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Bienvenue à Silent Hill: Voyage au cœur de l'enfer
Bienvenue à Silent Hill: Voyage au cœur de l'enfer
Bienvenue à Silent Hill: Voyage au cœur de l'enfer
Livre électronique582 pages6 heures

Bienvenue à Silent Hill: Voyage au cœur de l'enfer

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À propos de ce livre électronique

Un héros perdu dans une ville de cauchemar...

La série Silent Hill de Konami est certainement la première à être évoquée lorsque l'on pense aux jeux vidéo d'horreur les plus réussis. Mettant en scène un héros perdu dans une ville de cauchemar – la brumeuse Silent Hill, – la saga a fait frissonner de nombreux joueurs. Elle fut si populaire, et ses scénarios si profonds, que deux films hollywoodiens adaptèrent la licence.
Third Éditions consacre donc aujourd'hui un nouveau livre dédié au mythe de Silent Hill, retraçant avec précision la genèse de cette série remarquable, décortiquant son univers ainsi que ses inspirations, pour terminer par en révéler tous les secrets.

Frissonnez en découvrant une histoire inspirée d'une saga de jeux vidéo d'horreur !

EXTRAIT

Il se réveille dans son lit, étonné de ne pas voir Eileen à ses côtés. L’atmosphère de la pièce lui paraît beaucoup plus lourde. Il découvre que son appartement est hanté par des manifestations de la dimension de cauchemar, qui s’infiltrent petit à petit. Les lettres qu’il trouve régulièrement sous sa porte, signées par Joseph Schreiber, lui apprennent l’utilité des bougies pour exorciser les pièces et des sabres de l’Obéissance pouvant neutraliser les fantômes. Une lettre en particulier explique qu’ils vont devoir se rendre au plus profond de l’esprit de Walter pour mieux le comprendre et l’empêcher de nuire.Henry espère que ces informations vont pouvoir l’aider à trouver un moyen de sauver Eileen. Il retourne à l’hôpital où elle l’attend, terrorisée. Il l’interroge sur Joseph et elle lui révèle qu’avant de disparaître, il agissait bizarrement. Ils décident de suivre le conseil du journaliste et de s’aventurer plus en profondeur dans les souvenirs de Walter.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

[…]cet ouvrage de 296 pages propose une analyse poussée de la saga, un décryptage de son univers et de ses influences, avec en prime, tout un chapitre dédié à l'ambiance musicale et sonore qui accompagne avec brio chacun des épisodes de Silent Hill. - Kamisamabob, Jeuxvideo.com

À PROPOS DES AUTEURS

Passionné de cinéma et de jeu vidéo, Damien Meccheri intègre la rédaction du magazine Gameplay RPG en 2004 en signant plusieurs articles du deuxième hors-série consacré à la saga Final Fantasy. C’est avec cette même équipe que Damien poursuit son travail en 2006 au sein d’une autre publication intitulée Background, avant de continuer l’aventure sur Internet, en 2008, avec le site Gameweb.fr. Depuis 2011, en plus d’une expérience de journaliste radio, il écrit des articles consacrés à la musique pour de nombreux ouvrages édités par Pix’n Love, tels que Zelda.
Féru de jeux vidéo et de cinéma fantastique depuis sa plus tendre enfance, Bruno Provezza a occupé de 2002 à 2006 la fonction de rédacteur en chef du site officiel du magazine Mad Movies, avant d’intégrer la rédaction du mensuel papier. Il y a également dirigé le numéro hors série consacré aux jeux vidéo. Il œuvre par ailleurs en qualité de traducteur pour le compte des éditions Flammarion et Pix’n Love et a coecrit Resident Evil.
LangueFrançais
Date de sortie24 avr. 2018
ISBN9782377840465
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    Aperçu du livre

    Bienvenue à Silent Hill - Damien Mecheri

    Illustration

    Bienvenue à Silent Hill. Voyage au cœur de l’enfer

    de Damien Mecheri et Bruno Provezza

    est édité par Third Éditions

    32 rue d’Alsace-Lorraine, 31000 TOULOUSE

    contact@thirdeditions.com

    www.thirdeditions.com

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    Le logo Third Editions est une marque déposée par Third Éditions,

    enregistré en France et dans les autres pays.

    Illustration

    Édition : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi

    Textes : Damien Mecheri et Bruno Provezza

    Relecture : Zoé Sofer

    Mise en pages : Julie Gantois

    Montage des couvertures : Frédéric Tomé

    Couverture classique : Frédéric Tomé

    Couverture « First Print » : Jordan Grimmer

    Cet ouvrage à visée didactique est un hommage rendu par Third Éditions

    à la grande série de jeux vidéo Silent Hill.

    Les auteurs se proposent de retracer un pan de l’histoire des jeux vidéo Silent Hill dans

    ce recueil unique, qui décrypte les inspirations, le contexte et le contenu de ces volets à travers

    des réflexions et des analyses originales.

    Silent Hill est une marque déposée de Konami. Tous droits réservés.

    Le visuel de la couverture classique est inspiré du film Silent Hill.

    Le visuel de la couverture « First Print » est inspiré des artworks des jeux de la série Silent Hill.

    Édition française, copyright 2016, Third Éditions. Tous droits réservés.

    ISBN : 979-10-94723-38-8

    Illustration

    Silent Hill : préface

    par

    Roger Avary

    Roger Avary est un réalisateur et scénariste Canadien. Il est notamment connu pour avoir cosigné le scénario de Pulp Fiction aux côtés de Quentin Tarantino, ce qui lui a valu l’Oscar du meilleur scénario original en 1995. Il est également le scénariste des films Silent Hill, Crying Freeman, True Romance et a réalisé Killing Zoe et Les Lois de l’attraction.

    INT. MAISON D’AVARY - OJAI, CALIFORNIE - TÔT DANS LA MATINÉE

    Tout a commencé, comme c’est souvent le cas, avec une sonnerie de téléphone. À l’autre bout de la ligne, il y avait SAMUEL HADIDA, qui avait produit mon premier film, Killing Zoe, ainsi que mon premier job de scénariste rémunéré, True Romance. Il va sans dire que je dois ma carrière à Sammy. Il m’appelait de son bureau à Paris et un rapide calcul me révéla qu’il était près de quatre heures du matin en France. Sammy, qui possède l’énergie d’un millier d’hommes, a tendance à faire trois journées en une (une pour l’Europe, une pour l’Amérique et une pour l’Asie), entrecoupées de micro-siestes. Mais en dépit du manque de sommeil, il était visiblement tout excité et, malgré L’ÉCHO sur la ligne internationale, deux phrases me sont parvenues avec la clarté du cristal :

    SAMMY

    (avec un fort accent français)

    Christophe va réaliser Silent Hill ! Il veut que tu l’écrives.

    CHRISTOPHE GANS et moi sommes amis depuis toujours. Nous sommes tous deux membres honoraires du clan Hadida et – comme la mafia dans Le Parrain – quelle que soit la distance que tu mets entre eux et toi, ils ne cessent de te replonger dedans.

    ROGER

    (sans hésiter)

    Je vais le faire.

    Je n’avais pas vraiment besoin d’entendre parler d’une quelconque quantité de dollars ou de détails de contrat. Je savais que Sammy me réservait quelque menue monnaie. Mais travailler avec lui et Christophe, c’était retrouver les délices et l’excitation de ces jours lointains où j’étais un jeune gars naïf aux yeux écarquillés, avec un sac sur le dos, et qui s’apprêtait à pénétrer ce business infesté de requins. Et puis, je suis un mordu de jeux vidéo, et le premier Silent Hill est sans discussion possible l’un des meilleurs jeux jamais faits. Quand j’y ai joué pour la première fois sur PlayStation, je me suis retrouvé dans un monde de grillages tordus, de ténèbres répugnantes et de brouillard impénétrable. Des sons angoissants s’échappent d’un bourbier et quand ils se révèlent provenir de formes monstrueuses qui émettent de longues plaintes de douleur, votre pouls s’accélère et vous retenez votre respiration. Je me rappelle y avoir joué durant des jours, et quand je faisais une pause pour assouvir quelque besoin trivial, comme manger ou dormir, un monde aussi réel que terrifiant m’attendait. C’était un de ces jeux qui rendaient le monde réel irréel.

    SAMMY

    Tu es devant ton ordinateur ? Je t’envoie le traitement de Christophe.

    Sammy sait que j’écrirais le script gratuitement - il sait que je ne peux pas résister. Bien sûr, il mettra de l’argent sur la table, seulement parce qu’il sait que j’ai des agents, des managers et des avocats dont le job est de me protéger de mes propres passions. Mais si Sammy obtient son deal – et il l’obtient toujours –, c’est parce qu’il rend tout le processus fun, et qu’il me rappelle l’époque où j’étais idéaliste et affamé.

    Soudain, mon Powerbook émet un DONG, m’indiquant ainsi que j’ai reçu un e-mail.

    SAMMY

    J’ai entendu un bip ! Lis-le. Puis viens à Paris. On ira se faire un karaoké !

    J’ouvre le document. C’est une traduction maladroite d’un traitement originellement écrit en français par Christophe et NICOLAS BOUKHRIEF, le réalisateur-scénariste du Convoyeur. Nicolas est un membre du BOBUN. Le bobun est un plat vietnamien, un assemblage d’ingrédients divers balancés dans une soupe. C’est aussi un collectif rassemblant l’élite des cinéphiles parisiens, et dont je suis membre honoraire. Le Bobun se rassemble chaque semaine dans un restaurant vietnamien du Triangle d’Or, un coin de Paris où l’on trouve les meilleures boutiques de BD, de jeux vidéo et de DVD. C’est là que se trouve Album, ma boutique de BD préférée sur la planète. Et voir que Nicolas est impliqué dans Silent Hill, c’est comme entendre l’appel de la nature. Il y aura de la bouffe vietnamienne, d’intenses discussions sur l’état du cinéma mondial et des échanges de trésors de geeks. Je ne peux, et ne veux, refuser ce job.

    FONDU SUR :

    INT. APPARTEMENT DE ROGER - RUE DES SAINTS-PÈRES - MATIN

    Il pleut à Paris et, à travers la fenêtre de ma chambre, je contemple les toits de Saint-Germain-des-Prés. L’image pourrait aisément provenir d’un film de Polanski, et j’ai toujours une irrépressible envie de me balader de toit en toit, comme l’un de ses personnages. J’ai passé ma nuit sur Silent Hill 3, auquel je n’avais jamais joué auparavant, et chaque matin, j’ai l’impression de me réveiller d’un rêve où je me réveillerais d’un rêve.

    Ma femme et moi prenons un rapide café au lait en bas et je retrouve mon chauffeur au point de rendez-vous habituel, juste en face de la maison couverte de graffitis de Serge Gainsbourg.

    INT. MERCEDES S600 NOIRE - EN ROUTE - JOUR

    La voiture est noire et luxueuse. L’un des termes de mon contrat avec Sammy stipule que je ne conduis pas dans Paris. Je ne conduis plus depuis que Quentin Tarantino et moi sommes presque tombés en panne d’essence en essayant de trouver une station-service en 1992, alors que nous nous rendions à Amsterdam pour écrire Pulp Fiction. Ça m’a tellement traumatisé que j’ai immédiatement revendu ma Caterham Super-7 et que j’ai décidé de ne plus jamais conduire en France. Mon chauffeur, MICHEL, ajuste son rétroviseur pour mieux me voir.

    MICHEL

    Vous avez bien dormi, Monsieur Avary ?

    ROGER

    J’ai fait des cauchemars.

    MICHEL

    Vous m’en voyez désolé.

    ROGER

    Non, c’est une bonne chose. Là, maintenant, j’ai besoin de faire des cauchemars.

    Il acquiesce, pas très sûr de ce que je veux dire par là.

    MICHEL

    De quoi avez-vous rêvé ?

    Dans mon rêve, j’avais une relation sexuelle torride avec une créature écorchée de sexe indéterminé, mais ce n’est pas ce que je raconte à Michel.

    ROGER

    J’étais... nu à l’école. C’était la période des examens et je n’étais pas allé en classe de toute l’année.

    MICHEL

    (il sourit et acquiesce)

    Oui – moi aussi, je fais ce rêve.

    Je regarde à travers la fenêtre de la voiture alors que nous passons devant le magasin Louis Vuitton situé sur les Champs-Élysées. Ça ressemble à un sac en cuir de quatre étages recouvert du logo LV. Je ferme les yeux et repense à l’orifice charnel sanguinolent de mon cauchemar. Je ne veux pas l’oublier. Mes rêves ont tendance à être intensément vivaces, et plus encore depuis que je travaille sur ce projet. J’ai besoin de les exploiter. De les utiliser. De les intégrer à l’atmosphère et à l’ambiance que requiert ce job. Après tout, s’ils sont là, c’est pour une bonne raison.

    EXT. DAVIS FILMS – JOUR

    Quand j’ai rencontré Sammy, ses bureaux se trouvaient dans un immeuble que l’on peut voir dans Le Samouraï de Jean-Pierre Melville. J’adorais rendre visite à Sammy parce que, alors que je m’approchais de ses bureaux, je marchais dans les pas de Jef Costello (incarné dans le film avec une élégance folle par Alain Delon). C’est grâce au Samouraï que j’ai appris comment un homme doit tenir un flingue - comment on doit approcher quelqu’un qu’on s’apprête à descendre. Tout ça a nourri l’imagerie de Killing Zoe et j’ai toujours pensé que le fait que les bureaux de Sammy se trouvent à cet endroit était la manifestation d’une destinée cosmique.

    Mais les temps ont changé. Sammy n’est plus le producteur/ distributeur qui galérait pour imposer le cinéma de genre dans les salles obscures françaises. Aujourd’hui, Sammy est un titan, admiré au sein de la communauté hollywoodienne comme un anticonformiste qui fait ce qu’il veut quand il veut. La devise de Sammy, c’est : « On aime, on fait ! » Et ses récents succès l’ont placé dans une position où il ne peut plus jouer au pauvre petit producteur indépendant. Les nouveaux bureaux de Sammy sont situés dans une ancienne ambassade de cinq étages, dans le 16e arrondissement. La sécurité est draconienne, mais on m’a donné une carte qui me permet d’entrer sans difficulté.

    INT. DAVIS FILMS – BUREAU DE SAMMY – JOUR

    Sammy travaille dans une immense pièce pleine de dorures autrefois réservée à un ambassadeur. Son bureau, un truc authentique de l’époque Louis XIV, trône au centre de la pièce sous un plafond de 9 mètres de haut et sur un sol en parquet. Il est recouvert de piles de cassettes vidéo, de matériel promotionnel, d’accessoires de cinéma et de plus de scripts que je n’en ai lus durant toute ma vie. La fumée de sa cigarette l’entoure comme le souffle d’un dragon, mais il est d’humeur joyeuse et taquine, sautant dans tous les coins de la pièce tout en agitant ses mains pendant qu’il décrit un film quelconque qui met ses neurones en ébullition. Il possède l’énergie illimitée des deux frères Weinstein combinés et sous drogue. Chaque journée commence par une réunion.

    SAMMY

    (excité)

    Comment ça se passe ?

    ROGER

    Fantastique. On a presque fini. Honnêtement, je ne pensais pas qu’on retravaillerait autant le matériau d’origine. J’espère que--

    SAMMY

    Il y aura de l’action ?

    ROGER

    Eh bien... heu, Silent Hill, ce n’est pas tant de l’action qu’une atmosphère.

    SAMMY

    (soudainement sérieux)

    Hey, mec. Il peut y avoir de l’action dans l’atmosphère.

    ROGER

    Mais Christophe insiste beaucoup pour que le film soit fidèle à l’esprit du jeu, et dans le jeu--

    SAMMY

    On s’en branle de ça, mec. On fait un film, pas un jeu. Et les monstres ?

    ROGER

    Ben, on utilise des monstres issus de tous les silent--

    SAMMY

    (il m’interrompt)

    C’est quoi : Red Pyramid ? Je comprends pas.

    ROGER

    Red Pyramid est l’une des créatures centrales du jeu. C’est une sorte de semi-démon...

    Sammy acquiesce vigoureusement, il aime bien le mot « démon ».

    ROGER

    ... il est issu des ténèbres, comme un bourreau qui--

    SAMMY

    OK, mais il ressemble à quoi ?

    ROGER

    Grand. Démoniaque. Avec une énorme épée. Il a un gigantesque casque rouge qui--

    SAMMY

    Ça sonne bizarrement. « Red Pyramid ». Les gars de Sony ne comprennent pas. On pourrait peut-être mieux le décrire ? Peut-être qu’ on pourrait changer son nom dans le script ?

    ROGER

    (réfléchit)

    Bien sûr. Pourquoi on ne mettrait pas des images du jeu dans le scénario ? On pourrait--

    Le téléphone de Sammy SONNE, et il décroche instantanément.

    SAMMY

    Oui ?

    (une pause)

    Merde ! Trou du cul ! Le Canada fait partie de l’Amérique du Nord !

    (une pause)

    Pas sans le Benelux !

    (une pause)

    Eh ben tu peux aller te faire foutre !

    Il colle le combiné contre lui et me regarde soudainement.

    SAMMY

    Cette négociation risque de durer un peu. Va prendre un expresso. On déjeune ensemble plus tard.

    Il retourne à son appel et se lance dans un ASSAUT FÉROCE à l’encontre de la personne à l’autre bout du fil tout en s’allumant une cigarette, et je me demande... a-t-il dormi la nuit dernière ?

    INT. DAVIS FILMS - CAFÉTÉRIA - JOUR

    Il est désormais dix heures du matin, et c’est seulement maintenant que la moitié des employés arrivent. Je ne sais pas vraiment comment les gens qui bossent pour Sammy parviennent à faire leur taf, vu que le café du matin dure environ trois heures, suivi par un déjeuner de quatre heures. Pendant tout ce temps, ça parle cinéma, et quand je demande au réalisateur de documentaires DAVID MARTINEZ et au monteur SÉBASTIEN PRANGÈRE comment diable se fait le boulot, ils agitent tous deux la tête d’un air entendu.

    DAVID

    On se speede à la fin pour tout faire. Souvent à la dernière minute.

    (en haussant les épaules)

    À la française.

    ROGER

    Et ça ne met pas Sammy en colère ?

    SÉBASTIEN

    C’est le pire d’entre nous. C’est le roi geek – les films avant tout, même quand on en fait un.

    J’essaye de comprendre cette dernière phrase quand CHRISTOPHE GANS entre dans la pièce, discutant avec passion de Collatéral, qu’il a vu la veille au soir. Je reconnais plusieurs fois le mot « chef-d’œuvre » durant son speech. Je parviens également à traduire « Dans ce film, Tom Cruise est le Terminator », et dans un coin de ma tête, je note qu’il faut que je voie ce film.

    On m’a donné une carte magnétique qui me permet de prendre autant d’expressos que je veux à la machine à café, et ils sont étonnamment bons, du coup j’en avale une dizaine chaque matin. Christophe voit ma carte jaune et ses yeux sortent de ses orbites.

    CHRISTOPHE

    Ah ! On t’a donné une carte !

    ROGER

    Oui. Ils me l’ont filée l’autre jour. Je leur ai dit que j’avais besoin de café pour écrire.

    Il affiche un sourire diabolique.

    CHRISTOPHE

    Maintenant, on est sûrs que le film va se faire ! C’est la preuve !

    Visiblement, il est quasi impossible d’obtenir une de ces précieuses cartes, et la plupart des employés de Sammy doivent s’acheter leur propre café. Christophe y voit un bon présage. Sammy fera tout pour que le script soit terminé.

    CHRISTOPHE

    Ce soir, on va à la Cinémathèque, OK ?

    ROGER

    Bien sûr. Il y a quoi au programme ?

    CHRISTOPHE

    Une rétrospective des films de Jess Franco. Ils vont passer une version uncut de Geträumte sünden – le Necronomicon !

    J’acquiesce, familier de certains films de Jesús Franco. J’ai vu Vampyros Lesbos.

    ROGER

    Cool.

    CHRISTOPHE

    Après, on ira dîner avec Jesús.

    ROGER

    Merveilleux. J’ai toujours eu envie de le rencontrer.

    CHRISTOPHE

    Hey. Le mec a travaillé avec le compositeur Bruno Nicolai sur Marquis de Sade : Justine.

    Christophe est un peu le Quentin Tarantino français. Il a une connaissance encyclopédique sans pareille du cinéma. Sauf que, à l’inverse de Quentin, Christophe ne se limite pas aux films. Il consomme tous les médias. Livres, BD, journaux, critiques, et jeux vidéo. C’est la personne la plus lettrée que je connaisse. Quand Christophe joue à un jeu vidéo (et il les a tous faits), il ne se contente pas de l’essayer. Il s’acharne durant les quarante heures (voire plus) nécessaires pour le finir. Son logement, un peu en contrebas du mien dans la même rue de Saint-Germain-des-Prés, est une maison remplie à ras bord de DVD, LaserDisc, mangas, romans graphiques, CD, jeux vidéo, porno (son préféré est Buttman’s Ultimate Workout) - et de tout ce qui peut enrichir son cerveau en demande constante. C’est un homme robuste au torse imposant, et bien qu’il ressemble un peu à un diable, il a un côté enfantin qui révèle le gosse en lui. Il se moque toujours du fait que je suis marié depuis longtemps à la même femme et que je ne l’ai jamais trompée.

    CHRISTOPHE

    Pas moi. Le cinéma est ma maîtresse. Je lui donne tout mon amour. J’aime ma liberté.

    J’acquiesce pendant qu’il parle, l’écoutant avec intérêt me dire à quel point il aime les femmes athlétiques – particulièrement les cascadeuses. Christophe est le genre de gars qui veut jouer de tous les instruments de la création. Il ne peut pas se limiter à en pratiquer un seul, même si c’est un Stradivarius.

    INT. DAVIS FILMS – BUREAUX DE PRODUCTION DU GRENIER – JOUR

    Christophe et moi avons tout le quatrième étage pour nous tous seuls. Son story-boardeur vient jouer aux jeux avec nous et dessiner les centaines de plans de story-board qui sont nécessaires pour concevoir le film.

    Christophe est assis devant la PlayStation, baladant son avatar d’avant en arrière pour montrer le mouvement de caméra qui accompagne l’apparition des ténèbres qui recouvrent le monde de Silent Hill.

    CHRISTOPHE

    Regarde ! Tu vois ? Bordel, mec. Akira Yamaoka est un génie.

    Il parle, bien sûr, d’AKIRA YAMAOKA, le réalisateur et compositeur du jeu Silent Hill, et il a raison – c’est un génie¹.

    CHRISTOPHE

    On doit capturer le mouvement et les sensations de la caméra de Yamaoka.

    ROGER

    J’imagine, bien sûr, qu’on aura droit à ton plan-signature ?

    Christophe se tourne vers moi avec un sourire diabolique.

    CHRISTOPHE

    Bien sûr.

    Plus tard, alors que les vraies ténèbres du monde s’abattent sur Paris, Christophe se lance dans une longue diatribe sur l’état du monde.

    CHRISTOPHE

    Silent Hill est pour nous l’opportunité d’exposer la mentalité sectaire des États-Unis... de révéler Bush et son culte pour ce qu’ils sont : des pirates de la démocratie, qui ont délaissé la République au profit d’un empire fasciste. Des tombereaux d’ignorance et de xénophobie ont lavé le cerveau de la Bible Belt² ; et comme les habitants de Silent Hill, ils vivent dans l’ignorance, avec une compréhension limitée du monde qui vit en dehors de leur bulle de réalité. Mais ces Ténèbres vont se refermer sur eux et la vengeance est le droit légitime des oppressés. Dans la scène finale, Sharon doit crier « VENGEANCE » !

    Après avoir essayé de faire le tri dans cette diatribe, je fais mine de suggérer à Christophe que le pardon est une notion plus noble que la vengeance. Mais Christophe est déjà parti sur autre chose, suggérant que les habitants de Silent Hill devraient tous avoir des yeux d’un bleu brillant. Il ramasse la manette et balade son personnage dans le décor.

    CHRISTOPHE

    Tu vois ? Regarde comment les ténèbres se sont emparées du monde.

    FONDU SUR :

    INT. TAXI – SOIR

    La journée est finie, et un vent froid amène des nuages de pluie sur Paris. Je grimpe dans le taxi qui doit m’emmener à la rétrospective Jesús Franco, même si je préférerais rentrer à la maison et regarder la Star Academy (une émission française qui mélange en gros American Idol et The Real World). Le chauffeur algérien se tourne vers moi, avec un air sérieux :

    CHAUFFEUR DE TAXI

    Américain ?

    ROGER

    (acquiesçant avec prudence)

    Oui.

    CHAUFFEUR DE TAXI

    Vous avez voté pour Bush ?

    J’hésite à lui dire en blaguant que je me suis encarté chez les Républicains.

    ROGER

    Non. J’ai voté pour Kerry.

    CHAUFFEUR DE TAXI

    Vous vivez à Paris ?

    ROGER

    Oui. Rue des Saints-Pères.

    CHAUFFEUR DE TAXI

    Pourquoi ?

    ROGER

    Je suis scénariste. Je suis là pour bosser sur un film.

    CHAUFFEUR DE TAXI

    (acquiesçant, d’un air entendu)

    Oh. Hollywood. OK. C’est bien.

    Il fait démarrer la voiture et m’emmène à la Cinémathèque française. Alors que nous roulons, la pluie ruisselle sur la vitre du passager arrière, et Paris devient floue.

    FONDU AU NOIR.

    1 Note de l’Editeur : Akira Yamaoka est en fait devenu producteur à partir de Silent Hill 3, mais il s’agit bien du compositeur de tous les épisodes à l’exception de Downpour.

    2 Note de l’Éditeur : Zone géographique des États-Unis qui abrite un nombre élevé de fondamentalistes chrétiens.

    Illustration

    Chapitre premier Introduction à Silent Hill

    Illustration

    Avant-propos

    Silent Hill, un nom aux multiples évocations. En premier lieu une série de jeux vidéo d’horreur qui s’est distinguée par une approche radicale, éprouvante et fascinante de la peur. Une série qui a su innover et montrer un autre visage de l’épouvante vidéoludique, plus profond, onirique et troublant. Une série dont le prestige s’est délité au fil des années et des itérations moins convaincantes, malgré de belles tentatives et un chef-d’œuvre trop confidentiel - Shattered Memories. Une série qui s’est noyée alors même qu’elle s’apprêtait à se parer d’une nouvelle robe pleine de promesses, celle du projet mort-né Silent Hills, initié par le directeur créatif Hideo Kojima (Metal Gear Solid) en collaboration artistique avec le réalisateur Guillermo del Toro (Le Labyrinthe de Pan, Hellboy).

    Avec huit épisodes « principaux », des annexes (le Book of Memories sur PSVita), des comics et deux films, la licence Silent Hill s’est épuisée dans sa propre originalité, ne devenant que l’ombre d’elle-même. Une marque déjà poussiéreuse, pleine de motifs qui, à force d’être usés, se sont vidés de leur substance première pour devenir des artifices. Un constat amer et partagé par la majorité des amateurs de longue date de la franchise. En vérité, ce jugement acerbe et cette aigreur des fans sont proportionnels à tout ce que la série a pu leur apporter en tant que joueur et en tant qu’individu.

    Car Silent Hill, c’est aussi une ville. Un personnage à part entière, théâtre d’angoisses innommables et terrain de jeu à grande échelle pour des artistes dont le goût pour le macabre et le sordide confine à la poésie. Silent Hill, ce sont des souvenirs, des traumatismes, des instants d’intenses émotions. Un mélange étonnant de divers sentiments extrêmes, du dégoût le plus total à la tristesse la plus inconsolable.

    Derrière ses mécaniques vidéoludiques forcées, héritières des codes du survival horror établis par Resident Evil, la série a toujours visé une expérience inédite, risquée, excessive, qui dépasse largement le spectre de la peur divertissante et rigolarde. L’amusement, le « jeu », n’ont guère leur place à Silent Hill. Bien sûr, pour apprécier le voyage, il faut accepter de se laisser terroriser, bousculer, surprendre. Les réfractaires aux sueurs froides et au morbide n’y trouveront qu’un parcours fatigant, ennuyant voire insupportable. La série a poussé l’horreur à son paroxysme et n’a jamais hésité à prendre à contre-pied les attentes - d’autant plus lorsque l’équipe originelle, la bien nommée Team Silent, était aux commandes, soit jusqu’au quatrième opus.

    L’appréciation de Silent Hill touche à l’affect, à l’intime, tout autant qu’à l’intellect. Sujet de multiples théories analysant la dimension symbolique de ses histoires cryptiques et représentations graphiques expressives, la série a passionné de nombreux joueurs qui se sont pleinement investis dans ce travail de réflexion et de recherche. Comme si, en creusant plus profondément dans le corps et l’esprit de ces œuvres interactives monstrueuses, on pouvait y dénicher des vérités indicibles sur nous-même et le monde. C’est toute la force de cette série d’avoir su proposer un tel réseau de signes, de métaphores sous-jacentes, qui peuvent à ce point entrer en résonance avec le joueur.

    De fait, comme bien souvent avec des franchises intéressantes à ce point essorées, chacun a sa propre définition de ce qu’est un bon Silent Hill. S’il est commun de considérer que le deuxième épisode est un chef-d’œuvre insurpassable et fondateur, les préférences peuvent varier. D’aucuns sont plus sensibles aux cauchemars rougeoyants de SH 1 ou 3, d’autres préfèrent le malaise dérangeant de The Room, certains ressortent bouleversés d’une session de Shattered Memories. Chaque épisode, même les moins aimés comme le quasi parodique Homecoming, a quelque chose à offrir, une identité qui lui est propre, serait-elle infime.

    Le nom du projet annulé était on ne peut plus pertinent. Silent Hill est pluriel. Cet ouvrage va en dévoiler les nombreuses facettes, en expliquer les rouages, les audaces, tenter de déterminer ce qui en fait une œuvre à part, unique. Toutefois, pour mieux comprendre les raisons qui en ont fait une série capable de toucher si intimement les joueurs, il faut revenir à ses racines. Malgré sa personnalité si marquée et reconnaissable, Silent Hill est avant tout l’enfant d’un registre qui a fait les beaux jours de la littérature et du cinéma, « l’horreur psychologique ».

    L’horreur psychologique : pourquoi se faire peur ?

    Des histoires de fantômes aux invasions de zombies en passant par le folklore gothique, les abominations indescriptibles ou encore la terreur à visage humain, les genres de l’horreur et de l’épouvante ouvrent la porte d’une émotion désagréable : la peur. De fait, et notamment en France où les hautes instances critiques se sont toujours méfiées du fantastique et de tout ce qui a trait à un imaginaire trop éloigné du réel, l’horreur est souvent considérée comme un sous-genre un peu vulgaire, en littérature comme au cinéma. Faire peur serait de l’ordre du divertissement¹ et non pas de l’art. Outre le non-sens de cette dichotomie qui pousse à mettre en opposition des approches tout à fait compatibles, la vérité est bien plus nuancée.

    De base, il y a une distinction qui est souvent faite entre l’horreur et l’épouvante. Le premier genre est plus enclin à l’expression graphique, à dévoiler les contours des monstruosités voire à basculer dans le gore, c’est-à-dire une forme de violence extrême et visuelle qui n’épargne rien – chair, sang, viscères, etc. Le second est quant à lui un genre de la suggestion, de l’angoisse latente, de l’appréhension et du non-dit. Dans cette case, nous pouvons ranger notamment les récits de fantômes et de possession, mais aussi les thrillers psychologiques qui ne s’aventurent pas nécessairement dans le surnaturel.

    En pratique, il n’est pas rare d’assister à un entremêlement de ces approches, qui viennent se compléter et se nourrir. Le principal problème avec la peur dans les arts narratifs est qu’elle demande un effort particulier de la part du spectateur ou lecteur. Tout le monde ne peut accepter d’éprouver cette émotion primitive et y trouver du plaisir. En soi, la quête du plaisir est la démarche traditionnelle et logique de celui qui va prendre la peine d’ouvrir un livre, regarder un film, lancer un jeu vidéo ou encore écouter une musique. S’il n’y a pas de plaisir ou de satisfaction au bout, à quoi bon se lancer dans une telle activité ?

    Le sursaut, le dégoût, le stress et les sueurs froides ne sont pas les réactions physiques les plus agréables. Pourtant, la tristesse non plus, or elle est l’un des moteurs premiers des plus gros succès de la littérature et du cinéma. La fiction agit en effet comme un écran, un filtre des émotions, qui sont véritablement ressenties par la personne mais dont l’inconscient sait qu’elles ne se basent pas sur le « réel » et que, par conséquent, il n’y a pas de danger. En l’absence de péril, l’esprit peut avaler tout entier les émotions les plus variées, le positif et le négatif ne sont plus vus comme tels. C’est la force de la représentation. Bien sûr, il faut être un minimum réceptif à la « suspension d’incrédulité » que demande une œuvre narrative et il existe de surcroît des personnes qui n’aiment pas pleurer à la lecture d’un livre ou être effrayées à la vue d’un film.

    L’horreur se met donc automatiquement à dos un certain nombre de gens. Mais à ceux qui prennent la peine de s’y plonger corps et âme, elle procure des sensations inhabituelles qui font tout l’attrait de l’expérience. Et il n’est pas rare qu’un rejet initial se transforme en succès populaire. Voir pour cela l’aura et l’impact encore vivaces de quantité d’œuvres. Des contes de fées - qui contiennent des éléments horrifiques évidents - aux grands succès de la littérature gothique (Frankenstein de Mary Shelley en 1818, Dracula de Bram Stoker en 1897), des chefs-d’œuvre de l’expressionnisme allemand (Nosferatu de Murnau en 1922) à l’étonnante vitalité du cinéma gore depuis les années quatre-vingt (et les épanchements ludiques d’Evil Dead de Sam Raimi ou Braindead de Peter Jackson), sans oublier le succès immense d’un écrivain comme Stephen King mais aussi la reconnaissance critique et publique totale d’un Psychose d’Alfred Hitchcock (1960), de L’Exorciste de William Friedkin (1973) ou de l’adaptation de Shining par Stanley Kubrick (1980), le genre s’est développé avec force.

    Aujourd’hui, quantité d’œuvres – dont la qualité est parfois sujette à discussion - sont des succès commerciaux indiscutables, en témoignent par exemple des séries de films comme les Saw ou les Paranormal Activity. Le public adolescent, féru de frissons faciles et en quête d’expériences extrêmes, est certes la première cible de cette vague du cinéma d’horreur et d’épouvante, mais il est fort probable que les effets de mode se dissiperont. Pour mieux ouvrir d’autres horizons. Le genre horrifique, quand bien même il renvoie à des codes, des stéréotypes et des classiques, est loin d’être figé. Il se meut, prend des formes qui reflètent aussi son temps. Le cinéma de zombies, né à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix² à travers les œuvres matricielles de George A. Romero (La Nuit des morts-vivants, Zombie), peut être vu au choix comme violent, contestataire, politique, écœurant ou encore délirant. Les histoires de fantômes et d’esprits démoniaques peuvent tétaniser ou émouvoir de par leur poésie sinistre.

    Chaque œuvre répond de ses propres envies, de ses propres besoins. Finalement, le seul dénominateur commun véritable que l’on pourrait trouver entre toutes ces approches serait la capacité à générer l’angoisse. Mais les frayeurs elles-mêmes ne sont pas toujours une finalité. Parfois, elles naissent simplement d’elles-mêmes, portées par le sujet ou les choix stylistiques.

    Dans ce contexte, ce que l’on appelle « horreur psychologique » ne tient pas tant d’un genre que d’une démarche. En soi, il ne serait pas erroné de dire que toute forme d’horreur est, par essence, psychologique. Qu’il s’agisse de l’expression de phobies primaires ou enfantines (l’obscurité, les insectes, la mort), d’une terreur « cosmique » comme dans les écrits de Lovecraft³ ou de créations contre-nature (les légendes de loups-garous, de vampires...), l’horreur a toujours pris racine dans les méandres de la psyché humaine et son instinct. Elle existe pour dévoiler et, dans l’idéal, combattre les pulsions refoulées, les angoisses inavouées et les appréhensions bien réelles. La catharsis⁴ pourrait ainsi être vue comme l’un des moteurs de ce genre qui nous confronte à notre part obscure. Peut-être y a-t-il un plaisir double dans le fait de se faire peur via une œuvre d’art : à la fois le goût du frisson, du choc émotionnel, la fascination pour le mal, mais aussi la sensation plus intime de regarder dans les recoins cachés de nous-même.

    C’est cet aspect qui agit comme la source des récits d’horreur psychologique. Dans les histoires d’horreur et d’épouvante plus traditionnelles, les personnages se retrouvent aux prises, malgré eux, avec des évènements surnaturels ou inquiétants qu’ils doivent parfois combattre pour survivre. Dans les œuvres d’horreur psychologique, ce sont les personnages eux-mêmes qui sont la source du « mal », ou qui gravitent autour. Leur quête est alors celle d’une introspection, un voyage dans leurs propres cauchemars qui peuvent se matérialiser ou se manifester sous diverses formes. Ce sont des œuvres qui cultivent l’ambiguïté, le doute, et qui nécessitent de la part des personnages une prise de conscience s’ils veulent sortir du labyrinthe⁵.

    Il n’est d’ailleurs pas rare que le spectateur ou lecteur soit lui-même perdu dans les fils du récit jusqu’au dénouement, qui peut apporter un nouveau regard sur les évènements qui l’ont précédé. C’est le cas de l’une des principales sources d’inspiration de Silent Hill, le film L’Échelle de Jacob (Adrian Lyne, 1990), dans lequel un ancien soldat de la guerre du Viêt Nam est victime d’hallucinations qui le font douter de sa santé mentale. Cela s’applique aussi à plusieurs cauchemars sur pellicules imaginés par le cinéaste David Lynch (Lost Highway, Mulholland Drive) et à bien d’autres longs-métrages qui ont joué sur la perte de repères et le flou entre rêve et réalité.

    Silent Hill a pris à bras-le-corps cette approche en faisant de sa ville éponyme un miroir du désordre mental des personnages. Alessa, immolée dans l’histoire du premier épisode, fait basculer la bourgade dans une dimension de cauchemar rouillée et sanguinolente à l’image de son corps en souffrance. Walter Sullivan, dans le quatrième épisode, erre à la recherche d’une mère qu’il n’a jamais connue, dans des décors traversés de matière organique et de cordons ombilicaux géants. Et ainsi de suite, avec un catalyseur différent à chaque épisode. Le personnage qui cause ces transformations répugnantes n’est pas nécessairement celui que le joueur contrôle, mais il demeure le pivot du récit.

    Silent Hill a ainsi concilié horreur graphique et épouvante intime dans un même mouvement, jouant sur cette ambivalence entre démonstration et suggestion pour glacer le sang du joueur et le transporter dans un univers malsain et déstabilisant, aux règles incertaines. Si le deuxième épisode a embrassé avec plus de ferveur encore l’horreur psychologique, grâce aux enjeux profondément touchants de son histoire, le premier a néanmoins apporté une nouvelle dimension aux jeux vidéo d’horreur. Loin de l’approche plus terre à terre et volontairement série B de Resident Evil, Silent Hill s’est démarqué par son atmosphère onirique et ses terreurs innommables, irrationnelles. Avec, comme fil rouge qui traverse une grande partie de la série en toile de fond, une utilisation pertinente d’une source de frayeur des plus inquiétantes : l’occultisme.

    L’occultisme

    Issu du mot latin « occultus », qui signifie « caché », l’occultisme renvoie à une quête de l’invisible, du secret des forces qui animent la nature. Par le biais de pratiques diverses - divination, alchimie, astrologie, magie noire, etc. -, la personne qui manipule les sciences occultes tente de dévoiler les vérités surnaturelles de l’existence. Le terme est parfois confondu avec l’ésotérisme⁶, qui désigne peu ou prou la même chose mais avec une démarche différente car l’ésotérisme est un savoir spirituel qui n’est transmis qu’à travers un enseignement réservé aux initiés.

    Dans tous les cas, les manifestations les plus connues des sciences occultes sont par exemple ce qui a trait à la cartomancie ou à la sorcellerie. L’occultisme ouvre sur un réseau de symboles, de corrélations, d’interprétations du monde. D’un point de vue populaire, c’est le territoire des superstitions et du paranormal, la source de croyances hérétiques comme le satanisme.

    L’être humain a de tout temps cherché à révéler l’invisible, à comprendre ce qu’il ne voit pas et n’arrive pas à appréhender. En force contraire de la religion, qui est une réponse censée être complète et adressée à tous, les arts occultes ouvrent une dimension plus inquiétante et incertaine, et donc plus facilement rejetée.

    Dans cette optique, le versant malfaisant de l’occultisme a naturellement trouvé sa place dans les récits d’épouvante. Le mythe des sorcières, de par ses liens avec le registre du merveilleux mais aussi avec les heures sombres de l’Histoire, a nourri quantité de fantasmes qui offrent une matière de premier choix pour les conteurs de toute sorte. De même, la démonologie, avec ses rituels et ses symboles magiques hérités de cultes païens et de pratiques ésotériques, est un terreau idéal pour draper une histoire de forces obscures.

    Silent Hill s’est approprié ces codes au sein de son univers, en déployant une mythologie qui lui est propre⁷ tout en l’appuyant en grande partie sur les sciences occultes. On retrouve ainsi le goût des Japonais pour le métissage culturel et les références étrangères. Dans l’histoire de la série, l’Ordre est une secte qui vénère des divinités démoniaques. Dès le premier épisode, plusieurs éléments clefs renvoient à l’occultisme. L’antagoniste Dahlia Gillespie évoque la gyromancie, une forme de divination qui demande de tourner au centre d’un cercle marqué de lettres tracées au hasard. Il est aussi fait état d’un Sceau de Métatron⁸, le sceau étant un objet considéré comme magique dans les arts occultes. Il y a par ailleurs des références à certains des sept esprits olympiens, mentionnés dans de nombreux livres de magie, Phaleg, Hagith ou encore Ophiel.

    Le Dieu de l’Ordre a, dans Silent Hill 1, l’apparence de Baphomet, idole vénérée par les Templiers et dont l’image – en particulier la tête de bouc - est parfois utilisée en lien avec le Diable, comme le sceau de Baphomet qui orne la couverture de la Bible satanique (Anton Szandor LaVey, 1969). À partir de Silent Hill 3 apparaît le symbole principal de l’Ordre, le nimbe solaire, qui mélange et se réapproprie alphabet runique, signes alchimiques et divers motifs astrologiques, ainsi qu’une référence au célèbre « Œil de la Providence⁹ ». Le même épisode introduit aussi des cartes de tarot dont la signification est liée aux protagonistes.

    Toute l’imagerie de la secte malfaisante, avec ses rituels, ses cérémonies et ses démons, se retrouve dans la série. Ce n’est pas nécessairement le point qui passionne le plus les admirateurs de Silent Hill, mais cette utilisation de l’occultisme confère aux jeux une dimension mystique pleinement assumée tout en apportant une forme de peur particulière, liée à la notion du sacré.

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