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Les familles recomposées: Défis civils, fiscaux et sociaux (Droit belge)
Les familles recomposées: Défis civils, fiscaux et sociaux (Droit belge)
Les familles recomposées: Défis civils, fiscaux et sociaux (Droit belge)
Livre électronique498 pages6 heures

Les familles recomposées: Défis civils, fiscaux et sociaux (Droit belge)

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À propos de ce livre électronique

L’organisation patrimoniale des familles recomposées et la transmission de biens entre leurs membres représentent un formidable défi pour les juristes belges. Il s’agit en effet de rencontrer les souhaits civils de ces familles et, dans la mesure du possible, de rechercher la voie fiscale la moins imposée.

Cette matière étant au cœur des préoccupations d’un grand nombre d’entre nous, il nous a paru important de rassembler dans un ouvrage les principales questions qu’elle soulève :
• la cohabitation légale et ses impacts sur le droit civil des successions et libéralités ;
• les acquisitions de biens par les cohabitants légaux ;
• la cohabitation légale et quelques questions fiscales choisies en droit d’enregistrement et en droit de succession ;
• la famille recomposée et le droit social ;
• la famille recomposée et quelques questions choisies de fiscalité directe ;
• le choix du régime matrimonial lors d’un remariage ;
• le remariage et ses impacts sur le droit civil des successions et des libéralités ;
• le remariage et quelques questions fiscales choisies relatives au choix du régime matrimonial et à ses incidences en droit de succession.
Cet ouvrage s’adresse à tous ceux – avocats, notaires, autres conseillers patrimoniaux ou magistrats – qui sont impliqués dans cette matière.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie9 avr. 2015
ISBN9782874557965
Les familles recomposées: Défis civils, fiscaux et sociaux (Droit belge)

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    Aperçu du livre

    Les familles recomposées - André Culot (dir.)

    ORSA

    Quel régime matrimonial choisir pour un remariage ?

    Philippe D

    E

    P

    AGE

    Professeur à la Faculté de droit de l’ULB

    Directeur du Master complémentaire en notariat de l’ULB

    Avocat

    Isabelle D

    E

    S

    TEFANI

    Collaboratrice scientifique du Master complémentaire en notariat de l’ULB

    Collaboratrice notariale

    Introduction

    1. La transmission patrimoniale, au sein de la famille recomposée – et remariée – est susceptible de présenter diverses difficultés pratiques.

    Même si la « recomposition » familiale est harmonieuse, au sens où tous les membres de la famille recomposée vivent ensemble en bonne entente, cette harmonie n’empêche pas les obstacles juridiques à la transmission des biens en son sein.

    Par exemple, si le second conjoint souhaite transmettre son patrimoine tant à ses « beaux-enfants » qu’à ses propres enfants (ou aux enfants issus de son remariage), de manière égalitaire, le droit civil – et parfois le droit fiscal, mais paradoxalement moins souvent – assignera des contraintes, ou des limites, à cette  ambition.

    Si la recomposition familiale est conflictuelle, l’organisation de la transmission patrimoniale sera généralement « orientée » vers certains des membres de la famille plutôt que d’autres, et le propriétaire des biens à transmettre aura pour objectif que la transmission opérée ne puisse pas être attaquée par ceux qui n’en sont pas les bénéficiaires.

    Par exemple, le second conjoint voudra voir ses droits patrimoniaux « préservés » au maximum de la « voracité » des enfants du « premier lit », et tentera de « recevoir » de son conjoint – parent de ces enfants – un « maximum » de biens, ou tentera de les orienter vers ses propres enfants.

    Parfois, au contraire, c’est le parent des enfants du premier lit qui voudra préserver ses enfants de « l’appétit » de son second conjoint.

    Lorsque des enfants sont issus de la seconde union¹, les ambitions ou les souhaits se complexifient encore, si celui qui est le parent des enfants de la première et de la seconde union se préoccupe de maintenir l’équilibre entre tous ses enfants – voire entre tous ses enfants et son conjoint.

    2. La présente contribution a pour objectif d’explorer les possibilités offertes par le droit des régimes matrimoniaux.

    Tout ce qui concerne la transmission patrimoniale au moyen des possibilités offertes par le droit des successions et des libéralités est examiné par d’autres auteurs. Cependant, l’organisation – en amont – des patrimoines des époux a une incidence sur la transmission successorale, de sorte que dans le cadre d’une programmation successorale, la rédaction des conventions matrimoniales – avec leurs multiples aménagements, quels qu’ils soient –, doit en tenir compte : les deux matières sont, en réalité, interdépendantes.

    3. Il faut que cela soit dit, à nouveau : les conventions matrimoniales doivent être faites sur mesure pour le couple qu’elles concernent.

    En réalité, les notaires devraient faire leur l’adage suivant : autant de  couples, autant de conventions matrimoniales.

    L’heure n’est plus au contrat type, bâclé sur un coin de table : le contrat de mariage doit épouser – sans mauvais jeu de mots – au mieux la situation particulière du couple auquel il est destiné.

    4. La structuration des patrimoines est assurément plus aisée pour les couples mariés que pour les couples cohabitants, car quel que soit le régime adopté, ils disposent d’une « organisation » patrimoniale non seulement valable entre eux, mais également opposable aux tiers², et notamment donc aux héritiers de l’un d’eux.

    Dans le choix de leurs conventions matrimoniales, les couples mariés disposent de deux options de base : se marier « en communauté », ou se marier « en séparation ».

    5. Chacune de ces options peut, ensuite, être modulée par des clauses spécifiques, pour aménager l’option de base choisie au mieux des objectifs poursuivis par le couple en cause. On rappellera, à cet égard, qu’il est essentiel, à l’occasion de la rédaction de ces clauses dérogatoires, de respecter les principes directeurs de l’option choisie, et ceci en vertu du principe de cohérence des régimes matrimoniaux³.

    Ce principe implique  que  les  règles  conventionnellement  adoptées  forment un tout logique, respectant l’économie générale du régime matrimonial choisi, c’est-à-dire les principes essentiels du régime de base choisi par les époux⁴.

    Dans un régime principalement à base communautaire, ces principes sont ceux de :

    la mise en commun des revenus professionnels des époux (art. 1401.5 C. civ.) ;

    la corrélation des actifs et des passifs (art. 1452, 1453 et 1462 C. civ.) ;

    l’existence d’une masse de biens, dont une masse communautaire à vocation universelle ;

    l’équilibre entre les patrimoines propres et communs, avec son corollaire, l’emploi ou le remploi, ainsi que le régime des récompenses entre les patrimoines propres et le patrimoine commun ;

    l’organisation des règles de gestion des patrimoines, et singulièrement celles de la gestion du patrimoine commun (art. 1451 C. civ.).

    Au contraire, dans un régime à base séparatiste, ces principes sont ceux de :

    l’indépendance et l’individualité des patrimoines propres de chacun des époux ;

    la gestion exclusive de son patrimoine par chacun des époux.

    6. Si les conventions matrimoniales ont été mal rédigées, le juge recherchera d’abord la volonté réelle des époux, quitte à devoir, pour cela, rectifier la lettre du contrat adopté⁵ : ce sont les règles ordinaires d’interprétation des contrats (art. 1154 à 1162 C. civ.).

    Cependant, s’il s’avère que le régime matrimonial conventionnel est incohérent pour le tout, si l’on ose dire, au sens où la combinaison des clauses adoptées le rend incompréhensible, la sanction sera son annulation et, par conséquent, le retour rétroactif au régime légal pur et simple – sauf, à notre avis, si l’option de base choisie est la séparation des biens, et que le juge peut déterminer, en tout cas, que la volonté des époux est incontestablement de se placer dans un régime séparatiste⁶.

    Par contre, si une clause est incohérente, et si son adoption n’a pas été déterminante du choix des époux, elle seule sera annulée, et le régime matrimonial choisi demeurera pour le surplus⁷.

    7. Nous examinerons essentiellement dans cette note des clauses relatives à l’hypothèse de la dissolution du mariage par le prédécès de l’un des époux, car c’est celle qui soulève, en règle générale, le plus de difficultés pratiques. Les enfants d’une précédente union se trouvent, à cette occasion, confrontés à un conjoint survivant qui n’est pas leur auteur⁸, et parfois à des demi-frères ou demi-sœurs issus de cette nouvelle union – voire aux enfants issus d’une autre union du conjoint survivant.

    Les difficultés sont, alors, plus spécifiques qu’en cas de divorce, ou plus exactement, le divorce n’est pas un mode de dissolution du régime matrimonial susceptible d’impliquer toute la famille recomposée : il ne concerne, en réalité, que le couple – la recomposition de la famille n’a, de ce point de vue, que peu d’impact⁹.

    8. Nous commencerons, pour chaque type de clause, par passer succinctement en revue la théorie y relative, avant de donner un exemple de type de clause possible, et d’en faire un commentaire, lui aussi succinct.

    Les clauses ou conventions matrimoniales proposées sont donc des exemples, plus que des modèles, au sens où elles doivent, en pratique, être spécifiquement adaptées aux couples qu’elles concernent. Par ailleurs, pour être efficaces, les clauses suggérées devront très souvent être combinées entre elles, pour atteindre les objectifs qu’elles poursuivent.

    Il faut donc les prendre pour ce qu’elles sont : des pistes, ou des suggestions, destinées à alimenter la réflexion et la pratique notariale de rédaction des contrats de mariage.

    Il ne s’agit donc, en aucun cas, de textes que les praticiens peuvent se borner à reproduire, tels quels, dans les contrats de mariage qu’ils sont amenés à rédiger.

    Section 1

    Les régimes en communauté

    Sous-section 1

    Le cadre général du régime légal et ses avantages

    9. Ce n’est pas spécifique aux familles recomposées : le régime légal offre, en soi, une protection efficace aux couples dont l’un des partenaires est économiquement plus faible.

    En effet, le patrimoine commun, essentiellement alimenté par les revenus – qu’ils soient professionnels ou non – et constitué des acquêts réalisés au cours du régime, a pour vocation d’être partagé par moitié entre eux. Or, ce partage par moitié n’est jamais susceptible d’être remis en cause par les héritiers, communs ou non, du couple même si l’un des conjoints a, plus que l’autre, contribué à l’alimentation du patrimoine commun.

    10. Par conséquent, le régime légal, même si l’on n’y apporte aucun aménagement conventionnel¹⁰, peut être le vecteur d’une transmission patrimoniale importante en faveur de l’époux « économiquement faible » – et, partant, de ses descendants.

    Ce sera le cas, par exemple, toutes les fois où l’un des époux dispose, avant son remariage, d’un patrimoine propre important, générant des revenus qui le sont également. La communautarisation légale de ces revenus dès le remariage (art. 1405 C. civ.) permet la constitution d’économies et/ou d’acquêts importants, qui seront ensuite partagés par moitié à la dissolution du régime.

    Ce régime offre également, dans une certaine mesure, une protection au survivant des époux, en lui permettant de se faire attribuer préférentiellement, lors des opérations de partage du patrimoine commun, l’immeuble affecté au logement de la famille et les meubles meublants le garnissant (art. 1446 C. civ.). Soit dit en passant, cette règle est infiniment plus protectrice que la réserve successorale (dite « concrète ») organisée à l’article 915bis, § 2 du Code civil, puisqu’elle permet au survivant des époux d’obtenir la pleine propriété de ces biens, alors que sa réserve ne lui ménage que des droits d’usufruit (art. 745bis C. civ.).

    Cet aspect des choses nous paraît essentiel dans le cadre d’une programmation successorale en famille recomposée.

    11. Le régime légal, tel qu’organisé par la loi, peut encore être aménagé – amélioré –, selon les objectifs poursuivis par le couple qui décide de l’adopter.

    Les possibilités offertes sont multiples : on peut ainsi aménager la composition du patrimoine commun – par exemple, pour en exclure ou y inclure certains biens – ou déroger aux règles légales du partage – par exemple, pour limiter le partage en nature, ou pour organiser un partage inégal du patrimoine commun.

    Sous-section 2

    Les aménagements relatifs à la composition des patrimoines

    § 1. La clause d’apport au patrimoine commun
    A. Notions de théorie

    12. Il s’agit, à titre principal, d’une clause dérogeant au droit commun de la composition des patrimoines en régime légal, puisque l’apport doit s’entendre de la convention matrimoniale consistant en un transfert, au patrimoine commun, d’un bien qui, à défaut, serait demeuré propre à l’un des époux.

    La clause d’apport est régie par les articles 1454 à 1456 du Code civil.

    L’apport peut porter sur un ou plusieurs biens déterminés (art. 1454 C. civ.).

    Des biens de toute nature peuvent être apportés en communauté, que ces biens soient présents – c’est-à-dire existants au jour de l’apport : par exemple, un immeuble ; un fonds de commerce¹¹ ; un portefeuille de titres ; des liquidités ; une créance contre un tiers ; etc. – ou futurs – c’est-à-dire des biens dont l’époux apportant n’est pas encore propriétaire, mais dont il espère devenir propriétaire – par exemple : l’apport de tous les immeubles dont il héritera à l’avenir ; l’apport de biens qui lui seront donnés par ses parents ; etc.

    L’apport peut aussi porter sur une quotité de biens présents ou futurs, indéterminés individuellement (art. 1456 C. civ.). Par exemple : l’apport d’un cinquième de tout le patrimoine propre actuel d’un époux, sans autre description.

    13. S’agissant d’une convention matrimoniale, l’apport est, par essence, une convention à titre onéreux, n’emportant pas donation entre époux, sauf dans les hypothèses particulières des articles 1458, alinéa 2 (combinaison d’un apport et d’un préciput), 1464, alinéa 2 (combinaison d’un apport et d’une clause de partage inégal) et 1465 du Code civil (apport et liquidation du régime matrimonial en présence de descendants issus d’une autre union de l’apporteur), où il est requalifié en « avantage matrimonial-libéralité ».

    Par contre, il n’est pas un avantage matrimonial au sens de l’article 299 du Code civil, qui organise la caducité, pour les deux époux, et en cas de divorce, des avantages matrimoniaux – au sens de « gain de survie » ou de libéralité entre époux.

    En effet, l’apport ne porte pas atteinte à l’égalité économique du partage de la communauté, et ceci même si l’époux apporteur a le droit de reprendre le bien apporté, s’il subsiste encore en nature à la dissolution du régime. La reprise dont il s’agit se fait par imputation sur la part de l’époux apporteur : c’est donc bien à un partage par moitié des biens du patrimoine commun que l’on procède dans cette hypothèse.

    14. L’apport d’un immeuble propre au patrimoine commun peut être l’occasion – en famille recomposée ou non – de résoudre des difficultés patrimoniales, lorsque des travaux ont été effectués à cet immeuble, soit pendant le mariage, au moyen de fonds communs, soit avant le mariage, au moyen des fonds propres de l’autre « futur » époux¹².

    À cet égard, on constate souvent, en pratique, que l’apport au patrimoine commun est effectué par l’époux propriétaire en « règlement » des investissements soit du patrimoine commun, soit de fonds propres de l’autre époux.

    Or, si  la  clause  d’apport  n’organise  pas  concrètement  et  spécifiquement  le « règlement des comptes » à cette occasion, l’apport – sans aucune autre précision – ne réglera pas la question.

    15. Si les travaux ont été financés pendant le mariage, au moyen du patrimoine commun¹³ avant l’apport, celui-ci n’éteint pas la récompense due par le patrimoine propre au patrimoine commun. On sait que dans ce cas, la récompense sera égale au minimum aux investissements effectués, augmentés, s’il y a lieu – mais c’est souvent le cas en matière immobilière – d’une part de plusvalue proportionnelle à ces investissements (art. 1435 C. civ.).

    Si tel est le but des époux, l’apport peut être l’occasion de supprimer cette récompense spécifique.

    Mais cette suppression n’est pas à prévoir de manière systématique, ou « automatique ».

    Si l’apport est couplé à une clause de partage inégal – préciput, ou attribution totale de la communauté à l’époux non apporteur, par exemple –  les articles 1458 et 1464 du Code civil y voient un avantage matrimonial-libéralité égal à la moitié de la valeur du bien à la dissolution du régime. Dans ce cas, il y a certainement un intérêt à supprimer la récompense relative à l’apport.

    Exemple

    Monsieur est propriétaire d’un immeuble propre de 100.000 EUR, dans lequel le patrimoine commun a effectué, après le mariage, des investissements à concurrence de 20.000 EUR.

    Monsieur apporte ensuite cet immeuble au patrimoine commun, et le contrat de mariage prévoit l’attribution totale du patrimoine commun au survivant des époux.

    Monsieur décède, et à la dissolution du régime, l’immeuble vaut 240.000 EUR. Il y a d’autres biens communs pour 100.000 EUR. Le patrimoine propre de Monsieur se compose de biens pour 100.000 EUR également.

    Monsieur et Madame ont un enfant.

    Si la clause d’apport n’organise pas la suppression de la récompense, la liquidation du régime matrimonial et de la succession se déroulent comme suit :

    1. la récompense est égale au minimum au montant de l’appauvrissement, soit 20.000 EUR. L’immeuble ayant doublé de valeur, cette récompense sera revalorisée à 40.000 EUR (art. 1435 C. civ.) ;

    2. l’avantage matrimonial résultant de l’apport, par Monsieur, de son immeuble est égal à la moitié de la valeur de l’immeuble à la dissolution du régime, soit à 120.000 EUR ;

    3. la masse de calcul du disponible de la succession de Monsieur (art. 922 C. civ.) s’établit comme suit :

    Biens existants (100.000 EUR) – dettes (la dette de  récompense de 40.000 EUR) + donation (l’avantage matrimonial de 120.000 EUR), le total étant égal à 180.000 EUR¹⁴.

    La réserve de l’enfant est de 90.000 EUR et la quotité disponible, de  90.000  EUR.

    Il faut imputer, sur le disponible de 90.000 EUR, l’avantage matrimonial de 120.000 EUR, ce qui signifie que celui-ci devra être réduit de 30.000 EUR.

    Si la clause d’apport organise la suppression de la récompense, la liquidation du régime matrimonial et de la succession se déroulent comme suit :

    1. il n’y a pas de récompense car la clause d’apport l’a supprimée ;

    2. l’avantage matrimonial résultant de l’apport, par Monsieur, de son immeuble est égal à la moitié de la valeur de l’immeuble à la dissolution du régime, soit à 120.000 EUR ;

    3. la masse de calcul du disponible de la succession de Monsieur (art. 922 C. civ.) s’établit comme suit :

    Biens existants (100.000 EUR)¹⁵ + donation (l’avantage matrimonial de 120.000 EUR), le total étant égal à 220.000 EUR¹⁶.

    La réserve de l’enfant est de 110.000 EUR et la quotité disponible, de  110.000  EUR.

    Il faut imputer, sur le disponible de 110.000 EUR, l’avantage matrimonial de 120.000 EUR, ce qui signifie que celui-ci devra uniquement être réduit de 10.000 EUR.

    Cet exemple¹⁷ permet d’apercevoir que la suppression de la récompense, à l’occasion de l’apport, permet d’augmenter le patrimoine propre du défunt et, partant, la part disponible de sa succession, sur laquelle l’avantage matrimonial de Madame va s’imputer, et par voie de conséquence, de diminuer le montant de la réduction de cet avantage matrimonial.

    Il y a donc un intérêt évident, dans une hypothèse de ce genre, à organiser, dans la clause d’apport, une suppression de la récompense pour les travaux financés, avant l’apport, au moyen du patrimoine commun.

    16. D’autre part, si un époux a financé au moyen de son patrimoine propre¹⁸, des travaux à l’immeuble propre de son conjoint, et que l’apport au patrimoine commun¹⁹ est effectué en règlement de ces comptes, dans la perspective de rendre l’autre époux effectivement propriétaire de la moitié du bien, il convient également de le préciser pour lever toute équivoque à cet égard.

    Le cas échéant²⁰, il faut alors supprimer le droit de reprise en nature de l’époux apporteur (art. 1455 C. civ.) de manière à ce que, lors des opérations de partage, le bien puisse faire l’objet d’une attribution préférentielle – éventuellement au profit du conjoint non apporteur, pour que ce dernier conserve sous forme d’immeuble ce qu’il y a investi. Dans ce cas en effet, l’apport le rend propriétaire de la moitié du bien (en contrepartie de la somme qu’il y a investie), ce qui diminue d’autant le montant de la soulte qu’il devra.

    À défaut de suppression du droit de reprise en nature par l’apporteur, celui-ci prime en effet le droit d’attribution préférentielle²¹.

    17. Enfin, s’il existe des enfants d’une union précédente, l’apport au patrimoine commun est disqualifié, par l’article 1465 du Code civil, en avantage matrimonial-libéralité, au prédécès de l’époux apporteur, parent de ces enfants.

    S’il existe des comptes entre époux, parce l’époux non-propriétaire de l’immeuble a financé, au moyen de son patrimoine propre, des travaux à l’immeuble, il convient d’être particulièrement circonspect et méticuleux si l’on veut procéder à l’extinction de la créance entre époux par le truchement d’une clause d’apport.

    Dans ce cas, l’une des possibilités nous paraît être :

    d’établir un compte de créances entre époux, pièces justificatives à l’appui²², dans lequel l’époux apporteur se reconnaît redevable de la somme investie ;

    et de procéder à l’apport de l’immeuble, à concurrence d’une somme déterminée, égale à la valeur de l’immeuble à ce moment, sous déduction de la somme due au conjoint. En effet, l’apport limité à une certaine somme se fait à charge de récompense par le patrimoine commun au patrimoine propre de  l’époux  apporteur, la  récompense  étant  égale  à la différence entre la valeur de l’immeuble au moment de l’apport et la somme à concurrence de laquelle il a été apporté (art. 1454 C. civ.)

    La récompense à verser au patrimoine propre de l’époux apporteur aura pour effet d’augmenter la masse de sa succession et, partant, de diminuer le risque de réduction de la donation présumée par l’article 1465 du Code civil.

    Exemple

    Monsieur et Madame vivent ensemble sans être mariés.

    Monsieur a un enfant d’une précédente union.

    Monsieur est propriétaire d’un immeuble de 100.000 EUR, dans lequel Madame investit une somme de 100.000 EUR pour des rénovations et des agrandissements.

    Madame dispose donc d’une créance de 100.000 EUR contre Monsieur, établie dans une convention conclue avec Monsieur. La créance de Madame contre Monsieur est stipulée non productive d’intérêts. Au décès de Monsieur, sa dette (celle de sa succession) sera donc toujours de 100.000 EUR²³.

    Imaginons que Monsieur n’ait pas apporté son immeuble au patrimoine  commun.

    Dans ce cas, son enfant serait devenu propriétaire de l’immeuble (300.000 EUR), à charge de payer la dette de 100.000 EUR à l’égard de Madame.

    En valeurs « pures », l’enfant aurait gardé 200.000 EUR et Madame 100.000 EUR.

    Il faut – il faudrait – si Monsieur et Madame se marient en régime légal, parvenir au même résultat, tout en respectant l’objectif des époux : rendre Madame effectivement propriétaire d’une partie de l’immeuble, parce qu’elle a financé les travaux qui y ont été effectués, et non pas seulement lui reconnaître une créance de somme.

    Imaginons que Monsieur et Madame se marient sous le régime légal, sans clause de partage particulière : le partage par moitié sera donc de droit.

    Monsieur  apporte  son  immeuble  (qui  vaut  200.000  EUR)  au  patrimoine commun, mais  limite  son  apport  à  la  somme  de  100.000  EUR  (différence entre la valeur de l’immeuble et la créance détenue contre lui, par Madame), Madame abandonnant la créance qu’elle détient contre Monsieur en contrepartie de cet apport.

    Monsieur décède, et à la dissolution du régime, l’immeuble vaut 300.000 EUR. Imaginons encore, pour que l’exemple soit « parlant », qu’il n’y a aucun autre bien commun, et que Monsieur ne dispose d’aucun patrimoine propre.

    L’avantage matrimonial de Madame se détermine en comparant une liquidation selon le droit commun – sans apport, donc – avec la liquidation selon le contrat.

    Si Monsieur n’avait pas apporté son immeuble au patrimoine commun, la liquidation se serait opérée comme suit :

    Monsieur aurait été propriétaire d’un immeuble de 300.000 EUR (valeur au décès). Il aurait dû payer sa dette de 100.000 EUR à l’égard de Madame.

    Le patrimoine commun n’aurait compris aucun bien.

    Le partage par moitié d’un patrimoine commun ne comprenant rien donne 0 EUR pour chaque époux.

    Il faut comparer cette liquidation à celle procédant du contrat de mariage.

    Le patrimoine commun comprend l’immeuble de 300.000 EUR.

    Le patrimoine commun doit une récompense de 100.000 EUR.

    L’actif net du patrimoine commun est donc de 200.000 EUR, dont il revient une  moitié  (100.000  EUR)  à  la  succession  de  Monsieur  et  une  moitié (100.000 EUR) à Madame.

    L’avantage matrimonial-libéralité de Madame est donc de 100.000 EUR (dans la liquidation de droit commun, elle ne recueille rien, et dans celle procédant du contrat, elle recueille 100.000 EUR). Il doit être intégré à la masse du disponible (art. 922 C. civ.)²⁴ de la succession de Monsieur.

    La succession de Monsieur comprend :

    ses biens existants, consistant en l’espèce en la récompense qu’il a perçue du patrimoine commun (100.000 EUR) et la moitié du patrimoine commun lui revenant (100.00 EUR) ;

    il n’y a pas de dette ;

    il faut y ajouter l’avantage matrimonial-libéralité, soit 100.000 EUR.

    Ce qui donne un total de 300.000 EUR.

    La réserve de l’enfant est de 150.000 EUR et la quotité disponible est de 150.000  EUR. Il  est  possible  d’y  imputer  l’avantage  consenti  à  Madame (100.000 EUR) sans devoir le réduire : cela signifie que Madame peut conserver la moitié de l’actif net du patrimoine commun.

    Si on fait le « bilan » en valeur de la liquidation du régime matrimonial et de la succession de Monsieur, on aboutit à 200.000 EUR pour l’enfant (100.000 EUR de récompense et 100.000 EUR de moitié d’actif net de communauté) et à 100.000 EUR pour l’épouse (sa moitié de l’actif net de communauté).

    Le résultat est donc bien identique à celui où Monsieur n’apporte pas son immeuble au patrimoine commun. Ni l’enfant de Monsieur, ni son épouse ne sont lésés par ce partage. Madame est devenue propriétaire d’une part de l’immeuble, ce qui lui permettra de le reprendre dans le cadre des opérations de partage²⁵ si elle est en mesure de payer une soulte de 200.000 EUR à l’enfant de  Monsieur.

    Plus simplement, s’agissant de relations de patrimoine propre à patrimoine propre, les époux peuvent aussi établir, dans ce cas, une convention de créance entre eux, assortie d’une option d’achat,en faveur de Madame qui lui permettra, lors de la dissolution du régime, d’acquérir l’immeuble en imputant sur le prix la créance qu’elle détient contre Monsieur.

    La différence essentielle entre les deux formules est que la première a la vertu – non négligeable dans un arrangement de famille – de rendre Madame propriétaire de la moitié de l’immeuble dès l’apport, c’est-à-dire pendant le régime matrimonial.

    18. Enfin, en matière d’apport, il ne faut pas perdre de vue – spécialement dans une famille recomposée – que l’apporteur ne souhaite pas toujours qu’en cas de prédécès de son conjoint, il doive partager le bien apporté avec les enfants de celui-ci – ou qu’il doive reprendre son apport moyennant paiement, à ces enfants, d’une soulte égale à la valeur de la moitié du bien au décès.

    Dans ce cas, il faut conseiller d’effectuer un apport sous condition résolutoire du divorce ou du prédécès de l’époux non apporteur, pour que, tant en cas de divorce qu’en cas de décès du conjoint, l’apporteur reprenne rétroactivement le bien apporté.

    Toutefois, s’il existe des créanciers communs, rappelons que par l’apport le bien est rendu commun, de sorte qu’avant sa reprise, en exécution de la condition résolutoire, les créanciers communs peuvent exercer leurs droits sur le bien conformément à l’article 1460 du Code civil²⁶.

    B. Exemple de clause d’apport

    M… déclare apporter au patrimoine commun qui vient d’être constitué entre son épouse et lui-même le bien immeuble suivant, qui lui appartient en propre ainsi que la dette hypothécaire dont question ci-après qui le grève :

    (description  du  bien)

    (origine de propriété)

    État hypothécaire

    Le bien prédécrit est grevé d’une dette hypothécaire d’un montant en capital de …, outre les intérêts et accessoires, en faveur de …, dette contractée par l’apportant aux termes d’un acte reçu par Maître …, notaire à …, le …, inscrit le … suivant, au … bureau des hypothèques à …, sous la référence …

    Comme dit ci-dessus, cette dette est apportée au patrimoine commun, et devient, par dérogation à l’article 1452, alinéa 2 du Code civil, une dette commune parfaite au sens de l’article 1414, alinéa 1er  du Code civil.

    Droit de reprise

    À la dissolution du régime, pour quelque cause que ce soit, M… aura le droit de reprendre le bien présentement apporté par lui au patrimoine commun, même si ce bien a été conservé, amélioré ou transformé pendant la durée du régime matrimonial.

    M… exercera son droit de reprise en imputant ce bien, pour sa valeur à la dissolution du régime, sur sa part dans le patrimoine commun.

    Il ne devra verser, à ce titre, aucune indemnité au patrimoine commun, même si ce bien a été conservé, amélioré ou transformé, au moyen de fonds communs, pendant la durée du régime matrimonial.

    Enfin, si les travaux de conservation, amélioration ou transformation ont été financés au moyen des fonds propres de M…, il ne lui sera dû, de ce chef, aucune récompense par le patrimoine commun.

    Variante²⁷

    Comme condition du présent apport, M… se réserve la faculté de demander la résolution de l’apport effectué par lui, en cas de dissolution du régime matrimonial par un divorce pour cause de désunion irrémédiable, ou en cas de prédécès de son conjoint, cet apport ayant été fait par lui, au patrimoine commun, à titre strictement intuitu personae, compte tenu du contexte actuel familial et social, du couple qu’il forme avec … S’il l’exerce, il reprendra le bien sans indemnité ou imputation quelconque.

    Cette condition résolutoire s’exercera toutefois sans préjudice des droits des éventuels créanciers communs sur le bien apporté.

    M… devra faire connaître ses intentions soit à son conjoint ou au notaire liquidateur du régime matrimonial (hypothèse du divorce), soit aux héritiers de son conjoint ou au notaire liquidateur de la succession de son conjoint (hypothèse du prédécès du conjoint), par lettre recommandée à la poste (le cachet de la poste faisant foi) adressée au(x) destinataire(s) ci-dessus, endéans un délai de six mois à compter de la transcription du divorce dans les registres de l’état civil, ou du décès de son conjoint.

    Au-delà de ce délai, la présente condition résolutoire devra être considérée comme n’ayant jamais  été  stipulée.

    C. Commentaire succinct de la clause d’apport

    Il s’agit ici d’une clause « standard » d’apport d’un immeuble propre, avec la dette hypothécaire qui le grève. À défaut d’apporter ce passif spécifique à l’immeuble, il sera à charge du patrimoine commun en proportion de la valeur de l’immeuble, au moment de l’apport, par rapport à la valeur de l’ensemble des biens propres (art. 1452 C. civ.).

    La clause organise un droit de reprise de l’immeuble, même s’il a été conservé, transformé ou amélioré pendant le régime, pour éviter l’application de l’article 1455 du Code civil (droit de reprise de l’immeuble existant encore « en nature » – au sens de « dans l’état où il se trouvait au moment de l’apport »).

    Dans ce cas, la clause exclut :

    le droit à la récompense du patrimoine commun pour les investissements effectués dans le bien avant l’apport – celui-ci étant réalisé pour « solder » ces comptes ;

    le droit à la récompense pour les investissements du patrimoine propre de l’apporteur dans le bien, car celui-ci récupère, certes en l’imputant sur sa part, la plus-value apportée au bien, au cours du régime, grâce à ces investissements.

    À titre de variante, la clause organise une condition résolutoire pour l’hypothèse de la dissolution du mariage par le divorce, ou par le prédécès du conjoint non apportant. Nous l’avons vu, cette condition résolutoire ne peut en aucun cas préjudicier les créanciers communs.

    Elle permet cependant à l’époux apportant de reprendre son bien en cas de divorce – ce qui correspond très souvent au souhait de l’apporteur, qui entend ne pas être « dépossédé » de son immeuble dans ce cas –, ou en cas de prédécès de son conjoint – ce qui correspond au souhait que le bien ne soit pas transmis aux enfants de son conjoint²⁸.

    Cette condition résolutoire pourrait être encore modulée dans l’hypothèse où, avant l’apport, le patrimoine commun a financé des travaux à l’immeuble. Il paraît équitable, dans ce cas, de prévoir que la condition résolutoire s’exercera, mais à charge de verser une somme de xxx (correspondant aux investissements qu’il a effectué) au patrimoine commun. La somme pourrait être limitée à son montant nominal, sans revalorisation.

    § 2. L’extension des actifs propres, ou l’amélioration des définitions légales de biens propres
    A. Notions de théorie

    19. On peut envisager d’exclure certains biens spécifiques du patrimoine commun pour les conserver dans le patrimoine propre de chacun des époux – notamment en vue de faciliter leur transmission aux enfants issus d’une précédente union des époux –, ou pour augmenter la part des biens à leur transmettre.

    Par exemple, on peut prévoir que :

    les revenus des immeubles propres à l’un des époux demeureront propres, l’objectif étant par exemple de pouvoir continuer à valoriser, au moyen de ces revenus, le patrimoine immobilier propre. À défaut, la valorisation du patrimoine propre au moyen des revenus génère une récompense ;

    les fonds professionnels constitués pendant le mariage sont propres à l’époux qui les a créés²⁹.

    20. Plus fréquemment, il s’agira d’améliorer la définition légale – sujette à controverses – de certains biens propres.

    Ce perfectionnement des définitions a pour effet de simplifier les opérations de liquidation du régime matrimonial, et par conséquent, en famille recomposée, de diminuer les conflits susceptibles de naître à ce propos, par exemple, entre les enfants issus d’une union précédente du conjoint prédécédé et l’époux survivant.

    L’époux titulaire d’un patrimoine propre immobilier peut ainsi souhaiter que les annexes³⁰ à ces immeubles, acquises au cours du remariage, lui demeurent propres³¹.

    Dans le même ordre d’idées, la notion d’outils et instruments professionnels³² propres peut être précisée, et étendue aux immeubles affectés à l’activité professionnelle exclusive de l’un des époux.

    Il en va de même des parts de société, acquises pendant le mariage, qu’une clause ad hoc peut qualifier de biens propres « pour le tout »³³, ou des accroissements d’une collection commencée avant le mariage³⁴.

    Comme cela a déjà été signalé ci-dessus, ces modifications au régime légal sont admises par la jurisprudence et la doctrine, pour autant que la cohérence générale du régime légal – et des clauses adoptées, entre elles – soit respectée.

    B. Exemple de clause d’extension d’un actif propre

    Complémentairement aux dispositions du Code civil, les futurs époux conviennent également de considérer comme biens propres de M…, tous les objets d’art africains, sans exception ni réserve, qui seront acquis pendant le mariage, quel que soit leur mode d’acquisition, ces objets étant destinés à accroître la collection dont M… est déjà propriétaire, telle qu’inventoriée ci-dessus.

    C. Commentaire succinct de la clause d’extension d’un actif propre

    On l’a évoqué ci-dessus : le sort des accroissements d’une collection d’œuvres d’art, commencée avant le mariage, est controversé, faute de disposition spécifique, ou adéquate³⁵, dans le Code

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