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Manuel de droit du travail
Manuel de droit du travail
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Livre électronique1 020 pages10 heures

Manuel de droit du travail

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À propos de ce livre électronique

Ce manuel a été conçu et rédigé à l’intention des étudiants du bachelier en droit de l’Université de Liège. Ecrit à quatre mains, il est le fruit d’un dialogue constant entre les deux auteurs, co-titulaires du cours de droit du travail depuis une dizaine d’années. Pour des raisons tenant tant au projet pédagogique qu’à l’obsolescence du droit positif, il a été nécessaire de trouver un équilibre entre les normes structurantes du droit du travail, en principe durables, et les règles concrètes, changeantes ; le souhait est de planter les jalons dont l’étudiant se souviendra après ses études tout en lui donnant les outils nécessaires pour jeter un regard critique sur le droit du travail. Il s’agit de faire percevoir que celui-ci est une composante du système socio-économique, un instrument pour la conduite des affaires de la Cité, une ligne de conduite pour la gestion des entreprises, un déterminant de la vie professionnelle de millions de travailleurs. Les auteurs ont donc choisi de s’en tenir à l’essentiel du droit du travail ; le lecteur, qu’il soit étudiant ou juriste accompli, consultera les études auxquelles il est fait référence pour approfondir ses connaissances ou trouver les éléments de réponse à des questions plus précises ou nouvelles. Après un chapitre introductif consacré à la genèse et aux sources du droit du travail, l’ouvrage est divisé en deux parties, l’une consacrée aux relations collectives et l’autre à la relation individuelle de travail. Le lecteur dispose d’un lexique français/néerlandais ; en outre, la table des matières est rédigée dans les deux langues.
LangueFrançais
Date de sortie20 oct. 2014
ISBN9782804476243
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    Aperçu du livre

    Manuel de droit du travail - Jacques Clesse

    couverturepagetitre

    Cette collection a pour vocation de publier des traités pédagogiques et synthétiques dans des matières fondamentales du droit. Rédigés par de brillants professeurs de la Faculté de droit de Liège, ces ouvrages s’adressent aussi bien aux étudiants qu’aux praticiens qui pourront s’appuyer sur ces études ancrées dans l’actualité et de haute qualité scientifique.

    Dans la même collection :

    Christian BEHRENDT et Frédéric BOUHON, Introduction à la Théorie générale de l’État – Manuel, 3e édition, 2014

    Christian BEHRENDT et Frédéric BOUHON, Introduction à la Théorie générale de l’État – Recueil de textes, 2e édition, 2014

    Melchior WATHELET, Jonathan WILDEMEERSCH, Contentieux européen, Tomes 1 et 2, 2e édition, 2014

    Paul DELNOY, Pierre MOREAU, Les libéralités et les successions, 4e édition, 2013

    Nicolas THIRION, Thierry DELVAUX, et alii, Droit de l’entreprise, 2012

    Pascale LECOCQ, Manuel de droit des biens. Tome 1 Biens et propriétés, 2012

    Ann Lawrence DURVIAUX, Ingrid GABRIEL, Droit administratif. Tome 2. Les entreprises publiques locales en Région wallonne, 2e édition, 2012

    Ann Lawrence DURVIAUX, Damien FISSE, Droit de la fonction publique, 2012

    Michel FRANCHIMONT, Ann JACOBS, Adrien MASSET, Manuel de procédure pénale, 4e édition, 2012

    Éric GEERKENS, Paul DELNOY, Aurélie BRUYÈRE, Anne-Lise SIBONY, Cécile NISSEN, Méthodologie juridique. Méthodologie de la recherche documentaire juridique, 4e édition, 2011

    Ann Lawrence DURVIAUX, avec la collaboration de Damien Fisse, Droit administratif. Tome 1. L’action publique, 2011

    Nicolas THIRION, Théories du droit. Droit, pouvoir, savoir, 2011

    Georges de LEVAL, Frédéric GEORGES, Précis de droit judiciaire. Tome 1. Les institutions judiciaires : organisation et éléments de compétence, 2010

    Yves-Henri LELEU, Droit des personnes et des familles, 2e édition, 2010

    Gilles GENICOT, Droit médical et biomédical, 2010

    Paul LEWALLE, Contentieux administratif, 3e édition, 2008

    Paul DELNOY, Éléments de méthodologie juridique, 3e édition, 2008 (revue et corrigée en 2009)

    Jean-François GERKENS, Droit privé comparé, 2007

    Michel PÂQUES, Droit public élémentaire en quinze leçons, 2005

    Georges de LEVAL, Éléments de procédure civile, 2e édition, 2005

    Sean VAN RAEPENBUSCH, Droit institutionnel de l’Union européenne, 4e édition, 2005

    Louis MICHEL, Les nouveaux enjeux de la politique étrangère belge, 2003

    Paul MARTENS, Théories du droit et pensée juridique contemporaine, 2003

    Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larciergroup.com.

    © Groupe Larcier s.a., 2014

    Éditions Larcier

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    EAN 978-2-8044-7624-3

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    AVANT-PROPOS

    Cet ouvrage a été conçu et rédigé à l’intention des étudiants qui suivent l’enseignement du droit du travail à la faculté de droit de Liège. Le premier objectif fut de réunir et de transmettre les éléments de cette branche du droit privé en ne dépassant pas un volume acceptable par les étudiants. La densité mais aussi l’évolution permanente du droit du travail ont imposé des choix. Ceux-ci ont été opérés, pour une bonne partie, en fonction des orientations pédagogiques. Contrairement à certains manuels de facture plus classique, la réglementation du travail et le marché du travail n’ont pas été traités distinctement mais intégrés dans le droit du contrat de travail. D’anciennes querelles, sans impact sur le droit positif, n’ont pas été examinées. Des controverses non stabilisées, bien qu’elles fassent l’actualité, n’ont reçu qu’un faible écho. En revanche, des développements plus longs ont parfois été consacrés à des problèmes dont les solutions sont inscrites, en tout cas temporairement, dans la structure du droit en vigueur. Le souci de privilégier les éléments durables a conduit, souvent, à écarter des réglementations récentes qui n’ont pas perdu leur caractère circonstanciel. Pour la même raison, une nette préférence a été donnée aux arrêts de la Cour de cassation et de la Cour constitutionnelle ; les décisions du juge du fond, souvent porteuses d’innovation, n’ont été abordées que de façon sporadique.

    Cependant, notre vœu est que ce manuel puisse également présenter une utilité pour les juristes qui portent un intérêt à la connaissance et la mise en œuvre du droit du travail. Dans une discipline aussi mouvante, étroitement liée à la chose économique, sous l’influence des conflits de valeur qui traversent la société, il peut y avoir avantage à revenir aux lignes de force, aux traits dominants. La maîtrise de ceux-ci permet d’apporter aux questions nouvelles des réponses instruites des connaissances acquises.

    Une étude juridique est le maillon d’une chaîne. Elle se nourrit des travaux antérieurs, souvent pour y trouver un appui, parfois pour s’en distancer. Raison pour laquelle une large place, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité, a été accordée à la doctrine. Parmi celle-ci, les écrits de nos prédécesseurs à la chaire de droit social de la faculté de droit de Liège tiennent une position cardinale. La Théorie des relations collectives du travail en droit belge de M. L. François, le traité en deux tomes de Mme M. Jamoulle sur Le contrat de travail, ont contribué de manière majeure à la connaissance du droit du travail de notre pays. Ils ont également façonné notre approche de cette discipline.

    Enfin, nous tenons à exprimer notre gratitude pour l’aide qu’ils nous ont apportée aux anciens assistantes et assistants du service de droit social : Sylvie Bredael, Valérie Lauvaux, Denis Barth, Chloé Dumont, François-Xavier Istasse, Vincent Lamberts, Raphaël Malagnini, Julien Bartholomé, Perrine Maisetti, Damien Frère, Sabine Cornélis, Aurélie Mortier, Guillaume Gailliet, Olivier Coenegrachts, Alice Leboutte et Quentin Detienne.

    CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

    SECTION 1

    Origine et évolution du droit social

    1. Le corps de règles regroupé communément sous l’appellation droit social trouve son origine dans la question sociale, ou encore question ouvrière, apparue au XIXe siècle. La question ouvrière est elle-même née de la condition misérable des ouvriers. Ce qui faisait question n’était pas tant la réalité de cette misère que l’utilité d’y porter remède.

    Appréhender la condition des travailleurs au XIXe siècle requiert un détour par la situation à la fin de l’Ancien Régime.

    § 1. – L’A

    NCIEN

    R

    ÉGIME

    2. Le régime corporatif ¹ n’était pas la seule forme d’organisation professionnelle connue sous l’Ancien Régime ; il existait des « métiers libres », soumis à d’autres règles et à une autre discipline ; de même, les manufactures, qui se sont développées parallèlement aux corporations, avaient une organisation professionnelle moins poussée, mais néanmoins fort contraignante ². Le régime corporatif était toutefois la forme principale d’organisation du travail. À quelques exceptions près, l’appartenance à la corporation était obligatoire pour exercer l’industrie ou le commerce ; l’institution a pris progressivement les allures d’une autorité réglementaire, marquée par l’absolutisme royal, au sein de laquelle s’élaborait l’essentiel de la réglementation professionnelle ³. Celle-ci n’était guère inspirée du souci de protéger les travailleurs – alors désignés sous le nom de compagnons ou apprentis – même si diverses dispositions servaient indirectement leurs intérêts : le repos du dimanche ⁴ et des veilles de fêtes s’expliquait au moins partiellement par des raisons religieuses ⁵ ; la prohibition du travail de nuit était justifiée par la crainte des incendies ; l’interdiction du travail à domicile visait, quant à elle, à protéger les maîtres-artisans contre la concurrence éventuelle des ouvriers, tandis que la réglementation des salaires visait à empêcher l’augmentation de ceux-ci pour éviter la hausse des prix ⁶. Par ailleurs, l’intérêt des patrons et des ouvriers était déclaré commun ; l’ordre public était perturbé par une mésentente entre eux ; l’application des règlements du travail était confiée aux autorités de police ⁷.

    Les corporations ne présentaient cependant pas que des inconvénients pour les compagnons et apprentis : les salaires semblent y avoir été relativement élevés, les relations avec le maître souvent très étroites (logement et repas en commun) ; quelquefois, les compagnons étaient aidés par des caisses de secours mutuel. Le climat communautaire et la cohésion sociale soigneusement entretenus notamment par de nombreuses fêtes et cérémonies (fête d’un saint patron, célébration corporative des enterrements de confrères) contribuèrent à rendre acceptable le sort des compagnons et apprentis et retardèrent l’apparition du sentiment d’appartenance à une catégorie sociale bien identifiée ⁸.

    § 2. – L’

    INDIVIDUALISME

    LIBÉRAL

    3. L’avènement du libéralisme et de l’individualisme dans l’ordre politique et économique, à partir de 1789, va imprégner la conception juridique de la relation de travail. Dans l’ordre juridique, l’une des manifestations les plus significatives de l’idéologie du temps tient dans le dogme de l’autonomie de la volonté individuelle des parties. Les citoyens, libres et égaux, peuvent, par leur volonté souveraine, aménager comme ils l’entendent, leurs rapports juridiques. Rien n’est plus étranger au libéralisme que l’idée d’une intervention de l’État dans les rapports contractuels, notamment dans les relations de travail, parce qu’une telle intervention se heurterait au principe de la liberté des citoyens ⁹. La mission de l’État se borne à recevoir l’accord des parties et à garantir l’exécution des conventions. Il ne peut être question de peser sur leur contenu. C’est aussi au nom de l’égalité juridique que l’on demande la suppression des différences de régimes entre les individus. L’État violerait le principe d’égalité s’il légiférait pour une partie de la population ; il lui accorderait un privilège. Ainsi, s’oppose-t-on à la création d’un droit propre aux travailleurs ¹⁰.

    En 1791, se mettent en place les premières structures juridiques du libéralisme. Tout d’abord, la loi des 2-17 mars 1791, dite décret d’Allarde ¹¹, en vigueur en Belgique depuis 1795 jusqu’en 2013 ¹², abolit les corporations et proclame la liberté du travail ¹³. Toute personne est désormais libre de travailler ou de ne pas travailler, d’entreprendre ou ne de pas entreprendre, sans s’inscrire dans le mouvement corporatif, à la condition toutefois de payer une patente.

    On aurait pu croire que, férue de liberté, l’Assemblée constituante française laisserait à chaque partie la possibilité de choisir, pour la défense de ses intérêts, la méthode et l’organisation qui lui convenaient le mieux ¹⁴. Ce ne fut pas le cas ; pour renforcer la liberté du travail, l’assemblée interdit, par la loi Le Chapelier des 14-17 juin 1791 ¹⁵- ¹⁶, les associations professionnelles et les coalitions suspectes, à ses yeux ¹⁷, de mettre en péril cette liberté conçue de façon strictement individuelle ¹⁸. Cette loi condamne toute idée d’un intérêt collectif et professionnel.

    Quant à la relation individuelle de travail, abandonnée à l’autonomie des volontés, elle est conçue, sous l’influence de la tradition romaine ¹⁹, comme un contrat de louage. Le service mis en location est une marchandise, un bien, dont le prix est fixé selon la loi de l’offre et de la demande ²⁰. La subordination de l’ouvrier à l’égard du patron permet à celui-ci de s’assurer la maîtrise de la force de travail à l’instar du locataire prenant possession de la chose louée ²¹. Le Code civil de 1804 ne consacre à ce contrat que deux dispositions ; l’article 1780, interdisant les engagements à vie du travailleur, tend à empêcher le retour au servage ²² ; l’article 1781, relatif à la preuve dans le contrat de louage de services, rompt avec le principe fondamental d’égalité, en privilégiant la parole du patron lorsqu’une contestation s’élevait entre lui et son ouvrier au sujet du montant et du paiement du salaire ²³.

    Le Code pénal de 1810, prolongeant la loi Le Chapelier, confirme l’interdiction des coalitions, tant celle des ouvriers que celle des employeurs, mais la répression de ces dernières est plus légère. Ce Code demeurera en vigueur en Belgique jusqu’en 1867, malgré la disposition constitutionnelle proclamant la liberté d’association. Le nouveau Code pénal de 1867 réprime les pressions exercées en vue d’enchérir ou de baisser les salaires au moyen d’injures, violences, etc. ainsi que les atteintes à la liberté du travail résultant de piquets de grève. Toutefois, il n’interdit plus formellement la coalition en tant que telle ; grâce à cette modification vont pouvoir s’organiser au grand jour des caisses de solidarité ouvrière qui, jusque-là, fonctionnaient clandestinement.

    4. Ce dispositif légal eut pour conséquence d’imposer la négociation des conditions de travail par deux individus isolés, réputés fictivement égaux ; toute forme de négociation collective était radicalement interdite. Le libéralisme se traduit également par une concurrence à peu près illimitée tant entre les employeurs qu’entre les travailleurs. Si un employeur se laisse convaincre d’augmenter les salaires de ses ouvriers, il s’expose immanquablement à une perte de profit en raison de l’élévation de ses prix de revient. Le phénomène est encore plus accentué pour les travailleurs. La révolution industrielle a attiré auprès des fabriques une population importante ; fréquemment, il s’agit de paysans chassés des campagnes par la poussée de la mécanisation et les famines successives. Le dénuement pécuniaire de ces populations ne leur permet pas d’acquérir les moyens de production devenus plus coûteux avec les progrès de la technique. Pour assurer leur subsistance, elles n’ont d’autre issue que de louer leurs forces de travail aux propriétaires des fabriques. La loi de l’offre et de la demande ²⁴ qui règle le prix du travail se révèle particulièrement défavorable et les contraint à passer par les conditions dictées par l’employeur, faisant de leur convention un contrat d’adhésion. L’un d’entre eux viendrait-il à refuser « l’offre » patronale, il s’en trouverait trois ou quatre pour s’y soumettre. L’interdiction et la répression sévère de toute forme de coalition empêchent de brider cette concurrence dévastatrice.

    Progressivement, les travailleurs vont glisser vers un état de misère matérielle et morale. Les salaires permettent à peine d’assurer leur subsistance et celle de leur famille ; la journée de travail compte treize, quatorze, voire seize heures de travail ; en vue d’accroître le revenu, les femmes et les jeunes enfants sont mis au travail pour des salaires encore plus réduits ; en l’absence de mesures de sécurité et d’hygiène, les accidents sont nombreux et leurs conséquences mal ou pas réparées ; les crises économiques répétées produisent un chômage important.

    § 3. – L

    E

     

    DÉBUT

    DE

     

    L

    INTERVENTIONNISME

    ÉTATIQUE

    5. La naissance d’une législation protectrice des intérêts des travailleurs est souvent reliée à deux facteurs. Il s’agit, en premier lieu, de l’évolution des mentalités des classes dirigeantes et des hommes politiques qu’elles désignaient. Un second facteur tient dans l’action des travailleurs eux-mêmes. Progressivement, en dépit des obstacles légaux, ceux-ci vont s’organiser, se donner des structures, des moyens et acquérir une capacité d’exercer une pression réelle en vue de faire passer leurs revendications.

    L’année 1886 est présentée par beaucoup comme un moment décisif, le point de départ de la construction du droit social ²⁵. Durant le printemps, des troubles violents éclatent dans différentes régions du pays. Ils entraînent une répression sévère, militaire d’abord – plusieurs dizaines de morts – judiciaire ensuite. Le 9 novembre, ouvrant la session parlementaire, le Roi Léopold II prononce un discours qualifié plus tard de fondateur : « La situation des classes laborieuses est hautement digne d’intérêt et ce sera le devoir de la législature de chercher, avec un surcroît de sollicitude, à l’améliorer. Peut-être a-t-on trop compté sur le seul effet des principes, d’ailleurs féconds, de liberté. Il est juste que la loi entoure d’une protection plus spéciale les faibles et les malheureux » ²⁶.

    Les premières lois de protection ouvrière sont adoptées au cours des années suivantes : la protection des salaires (1887) ; la protection des femmes et des enfants notamment par l’interdiction du travail de nuit ; la santé et sécurité des ouvriers (1899), la première loi sur le contrat de travail d’ouvrier (1900).

    § 4. – A

    PRÈS

    LA

     « 

    GRANDE

     »

    GUERRE

    6. La première guerre mondiale (1914-1918) et la réforme du système électoral qui l’a suivie – le suffrage universel réservé aux hommes succède au vote censitaire – marque une accélération du processus d’élaboration des normes protectrices des travailleurs.

    La condition matérielle des salariés va s’améliorer de façon réduite mais constante jusqu’à la crise de 1929 : abrogation de l’article 310 du Code pénal ; loi sur la liberté d’association ; loi sur la durée du travail (8 heures par jour ou 48 heures par semaine pour tous, y compris les hommes adultes) (1921) ; première loi sur le contrat de travail des employés (1922) ; instauration d’une assurance obligatoire contre la vieillesse des ouvriers (1924) et des employés (1925) ; loi sur la réparation des maladies professionnelles (1927) ; généralisation des allocations familiales (1930).

    Parallèlement à ce mouvement législatif, on voit apparaître, à partir de 1919, la mise en place de structures collectives associant employeurs et travailleurs : des commissions paritaires délibèrent sur les salaires et les conditions de travail et élaborent des conventions. Il faudra attendre 1945 pour que celles-ci reçoivent un statut légal.

    § 5. – 1945-1975 :

    L

    ÂGE

    D

    OR

    7. Une croissance économique exceptionnelle va de pair avec une modification du rapport entre le capital et le travail. Les revenus de la croissance favorisent une élévation du statut des travailleurs.

    Les années de guerre vont donner lieu à un mouvement d’accélération de la concertation sociale. Dès 1941, des représentants des employeurs et des salariés négocient dans la clandestinité un accord de solidarité nationale. Celui-ci aboutit en 1944 à la mise en place d’un système de sécurité sociale. En 1945, les commissions paritaires sont pourvues d’un statut légal. Celui-ci sera revu et perfectionné par la loi du 5 décembre 1968 sur les commissions paritaires et les conventions collectives de travail. Les organes de concertation à l’échelon du pays ou de l’entreprise se multiplient : création des comités de sécurité et d’hygiène (actuellement, comité pour la prévention et la protection au travail) (1947), des conseils d’entreprise (1948), du Conseil national du travail (1952). La condition individuelle du travailleur connaît également des améliorations significatives. Le niveau des salaires s’élève, la durée hebdomadaire du travail se réduit, la stabilité de l’emploi se renforce.

    § 6. – L

    E

     

    DROIT

    SOCIAL

    DEPUIS

    1975 :

    LE

     

    BROUILLAGE

     

    DES

     

    LIGNES

    8. Les chocs pétroliers successifs survenus dans les années 1970 sont associés à la fin d’un cycle économique : la crise succède aux golden sixties. Le facteur économique va peser d’un poids singulier sur l’évolution du droit social. Pour certains, celui-ci est un frein à la relance économique. Le rapport de force entre le monde du travail et le monde patronal se modifie. Ce n’est pas sans effet sur le contenu du droit social. Celui-ci va se démarquer d’une évolution linéaire et progressive orientée uniquement par le renforcement des droits du travailleur. Le droit social devient une composante parmi d’autres du système socio-économique. Il est un instrument de lutte contre les difficultés économiques.

    La concertation sociale, dans le même temps, marque le pas. À partir de 1976, le gouvernement et le législateur imposent d’autorité un blocage des salaires suivi par une modération salariale. La fixation des salaires, domaine de prédilection de l’action des partenaires sociaux, est désormais placée sous la tutelle de l’État. Certains acquis des travailleurs sont remis en cause, tantôt directement (par exemple, la flexibilité du temps de travail), tantôt indirectement (par exemple, la multiplication des statuts précaires dérogatoires au régime de droit commun ²⁷). La pénurie d’emploi, devenue un phénomène structurel, marque de son empreinte une bonne partie de la production législative (aménagement de la fin de carrière, partage de l’emploi disponible). Lorsque le capital retrouve un niveau de rentabilité élevé (1985), cela n’aura pas d’impact significatif sur l’emploi et le contenu de la législation sociale ²⁸.

    Les dernières décennies laissent apparaître une incapacité à dépasser les compromis réducteurs pour dégager des solutions novatrices. Il en va ainsi du chantier de l’abolition de la distinction entre ouvriers et employés ou encore de la réforme du droit du licenciement ; une intervention autoritaire de la Cour constitutionnelle a été nécessaire pour provoquer une évolution significative ²⁹. Les lois les plus ambitieuses ne doivent bien souvent leur existence qu’à l’influence du droit de l’Union européenne. On relèvera notamment la refonte en profondeur de la protection de la santé et de la sécurité du travailleur (loi du 4 août 1996) et la mise en place de dispositifs de plus en en plus élaborés pour combattre les discriminations (lois du 10 mai 2007).

    SECTION 2

    Les sources du droit du travail

    § 1. – L

    ES

     

    RÈGLES

    INTERNATIONALES

    9. Apparues après la première guerre mondiale, les normes internationales tiennent assurément un rôle plus important aujourd’hui que par le passé. Leur influence sur le droit interne, variable d’une source l’autre, se manifeste par différentes voies : tantôt, leurs règles sont invocables directement devant le juge national ; tantôt, elles contraignent l’État à adapter sa législation ; tantôt enfin, de manière plus subtile, elles orientent l’interprétation de la norme interne.

    A. Le droit de l’Organisation internationale du travail

    10. Créée en 1919 sur un modèle tripartite ³⁰, l’Organisation internationale du travail (O.I.T.) est à l’origine d’une importante production normative, parfois qualifiée de code international du travail.

    Dépassant le souci initial de la concurrence internationale, la réalisation de la justice sociale, objectif proclamé dans le Préambule de la Constitution de l’O.I.T. et conforté par la Déclaration de Philadelphie de 1944, a permis peu à peu à l’O.I.T. de déborder du cadre des conditions de travail au sens strict pour se préoccuper du bien-être de toute la population ³¹, s’affirmer dans le domaine des libertés publiques ³² ou tendre à orienter la politique gouvernementale dans son ensemble ³³. Les premières conventions reflètent les préoccupations des droits sociaux naissants (réglementation de la durée du travail, travail des femmes et des enfants, congés payés, sécurité et hygiène au travail, chômage, assurance sociale) et visent essentiellement à les conforter ³⁴ ³⁵. D’autres instruments, plus récents et davantage programmatiques, prescrivent à l’État d’adopter des politiques sociales (par exemple la convention no 156 concernant les travailleurs ayant des responsabilités familiales), s’attellent à régir son organisation administrative (comme la convention no 81 sur l’inspection du travail, la convention no 88 sur le service de l’emploi et la convention no 150 sur l’administration du travail) ou encore s’immiscent dans la sphère des libertés publiques pour consacrer des droits fondamentaux. À l’heure actuelle, l’action de l’O.I.T. est orientée vers la promotion et la création d’emplois décents. Par là, elle s’efforce de répondre aux défis sociaux posés par la mondialisation de l’économie qui suscite une réflexion sur la légitimité de l’activité normative de l’O.I.T. et son effectivité ³⁶.

    Le mécanisme de contrôle, non juridictionnel, est dépourvu de caractère contraignant. Il est fondé essentiellement sur l’examen, par une commission d’experts indépendants, des rapports périodiques des gouvernements, mais aussi sur des procédures spécifiques de réclamations et de plaintes ouvertes notamment des partenaires sociaux. Néanmoins, les conventions de l’O.I.T. jouissent d’un crédit indéniable sur la scène internationale ; les États mis en cause dans le cadre de la procédure de contrôle tentent généralement de remédier aux divergences constatées. Souvent présentées comme source d’inspiration et de référence pour les gouvernements dans la mise au point de leur politique sociale, les conventions ne sont généralement ratifiées par les États que lorsque leurs législation et pratique internes correspondent déjà aux exigences des conventions en cause ³⁷. Pour devenir juridiquement contraignantes, les conventions internationales du travail doivent en effet être ratifiées, contrairement aux recommandations. En cas de ratification, les États assument l’obligation internationale de mettre leurs législations et leurs pratiques en conformité avec les normes de la convention ³⁸. Les conventions ratifiées jouent un rôle de guide de l’action de l’administration ; elles peuvent également orienter l’interprétation de normes nationales ambiguës par le recours à la technique de l’interprétation conciliante ou conforme.

    Si, néanmoins, l’État reste en défaut d’assurer cette transposition en droit interne et que survient une situation contraire aux exigences de la convention, il importe de déterminer si la convention peut alors recevoir application directe par les tribunaux. La plupart des conventions, formulées en termes généraux, prescrivent l’adoption d’une politique ou laissent à l’État une marge d’appréciation, ce qui exclut leur applicabilité immédiate. Cependant, d’autres dispositions, rédigées de manière plus ferme, semblent susceptibles, selon les critères classiques de l’effet direct, d’être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales. Pour autant qu’elles soient suffisamment claires, précises et inconditionnelles ³⁹, ce qu’il convient d’apprécier cas par cas ⁴⁰, rien ne s’oppose en effet, sur le plan des principes, à l’application directe de conventions internationales du travail liant la Belgique. En vertu de la doctrine de l’arrêt Le Ski, le juge saisi du conflit devrait d’ailleurs, le cas échéant, écarter toutes dispositions internes contraires, y compris une loi postérieure, pour assurer la primauté d’une convention ratifiée ⁴¹. Force est pourtant de constater que, contrairement à la situation prévalant dans d’autres États membres de l’O.I.T. ⁴², aucune juridiction belge n’a, à ce jour, clairement donné effet direct à une convention de l’O.I.T. ratifiée par la Belgique ⁴³.

    B. Le droit du Conseil de l’Europe

    11. Deux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales concernent directement le droit du travail : l’interdiction du travail forcé (art. 4) et la garantie de la liberté syndicale (art. 11) ⁴⁴. En outre, certains droits civils proclamés par la Convention exercent une influence sur le statut juridique des relations de travail : quoique soumis à l’autorité de son employeur, le salarié conserve le droit au respect de sa vie privée (art. 8), à la liberté de conscience (art. 9) et à la liberté d’expression (art. 10).

    12. La Charte sociale européenne ⁴⁵ forme le pendant de la Convention dans le domaine des droits sociaux. Ceux-ci sont déclinés dans les 23 articles de la deuxième partie de la Convention. À une importante exception près ⁴⁶, on ne reconnaît généralement pas d’effet direct à ces dispositions : les effets de cette convention internationale ne vont pas au-delà des obligations qu’elle fait naître dans le chef des États qui l’ont ratifiée. Quant au mécanisme de contrôle de l’application de la Charte, il repose non sur un organe juridictionnel – comme c’est le cas pour la Convention – mais sur un comité d’experts indépendants, le Comité européen des droits sociaux. Une procédure de réclamation collective est ouverte aux organisations d’employeurs et de travailleurs ⁴⁷. Ces deux traits, absence de contrôle juridictionnel et d’effet direct, expliquent sans doute le faible impact de la Charte sur le droit positif belge des relations de travail. En revanche, la Charte joue un rôle majeur en vue de déterminer les principes qui surplombent le droit des relations de travail en Europe. La Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle ne manquent pas d’y faire référence.

    C. Le droit de l’Union européenne

    ⁴⁸

    13. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000) attribue une place de choix aux droits sociaux des travailleurs. Ceux-ci sont réunis dans un chapitre de la Charte, sous le titre solidarité, qui reconnait, notamment, le droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise (art. 27), le droit de négociation et d’actions collectives, y compris la grève (art. 28), le droit à une protection en cas de licenciement injustifié (art. 30), le droit à des conditions de travail justes et équitables (art. 31) mais non le droit à une rémunération décente. La Charte s’est vu reconnaître, depuis le traité de Lisbonne (2007), la même valeur juridique que les traités (art. 6 TFUE), ce qui la situe au sommet de la hiérarchie des normes de l’Union. Le respect des droits et libertés reconnus par la Charte s’impose non seulement aux institutions de l’Union mais également aux États membres lorsqu’ils agissent dans le champ d’application du droit de l’Union, notamment lors de la transposition de directives ⁴⁹. À ce jour, la Charte n’a guère eu d’impact significatif sur les juridictions internes.

    14. L’Union, par ailleurs, est dotée de compétences étendues dans le champ des relations de travail ⁵⁰. Par la voie de directives contraignantes, elle œuvre au rapprochement des législations sociales des États membres notamment dans les domaines de la santé et la sécurité des travailleurs, les conditions de travail, la protection des travailleurs en cas de résiliation unilatérale du contrat de travail, l’information et la consultation des travailleurs, la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs ⁵¹. En revanche, sont expressément exclues de la compétence de l’Union les questions, particulièrement sensibles, des rémunérations, du droit d’association, du droit de grève et de lock-out ⁵². Par la transposition des directives dans l’ordre juridique interne, le droit social européen imprime une marque significative sur le droit du travail. À titre d’exemple, on citera la réforme du droit de la santé et de la sécurité au travail depuis les années 1990 ou encore le dispositif légal destiné à combattre les discriminations.

    § 2. – L

    ES

     

    SOURCES

    INTERNES

    A. La Constitution

    15. Les premières lois sociales sont apparues à la charnière des années 1900 ; il aura fallu toutefois attendre la révision de 1994 pour voir le droit du travail, et aussi le droit de la sécurité sociale, acquérir une assise constitutionnelle par la reconnaissance du droit fondamental de mener une existence conforme à la dignité humaine. Les droits économiques et sociaux, énonce l’article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, comprennent « le droit au travail, (le droit) au libre choix d’une activité professionnelle […], le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d’information, de consultation et de négociation collective ».

    Le droit au travail n’ouvre pas à chacun le droit subjectif d’être engagé par un employeur ni d’exiger de l’État qu’il lui fournisse un emploi. Il s’agit d’une disposition programmatique ; elle fixe un but à atteindre, destiné à orienter la politique de l’emploi des législateurs, notamment pour ce qui relève du placement et de la formation des travailleurs et des aides à l’embauche ⁵³.

    Le droit au libre choix d’une activité professionnelle concerne aussi bien les travailleurs subordonnés que les travailleurs indépendants. Il présente plusieurs facettes. D’abord, l’interdiction du travail forcé et obligatoire. Ensuite, la liberté proprement dite de choisir son activité professionnelle ⁵⁴. Plus délicate, en raison de son impact sur les conflits collectifs du travail ⁵⁵, est la question de la reconnaissance par la Constitution du droit d’exercer librement, sans entrave, le travail, la profession choisis ⁵⁶.

    Quant au droit à des conditions de travail et de rémunération équitables, le sens à donner à cet adjectif est encore flou, ce qui émousse singulièrement la portée de la règle ⁵⁷, laquelle, en tout état de cause, ne concernerait pas les travailleurs indépendants ⁵⁸.

    Les droits d’information, de consultation et de négociation collective forment le volet collectif des droits économiques et sociaux ⁵⁹.

    Le droit au travail et la liberté du travail sont des notions proches sans doute mais distinctes. Le droit au travail, on l’a vu, engendre l’obligation pour les pouvoirs publics de prendre des mesures en vue d’aider les personnes à trouver et conserver un travail. La liberté du travail impose un devoir d’abstention, une obligation de ne pas contrarier les personnes dans leur activité professionnelle. Cette liberté présente un aspect négatif allant, dans sa forme la plus douce, de l’interdiction du travail forcé et obligatoire à la liberté de ne pas travailler du tout, dans sa forme plus aboutie. Et aussi, un aspect positif : il s’agit de la liberté des personnes de choisir, et également d’exercer, leur activité professionnelle sans subir de restrictions imposées par l’État, mais aussi par les tiers ⁶⁰.

    Dans notre ordre juridique, le fondement de la liberté du travail a résidé longtemps dans le décret d’Allarde de 1791 qui a également reconnu la liberté du commerce et de l’industrie ⁶¹. Ce décret a été abrogé et remplacé par l’article II. 3. du Code de droit économique ; sous le titre de la liberté d’entreprendre, il dispose que chacun est libre d’exercer l’activité économique de son choix ⁶². La jurisprudence estime que la liberté du travail ne peut subir d’autres restrictions que celles prévues par la loi ⁶³. Plusieurs facettes de cette liberté, on vient de le voir, sont aujourd’hui reprises dans le droit constitutionnel au libre choix de son travail.

    16. Antérieures aux droits économiques et sociaux, certaines libertés constitutionnelles, dites de la première génération, étendent leur zone d’influence aux relations de travail : il en va ainsi de la liberté d’association, matrice de la liberté syndicale (art. 27) ⁶⁴, de la liberté d’expression (art. 19) ⁶⁵ ou encore du droit au respect de la vie privée (art. 22) ⁶⁶.

    17. L’influence concrète de ces droits fondamentaux sur le statut juridique des relations de travail, tant individuelles que collectives, est malaisée à cerner en raison, suivant une opinion largement répandue, d’une absence d’effet direct horizontal en sorte que les particuliers ne peuvent invoquer ces droits dans leurs relations professionnelles ⁶⁷. Toutefois, ces dispositions nourrissent le contenu de l’ordre public ⁶⁸ (art. 6 du C. civ.) auquel doivent se conformer la convention collective de travail et le contrat individuel. En outre, l’obligation de standstill que la Cour constitutionnelle attache aux droits économiques et sociaux interdit aux différents législateurs de réduire, de manière significative, le niveau de protection acquis par la loi en vigueur sauf s’il existe des motifs liés à l’intérêt général ⁶⁹. Par ailleurs et surtout, le contentieux de la constitutionnalité des lois est un levier puissant pour l’évolution du droit positif. Ainsi, c’est la Cour constitutionnelle qui a fini par avoir raison de l’inertie du législateur et des partenaires sociaux dans le domaine de l’abolition de la distinction juridique entre les employés et les ouvriers ⁷⁰.

    B. La loi

    18. La loi occupe une place majeure parmi les sources du droit du travail. Le but premier de celui-ci fut de corriger les conséquences de la liberté contractuelle fondée sur l’égalité juridique entre les cocontractants. La loi contraignante, et non simplement supplétive, constitue à cet égard un instrument privilégié. Prenant en compte l’infériorité économique du travailleur, la loi fixe d’autorité les droits et les devoirs des parties engagées dans la relation de travail en vue d’apporter une protection à la partie faible.

    La loi est entendue ici au sens large. Il s’agit aussi bien de la loi au sens formel du terme que des actes réglementaires. À l’inverse du droit de la sécurité sociale où les règlements foisonnent, le droit du travail est composé en grande partie de dispositions législatives. Celles-ci sont concurrencées bien plus par le produit de la négociation collective que par le pouvoir réglementaire.

    Le droit du travail relève de la compétence de l’État fédéral ⁷¹. Toutefois, certaines compétences contiguës ont été dévolues aux entités fédérées ; le mouvement a été accentué par la sixième réforme de l’État qui a réalisé une extension des compétences des entités fédérées dans le domaine du marché du travail. Les Communautés sont compétentes pour régler l’emploi des langues dans les relations sociales entre les employeurs et les travailleurs ⁷², la promotion sociale, la reconversion et le recyclage professionnel ainsi que la formation en alternance ⁷³. Quant aux Régions, elles bénéficient de compétences multiples dans le domaine de la politique de l’emploi, entre autres, le placement des travailleurs, les programmes de remise au travail des demandeurs d’emploi inoccupés, la promotion des services et emplois de proximité (les titres services), l’octroi de subventions pour favoriser l’emploi des travailleurs âgés ⁷⁴. La mise en œuvre de ces compétences ne doit pas empiéter sur les attributions de l’autorité fédérale pour les aspects relevant du droit du travail, incluant les dispositifs de concertation sociale et la politique salariale ⁷⁵. Ce découpage des compétences ne manque pas de donner lieu à des conflits d’attribution. C’est ainsi que la Cour constitutionnelle a annulé un décret flamand autorisant le gouvernement flamand à rendre obligatoire les dispositions des conventions collectives concernant des compétences communautaires ou régionales ⁷⁶.

    Les normes formant le droit du droit du travail se regroupent en trois catégories : les lois réglant les relations collectives du travail, les lois relatives au contrat de travail et les lois ayant pour objet la réglementation de la relation individuelle de travail. La distinction présente un certain intérêt pratique notamment quant aux effets de la nullité du contrat ⁷⁷ ou l’agencement de normes issues de sources distinctes ⁷⁸. Les lois de réglementation du travail ⁷⁹ se distinguent du droit du contrat de travail par leur champ d’application quant aux personnes : celui-ci n’est pas limité aux parties liées par un contrat de travail mais s’étend à d’autres formes de travail subordonné. Le plus souvent, ces lois sont également assorties de sanctions pénales ou administratives. Enfin, au sein du droit du contrat de travail, on distingue, d’une part, la loi organique du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, qui tisse une espèce de droit commun du contrat de travail, et d’autre part, les lois spéciales régissant des contrats particuliers tels que le contrat de travail de sportif rémunéré ou le contrat de travail intérimaire.

    C. Les sources professionnelles

    19. Une des particularités du droit du travail tient dans la présence de sources d’origine professionnelle. Que le milieu professionnel produise ses propres règles n’offre rien de singulier. Plus significatif est le fait que l’ordre juridique étatique a accepté de les recevoir et de leur reconnaître, aux conditions qu’il détermine, des effets juridiques.

    La source professionnelle la plus prolixe est sans nul doute la convention collective de travail. À ses côtés, prennent place le règlement de travail, les décisions prises par les commissions paritaires et la procédure de l’acte d’adhésion, figure plus récente à laquelle le législateur a quelque fois recours ⁸⁰.

    On reviendra longuement sur la convention collective et le règlement de travail. Relevons dès à présent que ces sources spécifiques ont un point d’ancrage dans un accord, à caractère collectif, conclu entre des personnes privées. C’est par cette origine qu’elles se différencient de la loi. Leur fondement se trouve dans le droit de négociation collective reconnu par plusieurs instruments internationaux et garanti par la Constitution belge.

    Source traditionnelle du droit, l’usage se rattache aux sources professionnelles en ce sens qu’il nait d’une pratique, présentant certaines qualités, se développant à l’échelon d’une région, d’une branche d’activité ou encore d’une entreprise.

    D. Le contrat individuel

    20. La relation individuelle de travail, celle qui se noue entre un employeur et un travailleur juridiquement subordonné, est appréhendée par le droit positif par le mécanisme du contrat, si l’on fait exception de la relation de travail entre un agent statutaire et une autorité publique. Longuement discuté par le passé en doctrine, le point ne fut guère contesté en droit belge ⁸¹. La mécanique contractuelle ne laisse cependant qu’un rôle mineur à l’autonomie de la volonté des parties en ce qui concerne la production de règles. La liberté contractuelle quant à la détermination du contenu du contrat est réduite à une portion congrue. Sont sans valeur les stipulations contractuelles qui réduisent les droits ou aggravent les obligations que la loi adresse aux salariés. Bien souvent, la volonté des parties ne pourra produire des effets juridiques que si elle renforce la protection du salarié.

    1. Pour une description détaillée, voy. E. MAHAIM, Études sur l’association professionnelle, Liège, Vaillant-Carmanne, 1891, pp. 20 à 80.

    2. P. DURAND et R. JAUSSAUD, Traité de droit du travail, t. I, Paris, Dalloz, 1941, pp. 34 et s.

    3. P. DURAND et R. JAUSSAUD, Traité de droit du travail, op. cit., pp. 35 et s., spéc. pp. 49 et s.

    4. J. IMBERT et G. LEVASSEUR, Le pouvoir, les juges et les bourreaux, Paris, Hachette, 1972, p. 318.

    5. Celles-ci étaient tellement nombreuses qu’il y avait à peine plus de deux cent cinquante jours de travail par an.

    6. A. BRUN et H. GALLAND, Droit du travail, Paris, Sirey, 1958, p. 19 ; P. DURAND et R. JAUSSAUD, Traité de droit du travail, op. cit., p. 50 ; L. FRANÇOIS, Introduction au droit social, Liège, Faculté de droit, 1974, p. 47.

    7. P. DURAND et R. JAUSSAUD, Traité de droit du travail, op. cit., p. 33.

    8. L. FRANÇOIS, Introduction au droit social, op. cit., pp. 48 et 49.

    9. M. DESPAX, Le droit du travail, Paris, P.U.F., 1967, p. 8. ; A. CANNEEL, « Notes pour une histoire de la limitation légale de la durée hebdomadaire de travail en Belgique », Rev. trav., 1974, pp. 393 et s. ; P. DURAND et R. JAUSSAUD, Traité de droit du travail, op. cit., p. 58.

    10. A. BRUN et H. GALLAND, Droit du travail, op. cit., p. 23 ; P. DURAND et R. JAUSSAUD, Traité de droit du travail, op. cit., p. 59.

    11. Pasin., 1790-1791, p. 230.

    12. M. GOTZEN, Vrijheid van beroep en bedrijf & onrechtmatige mededinging, I, Bruxelles, Larcier, 1963, pp. 340 et s. ; A. DOUCY, « La naissance des premières associations ouvrières. L’évolution du droit de coalition en France, en Angleterre et en Belgique », Mélanges offerts à Léon-Eli Troclet, Bruxelles, Éd. de l’Institut de sociologie de l’U.L.B., 1967, pp. 124 et 125.

    13. Infra, no 15.

    14. A. DOUCY, op. cit., Mélanges offerts à Léon-Eli Troclet, p. 122.

    15. Pasin., 1791, p. 22.

    16. Sur les circonstances de son adoption, voy. E. MAHAIM, Études sur les associations professionnelles, op. cit., pp. 80 et s.

    17. Sur la sincérité de la motivation de l’Assemblée constituante, voy. les réserves émises par L. FRANÇOIS, Introduction au droit social, op. cit., pp. 39 et 40, note 3.

    18. « Article 1er. L’anéantissement de toutes les espèces de corporations des citoyens du même état et profession étant une des bases fondamentales de la Constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit ».

    « Article 2. Les citoyens d’un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers et compagnons d’un art quelconque, ne pourront, lorsqu’ils se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs ».

    « Article 4. Si, contre les principes de la liberté et de la Constitution, des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers, prenaient des délibérations, ou faisaient entre eux des conventions tendant à refuser de concert ou à n’accorder qu’à un prix déterminé le secours de leur industrie ou de leurs travaux, lesdites délibérations et conventions, accompagnées ou non du serment, sont déclarées inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits de l’homme, et de nul effet ; [...] ».

    19. P. DURAND et R. JAUSSAUD, Traité de droit du travail, op. cit., pp. 40 et s. et p. 67 ; M. JAMOULLE, Le contrat de travail, t. I, Liège, Faculté de droit, d’économie et de sciences sociales, 1982, p. 10 ; G. CAMERLINCK, Le contrat de travail, 2e éd., t. I, Paris, Dalloz, 1982, p. 10.

    20. M. DESPAX, Le droit du travail, op. cit., p. 8 ; A. BRUN et H. GALLAND, Droit du travail, op. cit., p. 25 ; T. REVET, La force de travail : étude juridique, Paris, Litec, 1992, pp. 31 et s.

    21. A. SUPIOT, « Les nouveaux visages de la subordination », Droit social, 2000, p. 131.

    22. A. RENARD, « La prohibition de l’engagement à vie et la construction du droit de résiliation de l’employeur dans le contrat de travail à durée indéterminée – Esquisse d’une généalogie », R.D.S., 2008, p. 339.

    23. T. VERHEYDEN, « Les péripéties du droit de la preuve en matière de contrats de travail », Cent ans de droit social belge, Bruxelles, Bruylant, 1988, pp. 259 et s., spéc. pp. 259 à 265.

    24. Voy. M. RIGAUX, Tussen burgerschap en sociale concurrentie, Intersentia, 2004, spéc. pp. 7 à 16.

    25. J. PUISSANT, « 1886, la contre-réforme sociale ? », Cent ans de droit social belge, op. cit., pp. 69 à 102 ; P. VAN DER VORST, « Clefs du droit social belge », À l’enseigne du droit social belge, Bruxelles, Éd. de l’U.L.B., 1978, pp. 11 à 85.

    26. J.T.T., 1986, p. 421.

    27. M. JAMOULLE, « Le contrat de travail à l’épreuve du temps », Chron. D.S., 1998, pp. 469 à 475.

    28. I. CASSIERS, « Régimes de croissance et modes de régulation : survol d’un demi-siècle », Actualités du dialogue social et du droit de grève, Waterloo, Kluwer, 2009, p. 67, no 7.

    29. Infra, no 172.

    30. Le tripartisme consiste à assurer la représentation, dans les instances délibérantes de l’O.I.T., des organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs, à côté des délégués gouvernementaux.

    31. Voy., p. ex., la convention no 102 sur la norme minimale de sécurité sociale (1952).

    32. Convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) ; convention no 29 sur le travail forcé (1930) ; convention no 105 sur l’abolition du travail forcé (1957) ; convention no 111 concernant la discrimination (emploi et profession) (1958).

    33. Convention no 122 sur la politique de l’emploi comportant l’obligation, pour les États qui la ratifient, d’appliquer une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi (1964).

    34. Quoique d’autres conventions se caractérisent d’emblée par des règles nouvelles au moment où elles ont été adoptées (p. ex., l’interdiction du licenciement pendant la durée du congé de maternité) ou visent à garantir certains droits fondamentaux (comme la liberté syndicale et l’interdiction du travail forcé), indépendamment du niveau de protection existant à l’époque dans les droits nationaux.

    35. Quant au niveau de protection fixé dans la convention, il ne peut s’agir de reproduire simplement les droits nationaux en y cherchant un dénominateur commun, mais de promouvoir l’amélioration des conditions de travail (objectif de progrès social harmonisé), ce qui n’exclut pas une certaine souplesse dans la formulation afin de permettre la ratification de la convention par des États aux conditions économiques et sociales souvent très diverses. L’optique initiale, consacrée par l’article 19, § 8, de la Constitution de l’O.I.T., est aujourd’hui remise en cause dans une certaine mesure, puisque des instruments récents autorisent expressément des dérogations qui ne sont pas forcément favorables aux travailleurs (voy., en ce sens, le protocole de 1990 à la convention no 89 sur le travail de nuit des femmes).

    36. J.-M. SERVAIS, « Les normes de l’O.I.T. au XXIe siècle : légitimité, effectivité », R.D.S., 2012, pp. 103 à 131.

    37. C’est ainsi, p. ex., que la loi belge du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération traduit des exigences de la convention no 95 sur la protection des salaires (1949) ; la convention fut ensuite approuvée par la loi du 28 février 1970. En revanche, la Belgique n’a pas encore ratifié la convention no 158 sur le licenciement (1982) qui prévoit le principe de la motivation du licenciement.

    38. En cas de ratification de la convention, l’État assume alors un engagement international : il doit prendre toutes mesures nécessaires pour rendre effectives les dispositions de la convention (art. 19, § 5, d, de la Constitution de l’O.I.T.), ce qui implique la mise en conformité tant de la législation que de la pratique internes. Les conventions présentant le caractère de normes minimales ne s’opposent évidemment pas à des mesures nationales plus protectrices des travailleurs et ne peuvent en tout cas jamais être invoquées pour justifier une régression dans le niveau de protection sociale des États (art. 19, § 8). L’État devra également faire rapport au BIT sur l’application de la convention ratifiée (art. 22 de la Constitution de l’O.I.T.).

    39. C’est-à-dire qu’elles soient susceptibles d’être appliquées par le juge et n’appellent pas l’adoption d’une législation ou réglementation complémentaire d’application.

    40. Pour des exemples de dispositions de conventions internationales du travail susceptibles d’avoir effet direct, voy. J.-F. TEMPELS, « La place et le rôle des normes internationales et européennes dans le droit interne belge », R.D.S., 1987, pp. 225 et s.

    41. Cass., 27 mai 1971, Pas., 1971, p. 886.

    42. La Cour de cassation de France a reconnu un effet direct de la convention no 158 concernant la cessation du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (Cass. fr. [soc.], 29 mars 2006, no 4-46.499, Bull. civ., 2006, V, no 131, p. 127 ; Cass. fr. [soc.], 1er juillet 2008, no 7-44.124 ; voy., également, C.E. fr., 19 octobre 2005, no 283471).

    43. À propos de l’absence d’effet direct, voy. Cass., 17 janvier 2002, Pas., 2002, p. 169 (concernant la convention no 96 sur les bureaux de placement payants). Certaines décisions se réfèrent néanmoins à des conventions de l’O.I.T. et à leur interprétation par les organes de contrôle (C.C., 3 décembre 2008, no 171/2008 ; C.A., 18 novembre 1992, no 71/92 ; Trib. trav. Bruxelles, 20 février 1992, Chron. D.S., 1993, p. 86).

    44. J.-F. RENUCCI, Traité de droit européen des droits de l’homme, Paris, L.G.D.J., 2007, pp. 496 et s.

    45. La Charte sociale européenne révisée signée à Strasbourg le 3 mai 1996, approuvée par la loi belge du 15 mars 2002, s’est peu à peu substituée à la Charte initiale signée à Turin le 18 octobre 1961, approuvée par la loi belge du 11 juillet 1990. O. DE SCHUTTER (coord.), La Charte sociale européenne : une constitution pour l’Europe, Bruxelles, Bruylant, 2010 ; J-F. AKANDJI-KOMBE et S. LECLERC (éd.), La Charte sociale européenne, Bruxelles, Bruylant, 2001 ; J.-F. FLAUSS (éd.), Droits sociaux et droit européen ; bilan et perspective de la protection normative, Bruxelles, Bruylant-Nemesis, 2002 ; J.-F. RENUCCI, Traité de droit européen des droits de l’homme, op. cit., pp. 539 à 575 ; P. LAROQUE, « La charte sociale européenne », Dr. soc., 1979, p. 100.

    46. Infra, no 133.

    47. Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives du 9 novembre 1995.

    48. Cons., notamment, J.-M. SERVAIS, Droit social de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2011 ; P. RODIÈRE, Droit social de l’Union européenne, Paris, L.G.D.J., 2008.

    49. Sur les effets de la Charte et un éventuel effet direct horizontal, voy. P. RODIÈRE, Droit social de l’Union européenne, op. cit., pp. 145 et s. ; A. BAILLEUX et E. BRIBOSIA, « La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », Droits fondamentaux en mouvement, Questions choisies, CUP, vol. 137, Liège, Anthemis, 2012, pp. 103 et s.

    50. Art. 145 à 164 TFUE.

    51. Art. 153.1, litt. a) à i), TFUE.

    52. Art. 153.5 TFUE.

    53. Rapport complémentaire fait au nom de la Commission de la révision de la Constitution et des réformes institutionnelles par M. ARTS, Doc. parl., Sénat, S.E. 1991-1992, no 100-2/9, pp. 3 et 5, et également no 100-2/4, p. 6 ; J. JACQMAIN, « Droit au travail, droit du travail », Les droits économiques et sociaux et culturels dans la Constitution, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 169 ; M. STROOBANT, « Sociale en economische grondrechten in de Belgische grondwet », Les droits économiques et sociaux, Anvers/Louvain-la-Neuve, Intersentia/Anthemis, 2010, p. 19, no 25.

    54. P. JOASSART, « Le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables et le droit d’information, de consultation et de négociation collective », Les droits constitutionnels en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 2011, vol. 2, p. 1294, spéc. pp. 1302 et s. ; A. VANDEBURIE, L’article 23 de la Constitution. Coquille vide ou boîte aux trésors, Bruxelles, La Charte, 2008, p. 178, nos 168 et s. : ce dernier considère, en outre, que le droit au libre choix d’une activité professionnelle implique la liberté de ne pas travailler (no 170).

    55. Infra, no 140.

    56. En faveur d’une reconnaissance, voy. P. JOASSART, op. cit., Les droits constitutionnels en Belgique, p. 1310 ; D. DE BRUYN, « Le droit constitutionnel au travail », Ann. Dr., 1996, pp. 173 et s., spéc. p. 188. En sens contraire : F. DORSSEMONT, « Het recht op de vrije keuze van beroepsarbeid in Artikel 23 van de grondwet: een ultieme erkenning van de vrijheid van arbeid?», R.W., 1994-1995, pp. 865 et s., spéc. p. 874. Comp. W. RAUWS, « Niet de ver-van-mijn-bed-show: sociale grondrechten en de praktijk », Sociaal recht. Niets dan uitdagingen, Gand, Mys & Breesch, 1996, p. 793, no 1535.

    57. A. VANDEBURIE, L’article 23 de la Constitution. Coquille vide ou boîte aux trésors, op. cit., p. 187, nos 172 à 176.

    58. JOASSART, op. cit., Les droits constitutionnels en Belgique, p. 1312.

    59. Sur les implications de ce caractère collectif, voy., infra, no 55, et aussi K. NEVENS, « Het grondrecht op informatie, raadpleging, participatie, overleg », De grondrechtelijke onderbouw van het collectief arbeidsrecht, Malines, Kluwer, 2005, p. 99.

    60. L. FRANÇOIS, « La liberté juridique du travail, en général et comme principe du droit belge », La liberté du travail, Université de Liège, 1969, p. 115 ; F. DORSSEMONT, op. cit., R.W., 1994-1995, pp. 865 et s., spéc. p. 866.

    61. L. FRANÇOIS, op. cit., La liberté du travail, p. 148, nos 43 et s. ; F. DORSSEMONT, op. cit., R.W., 1994-1995, p. 865 et s., spéc. p. 867 et les nombreuses réf. citées. Comp. C.C., 14 décembre 1995, no 81/95, B.7.3.3, qui rattache la liberté du travail à la liberté individuelle garantie par l’article 12 de la Constitution.

    62. Le but du législateur en adoptant cette disposition fut de reproduire dans une terminologie contemporaine la liberté reconnue par le décret révolutionnaire. Les documents parlementaires attestent la volonté du législateur de donner au principe un large champ d’application incluant non seulement le négoce, les métiers et l’industrie mais également l’exercice de toute activité profesionnelle quelconque, ce qui inclut le travail salarié (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, no 53-2543/001, pp. 19 et s.).

    63. Cass., 29 septembre 2008, J.T.T., 2008, p. 464, avec les concl. du ministère public, obs. M.-L. WANTIEZ ; Cass., 2 mai 1988, Pas., 1988, p. 1036 ; C.E., 4 juin 2007, no 171.789.

    64. Infra, nos 21 et s.

    65. P. HUMBLET, « De la liberté d’expression des travailleurs salariés », Chron. D.S., 2003, p. 157. S. GILSON, F. LAMBINET, La liberté d’expression du travailleur salarié, Limal, Anthemis, 2012.

    66. Infra, nos 399 et s.

    67. Comp. M. JAMOULLE, « L’article 23 de la Constitution belge dans ses relations avec les droits sociaux fondamentaux, le droit du travail et la sécurité sociale », Sociale grondrechten als bakens voor een vernieuwd sociaal recht. Liber amicorum Maxime Stroobant, Gand, Mys & Breesch, 2001, p. 126.

    68. P. LEMMENS et N. VAN LEUVEN, « Les destinataires des droits constitutionnels », Les droits constitutionnels en Belgique, op. cit., vol. 1, pp. 111 à 146, spéc. no 35, pp. 140 à 142.

    69. Voy., notamment, C.C., 1er septembre 2008, no 121/2008 ; I. HACHEZ, « La portée des droits constitutionnels », Les droits constitutionnels en Belgique, op. cit., vol. 1, pp. 344 et s.

    70. Infra, no 172.

    71. Art. 6, § 1er, VI, al. 5, 12°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

    72. Art. 129, § 1er, 3°, de la Constitution et infra, nos 336 et s.

    73. Art. 4, 15° à 17°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

    74. Art. 6, § 1er, IX, 1° à 13°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Les contours de certaines attributions sont particulièrement difficiles à déterminer. Ainsi, la sixième réforme de l’État a conféré aux Régions une compétence « en matière de reclassement professionnel, le remboursement des frais de reclassement aux employeurs, l’imposition de sanctions aux employeurs en cas d’absence de reclassement et l’imposition de conditions autres que celles qui font l’objet de la convention collective de travail no 51 conclue au sein du Conseil national du travail du 10 février 1992 relative à l’outplacement […] et la convention collective de travail no 82 conclue au sein du Conseil national du travail le 10 juillet 2002 relative au droit au reclassement professionnel pour les travailleurs de quarante-cinq ans et plus qui sont licenciés […] » (art. 6, § 1er, IX, 12°).

    75. Proposition de loi spéciale relative à la sixième réforme de l’État, Doc. parl., Sénat, 2012-2013, no 2232/1, p. 11.

    76. C.A., 15 septembre 2004, no 105/2004 ; J. VANTHOURNOUT, « De vlaamse CAO’s: het deksel op de doos van Pandora ? », R.D.S., 2005, p. 125 ; R. BLANPAIN, « Een vlaams overlegmodel? Beroepsopleiding en collectieve arbeidsovereenkomsten », R.D.S., 1996, p. 106.

    77. Infra, nos 239 et s.

    78. Infra, nos 107 et 108.

    79. P. ex., les lois du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération, du 16 mars 1971 sur le travail, du 28 juin 1971 relative aux vacances annelles, du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail.

    80. P. ex., la loi du 22 mai 2001 relative au régime de participation des travailleurs au capital et aux bénéfices des sociétés.

    81. Pour une analyse approfondie des conceptions contractuelle et institutionnelle de la relation de travail et l’option du droit belge en faveur de l’analyse contractuelle, voy. M. JAMOULLE, Le contrat de travail, op. cit., t. I, pp. 7 à 91.

    TITRE Ier

    LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL

    CHAPITRE I   Les organisations professionnelles

    CHAPITRE II   Les organes de concertation en dehors de l’entreprise

    CHAPITRE III Les organes de concertation à l’échelon de l’entreprise

    CHAPITRE IV Les conventions collectives de travail

    CHAPITRE V  Le règlement de travail

    CHAPITRE VI La hiérarchie des normes

    CHAPITRE VIILes conflits collectifs du travail.

    CHAPITRE IER

    LES ORGANISATIONS

    PROFESSIONNELLES

    SECTION 1

    La liberté syndicale

    21. La liberté syndicale constitue la pierre angulaire des relations collectives. Sans liberté syndicale, il n’y a pas de syndicat libre et sans syndicat libre, il n’y a point de relations collectives dignes d’intérêt pour les salariés.

    La liberté syndicale présente une dimension individuelle et une dimension collective. Sous l’aspect individuel, elle recouvre la liberté positive de créer un syndicat et de s’affilier au syndicat de son choix mais aussi la liberté négative de ne pas s’affilier ou de se retirer du syndicat. Dans son aspect collectif, la liberté syndicale désigne l’indépendance du syndicat par rapport à l’État et aux pouvoirs publics ainsi que, le cas échéant, par rapport à l’employeur.

    Dans une conception extensive de la liberté syndicale, telle que celle à laquelle est parvenue la Cour européenne des droits de l’homme au terme d’une jurisprudence évolutive ¹, cette liberté fondamentale inclut le droit de négocier collectivement avec l’employeur ² et aussi le droit de recourir à l’action collective, notamment la grève ³.

    § 1. – L

    A

     

    RECONNAISSANCE

    DE

     

    LA

     

    LIBERTÉ

    SYNDICALE

    22. La liberté syndicale constitue une des formes de la liberté d’association, garantie dès 1831 par

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