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Comédie pour mort: Roman
Comédie pour mort: Roman
Comédie pour mort: Roman
Livre électronique136 pages1 heure

Comédie pour mort: Roman

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À propos de ce livre électronique

De notre passé, que décide-t-on de garder, de fuir ou de sauver ?

Dix ans après la mort d’André Walcht, un riche homme d’affaires décédé lors d’un repas de famille, Irène, sa petite-fille, revient sur les circonstances de cette tragédie. À l’occasion d’un dîner commémoratif auquel sont conviés tous les témoins de la scène, elle va tenter de reconstituer les faits pour faire éclater la vérité. Cette histoire nous plonge dans l’univers de la famille, là où se jouent les passions et se dénouent les drames, là où l’on apprend à porter des masques. Elle s’inscrit dans une volonté de l’auteure de bousculer les barrières entre le réel et les apparences. À quoi peuvent ressembler des vies gouvernées par le paraître ? Jusqu’où peut-on aller pour préserver son image ?

Chaque famille a ses secrets, certaines plus que d'autres... L'enquête menée par Irène est semée de doutes, de soupçons, de règlements de compte et de surprises. Un roman passionnant !

EXTRAIT

Sans laisser de place à une quelconque réponse, je poursuis ma phrase :
— Avec sa fortune, pas mal de personnes pouvaient avoir acquis l’envie de le voir mort. À commencer par ses concurrents.
Quelques toussotements et jeux de fourchette se font entendre. Pas de doute ; ils m’écoutent.
Je poursuis :
— Des gens influents, mais prêts à tout pour acquérir le monopole des cours du café… Mettre le feu à ses plantations, par exemple ! Rappelez-vous avec quelle hâte l’enquête fut bâclée, occultant sans plus de forme les témoignages des villageois. Or, depuis des mois, des étrangers avaient été vus, rôdant autour des caféiers. Ce détail était connu de tous, mais ne figure dans aucun rapport. On peut donc se demander si la destruction de la plantation était bien l’unique finalité de l’incendie.
Je marque un temps d’arrêt, puis termine :
— Et surtout, si Papy n’avait pas envisagé cette éventualité. À ces mots, je sens comme un malaise parcourir l’assistance. Je ne saurais approfondir l’impression. De l’effroi ? Ridicule, la peur est exclue de notre gamme de sentiments.
— Papy est décédé ici même, subitement, au beau milieu d’un repas familial, me coupe Aurélia, après avoir absorbé une quantité mortelle de médicaments qu’il prenait pour son cœur. C’est en tout cas ce que le médecin appelé en urgence a constaté. Et tu es en train de nous dire que des personnes mal intentionnées auraient pu souhaiter le voir disparaître ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Âgée de quarante ans, Anne Combe vit à Nîmes, dans le Gard. Auteur d'albums jeunesse elle signe avec succès son premier roman, Comédie pour mort.
LangueFrançais
Date de sortie4 nov. 2019
ISBN9782851138842
Comédie pour mort: Roman

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    Aperçu du livre

    Comédie pour mort - Anne Combe

    I

    Il pleut depuis des heures. Une pluie grise et sale qui noie la vision. De temps à autre, une accalmie, puis ça reprend de plus belle, sous de puissantes bourrasques. Le vent souffle dans les arbres et dans les cheveux des passants, soulevant sur plusieurs mètres des papiers, de vieux mouchoirs, des tickets de métro. Le ciel est sombre, presque noir, troublé seulement par le bruit continu de la pluie venant battre le béton et de quelques automobilistes trop pressés.

    Depuis mon salon, j’observe les gouttes d’eau qui ruissellent le long de la baie vitrée et viennent gommer les perspectives du paysage.

    Dans quelque temps, mes invités seront tous là, à accuser le coup. Je dis « accuser le coup », car cette soirée sera mémorable, j’en suis sûre. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute dans mon esprit en proie, ce soir, à des sensations vraiment contradictoires. C’est ma seule certitude quant à l’issue de ces retrouvailles.

    Cette chère Adèle devrait en perdre son latin et son dentier. Les autres non plus ne devraient pas être déçus. Après quoi, je ne réponds plus de rien.

    En attendant, j’ai besoin de me calmer l’esprit. Un triple gin-vodka devrait faire l’affaire pour commencer. La suite, nous verrons bien. J’ai passé tellement de temps à concocter cette réunion familiale. Je devrais me sentir prête. Ce n’est pourtant pas le cas. C’est pire, car plus l’échéance approche, et plus j’ai l’impression de foncer vers l’inconnu. Ah, s’ils savaient…

    *

    La pluie s’est arrêtée : le calme avant la tempête ? Et là, je ne fais pas référence uniquement à la grisaille et aux trombes d’eau qui se déversent dehors par intermittence, mais au drame familial dont j’ai imaginé la trame et auquel tous vont prendre part. L’heure approche. Bientôt, ce sera l’entrée des artistes. Je vais tâcher de les ménager, même si j’ai très envie de maintenir un suspens hitchcockien. Pour l’occasion, j’ai préparé un dîner des plus raffinés, réflexe néo-bourgeois de survie en milieu hostile.

    L’interphone sonne.

    Lever de rideau, le spectacle peut commencer. La porte s’ouvre sur… Tante Amélie !

    Les cheveux aplatis, le visage ruisselant de pluie, elle lâche un bonjour de pure formalité, expédie les embrassades, avant de me jeter un : « ce repas, tu crois vraiment que c’est une bonne idée ? »… suivi d’un : « je viens d’affronter trois quarts d’heure d’embouteillage pour venir à ta sauterie ». Ça, c’est Tante Amélie. Elle mord comme elle respire. Parfois, je suis fortement tentée de lui communiquer l’adresse de mon psy, mais je me ravise aussitôt : les conseils lui font l’effet d’une déclaration de guerre.

    Je m’écarte sur son passage pour la laisser entrer dans l’arène. Elle n’est pas seule. D’autres membres de ma famille lui emboîtent le pas. À croire qu’ils attendaient son arrivée, tapis sous un abri, pour se manifester à leur tour. Tandis que les convives pénètrent un à un dans le salon, je me campe face à eux, avec la félinité d’une Mata Hari¹. J’observe les acteurs de ma mise en scène.

    Il y a Charles et Béatrix, mes cousins, plus unis par les boutades et les railleries que par les liens du sang. Oncle Alfred se tient à quelques pas, droit et réjouissant comme la justice française qu’il incarne à merveille dans ses fonctions d’avocat. Sa marotte, ce sont les sermons qu’il distribue comme du bon pain à qui veut les entendre. En réalité, personne, mais avec le temps, nous avons appris à faire semblant. II est suivi d’Amélie. À chaque réunion de famille, ma tante joue les trouble-fêtes avec une constance sans faille. Aurélia, Capucine et Lisa, les trois filles de mon autre tante, Adèle, sont là elles aussi, collées à leur mère comme elles le feraient pour contenir un objet précieux menaçant d’éclater en morceaux.

    Maman, en perpétuelle quête de reconnaissance, fait elle aussi partie de la troupe. Un peu perdue et paniquée par la mystérieuse promesse que je leur ai faite de leur annoncer « quelque chose de tout à fait exceptionnel », elle évolue avec la grâce, la transparence et la dangerosité d’une méduse, alternant silences, retraits calculés et attaques urticantes.

    Et enfin, Clara, la reine mère de notre clan : ma grand-mère. Quatre-vingt-quatre ans. Âge canonique dont elle use pour gérer, blâmer, vilipender tout un chacun dans un règne sans partage.

    Ils sont venus, davantage poussés par la curiosité que par la perspective de retrouvailles. Seule Marthe, l’épouse d’Alfred, manque à l’appel. Cette fois, c’est une « terrible angine » qui la clouerait au lit, la maintenant « dans une lutte entre la vie et la mort ». Dans de rares accès de compassion, il m’arrive de prier pour que mon oncle défende avec plus d’originalité l’intérêt de ses clients. La grippe aviaire, un détournement d’avion, une attaque à main armée feraient davantage sensation ! Mais laissons Alfred à ses arrangements.

    Nous en sommes à l’apéritif et chacun a pris place selon un plan de table sur lequel j’ai travaillé de longues heures dans le but de prévenir tout éclat intempestif. Je ne peux pas laisser le hasard décider du déroulement de la soirée. Ma terrine de poisson découpée à la hâte sous le feu des regards me vaut les premières critiques. Mes tantes n’y vont pas de main morte. Elles aiment blesser, voir l’autre souffrir ; l’odeur du sang les excite et les remplit d’importance. Amélie en profite pour se mettre en avant et énumérer à voix haute ses exploits culinaires, bousculant sans ménagement les barrières entre le réel et l’imaginaire. Elle s’apprête à nous livrer son secret sur l’art et la manière de faire monter la mayonnaise (je n’ai aucun doute sur ses compétences en la matière), quand une arête vient se loger dans le fond de la gorge de la petite Lisa. Elle hurle avec la puissance d’amygdales d’une fillette de dix ans, tandis qu’Adèle tente de lui faire cracher le morceau. Une vocation chez ma tante. Saisissant au vol l’opportunité de placer l’un de ses jugements à l’emporte-pièce, Oncle Alfred nous met en garde contre les accidents domestiques, le défaut de surveillance parentale, le désordre social, dans une société où « tout fout le camp, c’était mieux avant ».

    — Tu veux dire du temps où l’on fumait dans les voitures, fenêtres fermées, avec les bambins qui s’intoxiquaient sans broncher sur la banquette arrière ? C’est vrai qu’à cette époque, on savait y faire avec les enfants, jubile Béatrix, avant de lancer une œillade complice à son cousin. Charles ne semble pas vouloir saisir la balle au bond. Il redoute certainement un retour de bâton.

    — Je la tiens, je ne la lâche pas ! s’écrie Amélie en extirpant fièrement l’instrument de torture de la bouche de ma nièce transformée pour l’occasion en chantier de fouilles publiques.

    L’incident clos, chacun reprend sa place ou son masque, selon.

    II

    Profitant de la fin de la performance vocale de Lisa, j’annonce :

    — La dinde est servie ! Allusion à peine voilée à Tante Amélie, dont l’ego surdimensionné l’épargne fort heureusement de toute interprétation personnelle.

    Le moment est parfait pour attaquer le morceau. Je suis comme inspirée :

    — Dix ans ! Les années sont passées sur vous comme sur vos souvenirs, emprisonnant peut-être votre mémoire dans l’irréalité.

    Même lieu, même ambiance, mêmes convives. À une exception près…

    Je marque une pause oratoire, le temps de reprendre mon souffle et de mesurer l’effet de cette annonce. Un banc de carpes inanimées me fait face.

    Tandis que la lame du couteau s’enfonce dans la chair tendre et ferme de la volaille, je poursuis, tranchante moi aussi :

    — André Walcht, mon grand-père. Disparu il y a tout juste dix ans. Eh bien, savez-vous ce qui me vient à l’esprit en considérant cette tablée familiale ? Je me dis qu’il est temps de sortir le squelette du placard. Enfin, du caveau.

    — Irène ! s’insurge Alfred. Il me regarde, interloqué.

    — Ne t’impatiente pas, Alfred, tu auras largement l’occasion de t’indigner au cours de ce repas, alors essaie un peu de te réserver pour après, de façon à ne pas me couper toutes les trente secondes.

    Je parlais donc de Papy, décédé lors d’un souper comme celui-ci, dans le climat serein de nos joutes verbales. Un motif des plus valables pour aspirer au repos éternel. J’entends encore le bruit sourd de son corps s’étaler sur la nappe du dimanche.

    — Une fin à sa mesure, ironise Adèle.

    — C’était un épicurien, Papy. Sauf les mois précédant sa mort, nuancé-je. Devenu maussade, il lui arrivait de parler seul pendant des heures ; je l’ai vu se tenir à lui-même de véritables conférences !

    — Ton grand-père était un dépressif chronique, m’interrompt Clara. Laisse-le reposer en paix. Il nous a fallu beaucoup de temps pour faire son deuil. Visiblement, ce n’est pas ton cas. Crois-moi, ce n’est pas avec un dîner commémoratif que tu y parviendras.

    — Merci, Mamie, mais ma demande faite à Alfred, à savoir de ne pas me couper la parole, est également valable pour toi. Papy me manque, et sa mort continue de m’intriguer. Tout de même, il lui en a fallu des monceaux de courage pour partir vers une terre inconnue, apprendre le swahili, aller au-devant de l’hostilité qu’il suscitait en tant que Blanc, monter et faire prospérer une entreprise de café. Tout à fait le genre d’actes

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