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Loin sont les peupliers - Tome 1: Dans la chaleur du béton
Loin sont les peupliers - Tome 1: Dans la chaleur du béton
Loin sont les peupliers - Tome 1: Dans la chaleur du béton
Livre électronique289 pages4 heures

Loin sont les peupliers - Tome 1: Dans la chaleur du béton

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À propos de ce livre électronique

Dans ce premier volet : « Loin sont les peupliers I », elle s’y dévoile peu à peu, timidement mais formellement, page après page en toute justice et dignité dans une auto-analyse clairvoyante, pleine de perspicacité, levant une part d’ombre mortifère sur son vécu et ses tourments affectifs, dus à un passé douloureux trop longtemps tenu captif dans l’obscurité.
Il était temps de lever le voile pour mettre son existence dans la vive lumière. Et cette rivière n’est sûrement pas un long fleuve tranquille. Remonter à la source était indispensable pour enfin comprendre, les graves séquelles causées par l’esclavage et les entraves portées par ses ancêtres. Seulement trois ou quatre générations la séparent des ravages causés par la SERVITUDE outrageusement liée à la NÉGRITUDE.
Alors Bény témoigne puissamment sur ses huit années de 1967 à 1975, avec sa petite sœur Christelle, nommée Tételle. En 1967 Bérénice a quatre ans et Christelle deux.
DEUX PETITES FILLES EN VELOURS POURPRES qui se débattent courageusement pour sortir d’un tourbillon délétère où le culte des ancêtres est roi. Toutefois, il est si difficile de le prétendre. C’est un constat tellement opaque ! Comment le distinguer ? Leur entourage, leur famille le savent-ils ? Leurs parents en ont-ils seulement conscience ?
Parviendront-elles à se libérer de leurs lourdes chaînes psychologiques dans la chaleur du béton, écorchant leur cœur, leur esprit et leur âme ?
Ce tome I est suivi d’un deuxième : Loin sont les peupliers II 1976-1987

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après avoir quitté la ville de CASTRES avec sa famille en 1968, la petite Bérénice Elisabeth Tatvit (épouse Gastian) a passé une partie de son enfance dans la banlieue sud de Lyon. Elle vit aujourd’hui depuis plus de vingt ans dans le Nord Isère, entourée de ses enfants et de son mari. Elle œuvre de différentes manières dans son village. À part ce don pour l’écriture, son métier actuel est orienté sur le domaine de la petite enfance. L’envie irrésistible de coucher sur le surfin l’histoire de toute sa parenté lui est apparue très soudainement un beau dimanche d’août 2011.
Son premier roman À l’ombre des peupliers a été publié (à compte d’auteur) en avril 2016.
LangueFrançais
Date de sortie29 nov. 2019
ISBN9791037703378
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    Aperçu du livre

    Loin sont les peupliers - Tome 1 - Bérénice Gastian

    Préface

    Si je me suis consciencieusement employée à retracer les quelques cinquante ans de vie de ma chère mamie, Louise Marie Manant, la poursuite de l’écriture de cette fresque historique a été pour moi plus facile à manœuvrer. Mais elle fut parfois douloureuse et ample de doléances muettes prêtes à exploser. En effet, ceux sont mes propres souvenirs d’enfance, d’adolescence et de jeune femme que j’ai couchés sur le papier.

    Pour le premier livre « À L’OMBRE DES PEUPLIERS », il a fallu creuser intensément dans ce que ma grand-mère m’avait confié bien des années plus tôt, plusieurs décennies en fait. C’est ainsi que quelques épisodes tout à fait authentiques, des maîtresses pierres ont refait surface. Toute la mémoire de Louise Marie BONNAVANT, épouse MANANT dite LOUISON/MALOU, a repris vie amoureusement. Les nobles sentiments en ont été magnifiés, amplifiés au paroxysme sous ma plume. N’est-ce pas le labeur de l’auteur de broder, d’habiller, de faire grandir harmonieusement le corps d’un texte ? Ce que je me suis appliquée à produire avec beaucoup d’émotion, dans le respect et la noblesse de chaque personnage mis en lumière, tout comme la médaille du Juste parmi les Nations de MALOU MANANT.

    En ce qui concerne ce deuxième tome couvrant vingt longues années en deux périodes, je n’ai pas eu à imaginer ou à inventer les faits concernant toutes les personnes, gravitant autour de moi. Mes souvenances dans les moindres détails sont exactes, criantes de vérité. Ce qui est en toute véracité le cas de A à Z, pour les deux poupons martyrs de Tételle et de Bény, qui furent touchés l’un à sa tête et l’autre à son pied. Ce qui est tout autant véridique vingt ans plus tard, avec les effets cicatrisants de la crème à vergetures des mains de Christelle offerte à Bérénice.

    Du premier soufflet paternel destructeur à la première remarque raciste enfantine blessante, tout est vrai. Mon cartable, je le portais sur le dos en partant à l’école primaire, juste après avoir brossé et façonné à la va-vite mes deux nattes, ceci est avéré. Le soleil de juin caressant gentiment mes jambes hâlées sous un ciel bleu, je l’ai vécu. Quant à l’ondée froide ou tiède mouillant mes cheveux noirs mal tressés, je l’ai effectivement ressentie sous la voûte grise.

    Cette même eau de pluie si rafraîchissante saturait immanquablement le bitume ou l’herbe tendre. Je le foulais ce sol de mes menus et légers pas de fillette en alerte. Je courrais très vite moi la môme Bérénice TATVIT, fièrement dans mes baskets roses ou bleues, jusqu’au petit banc d’écolier offrant à tous les enfants la connaissance. Cela est fondé.

    Donc ce livre ci, LOIN SONT LES PEUPLIERS 1 « dans la chaleur du béton » avec la puissance de ses mots oints avec soin, s’appliquera en toute justice et dignité à vous conduire en douceur, à la grande analyse clairvoyante qu’est le deuxième volume « LOIN SONT LES PEUPLIERS 2 ». Cette deuxième période ouvre la lumière sur une véritable libération, une guérison de l’âme et de l’esprit intimement liée à la grâce des hauts peupliers, eux toujours présents dans le lointain.

    Car, vous allez percevoir que la vie n’est sûrement pas un long fleuve tranquille.

    Alors, êtes-vous prêts à suivre la petite Bény dans son cheminement, son long parcours semé d’embûches, ses montagnes russes et finalement ses sentiers verdoyants pleins d’espérance ? Prenez-lui la main ! Voyagez avec elle ! Voyez plutôt…

    Bérénice TATVIT-GASTIAN, votre dévouée toujours.

    Deux petites filles en velours pourpre

    Période v 1967 – 1975

    La force vive des mots

    À vous les petits Tatvit,

    Aux enfants de la vraie vie,

    Aux « gones » de la lumière,

    À l’avenir qui s’en vient d’hier.

    Pour parvenir jusqu’au lendemain

    Et bien combler votre grande faim,

    La mort léguée, la vie en héritage donnée

    Tout est dit et pour sûr…tout est pardonné.

    Bérénice GASTIAN

    Cet ouvrage n’est pas une œuvre de fiction, c’est l’histoire de ma vie, un puissant livre de souvenirs que je partage aujourd’hui avec autrui, à la grâce d’Être et de Devenir.

    Bérénice Élisabeth (TATVIT) GASTIAN

    Les caramels tendres et le poêle à charbon

    Théodore TATVIT sortit de son portefeuille en cuir noir un billet de cinquante francs. Il paya la course et attendit la monnaie. Je regardais à travers la vitre de la portière arrière l’immense bâtisse en vieilles pierres grises, devant laquelle le véhicule qui nous avait transportés jusqu’ici était garé.

    Le dessus du bâtiment était pourvu de plusieurs toits biscornus, dont celui du milieu possédait un imposant beffroi montant dans le ciel. Il était tout comme une grosse cheminée à quatre côtés et offrait au regard de tous, en caractères gravés en pourpre, les cinq lettres de la ville en géantes lettres bâtons. Ce long cube vertical se terminait par quatre énormes horloges en forme de cercles, sans chiffre, car seuls huit points et quatre tirés sur chaque face distribuaient l’heure à la ronde et indiquait presque quatorze heures. Bien au-dessus d’une forte porte rectangulaire à deux battants grands ouverts, se trouvait sur un écriteau blanc en inscription bleue et bien plus modeste, GARE DE DINAN.

    Le chauffeur se dirigea vers l’arrière de sa Citroën DS noire, en ouvrit le coffre avec précaution et attrapa les deux valises. L’une verte claire à points obscurs minuscules était bien plus lourde que la seconde, d’un coloris très sombre. Il les déposa sur le trottoir. À côté de la portière gauche, Josépha TATVIT ne lâchait en aucune façon la menotte de sa fille, tout juste deux ans depuis cinq jours. Elle arrangea son sac en bandoulière, après avoir défroissé le devant de son beau manteau rouge et s’empara du bagage le moins pesant des deux, aussi gris que le ciel menaçant. Aussitôt, elle prit la direction de l’imposante porte, où beaucoup de gens s’engouffraient, en soutenant Christelle marchant à petits pas juste dans son sillage.

    Papa ouvrit la portière du côté où j’étais assise, au moment où les premières fines gouttes de pluie s’écrasaient sur le sol. Il baissa la tête devant moi à hauteur de mes yeux et m’ordonna avec l’autorité qui le caractérisait :

    — Allez, Bérénice ! Descends du taxi au lieu de rêver !

    J’étais déçue car je m’apprêtai à rejoindre maman, comme Christelle. Je souhaitais si fort moi aussi la douceur de la paume maternelle. J’obéis donc dans un violent ou contraint silence en mettant ma main menue, dans celle large de mon père et en enjambant le caniveau. De son autre poigne, il soupesa le « paquetage » qui me paraissait volumineux. Ensuite, il avança d’un bon pas sous la fine averse, avec sa grosse malle accrochée à ses doigts. Il m’entraîna dans sa foulée athlétique. Le « baluchon en prison » dans sa paluche droite semblait tellement léger ; quand moi, je galopais, attachée à son côté gauche. En franchissant la double porte, j’étais persuadée qu’il ferait moins froid dedans. Mais la gare, si vaste à mes yeux d’enfant, était pleine de courants d’air avec toutes ces ouvertures déversant sans cesse, des flots de passagers se hâtant dans leurs parcours.

    Installées toutes les trois contre l’un des murs massifs, sur des banquettes usagées de couleur marron en simili cuir, nous patientâmes. Tandis que papa alla au guichet pour se renseigner sur l’arrivée toute prochaine de notre train. Je tournai la tête d’un côté et de l’autre et la levai, pour observer également le plafond très haut. L’odeur du tabac froid, me rappelant des senteurs de caramels durs, imprégnait l’air ambiant du grand hall de la gare, où nous étions assises, maman, Christelle et moi. Nous étions l’une à sa droite et l’autre à sa gauche, l’entourant telles des gardes du corps miniatures.

    Théodore revint vers nous au bout de quelques secondes et déclara à Josépha :

    — Notre train part bien à quatorze heures treize comme prévu, dans dix minutes. Allons l’attendre sur le quai !

    Maman se chargea de Christelle de l’un de ses bras. Papa se saisit de ma main. Et nous descendîmes prudemment tous les quatre, bagages compris, des escaliers bien sombres suivis d’un tunnel tout aussi lugubre et puant l’urine. Nous le traversâmes très vite pour nous retrouver sur le quai, à l’abri de l’averse mais balayé par le vent glacial de fin janvier, où je remarquai et observai plus particulièrement les jambes, les bas de pantalons et des manteaux, les bottes et les chaussures des passants et des passantes pressés. De parfaits inconnus, anonymes indifférents, nous croisaient en vitesse en tenant fermement leurs valises ou leurs sacoches, de diverses dimensions.

    Assise sur le siège près de la vitre humide j’étais satisfaite, enfin très contente d’être accolée à maman. Christelle quant à elle était sur les genoux de papa juste en face de nous. Ce compartiment notre père l’avait repéré et finalement choisi, cela étant son affaire… Le regard de ma petite sœur était réellement aux premières loges, pour admirer le fabuleux ou fou spectacle du dehors, dont elle n’avait que faire…

    La locomotive s’ébranla très lentement. Je scrutai le long bâtiment de la gare s’étirant doucement, ainsi que les immeubles à deux ou trois étages. Toutes les maisons à colombages (d’une autre époque) passèrent devant la vitrine mouillée. Cette baie large et rectangulaire j’y avais carrément posé mon nez dessus. Et devant mes narines, il se forma un minuscule rond de buée. Papa se redressa, se leva et me donna une pichenette sur la tête. Il m’ordonna avec fermeté de ne pas coller ma bouche, qui exprimait un Ô de surprise, sur la glace dégoûtante. Je reculai donc, sans toutefois ôter mes yeux de ce paysage fascinant qui s’enfuyait devant mon visage.

    Tout d’abord, cela se produisit avec une extrême lenteur. Le terroir fila ensuite à une allure de plus en plus rapide, folle, qui me subjugua. Dans ma tendre naïveté, le panorama emportait tout sur son passage tel un tsunami : Les arbres, les habitations, les routes, les rivières, les champs, les vaches et les moutons dans les prairies disparaissaient. Pendant ce temps, je dessinais de mes yeux « du sur place » sans rien… capter au formulaire.

    À cette heure précise, quatorze heures quinze, la jolie bourgade pluvieuse de DINAN et plus particulièrement son centre-ville moyenâgeux, qui nous avait si bien accueillis et où nous avions élu domicile pendant plus de dix-huit mois, nous faussa compagnie. Et c’est ce que je crus fermement du haut de mes trois incultes et non moins mesquines années, à peine dépassées.

    ***

    Mi-septembre 1966, j’avais effectué ma toute première rentrée scolaire chez les petits, d’une école maternelle de Dinan. Je n’y restais que le matin et je m’y sentis au départ tout à fait perdue et abandonnée, sans maman et Christelle que je n’avais auparavant jamais quittées. Cependant, je finis par m’y habituer. En fait, j’avais remarqué que la classe était plutôt intéressante et bien agencée avec tous ses exigus bureaux, courtes tables et étroits caissons pleins de crayons de couleur, papiers, livres ludiques et jeux de société. Sans oublier qu’il y avait un spacieux coin cuisine, avec dînette et poupons bien roses. De plus, la cour de récréation était pourvue de plusieurs jouets d’extérieur, à expérimenter sans modération.

    J’avais pareillement des camarades de mon âge avec qui je m’amusais, surtout deux qui s’appelaient Sylvie et Nathalie entre autres. Elles avaient toutes les deux les cheveux aussi raides, blonds et longs avec bandeaux blancs à la mode, que les miens étaient noirs, frisés et domptés par deux élastiques aux brillants fruits bien rouges. Il y avait également de plus grandes filles approchant des six ans. Beaucoup plus effrontées que je ne le serai jamais, elles étaient très gentilles avec moi, la petite nouvelle toute timide, au regard sombre et à la belle couleur ambrée. Si bien qu’une certaine Françoise, une jolie gamine hardie à la chevelure rousse ondulante, aux yeux noisette qui avaient le pouvoir de virer vers un magnifique vert exclusif et aux taches de son, m’avait pris sous son aile protectrice les premiers jours.

    Tous les après-midis, nous étions à la sieste Christelle et moi-même, dans notre chambrette sous les combles tout à côté de celle de papa et de maman. Nous avions vécu dans cette modeste et ancienne maison à colombages. Une habitation en duplex que nos parents avaient louée pendant un an et demi. Elle se situait à moins d’un kilomètre au nord-ouest de la cité médiévale, sur la route menant à l’océan, la Manche, en direction de Saint-Malo. Notre lieu de villégiature fort bucolique n’était pas très éloigné non plus, de la magnifique vallée de la Rance. Le logis comportait donc un étage. On y accédait par des escaliers droits et étroits en bois qui inquiétaient notre mère, face à la témérité de sa dernière. Car elle crapahutait partout avant même d’avoir atteint les dix mois.

    Elle avait eu de l’avance pour son très jeune âge, Christelle. Que ce soit pour ses deux premières quenottes qui avaient percé avant ses deux mois et demi, ses premiers pas bien téméraires à neuf mois ou sa propreté totale avant ses dix-huit mois. Pareillement, elle avait été très éveillée avec sa ribambelle de mots, ou plutôt ses progressives et savantes phrases avec sujet, verbe et complément. Elle s’exprimait joyeusement ou parfois avec grand sérieux, avant qu’elle eût atteint ses deux ans. Et même si au début, sa prononciation avait été approximative, elle parvenait à se faire très bien comprendre ma sœurette « Tételle », comme je la nommais alors.

    Si bien que maman, face à la précocité de sa cadette partante pour prospecter tout son monde, avait disposé une sorte d’obstacle de fortune, juste devant la montée d’escaliers. Elle avait utilisé une partie du parc en bois qui ne servait plus guère. Pour sûr, le tour en avait été trop vite parcouru. Les deux petiotes, que nous étions, se sentaient terriblement emprisonnées derrière les quatre barreaux en pin, de cette cage aussi large qu’un ring de boxe pour fourmis. Avec l’autre morceau de la barrière, Josépha nous avait interdit l’alcôve de la cuisine. Elle avait décrété que l’entière salle à manger bien lumineuse, rectangulaire et dépourvue de tout l’électroménager, nous suffisait amplement. Au grand dam de Christelle !

    En effet, l’aventureuse et fluette exploratrice haute comme trois pommes aurait bien franchi toutes les barricades, à la seule force de ces menottes hardies et de ses yeux brillants de curiosité, à la manière du courageux marmot « Gavroche » …

    Je suivais donc Tételle partout, en grande sœur aînée et responsable que je l’étais, peut-être pour la protéger de sa témérité, de sa débrouillardise autant que pour reluire et m’amuser avec elle, me semblait-il, sans le moindre faux et haut Reproche…

    ***

    Alors voilà que maintenant, en ce début d’année 1967, le train qui nous ramenait vers le Sud sifflait à grande vitesse, traversant la France du Nord-ouest en Sud-ouest. Il fit même un petit crochet par la Capitale. Car à PARIS, nous attendrait notre correspondance le surlendemain pour CASTRES. En effet, nous étions espérés, chez cousine Marie Violette et Pierre son époux qui étaient eux domiciliés en Île-de-France, depuis près de six mois. La jeune femme de tout juste vingt ans avait suivi son mari qui occupait un poste en région parisienne, laissant le domaine des 12 Platanes dans l’Aude, ses parents Marcel et Lucette ainsi que son frère Thierry.

    Le couple fut enchanté de recevoir deux jours durant, Josépha et Teddy avec leurs adorables petites filles. Il fut heureux de les guider pour la visite de certains monuments à contempler, particulièrement la Tour Eiffel que nous n’avions encore jamais vue.

    Nous avions d’ailleurs pu admirer la ville, en nous élevant jusqu’au deuxième étage de cette grande dame de fer. Nos parents s’en souvinrent très bien du haut de ce remarquable édifice. Mais pour les fillettes de deux et trois ans que nous étions et bien que hissées dans leurs bras, ce fut le néant. Aucun noble souvenir notoire et tangible ne vint bousculer notre mémoire.

    C’est ainsi que la famille TATVIT retourna aux sources en février 1967, à Lardaillé CASTRES. Nous fûmes accueillis au tout début de ce même mois, chez Louise Marie notre tendre mamie que nous aimions avec beaucoup d’attachement. Nous logeâmes quelque temps dans son pavillon, à la suite d’un camion de démeublement. En fait, les « Déménageurs BRETONS » était parti le matin même de notre départ de Dinan, avec tous nos effets personnels. Après que Théodore (sous-officier de l’armée de terre) eut été muté pour dix-huit mois à partir de juillet 1965, en Bretagne, dans le département des Côtes du Nord (rebaptisé COTES D’ARMOR). Une magnifique région où nous avions vécu jusqu’au 31 janvier 1967.

    ***

    Tout au long de ce mois de février avec Tételle, nous observâmes mémé Mathurine, assise très droite sur son fauteuil à bascule à haut dossier. Son chignon bas bien chenu et une raie au milieu lui conféraient un fin visage frêle, ridé, d’une blancheur diaphane. Ses cheveux étaient tenus par deux peignes gris très clairs que l’on remarquait à peine derrière sa tête. Elle se balançait tout doucement devant nous sans faire le moindre bruit, toute menue, fragile et vêtue de son éternelle robe anthracite, recouverte d’un tablier lui aussi gris et légèrement plus clair. Celui-ci comportait plusieurs poches dans lesquelles elle gardait certains de ses fameux trésors. Comme ces caramels durs qu’elle aimait sucer, tout au long de ses journées qui devaient être bien longues. Son siège était légèrement éloigné du poêle à charbon, auprès duquel la chaleur était trop forte même en cette fin d’hiver.

    ***

    Depuis quelque temps, Mathurine ne bougeait guère plus, ne se déplaçant de son moelleux fauteuil que pour rejoindre sa chambre ou aller aux toilettes. Toutes ces activités étant bien les seules qu’elle pouvait encore se permettre, avec grandes difficultés et toujours aidée soit de sa fille, Louison, ou de ses petites filles. Elle n’avait plus beaucoup de force à quatre-vingt-sept ans, notre arrière arrière-grand-mère. Il fallait réellement une bonne organisation de la part de Louise Marie et de ses filles, pour que la vieille dame ne se retrouve jamais seule, depuis que cette dernière était lourdement tombée, et cela à deux reprises.

    Lors de sa première chute, dans sa maison à Labucaur quelques six mois plus tôt, elle s’était malencontreusement fêlé le col du fémur. Une sombre deuxième culbute avait suivi la première à Lardaillé fin mars. Et à l’appui de cette dernière, une fracture de ce même col du fémur avait été constatée par le médecin. La blessure n’étant pas opérable dans son grand âge, elle laissait malheureusement supposer ou présager une fin toute prochaine.

    Mais maintenant, Josépha et sa famille étaient à la maison, depuis près de huit semaines. La jeune femme apportait son concours et son aide à sa mère et surtout à sa grand-mère. La douairière souffrait de plus en plus fortement de ses maux qui avaient été causés par sa vilaine cassure, en plus de ceux inhérents à la vieillesse. Ces affreuses escarres d’immobilité ne lui laissaient plus beaucoup de répit, dans toutes ses douleurs à supporter jour après jour et qui nécessitaient de nombreux soins. D’autre part, Josépha s’était rendu compte qu’elle attendait son troisième enfant qui devrait naître très probablement en septembre, dans moins de six mois.

    ***

    Fascinées nous scrutions donc mémé Mathurine, toujours aussi droite sur son assise et il nous sembla que son visage arborait un sourire, derrière sa souffrance physique. En effet, elle nous souriait à nous, ses deux arrière-petites-filles. Elle sortit de sa bouche quelque chose qu’elle prit dans sa maigre main veinée et marquée par les années. Elle me le tendit et je le reconnus. Il s’agissait d’un bonbon, d’un caramel dur qu’elle avait à moitié mâchouillé. Je m’empressai de saisir cette douceur sucrée, ce cadeau de ma mémé qu’elle m’offrait pour que je m’en régale à mon tour, après elle.

    Mathurine eut les mêmes gestes apprêtés envers Christelle. De l’une de ses menottes agiles, Tételle se hâta d’attraper la moitié du caramel dur en se tenant à son siège, au niveau de ses genoux, sans toucher ceux-ci. De son autre main, elle mit avec gourmandise la friandise sur sa langue, au moment où Louise Marie pénétrait dans la salle à manger. Nous savions toutes les deux, avisées que nous l’étions : Nous ne devions absolument pas toucher la jambe brisée et endolorie de mémé. Christelle observant mamie, elle lui déclara la bouche pleine, juste avant que je n’appuie son commentaire : 

    — J’ai vu mes cocottes… Ce n’est pas bien grave.

    Louise Marie s’approcha du tableau de la « rombière » chaleureusement entourée de ses deux mineures commères, ou menues « concierges » prodigieusement effarouchées. Elle regarda sa mère gentiment dans les yeux en se baissant. En posant doucement les mains sur ses maigres

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