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L’homme qui ne voulait pas devenir Président: Un roman d'actualité
L’homme qui ne voulait pas devenir Président: Un roman d'actualité
L’homme qui ne voulait pas devenir Président: Un roman d'actualité
Livre électronique265 pages3 heures

L’homme qui ne voulait pas devenir Président: Un roman d'actualité

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À propos de ce livre électronique

374 852. 374 852 vues en quelques heures seulement. Postée sur YouTube à 5 h 56 ce matin, la vidéo faisait déjà le tour du monde.

Pendant les fêtes de Bayonne, Michel, un jeune chômeur, monte sur scène lors d’un concert et se lance dans un discours enflammé contre la classe politique. Dans la foulée, poussé par l’ivresse autant que par les encouragements du public, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle.
Sa diatribe fait vite le tour des réseaux sociaux et se propage hors de tout contrôle. Devenu en quelques jours le chouchou du web puis des médias, il n’aspire pourtant qu’à retrouver sa vie paisible, entre virées nocturnes, parties de console et longues soirées avec sa mère. C’est sans compter sur ses amis, bien décidés à exploiter au maximum la chance qui s’offre à eux.

D’autant que bientôt, les enquêtes d’opinion sur le candidat malgré lui commencent à s’affoler…

L’homme qui ne voulait pas devenir président est un roman trépidant qui plonge avec délectation en plein cœur de l’actualité. Une comédie légère et pleine d’esprit à lire absolument avant d’élire n’importe qui.

EXTRAIT

— Je suis monté sur scène ? Moi ? Vous êtes sûrs ou vous me faites marcher ?
— Je crois qu’il vaut mieux que tu regardes, affirma Guillaume en lui mettant son iPad sous le nez.
Et Michel vit.
Il se vit, lui, grimper maladroitement sur la scène éphémère devant laquelle étaient installés une dizaine de milliers de spectateurs et qui accueillait le célèbre groupe de rock anglais Miouse pour un concert en plein air. Profitant d’une pause entre deux chansons, il se vit tituber jusqu’aux côtés du chanteur. Il n’avait dû son salut qu’à une intervention amicale de ce dernier qui, en levant le pouce, avait empêché le service de sécurité d’expulser l’intrus manu militari.
Amusée, la star avait posé une main bienveillante sur l’épaule de Michel.
« It’s OK guys. We have a new guest! What’s your name, my friend? »
Mais Michel n’avait pas répondu. Il avait arraché le micro des mains de la vedette et s’était lancé dans un long monologue, sans se soucier le moins du monde des quelques huées qui s’étaient élevées du public.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une comédie à lire avant d’aller voter. - Emmanuel Lechypre, BFM Business

En trouvant une manière élégante de ne pas trancher, le final s’avère splendide : il montre qu’en définitive, la seule victoire qui compte, c’est celle de l’amour… De manière brillante et amusante à la fois, explorant avec exactitude les possibles du système électoral français, l’écrivain Julien Leclercq réussit à mettre en scène l’irrésistible ascension d’un candidat issu de la société civile. - Daniel Fattore

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1982, Julien Leclercq vit entre Paris et Astaffort, où il dirige l’agence Com’Presse. Après avoir publié deux essais pour défendre avec humour et un brin de cynisme les chefs d’entreprise (Chronique d’un salaud de patron, éd. Les Cavaliers de l’orage, et Journal d’un salaud de patron, éd. Fayard), il prépare un ouvrage pour mettre en lumière les acteurs de l’ombre qui, à rebours des discours pas toujours désintéressés sur la crise, rendent par leur énergie et leur audace notre pays meilleur. L’homme qui ne voulait pas devenir président est son premier roman.
LangueFrançais
ÉditeurIntervalles
Date de sortie14 juin 2017
ISBN9782369561569
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    Aperçu du livre

    L’homme qui ne voulait pas devenir Président - Julien Leclercq

    2016

    CHAPITRE 1

    Vendredi 29 juillet 2016, Bayonne

    374 852.

    374 852 vues en quelques heures seulement.

    Postée sur YouTube à 5 h 56 ce matin, la vidéo faisait déjà le tour du monde. Facebook et Twitter ne s’étaient pas fait prier et, en à peine quelques heures, on pouvait comptabiliser plus de dix mille partages. LinkedIn et Viadeo, pourtant habitués à relayer des informations bien plus sérieuses, participaient également à la fête.

    Devant leurs smartphones, les traits largement marqués par la nuit agitée qu’ils venaient de passer, les trois garçons n’en croyaient pas leurs yeux.

    — Nico, viens voir !

    N’ayant reçu qu’un vague grognement provenant du canapé en guise de réponse, ils réitérèrent l’appel plusieurs fois avant d’opter pour la manière forte. C’est finalement par une paire de claques que le Nico en question fut contraint de soulever les paupières, en même temps que l’un de ses amis écartait les rideaux de la fenêtre du salon. Il fallut quelques secondes au jeune homme pour s’habituer à la lumière du soleil.

    — ’tain… Vous êtes lourds… Qu’est-ce qu’il y a ?

    — Jette un œil.

    Guillaume, grand brun à lunettes qui flirtait avec le mètre quatre-vingt-dix, lui colla son iPhone sur le visage.

    — Ah, énorme, vous l’avez postée !

    — Évidemment. Regarde le chiffre en dessous.

    — Nooonnn ? Énorme !

    — Tu l’as déjà dit.

    — On s’en fout ! Michel a vu ça ?

    Les quatre têtes se tournèrent vers la cuisine américaine attenante à la pièce où ils se trouvaient. On pouvait voir dépasser deux grands pieds dans la partie salle à manger. Le reste du corps se trouvait coincé entre le frigo et l’évier, sur un carrelage certes froid, mais bien moins sensible aux effets indésirables de l’alcool que la moquette beige ornant la totalité du reste de l’appartement, où ils logeaient à l’occasion des fêtes.

    Comme chaque année, fin juillet, les cinq amis avaient loué ensemble un pied-à-terre pour vivre au mieux la plus grande fête de l’année sur la côte basque. Profiter de Bayonne en ces jours d’intense beuverie tout en dormant confortablement sur place était un luxe qu’ils n’avaient pu se payer étant étudiants, et dont ils ne se privaient plus désormais. Finie la tente, chacun avait au mieux sa chambre, au pire le canapé du salon. Sauf, bien sûr, quand les aléas des nuits passées dans la cité basque les poussaient à dormir le plus près possible d’une cuvette.

    — Avec ce qu’il a bu, à mon avis ce n’est pas pour tout de suite.

    Comme souvent, Michel n’avait pas profité de son lit ce matin-là. Après ses quelques minutes de gloire puis la honte suprême qui avait suivi, il avait fallu le porter jusqu’à l’entrée de l’immeuble, endroit où au moins il ne risquait a priori pas de se faire uriner dessus, ce qui lui serait immanquablement arrivé si ses amis l’avaient laissé allongé quelque part dans la ville. Ce n’est que deux heures plus tard, quand ils avaient enfin décidé de se coucher à leur tour, qu’ils avaient uni leurs efforts et réussi à le hisser jusqu’au deuxième étage. Et à le traîner, donc, sur le carrelage rouge de la cuisine Ikea.

    CHAPITRE 2

    — Cinq cafés, s’il vous plaît. Et autant de croissants.

    — Je n’ai plus de croissants, mon p’tit gars, à cette heure-ci je te fais des sandwichs aux cœurs de canard si tu veux.

    Un coup d’œil à sa montre permit à Ambroise de constater que l’on était plus proche de l’heure du goûter que de celle du petit déjeuner. Un autre à ses quatre compères, affalés sur une table en plastique à quelques mètres de là, l’autorisa à conclure que personne ne ferait le difficile.

    — Va pour les cœurs de canard alors.

    — Quelle sauce ? Blanche, ketchup, mayo, moutarde, persillade ?

    — N’importe. Au point où on en est, on n’est plus à ça près.

    Il avait bien fait. Personne ne lui fit remarquer que les viennoiseries attendues avaient été remplacées sans préavis par des abats de volaille. Tous se jetèrent sur leur repas avec envie, Michel plus que les autres, ses abus de la veille ne semblant avoir aucune forme de conséquence sur son appétit du jour. Comme d’habitude, d’ailleurs, ce qui ne manquait jamais de susciter l’admiration – ou les moqueries – de ses amis.

    Trop occupés à ne laisser aucune miette de ce festin couleur locale, ils ne firent pas attention au groupe d’adolescents qui passa à quelques mètres d’eux en les dévisageant avec insistance, ni au couple qui se lâcha la main pour les désigner du doigt. Ils ne se formalisèrent en aucune façon lorsqu’un homme d’un certain âge marmonna sur un air de reproche qu’ils devraient apprendre à se tenir convenablement. Guillaume se contenta de lui répondre que s’il y avait un endroit au monde où l’on avait le droit de ne pas se tenir convenablement, c’était bien à Bayonne pendant les fêtes.

    — Et aussi pendant la fête du melon de Miradoux, compléta Michel. Là, c’est l’hallu totale.

    La tête du vieil homme indiquait qu’il était fort probable qu’il ne savait pas ce qu’était Miradoux et qu’il ne comptait pas changer d’avis sur leur compte.

    Ce n’est que lorsqu’un gros costaud, sans aucun doute un rugbyman, vint mettre une grande tape dans le dos de Michel tout en lui adressant un large sourire qu’ils s’aperçurent que tous les regards étaient braqués sur eux.

    — Mais enfin, ça va pas ? protesta Michel, dont le nez était venu heurter son sandwich et se retrouvait désormais couvert de sauce blanche.

    — Ah mec, je pouvais pas passer à côté de toi sans te saluer et te souhaiter bonne chance !

    — Bonne chance pour quoi ?

    — Ah, t’es un marrant, toi. Tu m’as bien fait rigoler en tout cas. Continue, mec.

    Michel n’en apprit pas plus, car son interlocuteur partit au pas de course rejoindre ses coéquipiers à la buvette.

    — Vous avez une idée de ce qu’il voulait dire ? demanda-t-il aux autres.

    Tous échangèrent un regard complice. Mais aucun n’eut le temps de répondre à Michel, qui se rassura rapidement tout seul.

    — Sont quand même barrés ces rugbymen.

    Et il se jeta goulûment sur le deuxième sandwich que l’on venait de lui apporter, ignorant Guillaume qui montrait quelque chose sur l’écran de son smartphone à Ambroise.

    697 253.

    CHAPITRE 3

    Michel chantait (très mal) sous sa douche lorsqu’ils estimèrent qu’ils pouvaient aborder le sujet sans risquer d’être à portée de ses oreilles.

    — On doit lui dire.

    — Il va nous faire une scène, tu le connais.

    — Nico a raison, on va avoir droit à une litanie sur sa mère dans les deux secondes, confirma Ambroise. Franchement, je préfère éviter.

    — Il va la voir, de toute façon ! C’est d’ailleurs étonnant qu’il n’ait pas déjà jeté un œil sur Facebook. La vidéo est sur son mur, beaucoup l’ont reconnu, argumenta Guillaume.

    — Je crois qu’il n’avait plus de batterie hier soir, répondit Nicolas. Et vu son état cette nuit, il n’a pas dû le recharger depuis…

    — Fred ? interrogea Guillaume. Tu ne dis rien ? Qu’en penses-tu ?

    Régulièrement surnommé Harry Potter à cause de sa ressemblance frappante avec le célèbre magicien inventé par J.K. Rowling, bien qu’il ait les cheveux un peu plus longs que l’acteur qui l’incarne, Frédéric se gratta le menton comme il en avait l’habitude et mit quelques secondes à répondre.

    — Je suis d’accord avec toi. C’est à nous de lui montrer. Il va nous faire un drame s’il voit ça lui-même sans qu’on l’ait averti.

    — Il va nous faire un drame de toute façon, rétorqua Nicolas. Mais soit, allons-y.

    Ils attendirent que Michel ait accepté de se nouer une serviette autour de la taille avant de lui annoncer qu’ils avaient quelque chose à lui montrer.

    D’abord inquiet devant l’air sérieux de ses amis de lycée, qui le regardaient tous avec gravité, Michel partit d’un éclat de rire.

    — Oh, c’est bon, quoi, vous déconnez ! Vous n’allez pas me faire la morale quand même ? J’ai un peu abusé hier, mais ce n’est pas la première fois que mon estomac a du mal à retenir ce que j’essaie de lui faire ingurgiter un soir de bringue ! Et puis, ça vous est tous arrivé, non ?

    — C’est plus souvent ton tour que le nôtre, lui fit remarquer Guillaume. Mais non, nous ne te ferons pas la morale, ce serait malvenu en pleine fête bayonnaise. En revanche, il faut que tu voies quelque chose.

    Michel s’arrêta tout net de rire.

    — Vous m’inquiétez, les gars. C’est ma mère, c’est ça ? Il y a un souci ? Elle est à l’hôpital ?

    — Ta mère va très bien, pour autant que nous le sachions en tout cas, répondit Ambroise. Non, c’est en rapport avec hier.

    — Quoi, hier ?

    — Tu ne te souviens vraiment de rien ?

    — À part qu’on a bu, dansé, chanté et rigolé ? Non, rien ! Et j’avoue n’avoir aucune idée de comment j’ai réussi à me traîner jusqu’ici. Cela dit, je suis à peu près convaincu qu’il ne s’est pas passé grand-chose d’autre !

    — Tu ne t’es pas traîné, ON t’a traîné, s’emporta Nicolas.

    — On s’en fiche, ce n’est pas le sujet, reprit Ambroise. Le concert, tu te le rappelles ?

    — Ah oui, c’est vrai, il était top ce concert ! Enfin, je crois. Je ne sais plus vraiment, en fait. C’était qui déjà ?

    Les quatre autres soupirèrent. Leurs derniers espoirs de voir Michel les aider un minimum venaient de s’évanouir. La suite n’allait pas être facile.

    — Si tu ne te souviens pas du concert, tu ne te rappelles évidemment pas que tu es monté sur la scène, demanda Fred sans attendre de réponse particulière.

    — Je suis monté sur scène ? Moi ? Vous êtes sûrs ou vous me faites marcher ?

    — Je crois qu’il vaut mieux que tu regardes, affirma Guillaume en lui mettant son iPad sous le nez.

    Et Michel vit.

    Il se vit, lui, grimper maladroitement sur la scène éphémère devant laquelle étaient installés une dizaine de milliers de spectateurs et qui accueillait le célèbre groupe de rock anglais Miouse pour un concert en plein air. Profitant d’une pause entre deux chansons, il se vit tituber jusqu’aux côtés du chanteur. Il n’avait dû son salut qu’à une intervention amicale de ce dernier qui, en levant le pouce, avait empêché le service de sécurité d’expulser l’intrus manu militari.

    Amusée, la star avait posé une main bienveillante sur l’épaule de Michel.

    « It’s OK guys. We have a new guest! What’s your name, my friend? »

    Mais Michel n’avait pas répondu. Il avait arraché le micro des mains de la vedette et s’était lancé dans un long monologue, sans se soucier le moins du monde des quelques huées qui s’étaient élevées du public.

    « Salut la France ! Moi, c’est Michel. Je suis un mec pas très beau, pas très intelligent, pas très habitué à parler dans un micro. Mais là, j’ai bu quelques verres de trop, comme vous tous d’ailleurs, alors ça aide. Je bosse quand je peux, c’est-à-dire pas très souvent, la plupart du temps ce sont des boulots de merde. J’avais qu’à faire des études, vous allez me dire. Vu que ceux qu’en font trouvent pas de travail non plus, j’me dis qu’au moins je suis arrivé au chômage plus vite. Si j’avais été meilleur à l’école, j’aurais sûrement essayé de faire une grande école, comme l’ENA par exemple. L’ENA ça m’aurait permis de pas travailler non plus, mais au moins j’aurais été riche. Et ma mère, elle aurait été fière. Parce que, même si ma mère, comme tout le monde, elle dit que l’ENA c’est rien que des blaireaux, elle aurait été fière que son Michel il y entre. Bref. C’que j’veux vous dire, c’est que les politiques sont nuls. Ils sont tous nuls. En tout cas, tous ceux qui se présentent. Ils ont tous été élus dix fois déjà, ils ont fait des millions de promesses… Et pour quel résultat, hein ? POUR QUEL RÉSULTAT ? »

    Dans un état second, le Michel de la vidéo ne semblait pas s’apercevoir que l’atmosphère avait changé autour de lui. C’est comme s’il était seul sur scène, seul tout court, en fait. Plus rien ne paraissait exister pour lui, ni la star mondiale désormais raisonnablement installée quelques mètres derrière, et dont l’exaspération devenait palpable, ni les deux cerbères au blouson noir qui hésitaient visiblement à interrompre l’orateur impromptu… Car la foule, elle, ne huait plus. La foule riait, la foule encourageait, la foule applaudissait. Si le vrai Michel, celui toujours debout devant l’iPad, désormais nu car sa serviette était tombée sur ses chevilles, ne manquait pas une miette du changement d’attitude des spectateurs, celui qu’il contemplait avec effroi avait quitté la planète Terre. Ou peut-être était-il simplement trop ivre pour être conscient du monde qui l’entourait ; l’hypothèse était crédible.

    « Pour que dalle ! QUE DALLE, je vous dis ! Les promesses, on en a marre ! On veut des actes ! On veut du boulot ! On veut des idées ! On n’en peut plus de voir tout le temps les mêmes tronches ! On en a ras le bonbon des mecs qui pigent rien à notre vie, et qui viennent en costard nous donner des grandes leçons avant d’envoyer leur pognon à Singapour et de se siffler un Château Margaux ! Moi, je m’appelle Michel, je suis chômeur en CDD régulièrement renouvelé, mais j’ai quand même bossé plus qu’eux. Je suis pas très beau, pas très intelligent (je vous l’ai déjà dit, non ?), j’ai pas de costard, mais au moins, moi, je m’en fous pas des gens ! Et comme je suis pas qu’un râleur qui ouvre sa gueule pour rien dire, ben vous savez quoi ? Je me présente ! Vous voulez un Président vraiment normal ? Vous voulez un mec honnête ? Un mec qui, les yeux dans les yeux, comme dirait l’autre, vous assure qu’il sera aussi fauché à la fin de son mandat qu’au début ? Vous voulez qu’on essaie de sauver notre putain de pays pour de vrai ? Alors votez pour moi ! Et si on n’y arrive pas, ben au moins je vous promets qu’on va faire une bringue d’enfer ! Vive la République, vive la France, et vive la fête ! »

    Malheureusement pour lui, Michel vit aussi la suite. Toujours nu, il ne put réprimer un gémissement de honte quand le Michel de l’écran se retourna après ce dernier mot, puis, sous les vivats de la foule en délire et les « Michel, Président » qui en émanaient, vomit sur les pieds du chanteur anglais horrifié.

    Quelques secondes plus tard, le Michel de l’iPad avait été jeté de la scène par le service de sécurité, et la musique avait enfin pu reprendre ses droits.

    Le Michel nu, lui, était prostré, accroupi sur la moquette, la tête entre les mains. Il était blême. Il continuait à gémir.

    « Qu’est-ce que j’ai fait ? Putain, qu’est-ce que j’ai fait… », se demandait-il.

    Aucun de ses quatre acolytes n’osa l’interrompre.

    Il se leva soudainement, son sexe se balançant dangereusement à quelques centimètres du visage de ses copains. Il les pointa du doigt, chacun leur tour.

    — C’est de votre faute, tout ça ! Vous auriez dû m’en empêcher !

    — Michel, tu es plus costaud que nous quatre réunis. Et tu te connais, quand tu es bourré… Il n’y avait rien à faire. Tout d’un coup tu as sauté par-dessus la barrière et tu as foncé vers la scène. On n’a rien vu venir, après c’était trop tard. Et mets un caleçon, s’il te plaît.

    Michel sembla soudain s’apercevoir qu’il ne portait aucun vêtement. Il partit enfiler un jean et revint, l’index toujours menaçant.

    — Et ma mère ? Vous y avez pensé, à ma mère ? Elle va dire quoi, hein ? Vous vous rendez compte ?

    — Je vous avais dit qu’il parlerait de sa mère, soupira Ambroise.

    — Évidemment que je parle de ma mère ! Avec sa santé fragile, c’est un aller simple pour l’hôpital, un truc comme ça. Lui faire ça, à son âge !

    — Michel, ta mère n’a pas encore 55 ans, s’agaça Nicolas.

    — Peut-être, mais elle a quand même de gros problèmes de santé. Elle vient de passer le mois de mai à l’hôpital, à cause d’une pneumonie particulièrement virulente.

    — C’était une laryngite ! Si elle a passé autant de temps là-bas, c’est uniquement parce qu’elle a fait venir deux avocats et un huissier pour contester la décision des médecins de la faire sortir. Ils lui ont dit de rentrer chez elle au bout de quarante-huit heures, et tu le sais très bien.

    — Et alors ? Ce n’est quand même pas de sa faute si les médecins sont nuls ! Elle avait mal à la gorge et elle toussait, elle a quand même le droit de se faire soigner convenablement, non ?

    — Arrêtez, les gars, encore une fois ce n’est pas le sujet, calma sagement Guillaume. Michel, détends-toi. Ta mère, elle n’est pas sur Facebook. D’ailleurs je ne suis même pas sûr qu’elle sache qu’internet existe.

    — C’est clair, elle doit croire que c’est une chaîne de supermarchés, railla Ambroise.

    — Ou le nouveau nom que l’on donne aux infirmières, renchérit Nicolas.

    Furieux, Michel s’approcha de ce dernier, le doigt encore en l’air.

    — Ça te fait rire, Nico ? Ben tu sais quoi ? Je m’en fous ! Vous allez me retirer cette vidéo vite fait, quoi que vous en pensiez.

    — Michel, intervint Fred, qui n’avait encore rien dit. On ne peut pas. Il n’y a pas que celle-là. Il y en a des centaines. Je suis désolé, mon pote.

    — Comment ça, des centaines ?

    — Tout le monde t’a filmé, et tout le monde t’a mis partout. Facebook, Twitter, Vine, WhatsApp, et je te parle pas de YouTube. T’étais même en direct sur Periscope.

    — Periquoi ?

    — Laisse tomber. Ce qu’on te dit, c’est qu’on ne peut rien faire. Des vidéos, il y en a trop.

    Michel se laissa tomber sur le canapé et se mura dans un silence qui dura une dizaine de minutes. Le temps pour les autres de commencer à ranger l’appartement et faire couler le café qui aurait la lourde tâche de les faire tenir une grande partie de la nuit, une fois de plus.

    Alors que chacun s’en servait une tasse, toujours sans un mot, ils le virent se lever. Il semblait calmé.

    — Ambroise, t’es bien avocat que je sache ?

    — Aux dernières nouvelles, oui, répondit l’intéressé.

    — Moi non, et j’y connais sûrement pas grand-chose. Mais tu vois, on m’a rien demandé, alors ça m’étonnerait que tous ces gens aient le droit de mettre ma gueule sur le web.

    — Je ne suis pas spécialiste du droit à l’image, mais tu as peut-être raison sur ce point, approuva Ambroise après un court moment de réflexion.

    — Alors, écoute-moi bien, l’intello. Je te laisse une semaine. Dans une semaine, tout ça doit avoir dégagé. D’ici là, je m’arrange pour tenir ma mère loin d’un ordinateur. Sur ce, je vais boire une bière.

    Michel tourna les talons et se dirigea vers la porte d’entrée.

    — Pour ce dernier point, ça ne devrait pas être trop dur, ta mère pense encore que le Minitel est l’invention du siècle ! lui cria Nicolas.

    Mais Michel n’entendit pas. Il avait déjà dévalé les escaliers. Le fait de ne porter ni chemise ni chaussures ne semblait pas le déranger outre mesure.

    CHAPITRE 4

    Samedi 6 août, Café Oz, Paris 9e

    — Pierre, tu nous sers deux Perrier, s’il te plaît ?

    Le dénommé Pierre fit le

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