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Resident Evil: Des zombies et des hommes
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Livre électronique376 pages6 heures

Resident Evil: Des zombies et des hommes

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À propos de ce livre électronique

Les coulisses de développement, le gameplay, le scénario, l'univers : plus de 200 pages pour tout savoir sur Resident Evil !

La figure du mort-vivant fascine la littérature depuis près de deux siècles. Le plus emblématique de ses représentants, le zombie, est aujourd’hui plus que jamais au cœur de la pop culture... La Nuit des morts-vivants, 28 Jours plus tard, Shaun of the Dead, The Walking Dead : au cinéma, à la télé comme en bande dessinée, difficile d’échapper à ces créatures avides de chair humaine. Le jeu vidéo n’est évidemment pas en reste, auquel on doit l’initiateur d’un véritable renouveau de l’horreur, la série Resident Evil.
Pénétrez les bas-fonds de Raccoon City à la rencontre des héros ayant combattu la maléfique multinationale Umbrella. Découvrez la genèse de chaque épisode et le portrait de ses créateurs, l’analyse de leurs inspirations comme des évolutions de gameplay.

Replongez au cœur de cette grande saga de Capcom !

EXTRAIT

C’est en 1979 que Kenzô Tsujimoto décide de prendre en main son avenir. Le 30 mai de cette même année, il décide de créer sa propre société, spécialisée dans la production et la distribution de jeux électroniques. IRM Corporation est née. Dès 1981, la filiale Japan Capsule Computer est mise sur pied. Trois années plus tard, cette division se substitue à la maison mère et devient « Capcom », contraction du nom original (Capsule Computer). Basée à Ôsaka, la société va vite se spécialiser dans le jeu vidéo et commencer par proposer des titres destinés surtout au marché de l’arcade, au Commodore et à la NES de Nintendo. Le premier jeu de la firme est un shoot them up s’intitulant Vulgus, qui débarque dans les salles enfumées en 1984. Ce premier essai, bien que peu reluisant, ouvre les portes du succès à la société de Tsujimoto, aujourd’hui encore PDG de l’entreprise. L’année 1984 voit se produire un second événement décisif pour l’avenir de Capcom. Remercié par le voisin Konami, le jeune Yoshiki Okamoto vient grossir les rangs de l’éditeur d’Ôsaka. Le premier jeu qu’il signera chez son nouvel employeur sera 1942, shoot them up à défilement vertical qui marquera les esprits.

À PROPOS DES AUTEURS

Passionné depuis l’enfance par la presse papier, Mehdi El Kanafi n’a pas tardé à lancer avec Nicolas Courcier son premier magazine, Console Syndrome, au cours de l’année 2004. Après cinq numéros à la distribution limitée à la région toulousaine, il décide de créer avec Nicolas une maison d’édition du même nom. Un an plus tard, la petite entreprise sera rachetée par Pix’n Love, éditeur leader sur le marché des ouvrages consacrés au médium du jeu vidéo. Depuis 2015, il poursuit sa démarche éditoriale articulée autour de l’analyse des grandes sagas du jeu vidéo au sein de la nouvelle maison d’édition cofondée avec Nicolas : Third.

Féru de jeux vidéo et de cinéma fantastique depuis sa plus tendre enfance, Bruno Provezza a occupé de 2002 à 2006 la fonction de rédacteur en chef du site officiel du magazine Mad Movies, avant d’intégrer la rédaction du mensuel papier. Il y a également dirigé le numéro hors série consacré aux jeux vidéo. Collaborateur de Gameblog.fr de 2008 à 2014, il œuvre par ailleurs en qualité de traducteur pour le compte des éditions Flammarion et Pix’n Love.
LangueFrançais
Date de sortie7 févr. 2018
ISBN9782377840236
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    Aperçu du livre

    Resident Evil - Nicolas Courcier 

    Illustration

    CHAPITRE PREMIER

    Capcom, Shinji Mikami et la naissance du survival horror

    IllustrationIllustration

    PARMI les sociétés mythiques du jeu vidéo, Capcom occupe une place à part. La firme d’Ôsaka possède près de trente ans d’expertise dans le domaine vidéoludique, et son portfolio abrite des licences parmi les plus importantes de notre secteur. Comment cette firme s’est-elle façonnée ?

    Des débuts enthousiasmants

    C’est en 1979 que Kenzô Tsujimoto décide de prendre en main son avenir. Le 30 mai de cette même année, il décide de créer sa propre société, spécialisée dans la production et la distribution de jeux électroniques. IRM Corporation est née. Dès 1981, la filiale Japan Capsule Computer est mise sur pied. Trois années plus tard, cette division se substitue à la maison mère et devient « Capcom », contraction du nom original (Capsule Computer). Basée à Ôsaka, la société va vite se spécialiser dans le jeu vidéo et commencer par proposer des titres destinés surtout au marché de l’arcade, au Commodore et à la NES de Nintendo. Le premier jeu de la firme est un shoot them up s’intitulant Vulgus, qui débarque dans les salles enfumées en 1984. Ce premier essai, bien que peu reluisant, ouvre les portes du succès à la société de Tsujimoto, aujourd’hui encore PDG de l’entreprise. L’année 1984 voit se produire un second événement décisif pour l’avenir de Capcom. Remercié par le voisin Konami, le jeune Yoshiki Okamoto vient grossir les rangs de l’éditeur d’Ôsaka. Le premier jeu qu’il signera chez son nouvel employeur sera 1942, shoot them up à défilement vertical qui marquera les esprits.

    Premières armes, premiers succès

    La firme va alors enchaîner les hits, aussi bien dans les salles d’arcade que sur la Famicom de Nintendo. Au cours de ces premières années d’expansion, des jeux aussi mythiques que Commando ou Ghosts’n Goblins viennent enchanter les joueurs japonais. Ghosts’n Goblins sera même le premier jeu à se voir porter sur console par Capcom. En 1987, le premier Street Fighter voit le jour, sans véritablement attirer l’attention. Non, le public de l’époque lorgne plutôt la NES et son Megaman. Ce titre que l’on doit à Akira Kitamura propose un robot en guise de personnage principal : reconnaissable entre mille, ce héros ne va pas tarder à devenir l’emblème de la société. Au fil des années suivantes, de nombreux autres jeux tout aussi connus verront le jour (Final Fight, Strider, Son Son...), le marché de l’arcade restant le centre névralgique de l’éditeur. Les nostalgiques se souviennent certainement, parmi les systèmes les plus utilisés, des fameux Capcom Play System (ou CPS), affublés d’un numéro croissant avec l’évolution technologique. C’est d’ailleurs sur CPS I que sera programmé le beat them all de 1991 Captain Commando, dont l’abréviation, à la japonaise, reprend le nom de la marque. On notera un événement symptomatique en août 1985 : la firme nippone décide alors de créer la filiale Capcom USA. Ce souci d’ouverture sur le monde deviendra une marque de fabrique de la firme d’Ôsaka et lui permettra de continuer à prospérer pendant près de trente ans.

    Sweet Home, un jeu d’horreur

    En 1989, Capcom sort sur Famicom un RPG horrifique baptisé Sweet Home, inspiré du film éponyme réalisé par Kiyoshi Kurosawa. Le gameplay du jeu est proche de ce que l’on trouve dans le RPG d’Enix Dragon Quest : combats aléatoires en vue subjective, tour par tour, inventaire d’objets à gérer intelligemment pour bien progresser... Il évoque également par certains aspects le jeu d’aventure de LucasArts Maniac Mansion, sorti en 1987 : le joueur se voit proposer de constituer une équipe en choisissant parmi de nombreux jeunes personnages ; il est possible d’enclencher des discussions entre eux, d’observer les environnements au moyen de commandes dédiées ; plusieurs fins sont en outre proposées, en fonction de la composition du groupe de héros qui parvient à terminer la quête. L’aventure de Sweet Home se déroule dans un manoir hanté et possède déjà quelques attributs que l’on retrouvera plus tard dans le premier Resident Evil : l’ouverture de chaque porte est représentée par une cinématique ; de nombreuses notes laissées dans le décor renseignent sur les événements en cours ; l’inventaire est limité ; chaque personnage possède certaines capacités propres, qui lui permettent d’effectuer des actions spécifiques. Lorsque l’on se penche sur la genèse de Resident Evil, Sweet Home apparaît à n’en pas douter comme la première influence manifeste.

    L’éditeur d’Ôsaka prend de l’ampleur

    Nous sommes en 1991 et Capcom semble avoir déjà réussi son pari de s’imposer dans le domaine du loisir vidéoludique. Pourtant, une bombe se prépare à éclater dans les salles d’arcade, et quelque temps après sur Super Nintendo. Il s’agit bien entendu de l’arrivée du mythique Street Fighter II, véritable titre-culte ayant donné ses lettres de noblesse au genre du jeu de combat. Pourtant, l’éditeur ne s’arrête pas en si bon chemin ; toujours sous l’égide d’Okamoto, la production se diversifie. On peut noter que de nombreux partenariats avec Disney auront contribué à élargir la base de fans de la firme, des joueurs les plus férus d’arcade aux petits écoliers japonais. Le titre le plus représentatif de cette période est sans nul doute le jeu de plates-formes Aladdin, sorti sur Super Nintendo. En 1993, la société à la capsule s’attaque même au marché du RPG classique en signant le très réussi Breath of Fire. Ce jeu de rôle typiquement nippon engendrera quatre descendants, au centre desquels gravite toujours un héros nommé Ryû, capable de se métamorphoser en dragon.

    Alone in tne Dark : le survival horror à la française

    En 1992 débarque sur PC un jeu réalisé par Frédérick Raynal, édité par Infogrames. Son titre ? Alone in the Dark. Même si le terme n’avait pas encore été inventé à l’époque (par le service marketing de Capcom), on considère généralement qu’il s’agit là du tout premier survival horror. Alone in the Dark est un jeu d’aventure avant tout, proposant bien plus d’énigmes que de combats. D’ailleurs, la plupart des affrontements avec les zombies qui peuplent l’environnement (au nombre de quelques dizaines) peuvent être évités pour peu que l’on fasse fonctionner sa matière grise. Le jeu surprend également d’un point de vue technique : si les personnages sont modélisés en 3D, chose déjà peu courante à l’époque, les décors, eux, sont en 3D précalculée. Cette technique permet un placement de caméra judicieux, de proposer des angles de vue étudiés, propres à susciter et à entretenir la sensation de stress. S’agissant de l’ambiance, on découvre un contexte proche de l’œuvre de Lovecraft, le projet initial devant d’ailleurs s’inscrire dans la licence officielle de cet univers si particulier. Bien que Shinji Mikami ait longtemps affirmé ignorer l’existence d’Alone in the Dark à l’époque où il a conçu le premier Resident Evil, une récente interview parue le 14 octobre 2014 sur le site LeMonde.fr voit le créateur admettre pour la toute première fois l’influence du jeu de Frédérick Raynal : « Quand Sony a annoncé les caractéristiques techniques et le nombre d’éléments en 3D que l’on pourrait afficher à l’écran, on était sceptiques, se souvient-il. J’ai repensé le jeu en partant du principe que la console serait 50 % moins puissante qu’annoncé. J’ai donc opté pour un jeu de tir en vue subjective, car cela permettait de faire l’économie d’un personnage à l’écran. Il n’y avait plus qu’à afficher les décors et les ennemis en 3D. [...] C’est alors que j’ai joué à Alone in the Dark, qui se composait de décors fixes. C’était très intéressant, car il y avait une expressivité plus importante. L’étape suivante a consisté à adapter Resident Evil à ce modèle. [...] Sans lui, reconnaît Mikami, Resident Evil serait probablement devenu un jeu de tir en vue subjective¹. » On comprend ainsi qu’il avait été convenu d’un arrangement entre Infogrames et Capcom, dans le but pour ce dernier de garder secrète l’influence du jeu français sur Resident Evil. Mikami n’en persiste pas moins à répéter que sa principale influence issue du jeu vidéo est à chercher du côté de Sweet Home, et que, en ce qui concerne l’ambiance, les films de George A. Romero, tout particulièrement son Dawn of the Dead (sorti en 1978 sous le nom de Zombie en Europe), auront été sa plus grande source d’inspiration.

    Doctor Hauzer

    Un autre jeu japonais paraît également avoir exercé une influence dans la création de Resident Evil, il s’agit de Doctor Hauzer, sorti sur 3DO en 1994. Développé par Riverhill Soft, et édité par Panasonic, réalisé par Kenichirô Hayashi, ce jeu tient pour l’essentiel du plagiat pur et simple de celui de Frédérick Raynal. Il s’agit donc là encore d’une aventure à l’ambiance oppressante qui voit le héros évoluer seul dans un manoir. Cette fois, cependant, pas d’ennemis à combattre, seulement de nombreux pièges à éviter. Le scénario place le protagoniste dans la demeure du docteur Hauzer, archéologue réputé ayant mystérieusement disparu. Les angles de caméra sont ici également très étudiés, mais le joueur peut choisir à tout moment de changer de point de vue : vision subjective, caméra zénithale (au-dessus du personnage) ou enfin alternance d’angles de vue fixes. Le point essentiel sur lequel Doctor Hauzer s’éloigne de son modèle Alone in the Dark concerne la réalisation technique : l’intégralité du jeu est ici en 3D temps réel. Le visage du héros est en outre animé, ce qui lui permet d’afficher quelques expressions. Même si le procédé est encore assez rudimentaire, le traitement visuel évoque ce que l’on nommera bien des années plus tard le cel shading. Au bout du compte, le titre aura surtout marqué par sa maniabilité délicate... et son extrême lenteur. On retrouve quoi qu’il en soit de nombreux éléments du jeu de Hayashi dans Resident Evil : la même mise en scène lorsque le joueur ramasse quelque chose (un zoom, et l’objet tourne sur lui-même), certains types d’énigmes (dont l’une associée à une horloge cachant une clef) ainsi que l’association d’une cinématique à l’ouverture des portes – même s’il est vrai que ce procédé remonte en fait à Sweet Home.

    À l’heure de la transition : le CD-ROM débarque

    1994. En ayant donné naissance à pléthore de titres-cultes dans tous les secteurs du marché (en arcade, chez SEGA comme chez Nintendo), Capcom a définitivement marqué de son empreinte le fameux « âge d’or du jeu vidéo japonais ». Alors que commence à pointer le bout de son nez la génération de consoles suivante, les spécialistes de l’époque parlent d’une révolution dans l’architecture des machines 32 bits (PlayStation et Saturn), qui participeront à l’avènement de l’ère du CD-ROM. Encore une fois, l’éditeur nippon va répondre présent, en sachant anticiper ce changement à travers la production de jeux qui répondront à ce que souhaitent les joueurs de cette fin du XXe siècle. Avec la PlayStation, le marché s’ouvre en direction d’un public encore plus large, plus adulte et adepte de nouvelles expériences. C’est alors que Capcom, en 1996, livre au monde le premier volet de ce qui deviendra la saga des Resident Evil. Réalisé sous la conduite de Shinji Mikami, ce jeu propulse la PlayStation sur le devant de la scène et contribue à façonner l’image « rebelle » de la console de Ken Kutaragi.

    Shinji Mikami, père du survival horror, connaît une enfance agitée

    Shinji Mikami est né le 11 août 1965 à Yamaguchi, préfecture à l’ouest de Honshû, près de Kyôto. Son enfance est bercée par les films d’action, et plus particulièrement par les longs-métrages mettant en scène Bruce Lee ; sur ce sujet, Mikami a pu raconter : « Gamin, quand je regardais les films de Bruce Lee, j’étais excité comme un fou, j’avais envie de donner des mandales à tout le monde² ! » La violence, le jeune Shinji Mikami y est hélas confronté au quotidien : « Mon père était assez effrayant. Il me frappait à peu près tous les jours. Je me souviens d’un soir où j’étais allé au lit sans avoir fait mes devoirs. Énervé par mon comportement, il m’a chassé de ma chambre au milieu de la nuit et m’a ordonné d’aller dehors. En pyjama et sans chaussures, je suis donc sorti dans le froid. Mon père m’a alors demandé de rester devant la voiture, tandis qu’il se mettait au volant et commençait à avancer. J’ai dû courir devant lui sur environ cinq ou six kilomètres, jusqu’à atteindre la côte. Sans dire un mot, il a alors fait demi-tour. J’ai compris qu’il me fallait rentrer à pied. Avec le recul, je me suis dit que si la police avait vu ce garçon pieds nus en pyjama, poursuivi par un gars dans une voiture, elle l’aurait sans aucun doute arrêté³. »

    Malgré une vie de famille compliquée, Mikami persévère dans les études et obtient son diplôme à l’université Dôshisha de Kyôto, après avoir échoué aux examens d’entrée deux années de suite. Joueur d’arcade invétéré, ce n’est qu’à cette époque que le jeune homme découvre les jeux Capcom avec Ghosts’n Goblins et 1942 : un véritable coup de foudre. La façon dont il va bientôt entrer en contact avec l’éditeur est somme toute originale : « L’un de mes amis avait trouvé un prospectus pour un buffet organisé par Capcom dans le cadre de la recherche de nouveaux employés. Mon ami me l’a donné parce qu’il savait que j’aimais les jeux vidéo. À la base, je m’y suis rendu uniquement parce que j’avais envie de manger à l’œil ! Sur place, après quelques échanges avec des employés de Capcom, j’ai trouvé les postes proposés tout à fait convenables. J’ai donc postulé à la fois chez Capcom et chez Nintendo ; mais il a fallu que la deuxième série d’entretiens se déroule le même jour pour les deux sociétés, j’ai dû alors faire un choix... et ce fut Capcom⁴. »

    Des débuts tranquilles

    Nous sommes en 1990 et Shinji Mikami commence son activité chez l’éditeur par un petit jeu Game Boy intitulé Capcom Quiz : Hatena ? no Daibôken. Les délais de production sont très serrés : ses supérieurs ne lui ont octroyé qu’un mois pour réaliser le jeu. Cependant, perfectionniste déjà, le jeune Mikami veut absolument peaufiner son travail jusqu’au moindre détail. Achevant le jeu sous pression, il lui aura finalement fallu trois mois pour rendre sa copie. Il craignait même l’annulation pure et simple de la sortie du jeu à cause du retard accumulé.

    L’année suivante, on confie à Shinji Mikami l’adaptation pour Game Boy du film de Disney Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Si le succès est au rendez-vous en Europe comme aux États-Unis, le jeu passe inaperçu au Japon, de sorte que la cote de popularité du concepteur stagne dans son pays natal. Capcom le charge alors de développer un jeu de Formule 1 destiné au marché occidental. Mikami est dans un premier temps ravi par cette nouvelle tâche, car il adore les jeux de course ; mais, rapidement, le chantier se transforme en cauchemar : voulant créer un jeu de grande qualité, il pousse ses collaborateurs à bout, se montre extrêmement exigeant et leur en demande toujours plus. Sans surprise, le développement prend du retard. Les programmeurs finissent par admettre qu’ils ne peuvent faire mieux, ce qui met Mikami dans une colère noire. Il menace alors ses collaborateurs de tout annuler, et c’est bien ce qui finit par se produire après huit mois de développement, du fait de ces retards répétés. Mikami confesse aujourd’hui avoir manqué de maturité à l’époque ; il admet n’avoir pas su reconnaître les limitations techniques des machines sur lesquelles travaillaient son équipe et lui.

    Les années Disney

    En 1993, Shinji Mikami se voit de nouveau confier l’adaptation d’un film de Disney. Cette fois, c’est Aladdin qui va faire escale sur Super Nintendo. Le concepteur s’acquitte de cet office haut la main ; toutefois, à la même époque, son jeu doit faire face à la version Megadrive du même titre, mise au point par un certain David Perry. Le jeu américain reçoit un meilleur accueil que celui de Mikami, qui accuse visiblement le coup et se trouve privé du succès qu’il méritait pourtant – il aura fallu attendre 2014 pour que le fier développeur admette tout de même, dans un entretien donné au site Polygon, la supériorité du titre de Perry. Mikami enchaîne néanmoins avec le développement d’un nouveau jeu tiré d’une licence Disney : Goof Troop (1994). Le concepteur – qui déplore à l’époque le manque d’ambition du titre – voit dans cette tâche une véritable punition. Même si elles ne lui auront en définitive apporté ni la gloire ni la reconnaissance, ces « années Mickey » auront un impact sur la suite de la carrière du game designer, comme il le confiera plus tard : « Je crois que je peux remercier Disney pour ces adaptations, car la frustration accumulée pendant cette période a contribué à la création de Resident Evil. » Malgré ses succès modérés, Mikami commence à se faire remarquer en interne pour son perfectionnisme, sa persévérance et les efforts qu’il déploie pour mettre au point des jeux sans accrocs. Ce caractère bien trempé et ses qualités de game designer lui vaudront la visite de Tokurô Fujiwara⁵, venu l’entretenir d’une licence inédite qu’il souhaite mettre en production pour la nouvelle console de Sony, la PlayStation. Ce titre serait une « suite spirituelle » de Sweet Home. Fujiwara raconte avoir demandé à Mikami si ce dernier détestait être effrayé. Ce à quoi le jeune homme allait répondre à celui qui deviendrait bientôt son mentor par un franc « Oui ! »⁶. Fujiwara poursuit en affirmant qu’il n’aurait pas confié le projet à Mikami dans le cas contraire. C’est de cette discussion qu’allait naître la plus grande œuvre de Shinji Mikami.

    Illustration

    1 http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/10/14/shinji-mikami-aux-sources-du-jeu-d-horreur45024004408996.html.

    2 http://www.gamekult.com/actu/tgs-interview-shinji-mikami-A87569.html.

    3 http://www.giantbomb.com/shinji-mikami/3040-32999/.

    4 http://www.giantbomb.com/shinji-mikami/3040-32999/.

    5 C’est à Fujiwara, chez Capcom depuis 1983, que l’on doit entre autres la saga Ghosts’n Goblins.

    6 http://www.glitterberri.com/developer-interviews/tokuro-fujiwara/.

    Illustration

    CHAPITRE II

    Genèse des jeux

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    LA GENÈSE de la saga Resident Evil tient véritablement du roman, tant la réalisation de chacun des jeux aura été émaillée de difficultés, de revirements et de conflits internes. Bien entendu, la personnalité volcanique de Shinji Mikami ainsi que son perfectionnisme légendaire entrent pour une large part dans ces gestations compliquées. Sans lui, toutefois, il est certain que la saga n’aurait jamais atteint une telle qualité, avec la popularité qui en a découlé.

    Les origines de l’horreur

    Shinji Mikami accepte immédiatement la proposition de Fujiwara de donner une suite spirituelle à Sweet Home. Néanmoins, il émet quelques réserves sur le succès que pourrait rencontrer le jeu à venir, au vu des ventes moyennes du titre originel. Son supérieur le rassure en lui avouant que Capcom n’escompte pas en vendre plus de cent cinquante mille exemplaires, un chiffre très faible en comparaison des résultats des autres productions de la marque à l’époque. L’important pour l’éditeur n’est pas en l’occurrence de sortir un jeu de grande envergure, mais plutôt d’explorer de nouveaux horizons. C’est du reste la modestie de cette ambition qui a fait que Mikami ait pu se retrouver ainsi à la tête du projet alors qu’il ne jouissait guère d’une grande renommée à l’époque.

    Le concepteur prend le temps d’identifier les mécanismes du jeu Sweet Home, d’en analyser et d’en assimiler les rouages. N’ayant guère reçu d’indications de la part de son éditeur – hormis de créer un jeu dans la veine de ce modèle – il est donc très libre, en définitive. Il passe les six premiers mois seul sur le projet, à définir précisément la direction dans laquelle il souhaite le conduire. Mais Capcom avait à cette époque des préoccupations immédiates bien différentes. L’éditeur exigeait en effet un scénario complet avant de passer à la phase de développement. Mikami, lui, trouvait cela complètement inutile ! Le game designer ne souhaite qu’une chose : faire peur ! Ainsi son désir était-il de planter le décor de son jeu dans une maison hantée. Pas besoin à ses yeux d’une intrigue complexe pour faire frissonner le joueur. Persistant dans cette idée, Mikami va présenter à Capcom un scénario comprenant simplement un début, une fin et quelques actions intermédiaires, rien de plus. Finalement, le jeu aura conservé comme base ces bribes jetées par Mikami : des membres d’une unité d’élite pris au piège dans un manoir peuplé de monstres génétiquement modifiés. Si Mikami s’inspire effectivement de Sweet Home, il décide néanmoins de ne pas retenir la composante fantastique et surnaturelle de son modèle. Pour lui, les fantômes font moins peur que les monstres dérivés d’animaux ou d’humains. De son propre aveu, Mikami ne voulait pas d’un jeu de fantômes : il fallait que la menace fût tangible et clairement définie, « à la manière d’Alien ou des Dents de la mer » (cf chapitre 7). C’est sur ce principe que le zombie s’impose rapidement. Précisons qu’au cours de ses études Mikami avait vu et apprécié Zombie, le film célèbre de George Romero. Il avait été profondément marqué par son argument simple : que ferait-on si des zombies venaient envahir notre vie quotidienne ? Romero affirmait d’ailleurs également : « La chose la plus effrayante, c’est nous-même. » Mikami estime qu’à chaque fois qu’un spectateur regarde un film d’horreur, il ne peut s’empêcher de trouver les réactions des personnages incohérentes, pour finir par se dire : « Si j’avais été dans cette situation, je n’aurais pas agi comme ça. » Son objectif avec Resident Evil était donc de créer un film d’horreur au sein duquel le joueur pourrait réagir comme il l’entendrait. Dans la première version de Resident Evil, il avait donc été envisagé de mettre en scène toutes sortes de zombies, et même des enfants ! Mais Shinji Mikami n’allait pas tarder à se raviser : il trouvait que cette idée pouvait choquer – posture qui détonne quelque peu avec le souci qu’il avait de mettre en place un récit crédible.

    La nouvelle licence horrifique de Capcom prend forme petit à petit. Une fois

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