« J’ai appris à découper le réel »

« J’avais eu une conversation une fois avec Raymond Depardon : une conversation sur le langage. C’était au moment de la sortie des Habitants. Il m’a raconté qu’une étude américaine avait réussi à prouver que lors d’une conversation entre deux personnes, chacun répète en moyenne sept fois la même chose… Le cerveau humain fait des boucles. En filmant ces conversations, Depardon s’en était aperçu à son tour. Je regarde souvent ces films au moment de tourner, parce qu’il filme les gens en face. Il n’est ni dans le jugement ni dans le folklore. Chez lui, les gens sont à hauteur. Le corps laisse échapper des choses et c’est sur ça que je pars au moment de chercher mes personnages. » Marina Foïs

C’est une matinée qui est sans doute la première de l’été, aux environs de Paris, dans une maison que Raymond Depardon habite pour la seconde fois, si nous avons bien compris, et où il vient de déménager ses archives. Il fait une chaleur étrange, proche de 30°C, alors Raymond nous installe à l’étage, dans la grande pièce qui sert à classer les photos en fonction des multiples projets en cours. Il propose un café, comme on le fait dans le désert ou au Proche-Orient dès qu’il se met à faire chaud. On dit « un café à Beyrouth » comme d’autres disent « un thé au Sahara ». On est venu, c’est bête, avec des livres, ses premiers livres, et avec le souvenir de ses films – ces séquences qui ne veulent pas partir une fois qu’on les a reçues en pleine face. On est venu avec des idées sur lui, pour essayer de comprendre quelque chose de cette vie à arpenter la planète et ses territoires, donner un sens à cette envie d’aller à la rencontre de l’autre qui semble ne s’être