vaches, moutons ou chèvres ne semblait avoir piétiné le lieu depuis plusieurs mois. Il arriva au bout du chemin. Il avait déjà repéré ce site et il avait fixé dans son esprit l’endroit où il devait stopper sa voiture. Il en descendit puis, fermant les portes avec sa clé, en fit deux fois le tour pour vérifier que tout était bien fermé. Il s’éloigna du véhicule et, sans vraiment suivre un chemin balisé, il partit en direction de la mer, non sans se retourner plusieurs fois pour vérifier que tout était en ordre. Ce n’était pas la peur qui l’obligeait à se retourner, mais l’idée d’abandonner son véhicule le rendait légèrement anxieux. Allait-il le retrouver à son retour ? Malgré cette incertitude, il se dirigea vers la crique.
La mer s’élargissait, se répandait sous ses yeux dans tous les coins à mesure qu’il s’en rapprochait. Il entendait les flots et le fracas de l’eau contre les rochers. Il savait qu’il n’était plus tellement éloigné de la crique qu’il devait atteindre en descendant par un sentier escarpé mais praticable. Ce n’était pas un sportif, pas même devant la télévision. Il ne faisait ni vélo, ni marche ou aucune autre activité sportive.
Passé la trentaine depuis peu, il avait un léger embonpoint mais cela ne l’inquiétait pas. Il était davantage ennuyé par sa calvitie naissante dont il avait hérité de son père. Il ne pouvait la masquer et il avait horreur de porter un chapeau ou une casquette. Malgré le soleil de certains étés, il n’en mettait jamais, préférant demeurer à l’ombre ou s’abriter sous un journal. Il avait atteint le sentier repéré et vit un panneau dissimulé sous les herbes. Il ne l’avait pas remarqué lors de son unique venue. À moitié délavée par les pluies et le soleil, la couleur rouge qui avait servi d’encre avait presque disparu. Malgré l’effacement de certaines lettres, il put en déchiffrer le message. Ce panneau indiquait : Terrain militaire. Défense d’entrer. De mémoire, il n’avait jamais entendu quiconque parler de cet endroit comme d’un lieu réservé à l’armée. Le pied de la pancarte avait été brisé. Elle pouvait avoir été amenée ici par des enfants ou par n’importe qui d’autre. Il poussa de son pied le vieux panneau qui disparut sous les plants herbacés.
Il s’engagea sur le sentier qui descendait en pente douce, donnant cette fausse impression de stagner à la même hauteur. Il n’était pas très large mais suffisamment pour avancer sans risque. Notre promeneur s’arrêta et regarda au loin. Quelques bateaux ou voiliers naviguaient le long des côtes, mais il n’aurait su dire ni leur classe ni leur direction. Le soleil commençait