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Les labyrinthes de l’oubli: Roman
Les labyrinthes de l’oubli: Roman
Les labyrinthes de l’oubli: Roman
Livre électronique251 pages3 heures

Les labyrinthes de l’oubli: Roman

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À propos de ce livre électronique

Une inconnue est trouvée inanimée au milieu d’une route nationale. Elle est amnésique et souffre de traumatismes qui laissent supposer qu’elle a été victime d’un accident de la route. Une de ses blessures reste pourtant inexplicable.
Un inspecteur de police s’occupe de son dossier pour découvrir son identité et la raison de sa présence dans cette ville de province où personne ne semble la connaître.
La femme verra les souvenirs lui revenir, fragmentaires et frustrants.
Au gré d’images retrouvées, de révélations et de confessions, le lecteur accompagne l’héroïne dans la découverte des atrocités du passé mais sera également plongé avec elle dans les horreurs du présent.

À PROPOS DE L'AUTEUR

D’origine britannique et élevé d’abord en Angleterre, John Ray a ensuite étudié en Belgique. De père anglais et de mère belge, il a été dès l’enfance au contact des cultures française et anglo-saxonne. Il a travaillé comme instituteur pendant trente-cinq ans. Marié, père de deux filles et grand-père de cinq petits-enfants, il habite Bruxelles. Parfaitement bilingue, il lit et écrit depuis toujours dans les deux langues. Les labyrinthes de l’oubli est son deuxième roman.
LangueFrançais
Date de sortie15 mai 2020
ISBN9791037707208
Les labyrinthes de l’oubli: Roman

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    Aperçu du livre

    Les labyrinthes de l’oubli - John Ray

    Chapitre 1

    Nuit et brouillard

    La route s’étend devant moi, telle une saignée de bitume à travers la forêt. La scène n’est éclairée que par une pleine lune en partie voilée par une brume envahissante. Je distingue à peine la ligne blanche qui me guide. Vers où ? Je ne le sais.

    Mon corps est secoué de tremblements. Tout ce que je fais est instinctif, mécanique, irréfléchi. Je trébuche plus que je ne marche, sans savoir ce qui m’est arrivé. Un bourdonnement continu emplit mes oreilles. Je m’arrête un instant pour essayer de comprendre. Ma blouse est couverte de ce qui semble être un liquide noir. Ma main gauche est enveloppée dans un linge détrempé. Le tissu paraît teinté du même fluide noirâtre. Une douleur lancinante émane des doigts de cette extrémité. C’est la seule chose que je ressens à présent. Je dois être en état de choc car je suis incapable de réfléchir, incapable même de me souvenir de quoi que ce soit. Le passé n’existe pas, j’espère qu’il y aura un futur.

    Je repars en titubant car je dois m’éloigner. C’est tout ce que je sais. Je dois continuer pour survivre, de cela je suis certaine.

    Un insecte se pose sur ma tête. Je le chasse de la main droite. En effleurant la peau, je me rends compte que j’ai une bosse énorme juste sous la ligne des cheveux. Je pousse un gémissement. Mon corps doit commencer à se réveiller car j’ai soudain mal partout. Je regarde la main que je viens de retirer de mon front. Elle est couverte de sang, de la même couleur que le goudron de la route. Je rassemble toutes mes forces pour poursuivre mon chemin. Ma vie en dépend. Je m’efforce de placer un pied devant l’autre pour progresser, si lente que soit cette progression. C’est maintenant que je me rends compte qu’il me manque une chaussure au pied droit. Dois-je enlever l’autre pour rendre ma démarche plus régulière ? J’aurais besoin des deux mains pour cela. Cela prendrait trop de temps dans ma situation. Je suis sûre que le temps n’est pas une chose dont je dispose librement. « Je dois continuer, je dois continuer, je dois continuer ». Je répète ces mots à haute voix comme un mantra, comme une prière. À moitié déchaussée, je clopine vers une destination inconnue.

    J’entends soudain un bruit derrière moi. Une lumière sort de la nuit et se braque sur moi. C’est une voiture. Je suis prise dans ses phares comme un lapin ou une biche. Je me retourne pour agiter les bras. L’effort nécessaire à cette action m’arrache un cri. La voiture freine en crissant des pneus. Je suis debout sur la ligne médiane, paralysée par la peur. Je vois dans le pare-brise du véhicule le visage horrifié d’une femme, la bouche ouverte, les yeux exorbités. Elle donne un coup de volant qui m’épargne au dernier moment. Je me jette enfin dans le fossé parcouru par un mince filet d’eau mais la voiture est déjà passée. Elle ne s’est pas arrêtée. Je suis trop endolorie pour ressentir la déception qui aurait dû m’envahir. Tout ce que je perçois, c’est l’humidité de la boue dans laquelle je me suis précipitée. Je me sens seule, abandonnée. Je me mets à sangloter. Peut-être est-ce une bonne chose. Je retrouve une forme d’humanité qui m’avait quittée. Depuis quand ? Je ne sais pas. Je me laisse aller. Je perds conscience.

    Quand je retrouve ma lucidité, plusieurs heures ont passé car je perçois les premières lueurs de l’aube à droite de la route. J’étais donc occupée à remonter vers le nord. Je dois repartir dans cette direction. Un effort surhumain me permet de me remettre debout. Mon corps n’est plus qu’une masse endolorie. Je grogne et je gémis avant de reprendre mon chemin de croix, sur le bas-côté de cette route sans fin, à présent noyée dans un épais brouillard. Je finirai bien par trouver un village, une habitation. J’ai besoin d’aide. Je sens que je ne pourrai pas m’en sortir toute seule. Plus la route s’allonge, plus je perds courage. À plusieurs reprises, des véhicules me dépassent sans me voir. Je n’ai même pas le réflexe d’essayer de les arrêter. Au bout de ce qui pourrait être une heure, je n’en peux plus. Je me couche sur l’asphalte, à bout de forces. Soit on me trouvera, soit une voiture me percutera. C’en sera alors fini. Je ne vois pas d’autre solution. Je suis trop lasse. Advienne que pourra. Allongée sur le dos, je regarde le ciel s’éclaircir. Le monde continuera, avec ou sans moi. Je ferme les yeux. L’univers commence à tourner.

    Je me mets à rêver.

    Chapitre 2

    Équation à une inconnue

    Je reviens à moi. Je suis toujours couchée sur le dos. Ma première pensée : me relever et continuer ma route. Mes paupières sont closes mais je me rends compte qu’il fait clair. Je réalise aussi que le sol n’est plus aussi dur. Je suis au contraire allongée sur un lit confortable. Je perçois des odeurs de désinfectant. J’ouvre les yeux à grande peine. Je reconnais les attributs d’une chambre d’hôpital : l’horloge et le téléviseur fixés au mur, le perroquet au-dessus de moi. En tournant la tête, je vois la machine de monitoring, les goutte-à-goutte suspendus à leur support mobile. En suivant les tuyaux d’alimentation, je vois qu’ils sont raccordés aux veines de mes poignets. Je sens l’arrivée d’oxygène insérée dans mes narines. Le drap est remonté jusqu’à mes épaules. Seuls mes bras sont visibles. Je ne vois pas mon corps, ce qui est probablement préférable. J’ai mal partout ; je pense qu’il n’y a pas une cellule de mon corps qui ne proteste pas, qui ne désire pas démissionner immédiatement. Je renonce à faire l’inventaire de mes douleurs. Ce serait fastidieux. Je m’assoupis à nouveau, je referme les yeux, je m’endors.

    [Je suis à nouveau couchée sur la route. La lumière de l’aube me permet de voir l’araignée qui grimpe le long de mon bras meurtri. Je n’ai pas le courage de la chasser. Elle se lasse vite de ma présence et retourne vers les fourrés. J’entends le « flop flop flop » des ailes de chauve-souris qui rasent le tarmac en m’ignorant. Des vers luisants entament un ballet nuptial en laissant leurs traînées lumineuses dans le néant. J’essaie de me rappeler quelque chose, n’importe quoi mais mon cerveau est vide.]

    [Émilie]

    [Je m’appelle Émilie, cela me revient maintenant. C’est peu de choses mais je m’y raccroche. Qui suis-je, d’où viens-je ? Je ne sais plus mais j’espère que cela me reviendra. Des sirènes fendent soudain le silence. J’entends un véhicule freiner. Des portières claquent. Des voix humaines résonnent. Je ne suis plus seule.]

    « Madame, madame ! »

    J’ouvre à nouveau les yeux. Un grand infirmier africain s’adresse à moi.

    « Madame, je suis content de vous voir consciente. On s’attendait à ce que cela arrive bientôt mais je m’impatientais. Heureux de faire votre connaissance. »

    Sa manière de rouler les « r » et d’allonger certaines syllabes m’indique qu’il a été éduqué dans son pays d’origine. Le badge sur son uniforme me décline son prénom : Martial.

    J’essaie de lui répondre. Je n’en ai pas encore la force.

    « On vous a maintenue dans un coma artificiel depuis votre admission. Le chef de service a estimé qu’on pouvait vous laisser vous réveiller présentement. »

    Je réussis enfin à faire de sorte que les premiers mots franchissent mes lèvres.

    « Combien de temps ? »

    Il comprend ce que je veux dire.

    « Les services de secours vous ont amenée aux urgences lundi matin, tôt. »

    En voyant mon incompréhension, il ajoute :

    « Nous sommes jeudi matin. »

    « Qu’est-ce qui m’est arrivé ? »

    Il prend un air gêné.

    « On ne sait pas exactement. On vous a trouvée sur la route à cinq kilomètres d’ici. Vous étiez en piteux état. L’équipe médicale a fait du bon travail. Je laisserai le chef de service vous expliquer tout ce qui concerne votre dossier médical. L’autre chose, c’est que les circonstances de votre accident sont inexpliquées. La police s’est présentée déjà trois fois. Ils nous appellent à longueur de journée pour savoir quand ils pourront vous interroger. »

    S’ils le font maintenant, il est certain qu’ils ne tireront pas grand-chose de moi.

    « Voulez-vous que je vous fasse votre toilette ? Je serai très doux, vous n’aurez pas mal. Vous vous sentirez peut-être un peu mieux quand vous serez rafraîchie. »

    Je me contente de hocher la tête. C’est suffisamment douloureux.

    « Je préviens le médecin pour qu’elle passe tout à l’heure vous donner toutes les explications concernant votre état. Ensuite je m’occupe de vous. »

    Son sourire et son enthousiasme me font du bien. Il s’éloigne pour passer un appel téléphonique avant d’entrer dans la salle de bains. Pendant qu’il s’affaire, j’essaie de retrouver mes marques.

    J’avais beau tenter de retourner en arrière, plus loin que la route nocturne, il n’y a absolument rien dans mes souvenirs. C’est le vide complet. Je ne dois surtout pas paniquer. La mémoire me reviendra sûrement. Quand mes soucis médicaux auront été surmontés, je devrais recouvrer mon histoire. Quelqu’un devrait se soucier de ma disparition et m’aider à retrouver mon passé. Des parents, des frères ou sœurs, un mari. Il doit y avoir des gens qui cherchent après moi.

    Martial ressort avec une bassine d’eau chaude, un distributeur de savon liquide et une éponge. Il s’installe à côté de mon lit et referme un rideau de séparation bien que nous soyons seuls. Il m’ôte précautionneusement ma tunique. Celle-ci n’a pas été passée à mes bras pour faciliter les habillages et déshabillages. Je vois alors une partie de l’étendue des dégâts. Un énorme hématome me décore le sternum et le sein droit. C’est probablement la marque d’une ceinture de sécurité. Plus bas, mes hanches sont bleues et noires, encore la faute à la ceinture sans doute. Je regarde plus bas encore pour constater qu’on m’a placé une sonde urinaire. Le liquide qui en sort est teinté de rouge. Je n’ai pas de blessure ouverte, du moins sur la face avant, mais des écorchures garnissent ma peau en de nombreux endroits surtout sur les jambes. C’est maintenant seulement que je remarque le gros bandage qui m’enveloppe la main gauche. J’ai envie de pleurer mais Martial a entrepris de me laver. L’eau chaude me soulage. Pendant qu’il s’occupe de moi, il se met à chanter un air de chez lui. Je ne peux m’empêcher de sourire. Il me tourne sur le côté pour me passer l’éponge sur l’arrière du corps. Quand il a fini, il utilise une serviette douce pour me tamponner. Il a la bonne technique car je ne ressens aucun inconfort. Il me replace sur le dos et remet la robe de chambre en place avant de remonter le drap.

    « Merci, Martial. Je me sens mieux. »

    « Avec plaisir. Je termine bientôt mon service mais je m’informerai de vos progrès, madame ? »

    Il laisse planer la question. Il attend que je lui précise mon identité.

    « Émilie. C’est tout ce dont je me souviens. »

    Il paraît contrit, peut-être troublé.

    « Au revoir, madame Émilie. À demain. »

    Il m’offre malgré tout un sourire étincelant avant de rapporter son matériel à la salle de bains et de s’éclipser discrètement en me lançant un signe de la main.

    Je suis triste de le voir disparaître. Il est la seule personne que je connaisse. La seule personne au monde. Cette constatation me remplit d’angoisse.

    Je regarde l’horloge murale. Je surveille l’aiguille des secondes dans sa marche circulaire inexorable en espérant qu’elle m’apporte des indices, un soupçon de ce qu’aurait pu être mon passé. Mais non, rien. Seul le présent existe. Ma seule mémoire concerne les quelques heures qui viennent de s’écouler. Mon univers se résume à une route nocturne et à cette chambre d’hôpital dans laquelle je souffre et me morfonds. J’ai peur.

    Une femme fait son entrée. Combien de temps s’est-il écoulé depuis le départ de Martial ? Je jette un regard sur l’horloge. Une heure. Si j’avais dû l’estimer, j’aurais eu beaucoup de mal. Cinq minutes ou un an, c’est actuellement du pareil au même. Elle est petite, sèche, les cheveux bruns courts et séparés par une raie sur le côté. Elle parle vite, comme si le temps lui était compté.

    Elle se présente : « Bonjour, Madame. Je suis le docteur Lecerf, chirurgienne, et je m’occupe de votre dossier. On m’a dit que vous étiez réveillée et que vous alliez mieux. Quand vous êtes arrivée aux urgences, lundi, on a commencé par vous laver pour pouvoir mieux vous examiner. Vous étiez couvertes d’écorchures et d’hématomes. Vos signes vitaux étaient bons mais vous étiez polytraumatisée. La bonne nouvelle c’est qu’aucun organe vital n’est touché. Seuls vos reins ont subi de légers dommages. Vous avez peut-être constaté la présence d’un peu de sang dans vos urines. Le problème se réglera tout seul dans les prochains jours. Vous avez plusieurs côtes froissées mais aucune fracture. Vous devez avoir des os en acier. On suppose que vous avez été blessée dans un accident de la route. Le choc contre le pare-brise ne vous a pas occasionné d’hématome sous-dural. »

    Pendant qu’elle me parle, elle consulte le monitoring, jette un coup d’œil aux graphiques qui décorent le pied de mon lit. Elle paraît hésiter. Elle a l’air ennuyée.

    Elle se lance :

    « Pendant qu’on procédait aux examens, le médecin urgentiste m’a appelée. La blessure la plus sérieuse qu’il avait constatée se situait au niveau du petit doigt à votre main gauche. Celui-ci était presque détaché au niveau de la phalange médiane. Quand je suis arrivée en salle d’opération, mon équipe était déjà présente et vous étiez anesthésiée. J’ai procédé à une intervention de microchirurgie pour rattacher les tendons sectionnés. Nous verrons d’ici peu de temps si l’opération est réussie. Dans le pire des cas, nous devrions réopérer pour amputer une partie du doigt mais la circulation sanguine semble se rétablir normalement. On vous a régulièrement changé les pansements et j’ai pu constater que cela semblait évoluer favorablement. Je suis donc optimiste. Pendant qu’on y était, je vous ai placé deux points de suture au front. Nous nous occuperons de l’aspect esthétique quand les agrafes auront été enlevées. Nous avons dans l’établissement des chirurgiens spécialisés en ce domaine. À terme, la cicatrice sera presque invisible. Je vous conseille simplement de ne pas vous regarder dans un miroir pendant quelques jours encore. Attendez que les œdèmes se résorbent. Vous ressemblez encore à un boxeur après un combat particulièrement difficile. »

    Elle réussit à me faire sourire malgré moi.

    Je vois qu’elle hésite à poursuivre.

    « Toutes les blessures pour lesquelles vous avez été soignée peuvent donc s’expliquer par un accident de voiture. Seule la grave coupure au doigt détonne. Elle semble avoir été causée par un outil tranchant. Ce pourrait être un couteau de ménage, par exemple. Votre main était d’ailleurs enveloppée dans un linge à votre arrivée. On m’a dit que c’était une serviette de cuisine. Le policier que j’ai rencontré mardi a émis l’hypothèse que vous auriez pu vous occasionner cette coupure à domicile et que, seule chez vous, vous auriez pu vous précipiter vers l’hôpital à bord de votre véhicule. Le stress et la perte de sang auraient pu constituer des éléments augmentant les risques de sinistre. L’inspecteur vous parlera de cet aspect-là lorsqu’il vous rencontrera. Je lui ai interdit la moindre entrevue tant que vous ne serez pas prête à subir un interrogatoire. C’est moi qui déciderai mais ce ne sera pas avant un ou deux jours au moins. »

    Je ne sais pas ce qu’il faut penser de tout ce qu’elle vient de me dire. Les deux seules personnes que j’ai rencontrées ont l’air d’en savoir beaucoup plus sur moi que j’en sais moi-même. C’est à la fois irritant et démoralisant.

    Le médecin poursuit :

    « L’infirmier m’a dit que vous aviez des pertes de mémoire. Ne vous en faites pas trop à ce propos. C’est une conséquence habituelle des accidents de la route. Nous verrons comment votre état évolue dans les prochaines heures. Un neurochirurgien fera tous les examens nécessaires en temps voulu, quand vous irez mieux. »

    Elle m’offre un sourire forcé comme une personne peu habituée à réconforter les patients stressés. Pour le moment ses compétences médicales importent plus à mes yeux. Elle examine encore le monitoring et se tourne vers moi.

    « Je vous laisse vous reposer. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me faire appeler. »

    Des questions ? J’aimerais savoir qui je suis. Comment je suis arrivée ici. Où se trouve ma famille. Où sont mes amis. Un voile noir de désespoir descend sur moi au moment où elle sort de la chambre. J’ai envie de pleurer à nouveau. Je ne peux pas. Je dois être forte. Je dois me concentrer pour trouver des réponses.

    [« Aide-toi et Dieu t’aidera »], c’est le dicton qui me revient à l’esprit. Je dois regarnir ma mémoire. Je dois recommencer à zéro. J’ai du pain sur la planche.

    Je vacille entre le sommeil et le réveil. Je perds à nouveau la notion du temps. Je sens qu’on s’occupe de moi de temps à autre. On me soigne, on me parle mais je ne comprends pas ce qu’on me dit. Je perds conscience régulièrement. Je rêve mais les songes se rapportent aux heures qui précèdent. Une sensation de brûlure dans l’entrejambe me réveille. Martial a remis le drap en place. Il m’a retiré la sonde urinaire.

    « Excusez-moi, Madame Émilie. J’ai profité du fait que vous dormiez pour vous débarrasser de ceci. », dit-il en tenant l’objet en main.

    « Vous avez bien fait, Martial, cela me permettra de me sentir un peu plus indépendante. »

    J’ai réussi à former une phrase complexe. Il y a du progrès.

    J’ai aussi réussi à sourire mais j’ai encore mal aux joues. Des larmes se forment aux coins de mes yeux.

    « Quel jour sommes-nous ? »

    « Vendredi, Madame Émilie. »

    Il range la sonde avant de poursuivre.

    « Vous serez libérée d’une de vos deux perfusions ce soir. Vous commencerez à manger des aliments solides. On vous administre encore des antibiotiques pendant plusieurs jours pour éviter les infections. », me dit-il en montrant ma main meurtrie.

    « Ensuite, vous serez pratiquement sur pied. Vous pourrez bientôt courir le marathon. »

    Il affiche un énorme sourire plein de dents.

    « Merci, Martial. Vous êtes mon meilleur ami. En fait, vous êtes mon seul ami jusqu’à présent. »

    « C’est gentil, Madame Émilie. Ce n’est que mon travail mais voir des patients retrouver la santé, c’est une belle récompense. Je vous fais votre toilette ? »

    « Si c’est aussi agréable que la première fois, oui, volontiers. »

    Il s’affaire auprès de moi. L’éponge humide et l’eau tiède me font un bien inexprimable. Je redeviens progressivement un être humain.

    « Je termine mon service dans quelques minutes. Y a-t-il encore une chose que je peux faire pour vous ? »

    J’hésite mais je dois savoir. 

    « Deux choses en fait. D’abord que

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