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Exilium: Roman
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Livre électronique180 pages2 heures

Exilium: Roman

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À propos de ce livre électronique

L’année 1492 célèbre pour la découverte de l’Amérique, fut surtout marquée par la « reconquista » en Espagne et au Portugal et ses terribles conséquences pour leur population juive. En effet, celle-ci va devoir choisir entre deux possibilités aussi cruelles l’une que l’autre : la conversion forcée ou l’exil. Dans le premier cas les « conversos » vont subir le fanatisme d’une église toute puissante encadrée par la terrible inquisition, et dans le deuxième cas l’exode, souvent dramatique, vers des pays étrangers pas toujours accueillants. C’est à travers ce sombre contexte que jailliront les personnalités de Donia Gracia Mendés, riche banquière, et de son neveu Joseph Nassi. Ceux-ci vont entreprendre de secourir leurs coreligionnaires victimes de tous les maux. Pour cela, ils intrigueront auprès du puissant Soliman le Magnifique, sultan de l’Empire ottoman pour sauver les réfugiés des plus grands dangers incarnés par les plus hauts dirigeants européens de l’époque. Réussiront-ils à leur trouver un havre de paix tout au long de cette épopée où aventure et amour seront intimement mêlés ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Michel Brami est né en 1942 à Tunis où il a fait ses études secondaires. Après des études supérieures à la Sorbonne, il est devenu professeur d’Histoire et d’Anglais en collège et en lycée. Il a toujours été passionné par l’Histoire jusqu’au moment où il a éprouvé le besoin de faire partager cette passion à travers l’écriture.
LangueFrançais
ÉditeurLibre2Lire
Date de sortie16 déc. 2020
ISBN9782381570211
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    Aperçu du livre

    Exilium - Michel Brami

    CHAPITRE 1

    Les cloches des églises sonnaient à toute volée. La foule se répandait le long des rues et sur les grandes places de Séville. Malgré le froid qui sévissait en ce début de janvier 1492, les gens se pressaient tout autour des édifices religieux. Il devait s’y dérouler les services d’Action de grâce pour célébrer les victoires des armées de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille sur celles du sultan Boabdil. Celui-ci venait de rendre la cité de Grenade aux armées catholiques. Cette dernière ville encore détenue par les Maures était un des joyaux du pays, célèbre par ses monuments et surtout son palais de l’Alhambra. Ses jardins étaient aussi renommés. Les convives pouvaient apprécier la fraîcheur des fontaines et la présence d’oiseaux exotiques. Des nuées de jardiniers travaillaient sans relâche pour entretenir ce paradis végétal. Ne disait-on pas que la ville embaumait la rose ? D’ailleurs, on racontait également que le sultan lui-même avait pleuré sur une colline toute proche de la ville, devant l’inéluctable. Depuis, cette colline, selon la tradition, devait porter le nom du « soupir du Maure » ce qui avait fait dire à ses détracteurs : « Pleure comme une femme, ce que tu n’as pas su défendre en homme ! ».

    Bref, Séville, comme la plupart des grandes villes d’Espagne, était en liesse. Des ecclésiastiques prononçaient des sermons, encadrés de redoutables représentants de l’Inquisition qui veillaient sur l’organisation du cérémonial. Cette institution était quasi sacrée. Elle était censée représenter le pouvoir royal et ne devait répondre qu’au Pape lui-même. Des messagers avaient été dépêchés dans toutes les villes pour apporter des détails de cette victoire inespérée. En effet, le pouvoir qui œuvrait depuis plusieurs années pour la Reconquista avait subi quelques défaites. Depuis la prise de Zahara en 1481 par les Maures, les souverains parlaient de représailles et de reconquête définitive. L’Inquisition arriva à point nommé pour appuyer cette lutte sous la direction du redoutable Torquemada qui avait les oreilles des souverains espagnols. C’est aux côtés de ceux-ci qu’il fit son entrée dans Grenade libérée. Il avait d’ailleurs l’intention d’y fonder un couvent de son ordre : les Dominicains. Sa grande ambition était de faire de toute l’Espagne un pays entièrement catholique, car, pour lui, la lutte contre les infidèles était une préoccupation majeure. Les minorités juives et maures étaient principalement visées. Elles savaient qu’avec la Reconquista, allait s’achever un âge d’or où coexistaient les trois religions monothéistes et où la culture et l’art ainsi que le commerce s’épanouissaient. En effet, ces inquisiteurs, zélés fonctionnaires du « Saint-Office », allaient se montrer d’une férocité sans égale. En attendant, l’Espagne rendait grâce au Seigneur pour cette victoire et tout respirait la joie en dépit de ce froid glacial.

    Dans une petite rue de Séville aux pavés inégaux, un jeune garçon se pressait pour entrer au logis. Il avait hâte de se réchauffer auprès du bon feu de cheminée que son père avait allumé. Il souriait déjà à l’idée d’une bonne tasse de lait chaud avec une tartine de miel. Une fois installé devant la table familiale, le garçon ne put s’empêcher de remarquer le visage soucieux de son père. Le señor Mendès s’inquiétait de l’avenir. En tant que juif, il sentait que celui-ci devenait de plus en plus incertain. Sa famille et celle de sa femme, implantées en Espagne depuis cinq générations allaient sans doute connaître de grosses difficultés avec la présence de plus en plus oppressante des Dominicains du « Saint-Office ». Aussi, Manassé Mendès se demandait si son commerce n’était pas menacé. Il redoutait également des brimades. Déjà ses coreligionnaires étaient en émoi et l’anxiété régnait dans la plupart des foyers juifs et chez les quelques familles maures restées sur place. Fallait-il attendre et voir ou prendre les devants en envisageant d’autres solutions ? Mais lesquelles ?

    Pouvait-on espérer une quelconque indulgence chez les Dominicains ?

    Déjà plusieurs réunions avaient eu lieu parmi les notables de la communauté juive pour trouver la meilleure conduite à tenir face aux autorités. Une forte somme d’argent pourrait-elle apaiser la situation ? Mais Manassé Mendès devinait que ceci n’était qu’un vœu pieux et que le « Saint-Office » avait le but avoué de chasser les « hérétiques » d’Espagne.

    Alors il fallait espérer qu’une solution viendrait d’elle-même.

    Sa femme, Doña Isabella, partageait les soucis de son mari. Mais elle n’osait interrompre ses réflexions. Elle était autant consciente que son époux de l’inconfortable situation. Le ciel se montrerait peut-être clément. Selon la tradition : « Si le seigneur fermait une porte, il ouvrait deux fenêtres. » Aussi gardait-elle l’espoir secret d’une amélioration.

    Quant au jeune Francisco qui terminait son repas, il respectait le silence de ses parents. Ce garçon intelligent qui allait sur ses treize ans, et qui avait par conséquent atteint sa majorité religieuse, prenait conscience de sa condition et des difficultés dans lesquelles se débattait sa communauté.

    Des rumeurs circulaient, on parlait d’autodafés de livres saints où le Talmud était brûlé en place publique. Les sujets juifs du pays étaient regardés d’une façon méprisante, pourtant ils avaient toujours vécu en bonne intelligence avec la population locale et y avaient conclu de solides amitiés. Celles-ci résisteraient-elles à la poussée des évènements ?

    Dans la famille Mendès, le commerce du tissu était une institution. Francisco aidait déjà son père, il savait calculer et mesurer et pouvait même faire l’article. Il avait réussi à convaincre le señor Montés, fraîchement marié, que sa nouvelle soierie venue d’Orient conviendrait parfaitement à sa jeune et belle épouse et que ce velours italien bleu sombre rajeunirait le vieux señor Lopez qui espérait sortir de son veuvage. Son père en était fier et prédisait qu’il deviendrait quelqu’un d’important plus tard.

    Leur logement était loin d’être modeste, car c’était un membre éminent de la corporation des marchands. Cette maison de ville jouxtait un marché très animé, aux fortes odeurs d’épices et qui lui fournissait une clientèle abondante. La boutique avait pignon sur rue. À l’arrière, une grande salle avec cheminée servait de cuisine, de pièce de vie et à l’occasion d’entrepôt. De là partait un bel escalier donnant accès à deux étages dont les chambres étaient spacieuses et richement meublées.

    C’est dans son arrière-boutique, somme toute confortable, que Manassé Mendès recevait ses clients et amis pour discuter ou apporter ses conseils notoirement avisés. Mais aujourd’hui il faisait les cent pas en essayant de répondre à ce nouveau problème qui le taraudait. Finalement, il prit une décision : oui, il allait rendre visite à son vénéré maître, le Rabbin Don Isaac Abravanel, personnage influent, même en dehors de la communauté. Cet homme, très respecté, avait en effet très utilement conseillé de hauts dignitaires espagnols.

    Il s’enveloppa dans son manteau et esquissant un sourire à son fils, il sortit. Il traversa plusieurs rues et toujours le même spectacle : la foule allait et venait, des cris de joie fusaient de toutes parts. Des ecclésiastiques se hâtaient vers les églises et chapelles. Parfois, des processions se formaient avec en tête des prêtres entonnant des cantiques. Toutes ces scènes jetaient le désarroi chez Manassé. Il se doutait bien que le « Saint-Office » n’allait pas transiger avec ses convictions et que les juifs seraient bientôt sa cible. Et delà à ce que la haine éclate violemment, il n’y avait qu’un pas.

    Des nuages se formaient dans le ciel, annonciateurs de pluie. Peut-être que celle-ci calmerait les ardeurs de la foule.

    Il arriva devant une modeste maison à l’angle d’une rue, à l’écart des grands axes et qui semblait plus calme. En effet, les rumeurs de la ville s’estompaient. Il frappa à la porte à l’aide d’un heurtoir en bronze en forme de tête de lion. Une femme d’un certain âge apparut dans l’encadrement de la porte et le visiteur, déclinant son identité, demanda à être reçu par le maître de céans. Le nouveau venu suivit la femme qui pénétra dans une vaste pièce. Celle-ci, bien que peu meublée, témoignait d’un certain éclat. Des rayonnages supportaient de nombreux livres reliés de cuir, et des parchemins jaunis soigneusement disposés. Sur un bahut trônait un grand candélabre en forme de ménorah à sept branches. Sur une table aux pieds sculptés, recouverte d’une nappe de soie reposait un grand plateau chargé de fruits. Sur un mur était suspendue une grande tapisserie représentant des scènes de la sortie d’Égypte. Tout à coup, un homme pénétra dans la pièce. Il devait avoir la cinquantaine et arborait une belle barbe grisonnante, déjà blanche à certains endroits. Il était vêtu d’une grande tunique sombre, la tête couverte d’une calotte de la même couleur. Il avait l’œil vif et son visage inspirait le respect. Il émanait de sa personne une certaine bonhomie. Il serra les mains de Manassé puis l’invita à s’asseoir à la table tout en approchant de lourds sièges. Ils prirent place et le rabbin s’adressant à la vieille femme qui avait réapparu, ordonna de préparer une petite collation à son visiteur. Ce dernier prit la parole :

    Vous devinez sans doute l’objet de ma visite, rabbi.

    Quel que soit le but de celle-ci, je suis toujours heureux d’accueillir un ami et encore plus lorsqu’il s’appelle Manassé Mendès.

    Il le remercia d’un sourire.

    Mais, reprit le rabbin, je connais tes préoccupations qui sont d’ailleurs les mêmes que celles de nos coreligionnaires. Je devine que tu es venu auprès de moi solliciter quelques conseils.

    Il y eut un bref silence. Puis il continua :

    Je ne puis, hélas, rien te dire. Nous sommes tous entre les mains de l’Éternel et lui seul prendra une décision. Qu’il en soit béni.

    Mais, rabbi, ne pourrions-nous pas trouver un moyen d’améliorer cette situation ?

    J’y songe déjà depuis un certain temps, vois-tu. Plusieurs membres de notre communauté voyageant dans le pays m’ont fait part d’autodafés de livres de Talmud et de brutalités graves envers nos frères et même des arrestations arbitraires. Malheureusement, lorsque l’on commence à brûler des manuscrits on finit bien souvent par brûler des hommes. On nous prend parfois pour des sorciers et nous savons que la peine réservée à ceux-ci est le bûcher.

    Mais que faire alors ?

    Je vais réunir les anciens de la communauté et nous formerons une petite délégation dont je prendrai la tête et nous demanderons audience au souverain. Je sais que le roi Ferdinand éprouve un certain respect pour ma personne et si je lui affirmais sous ma responsabilité que la communauté compte parmi ses plus fidèles sujets, peut-être nous protègerait-il contre la vindicte populaire et le fanatisme religieux. Mais avant cela, je dois visiter plusieurs villes du pays pour me rendre compte de l’ampleur de la situation. Cela prendra du temps, plus de deux mois sans doute. Je ne puis faire des propositions ou des suggestions au souverain sans l’accord des chefs des différentes communautés des villes d’Espagne.

    Bien sûr, rabbi, mais plus le temps passe, plus le danger devient imminent.

    Soit patient mon fils, je ferais de mon mieux pour trouver avec mes disciples des arguments qui pourraient convaincre le roi.

    Alors, que le Tout-Puissant nous aide, rabbi.

    Sur ces mots il prit congé de son hôte.

    La soirée était déjà avancée et le calme semblait revenu dans la cité. Le commerçant regagna son logis et Francisco l’accueillit avec joie. Il l’attendait pour une leçon de calcul. Le jeune garçon avait pris goût pour les nombres et aimait inventer et résoudre des problèmes mathématiques complexes. Mais ce soir, Manassé n’était pas d’humeur. Il savait que des divisions existaient entre les royaumes d’Aragon et de Castille. Beaucoup de gens en Aragon, même des nobles, s’étaient révoltés contre les exigences des Inquisiteurs castillans d’origine. Ceux-ci plus arrogants que jamais et imbus de leurs prérogatives s’ingéniaient à provoquer le mécontentement. Manassé se remémora les révoltes de Valence et de Lérida en 1485. Le paroxysme de la rébellion fut atteint lors du meurtre de l’Inquisiteur Pedro de Arbues à Saragosse. De féroces représailles eurent lieu par les soldats du Saint-Office. Les chefs de file du mouvement furent arrêtés ou exécutés. Tous ces évènements avaient renforcé le pouvoir de Torquemada lui permettant ainsi de se débarrasser de toute opposition. À ceci s’était ajouté le supposé meurtre rituel du Santo Niño de La Guardia en 1490. Les juifs étaient, comme souvent à cette époque, accusés d’utiliser le sang d’un enfant pour la confection des galettes symbolisant la pâque. Tous ces incidents furent imputés aux hérétiques pour justifier une prise en main du royaume.

    Ils avaient été rapportés en détail aux représentants de la communauté juive de Séville dont Manassé était l’un des dirigeants. En se remémorant ces évènements, il frissonnait. En effet, il craignait que les inquisiteurs ne se lancent dans une vaste offensive contre ses frères.

    Après avoir observé son visage sombre, sa femme essaya de trouver des mots de consolation :

    Ne te fais pas autant de soucis, le Seigneur nous protègera. Nous trouverons bien une solution pour vivre en paix. N’oublie pas que nous sommes en Espagne depuis plusieurs générations et que nous contribuons à la richesse du pays.

    Tu as peut-être raison, mais il faudra compter avec le fanatisme de Torquemada et de ses sbires du Saint-Office.

    Ne te mets pas en peine et viens dîner, il faudra te coucher tôt, car tu dois voir l’un de tes plus importants clients demain, en début de matinée.

    Oui, allons dîner.

    Puis, apostrophant son fils, qui, un calame à la main, semblait plongé dans une importante opération, il passa à table.

    CHAPITRE 2

    La journée du 31 mars 1492 se révéla funeste pour les communautés juives d’Espagne. En effet, sous l’influence de Torquemada, un édit royal fut promulgué. Il donnait quatre mois à la population concernée pour se convertir au christianisme ou quitter le pays avec de considérables restrictions quant aux biens qu’elle pouvait emporter avec elle. Ceci provoqua un émoi considérable dans les différentes communautés. Des lamentations s’élevèrent de partout. Les commerçants et artisans étaient désespérés et Manassé Mendès faisait partie du lot. Comment

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