Skyrim: Les parchemins de Tamriel
Par Franck Extanasié
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À propos de ce livre électronique
Après avoir présenté en détail les plus grandes sagas sur console, Third Éditions s’engage dans l’analyse des séries mythiques du monde PC. Après Half-Life, c’est au tour de la saga The Elder Scrolls de passer entre les mains de Third. Cinquième épisode de la série, Skyrim connut en 2011 un succès planétaire. Aujourd’hui encore, des millions de joueurs le pratiquent sur PC et console. À l’occasion de la sortie du remaster, Third Editions se propose une analyse complète de ce volet.
De l’univers au gameplay, des thématiques aux conditions de création, l’ensemble du titre sera décortiqué dans cet ouvrage.
EXTRAIT
Avec les balbutiements de la 3D, qu’elle soit simulée, isométrique ou précalculée, les développeurs ont amorcé des essais sur de nouveaux styles graphiques, mais aussi des gameplay différents pendant quinze ans, testant les limites des micro-ordinateurs tout en se formant aux nouveaux outils, en en créant parfois eux-mêmes pour répondre à leurs besoins. La série des Elder Scrolls est née de cette évolution technologique et de l’envie de ses développeurs de s’essayer à un genre différent, le RPG en vue à la première personne. L’un des premiers jeux à avoir utilisé ce concept est l’un des ancêtres les plus vénérés du genre, Wizardry, qui mêlait aventure à la première personne dans des univers simulant la 3D et insertion de monstres en 2D. Lorsque le premier épisode sortit en 1981, sa qualité graphique permettait de découvrir une vision plus intimiste où l’on parcourait des donjons et affrontait des monstres puissants dans une quête dont les ressorts scénaristiques importaient finalement assez peu. L’expérience se suffisait à elle-même et les racines empruntées à Donjons et Dragons ont finalement fondé les bases du jeu de rôle occidental qui va se développer à sa suite. Catégorisé dans les dungeon crawlers, des jeux mêlant exploration et action à la première personne, la série Wizardry se développera pour devenir une véritable référence du C-RPG, passant le flambeau à de multiples créations s’en inspirant.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Avec Les Parchemins de Tamriel, on touche à l’essence même de la création d’un titre qui a marqué toute une génération. Alors installez-vous confortablement dans votre fauteuil préféré, bien au chaud, avec une choppe d’hydromel (ou de café) à portée de main et laissez le souffle épique de cette saga vous envahir l’espace d’un moment de lecture. Cet ouvrage se révèle indispensable pour tous les amoureux de Skyrim mais aussi pour les curieux. - Blog Potion de mana
À PROPOS DE L'AUTEUR
Franck Extanasié : Journaliste jeux vidéo, tech et culture, podcaster. Taulier d'Artofgaming.fr, animateur et staff Radiojv.com et Radiokawa.com, M.O.D.O.K. de lesclairvoyants.net. Attendez ma mort pour publier le reste de ma biographie, je suis sous NDA.
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Aperçu du livre
Skyrim - Franck Extanasié
Les parchemins de Tamriel. Skyrim
de Franck Extanasié
est édité par Third Éditions
32 rue d’Alsace-Lorraine, 31000 TOULOUSE
contact@thirdeditions.com
www.thirdeditions.com
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Illustration : Third Éditions
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Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, même partielle, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite du détenteur des droits.
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Le logo Third Éditions est une marque déposée par Third Éditions, enregistré en France et dans les autres pays.
IllustrationÉdition : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi
Textes : Franck Extanasié
Chapitre V : Rémi Lopez
Relecture : Zoé Sofer
Mise en pages : Julie Gantois
Couverture : Bruno Wagner
Couverture First Print : Jan-Philipp Eckert
Cet ouvrage à visée didactique est un hommage rendu par Third Éditions
à la grande série de jeux vidéo The Elder Scrolls.
L’auteur se propose de retracer un pan de l’histoire du jeu vidéo The Elder Scrolls : Skyrim
dans ce recueil unique, qui décrypte les inspirations, le contexte et le contenu de ces volets
à travers des réflexions et des analyses originales.
The Elder Scrolls : Skyrim est une marque déposée de Bethesda. Tous droits réservés.
Le visuel de la couverture est inspiré des jeux de la série The Elder Scrolls.
Édition française, copyright 2017, Third Éditions. Tous droits réservés.
ISBN 979-10-94723-42-5
Dépôt légal : février 2017
Imprimé dans l’Union européenne par Grafo
IllustrationÀ mon père, qui n’est jamais loin.
IllustrationPREFACE
IllustrationIllustration« Écoute, Corentin, je suis désolé, mais une liste de cheatcodes pour Daggerfall, ce n’est pas une préface, surtout pour un livre sur Skyrim. »
Le souvenir des mots de Mehdi résonnait douloureusement alors que je portais la paille à mes lèvres.
« Si c’est de calme dont tu as besoin, on peut te dégager un petit budget, te payer un week-end en Picardie. Ou même une semaine en Lozère si ça peut t’aider. Tiens, écoute, tu as carte blanche, OK ? Mais il nous faut cette préface à ton retour. »
Un bruit de succion un peu écœurant me sortit de ma torpeur. Machinalement, j’envoyais ma paille fureter au fond de cette noix de coco dont le lait, désormais absent, avait été astucieusement agrémenté de quelques traits d’un rhum viril, tandis que j’agitais mollement une main incertaine vers un homme qui pouvait tout à fait être Pablito, employé du Hilton de Punta Cana.
Riche idée que celle de Mehdi. Ce séjour sur les rivages caribéens m’avait effectivement apporté un repos bienvenu. Tel un improbable Jack London tropical, c’est de ce côté-ci de l’Atlantique que j’étais venu puiser l’inspiration, moins attiré par la promesse d’un climat clément que par l’idée qu’il me faudrait d’abord me perdre pour mieux trouver mon angle.
Une fois captée l’attention de Pablito, je me laissai glisser dans une chaise aussi longue que ce mois avait été court. Les palmiers ployaient sans conviction sous les coups de boutoir paresseux d’un alizé au sens de l’orientation approximatif. D’ici, l’eau semblait d’une tiédeur indécente.
Il ne me restait plus qu’une vingtaine de minutes avant que mon taxi pour l’aéroport Las Américas ne marque le début de mon trajet retour. Tous les procrastineurs vous le diront : c’est le moment idéal pour commencer à travailler.
« Qu’est-ce que Skyrim a de si spécial ? » interrogeais-je un peu abruptement Pablito qui, plutôt que de me répondre, tenta de m’expliquer pour la cinquième fois qu’il ne travaillait pas là, qu’il était directeur d’agence à la BNP de Montargis et que s’il avait bien voulu m’apporter cet ultime coco loco, il fallait vraiment que je le laisse tranquille, maintenant.
C’est pourtant à cette angoissante question que je devais trouver une réponse sans plus tarder. Vingt ans que je m’interroge. Vingt ans depuis mes douze ans et ce sujet sur Daggerfall dans l’émission de Canal+ Cyber Flash, présentée par l’envoûtante Cléo. Vingt ans que je suis obsédé par les Elder Scrolls, et en particulier par leur deuxième épisode.
Pourquoi diable ? Est-ce la liberté totale qu’il m’accordait ? Je le croyais à l’époque. À l’image du journaliste de Cyber Flash, un certain Marc Lacombe, qui expliquait ainsi qu’on y était « totalement libre ». S’ensuivait alors une description de sa première partie : après avoir volé à l’étalage et tenté de revendre le fruit de son larcin pour s’offrir un cheval, il s’était fait arrêter par la garde, jeter en prison, et débaucher, à sa sortie, par la Guilde des Voleurs.
C’est vrai. Ce genre de choses arrivent dans Daggerfall.
« J’aurais aussi bien pu devenir commerçant ou pilleur de tombes, m’acheter une maison et la meubler », énumérait à l’époque le journaliste enthousiaste.
Ce n’était pas totalement faux non plus.
Pourtant, dans Daggerfall, passé le stade de la découverte, l’intérêt de la chose se dissipait rapidement. Devenir maître d’une guilde : très bien, mais après ? Acheter une maison, pourquoi pas, mais pour quoi faire ? Une infinité de quêtes, de personnages et de villes, à quoi bon, si elles sont toutes identiques ?
Quelques mois plus tard, Fallout proposera une aventure autrement mieux gaulée, sans rien sacrifier à la liberté du joueur. En 1999, Planescape Torment nous apprendra qu’on peut (bien) raconter une histoire. Deus Ex, en 2000, fera la preuve que le jeu de rôle n’est peut-être pas, finalement, le genre le plus à même de nous permettre de... jouer un rôle. Et puis, en 2002, évidemment, il y aura Morrowind.
Et pourtant, si Morrowind, Oblivion et, donc, Skyrim sont supérieurs à Daggerfall en tout point, c’est bien lui qui continue de m’obséder. Pourquoi donc ? J’aspirais pensivement une autre rasade de rhum coco tandis qu’au loin, une paire de baleines se chamaillait sans entrain au cours de ce qui semblait être quelque jeu cétacé aux règles inconnues et probablement sexuelles.
C’est vrai que Skyrim est un meilleur jeu vidéo que Daggerfall. Il n’y a même pas photo. Plus ramassé, mieux maîtrisé, il confronte le joueur à des objectifs. Normalement, on s’y amuse même. Certainement plus que dans le très ambitieux, mais finalement très superficiel Daggerfall, dont les promesses ont la fâcheuse tendance de s’évaporer dès lors qu’on commence à les regarder de trop près.
J’en étais là de mes réflexions, quand un homme prénommé assez étrangement Patrick vint me tirer de mes rêveries. Il avait une allure sympathique et des clés à la main : c’était mon taxi. À cette idée, la panique me gagna : de retour en France, qu’allais-je pouvoir dire à Mehdi et Nicolas, eux qui avaient mis en péril la survie même de Third Éditions pour me gratifier de cette dispendieuse retraite caribéenne ?
Heureusement, les effets conjugués du rhum et du ronronnement du moteur eurent bientôt raison de mon inquiétude. Alors que j’amorçais un roupillon, je surveillais au cas où les étendues verdoyantes de la côte dominicaine. Je me demandais si les vagues se fracassaient avec la même régularité quand j’étais à Paris, si les vaches mastiquaient avec autant de détermination quand j’étais à la rédaction, si les noix de coco continuaient de pousser quand je faisais mes courses chez Monoprix.
Et pendant que ces prés s’appliquaient à défiler avec la constance tranquille dont seules sont capables les plus banales des étendues d’herbe, je compris. Elle résidait là, la beauté de Daggerfall. Pas dans ce qu’il a d’extraordinaire, mais bien dans sa banalité. Et surtout, dans l’ambition délirante et les efforts anachroniques qu’il déploie pour tenter de la rendre tangible.
Ceux qui ont fait Daggerfall le savent : il est parfaitement possible d’explorer tout ce que le jeu a à offrir en ne quittant la région de départ que le temps de quelques missions ponctuelles. On parle d’une superficie équivalente à celle de l’Allemagne, de 15 000 villes et donjons ? La réalité, c’est que 99,9 % d’entre eux ne servent littéralement à rien.
Et pourtant, l’immensité de cet espace virtuel sans intérêt donne le vertige. Aller faire un tour à la boutique de vêtements de Holwich, dans l’obscure province de Koegria, n’a aucun intérêt – et il y a d’ailleurs fort à parier qu’aucun joueur n’y ait jamais mis les pieds. Et pourtant, elle est là. Un marchand vous y attend, vous y saluera avec une des trois phrases qu’il connaît, vous invitera à consulter ses étagères achalandées aléatoirement.
Là où la plupart des jeux se contentent d’évoquer le monde paisible et ennuyeux qui continue d’exister à côté de votre quête glorieuse, Daggerfall vous laisse, si vous insistez, la possibilité de vous assurer que le monde continue d’exister sans vous. Comme un défi bravache : « vous voulez vous ennuyer ? Allez-y ! »
En assumant l’inintérêt de son univers, Daggerfall souligne en creux l’importance du destin personnel qu’on va s’y inventer. Et ça, même son génial et lointain descendant Skyrim, où chaque bicoque est une promesse d’aventure, n’aura réussi à me le faire ressentir. Oui, le vrai monde est chiant et même si je n’ai pas besoin de le vérifier, j’ai besoin de savoir que celui de Daggerfall l’est aussi pour y croire.
J’avais ma préface. Triomphant, je serrai dans ma main mon billet en business class, en adressant à Patrick un hochement de tête complice qu’il ne comprit pas.
Note de Mehdi : c’est un affreux malentendu, ces vacances sont à ta charge, Corentin.
CORENTIN LAMY
Né en Bretagne en 1984, Corentin Lamy fatigue tout le monde avec les Elder Scrolls depuis l’âge de douze ans. En 2001, il lance La Grande Bibliothèque de Tamriel, site consacré à l’univers de la série. En 2003, il tente même d’intégrer la rédaction du magazine Joystick en proposant un test de Morrowind. En vain. En 2011, il force malgré tout l’entrée de la rédac et décide unilatéralement de s’y installer pour un an, le temps de couler l’antique publication. En 2013, il co-fonde le magazine JV pour continuer de parler de Bethesda et, pour être certain de toucher même les franges les plus analphabètes de la population, lance avec des confrères le podcast audio ZQSD.fr. En 2016, il intègre finalement la rédaction du Monde. Depuis, il y milite pour la création d’une rubrique récurrente intégralement consacrée à Daggerfall. Sans succès pour le moment..
IllustrationAVANT-PROPOS
IllustrationIllustrationSi vous lisez ces lignes, c’est que la rédaction de cet ouvrage est arrivée à son terme et qu’il vous est parvenu ; après la préface de Corentin Lamy, que je remercie pour son amitié et son aide dans la construction de ce livre, il m’appartient de vous détailler les péripéties ayant mené à sa rédaction et les raisons pour lesquelles j’ai choisi d’écrire sur ce cinquième volume de The Elder Scrolls. Cette introduction est autant une préface autobiographique que l’origine détaillée de mon voyage étrange dans le monde de l’écrit vidéoludique. Si ce sujet ne vous intéresse que peu, je vous enjoins à sauter ces quelques pages pour entrer dans le vif du sujet, en espérant que vous en apprécierez les différents chapitres.
Dans un passé lointain de mon existence, au tout début de ce que je nommerai pudiquement mon office, le RPG était roi. Nul autre genre ne maîtrisait aussi bien la narration, et le Japon dominait le secteur sur ce qui était la plate-forme de prédilection des joueurs, la console. Ma première introduction au RPG, à la fin des années quatre-vingt, fut une révélation. Le genre était technologiquement balbutiant, mais son écriture et sa capacité à faire voyager l’esprit étaient déjà ancrés dans ce qui allait devenir le sel de ma terre. L’enfant que j’étais alors tomba dans ce bouillon de culture, fasciné par sa richesse et les mondes infinis qu’il proposait. Même si je ne comprenais pas toutes les finesses de ces jeux devenus aujourd’hui des classiques, la trace qu’ils laissaient en moi à chaque nouvelle aventure contribuait à construire l’adulte que j’allais devenir.
Wizardry, Ys, et Final Fantasy étaient pour moi bien obscurs, des jeux dans une langue que je ne comprenais que grâce à la traduction d’un adulte, le père de mon voisin qui était un passionné de la première heure. Il nous fit découvrir la richesse du jeu vidéo grâce à l’import, mais aussi grâce aux premiers outils créés pour copier des jeux, comme le Game Doctor SNES, une machine que je croyais tout à fait officielle à l’époque... Pendant de nombreux week-ends et vacances, nous avons parcouru ensemble les univers incroyables que nous offraient la Super Famicom et sa jumelle européenne la Super Nintendo, me donnant toujours plus envie d’apaiser cet appétit dévorant de voyages impossibles. Lorsque je vendis ma NES pour m’offrir la petite sœur, Mystic Quest Legend venait à peine de sortir sur notre territoire, et j’eus tôt fait de dévorer égoïstement mon premier jeu en solitaire. Entre cette Super NES et ma/mon Game Boy – ne vexons pas les zélotes sur son genre, ils pourraient m’en vouloir – , ma collection de RPG s’étoffait au fil des années, me faisant aimer l’écriture de récits épiques à la sauce nippone.
Mais les années passèrent et un autre genre de jeu finit par atterrir entre mes mains, le genre à faire la Une des journaux et à effrayer les parents tranquilles qui aiment leurs chères têtes bouclées. Le jeu de rôle papier, comme une gifle main ouverte, fut une seconde révélation dans ma jeune vie en développement. Si le cinéma m’avait introduit à Conan et à Willow, le jeu de rôle me permettait de devenir ce barbare irascible ou ce magicien rusé le temps d’une partie. Goûtant à ces plaisirs alors fort décriés par les médias, qui pensaient voir leur jeunesse se pervertir dans des jeux morbides conduisant à une radicalisation sataniste, je rêvais d’allier ce que j’aimais de primal dans le jeu de rôle papier et tout ce que le RPG japonais pouvait avoir d’onirique.
Avec la bénédiction de mes parents, dont les regards attentifs ne diminuaient pas le support, je finis par me plonger dans ces deux mondes pour en découvrir les arcanes. Magic : The Gathering amincit leur portefeuille – comme pour beaucoup d’autres parents – , Donjons & Dragons, Vampire : The Masquerade et les codex de Warzone finirent de vider ce qui restait de leur budget « loisirs pour le petit ». Nous n’étions certainement pas une famille aisée et l’âge m’a fait prendre la mesure des coûts qu’entraînaient mes incandescentes passions, mais leur perspicacité quant au devenir de leur turbulent gamin me surprend encore lorsque je pense à mon adolescence.
Vers le milieu des années quatre-vingt-dix, alors que posséder un ordinateur personnel était encore un certain luxe et un luxe certain dans ma campagne natale, certains camarades eurent la bonne idée de frimer et de me faire essayer les jeux qu’ils avaient. « Monumentale erreur » comme dirait le héros qui ornait le mur de ma chambre à côté d’un Shaquille O’Neal grandeur nature, le RPG occidental et le FPS étaient réels et me tendaient les bras. Entre deux parties de Wolfenstein 3D et de Duke Nukem 3D, Ultima et Daggerfall venaient titiller mes appétits, devenus ceux d’un adolescent dont les hormones bouillonnantes ne pesaient pas lourd face à ces univers inconnus. Malheureusement, il me fallut me faire une raison et le PC familial tant attendu fut vite remisé dans les projets lointains du foyer parental, son coût et la vitesse à laquelle la technologie évoluait n’étant pas l’investissement le plus adéquat du moment.
Retournant sur mes consoles adorées, ce bon vieux RPG nippon m’offrit spectacle et inspirations pendant des années. Par la richesse scénaristique et les influences multiples qu’il retraitait pour en extraire une identité à nulle autre pareille, il comblait ce vide d’univers occidentaux auxquels je n’avais pas accès. Lisant avec assiduité les magazines dédiés au genre et amassant des montagnes de bouquins de soluces, j’aiguisais ce qui allait devenir un atavisme et un moindre talent, l’accomplissement d’un jeu en quelques jours et l’envie d’écrire sur le jeu vidéo, ses univers et ses mécanismes. Je reconnais plus que volontiers que l’humoristique expression maternelle « t’es pas rentable » était fort à propos lorsque je racontais à table que j’allais tuer le boss final de Final Fantasy VIII quatre jours après l’avoir reçu en cadeau. Cet épisode força le destin lorsque, bloqué devant l’Omega Weapon, je pris la décision d’aller demander conseil à un professionnel. L’ado culotté que j’étais prit le téléphone et alla chercher de l’aide auprès de la rédaction de son magazine fétiche de l’époque, Consoles +. La personne qui décrocha le téléphone, un certain Kael, changea à ce moment-là ma vie, d’abord en me disant que son collègue était en retard et que j’étais arrivé plus loin que lui – ce qui flatta le peu d’ego que j’avais – puis en me disant : « C’est intéressant de discuter avec toi, je te laisse mon téléphone, appelle quand tu veux ».
Cette amitié naissante se transforma assez vite en un lien étrange où, pour la première fois, j’avais l’impression que cette faim de jeux et d’univers était comprise. Durant les mois et années qui suivirent, la relation entre le jeune lecteur et le jeune rédacteur que nous étions se renforça pour devenir un improbable duo de soluceurs affamés de RPG. Chaque guide qu’il prenait créait entre nous une méthodologie stupide de double vérification où nous jouions six à huit heures à tour de rôle pour vérifier que l’un ou l’autre n’avait rien raté. L’agent de l’ombre que j’étais visait l’excellence et longues furent les nuits de relecture entre nous, autant que la taille des factures téléphoniques de son poste à feu EMAP Alpha, maison d’édition dont Consoles + était alors l’un des fleurons. De Skies of Arcadia à Grandia II en passant par Vagrant Story et Final Fantasy X, notre binôme Mytho-Renardien m’apporta la certitude que l’écrit était une composante vitale de mon existence, et le jeu vidéo un média qui me prendrait autant qu’il m’offrirait.
Après toutes ces années à dévorer des créations nippones de qualité, la Xbox arriva avec un vieux démon, ce que la PlayStation n’avait pas réellement dans son catalogue de l’époque, du RPG occidental. Fin 2002, le mastodonte de Microsoft prit place dans ma collection ; si les premières semaines furent consacrées au démantèlement complet de Myst III : Exile et au découpage massif de monstres infernaux sur Enclave, une promesse m’attendait dès que mon budget le permettrait, Morrowind. La rencontre entre nous était prévue et ardemment attendue, le décès de mon père le fut beaucoup moins. Dévasté comme tout enfant l’est par la perte d’un parent après un difficile combat contre la maladie, le seul ami qui resta auprès de moi en ces temps difficiles m’offrit maladroitement ce troisième Elder Scrolls, avec ces mots qui résonnent encore : « Ça va te changer un peu les idées, poulet ».
Tant d’années s’étaient écoulées depuis ma première rencontre avec Daggerfall, avec ce mirage dont l’univers me paraissait infini et libre de toute contrainte ; le premier contact fut rude et sans appel, cet univers était le plus incroyable de tous ceux que j’avais pu visiter, mais aussi le plus difficile à aborder sans références. Dans une spirale mêlant refus du deuil et soif absolue d’évasion et de connaissance, les heures devinrent jours, puis semaines et mois, et lorsque la réalité revint frapper avec force à ma porte, près de deux années d’errance et de négation venaient de passer. Vvardenfell était un deuxième chez-moi, ses secrets révélés jusqu’au dernier et son histoire aussi bien connue que de ses créateurs. Une console grillée d’usure et trois mille cinq cents heures d’acharnement sur un seul jeu en moins de deux ans, sans confiner à la folie, force est de constater qu’il fallait avoir un sacré grain pour revenir sans cesse sur un jeu retourné de fond en comble, simplement pour ressentir la plénitude absolue offerte par les terres nues de Morrowind. Si je ne tire aujourd’hui aucune fierté de cette période difficile de mon existence et de ce que j’étais alors devenu, elle aura conditionné l’écriture de ce livre qui, quatorze ans après le tragique événement ayant déclenché mon isolement temporaire, me permet de boucler une boucle et de tenir une promesse faite à un père qui croyait en son fils.
Revenant au monde des vivants tout en découvrant les C-RPG des années 2000 que sont KOTOR I et II, Jade Empire, Deus Ex : Invisible War ou encore The Bard’s Tale, j’avais la joie d’allier les deux univers que j’aimais autrefois, dans une exécution à la fois différente du RPG japonais et du jeu de rôle traditionnel. Lorsque Oblivion fit son entrée sur Xbox 360, éblouissant le monde par sa splendeur et ses promesses, toutes les alertes sonnèrent dans mon entourage proche. La tentation de replonger dans la