Divorce et aliments: Actes du XIIe Colloque de l'Association "Famille & Droit". Liège, 10 février 2012
Par Bruylant
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Aperçu du livre
Divorce et aliments - Bruylant
© Groupe De Boeck s.a., 2013
EAN : 978-2-8027-3923-4
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Softwin pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.
Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.bruylant.be
Éditions Bruylant
Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles
Tous droits réservés pour tous pays.
Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
La collection Famille et droit a été créée à l’initiative de l’Association belge du même nom. Cette association à but scientifique a été fondée en 1987 avec l’objectif de réunir universitaires et praticiens de langue française pour l’étude des problèmes d’actualité concernant la famille et le droit de la famille sous tous leurs aspects.
La collection est destinée à rassembler les Actes des colloques de l’Association qui se tiennent alternativement dans l’une des trois universités francophones assurant l’enseignement et la recherche en droit de la famille (Université catholique de Louvain, Université libre de Bruxelles, Université de Liège).
Sous la direction de : Jean-Louis Renchon, Professeur à l’Université catholique de Louvain et aux Facultés Saint-Louis, avocat au barreau de Bruxelles.
Déjà parus
– « La réforme de la filiation »
Annales de Droit de Louvain, n°3-4, 1987.
– Le divorce en Belgique. Controverses et Perspectives
Story Scientia, 1991.
– Les ressources de la famille
Story Scientia/Kluwer, 1992.
– Protection des malades mentaux et incapacités des majeurs : le droit belge après les réformes
Story Scientia/Kluwer, 1996.
– Démariage et Coparentalité : le droit belge en mutation
Story Scientia/Kluwer, 1997.
– Le logement de la famille
Story Scientia/Kluwer, 1999.
– L’enfant et les relations familiales internationales
Sous la direction de Jean-Louis Renchon, 2003.
– Aspects actuels de la programmation patrimoniale de la famille
Sous la coordination d’Yves-Henri Leleu, 2006.
– Les droits de la personnalité
Actes du Xe Colloque de l’Association « Famille & Droit »
Louvain-la-Neuve, 30 novembre 2007
Sous la direction de Jean-Louis Renchon, 2009.
– Filiation, autorité parentale et modalités d’hébergement
Actes du XIe Colloque de l’Association « Famille & Droit»
Bruxelles, 19 novembre 2009
Sous la direction d’Alain-Charles Van Gysel, 2011.
Le divorce : aspects sociologiques
par
Marie-Thérèse Casman
Sociologue, responsable du Panel Démographie familiale (Institut des Sciences humaines et sociales de l’Université de Liège)
A. – Mariages et divorces hier et aujourd’hui…
Chiffres SPF Economie
En examinant les chiffres de divorces depuis les années 60, on remarque notamment que l’année suivant de nouvelles lois le régissant, il y une augmentation importante. C’est le cas après la loi de 1974, la loi de 1994 et la loi de 2007. Toutes ces lois vont dans le sens d’une simplification et d’une accélération des procédures et les personnes souhaitant divorcer ont tendance à attendre qu’elles entrent en vigueur.
Une autre évolution importante dans les divorces consiste depuis une quarantaine d’années dans l’augmentation du pourcentage de demandes de divorce par consentement mutuel. En 1960, elles représentaient 18,52 % et en 2000, 75,39%.
Allant dans le même sens, le pourcentage de mariages entre deux célibataires est quant à lui en régression depuis 1960, passant de 87,05% à 65,39% en 2000.
Ces chiffres éloquents illustrent la mutation qui s’est opérée tant dans le nombre de mariages que dans celui des divorces.
B. – Le mariage…
Avant de s’interroger sur les causes et les conséquences des divorces, il est intéressant de se demander … pourquoi on se marie encore.
Jean Kellerhals, un sociologue suisse a dégagé plusieurs raisons. Il envisage des raisons qui tiennent au fait que l’on considère l’engagement dans le mariage comme un bond qualitatif dans la relation. Pour certains, la nature du lien changerait par son officialisation soit simplement civile ou religieuse ou laïque.
D’autres raisons avancées sont d’ordre pragmatique. On considère que la vie quotidienne est facilitée par le fait d’être marié : acheter une maison, avoir un enfant, la succession…
Il évoque aussi des raisons statutaires vu que le mariage par rapport à un lien officieux procure un certain statut social à la personne, surtout à la femme, et apporte une certaine sécurité « sociale », une protection supérieure à celle générée par une simple liaison.
Enfin, il cite des éléments tenant au conformisme au sens strict, l’entourage ne tolérant pas à long terme une vie commune sans mariage. On se marie alors sous la pression des proches.
Il semble que ce sont plus souvent les raisons pragmatiques et statutaires qui sont invoquées, mais celles-ci sont sans doute amenées à se réduire puisque le statut des couples non mariés rejoint peu à peu celui des couples mariés et que le processus d’émancipation et d’autonomie financière des femmes, chemine lentement et atténue pour elles ce besoin de reconnaissance statutaire.
Le mariage devient davantage un rite de légitimation et moins un rite de passage comme il fut longtemps : le passage de la vie chez les parents à la vie en couple. Actuellement, la plupart du temps les étapes de la vie en couple ne se présentent pas nécessairement dans un ordre précis : les couples ont des relations sexuelles, cohabitent, achètent une maison, ont parfois un ou des enfants … et puis se marient éventuellement. Le « vivre ensemble » ne passe donc plus systématiquement par la symbolique du mariage.
C. – Et le divorce ?
L’augmentation des divorces est perceptible même après de nombreuses années, 25 ans de mariage par exemple. En 1982, ces divorces représentaient moins de 10% de l’ensemble des divorces et dans les années 2000, ils atteignent plus de 15%. En 2006, la proportion est de 16,5%. La durée moyenne des mariages est de 14 ans et dix mois … ce chiffre varie très peu depuis le début des années 2000.
D. – Pourquoi cette évolution ?
Plusieurs facteurs peuvent être évoqués pour comprendre l’évolution (diminution du nombre de mariages/augmentation des divorces) :
L’autonomie financière des femmes a nettement progressé avec leur arrivée plus massive sur le marché de l’emploi. D’après l’IWEPS, le taux d’activité des femmes en 2009 (de 15 à 64 ans) est de 57% et pour les hommes de 69,7% mais les écarts entre hommes et femmes se réduisent puisqu’en 2002, l’écart était de 18,4 points et en 2009 de 12,7 points. Il faut cependant signaler que le temps partiel reste beaucoup plus important dans la population féminine que masculine (43% des femmes salariées et …8% des hommes).
L’influence du féminisme a contribué à transformer la condition féminine en remettant en question « l’autorité maritale ». Il faut en effet se souvenir que l’époque où la femme devait demander l’autorisation de son mari pour exercer une activité professionnelle ou ouvrir un compte en banque n’est pas si lointaine … C’est en effet en 1958 que la notion de puissance maritale est supprimée du Droit civil et que la femme ne doit plus avoir l’autorisation de son mari pour exercer une profession.
Ces éléments ont quelque peu ébranlé la division sexuelle des tâches. En effet, « la famille reposait sur un contrat inégalitaire entre les hommes et les femmes, qui rendait les uns et les autres interdépendants. Pour être disponibles sur le marché de l’emploi, les hommes avaient besoin que les femmes assument le travail domestique, les soins aux enfants et aux personnes âgées. Les femmes étaient aussi dépendantes de leur mari, pourvoyeur principal de revenu. Les rôles étaient complémentaires et s’inscrivaient dans un rapport dominant/dominé. Le choix du conjoint était en partie déterminé par cette idée qu’il fallait trouver un homme qui garantissait un minimum de conditions de vie et donc qui possédait un emploi durable et stable ». (Myriam Sommer, page 85).
La remise en question de la puissance maritale et de l’autorité paternelle a instauré une plus grande démocratisation dans les relations familiales. La notion d’égalité homme/femme apparaît progressivement dans le couple ; les femmes poursuivent des études et mènent une carrière professionnelle, les pères s’impliquent davantage dans les tâches domestiques et les soins aux enfants. Les responsabilités parentales sont donc dans une certaine mesure plus partagées.
Il convient aussi de pointer la moindre influence de la religion (diminution de la pratique et des croyances) qui jouait un rôle non négligeable sur le maintien du couple même si celui-ci était à la dérive.
Enfin, on assiste à une moindre stigmatisation de la situation des personnes divorcées, qui auparavant étaient l’objet de jugements, voire de rejet par l’entourage et la société.
Il faut également aborder des éléments qui tiennent au sens donné actuellement à l’engagement dans le couple. Depuis les années soixante et les turbulences qui les ont caractérisées, on observe une importance grandissante de l’individu par rapport au groupe. Chacun revendique la liberté de mener sa propre vie en fonction de ses attachements, de ses choix, de ses attentes …
Les relations ont ainsi tendance à devenir plus libres, égalitaires et démocratiques. Les sociologues en arrivent à conclure que le « je » l’emporte sur le « nous ».
Mais l’attente envers le couple est très importante, pratiquement prométhéenne. On attend de lui qu’il réponde aux besoins de sécurité notamment mais plus seulement, on y attend l’amour, la séduction, le refuge idéal contre l’ennui et les soucis. Peut-être cette demande est-elle trop importante … Et lorsque la situation de couple ne correspond plus à l’attente ou que l’amour n’est plus vraiment au rendez-vous … on se quitte !
Dans les cas de divorce après de nombreuses années de mariage, il faut mentionner l’augmentation de l’espérance de vie … A 50 ou 60 ans, elle est encore en principe conséquente, et le choix devient possible de ne pas poursuivre la vie commune avec un compagnon ou une compagne avec qui on ne s’entend plus. En fait, auparavant, l’attachement au conjugal pouvait remplacer l’attachement au conjoint, ce qui est actuellement moins le cas.
Les raisons pour lesquelles on divorce ont donc changé : moins souvent pour une faute, le divorce par consentement mutuel est beaucoup plus fréquent. Il n’est pas rare que l’on divorce parce que l’on ne s’entend plus ou qu’on ne s’aime plus et cela sans qu’il y ait une autre relation de part ou d’autre.
Toutes ces évolutions ne doivent cependant pas occulter les inégalités sociales qui se répercutent également sur la condition féminine. On remarque même une certaine dualisation des destins féminins. A un bout de l’échelle, il y a les femmes bénéficiant à la fois d’un bon niveau d’instruction, d’une carrière intéressante et bien rémunérée, d’une prise en charge de leurs enfants compatible avec l’exercice d’une activité professionnelle, des conditions de logement favorables, etc … celles-ci parviennent ainsi sans trop de difficultés à concilier féminité, maternité et accomplissement personnel dans un travail plutôt valorisant. A l’autre bout de l’échelle sociale, des femmes subissent la précarisation de l’emploi, le manque de moyens peu coûteux pour la garde des enfants, la charge des tâches domestiques. Ces femmes sont peu préparées et peu aidées pour concilier leur rôle de femme, mère et travailleuse dans de bonnes conditions. Plus de liberté donc, mais parfois chèrement payée !
E. – Conséquences…
Le lien conjugal se révèle donc plus fragile amenant comme conséquence la multiplication des formes familiales mais aussi des personnes vivant seules (en Belgique, un tiers des ménages est composé d’une seule personne). Si la forme familiale majoritaire reste la « famille classique » composée de parents et d’enfants du même lit, à côté se multiplient d’autres formes familiales comme les familles monoparentales d’une part et d’autre part les familles recomposées.
Si le divorce prend plus souvent l’allure d’un contrat de commun accord, on ne peut en déduire automatiquement un apaisement quant au vécu subjectif des partenaires en rupture.
Dans le passé, l’image sociale du couple restant uni par la protection des biens (maisons, épargnes …), le souci de conserver une famille pour les enfants (« on reste ensemble pour les enfants … ») primaient sur les sentiments. Relevons que ces situations pouvaient générer des souffrances au moins aussi vives que celles provoquées par un divorce.
Une autre conséquence du divorce réside dans l’appauvrissement des deux conjoints séparés, mais surtout de la femme dans la mesure où dans le couple c’est presque toujours celle-ci qui a le salaire le moins élevé ou qui a « choisi » un temps partiel.
Ces deux conséquences touchent aux deux aspects qui posent problème en cas de divorce, il s’agit des questions financières d’une part et de la garde des enfants d’autre part.
En effet, une séparation engendre généralement les mêmes conséquences sociales et légales : une division des biens, l’hébergement partagé ou non des enfants, le calcul d’une éventuelle contribution alimentaire pour l’ex conjoint et la fixation de la part contributive destinée aux enfants. Les relations entre les parents mais aussi entre ces derniers et leurs enfants s’en trouvent souvent modifiées. Parallèlement à ces éléments, on remarque une importance croissante dans les théories psychologiques et pédagogiques tentant de démêler l’influence du divorce sur le développement des enfants, tant affectivement qu’au niveau scolaire par exemple.
Autre épiphénomène, on assiste depuis plusieurs années au développement de nouveaux métiers comme celui de médiateur qui intervient pour adoucir les conflits et permettre aux différents avis et intérêts de se départager avec moins de souffrance.
F. – Divorce et intérêt de l’enfant…
Le divorce reste un événement qui n’a rien d’anodin dans la vie des (ex)partenaires et dans celle de leurs enfants. Si la séparation se passe lorsque le ou les enfants sont en bas âge, se pose la question de la garde et de l’hébergement. Les différentes évolutions dans les rôles des hommes et des femmes et dans les mentalités ont amené la création d’une nouvelle loi en juillet 2006. La loi du 18 juillet 2006 tend maintenant à privilégier l’hébergement égalitaire des enfants dont les parents sont séparés et règlemente l’exécution forcée en matière d’hébergement des enfants.
D’après une étude menée en 2009 auprès de différents acteurs (juges, avocats, médiateurs, parents, enfants …) par le Panel Démographie Familiale pour le Secrétaire d’Etat à la politique des familles, il semble que les éléments essentiels retenus par les professionnels sont l’accord des parties, l’examen prioritaire mais pas systématique de l’hébergement égalitaire et le fait qu’on leur rappelle la nécessité de motiver leur jugement.
La question des critères retenus par les juges pour trancher sur la question a retenu aussi l’attention des chercheurs. On relève la question des divergences philosophiques (pour certains facteurs d’exclusion et pour d’autres non), les aptitudes éducatives, la disponibilité, l’absence de dialogue, le fait qu’un parent menace ou manipule l’autre, l’âge de l’enfant (notion de temporalité de l’enfant en fonction de son âge), le niveau de vie, l’éloignement géographique, l’avis de l’enfant, la personnalité des parents.
Une notion souvent rencontrée est évidemment celle d’ « intérêt de l’enfant ». Cette notion reste floue même si elle est évidemment centrale. Nous avons constaté que ce terme pouvait recouvrir des conceptions bien différentes voire contradictoires. Pour certains, il est primordial de définir clairement ce qu’est l’intérêt de l’enfant pour mieux parvenir à l’atteindre. Pour d’autres, il doit rester indéfinissable puisque les situations doivent être analysées au cas par cas. Pour certains, l’intérêt de l’enfant résiderait dans le fait que les parents doivent se mettre d’accord pour que l’enfant sente qu’un consensus existe entre papa et maman et qu’ensuite on puisse vivre avec. D’autres encore pensent que pour que l’intérêt de l’enfant soit respecté, il est nécessaire qu’il dispose d’un espace de parole.
Ce qu’il semble pertinent de penser, c’est que ce sont ceux qui sont plus en recherche de cette définition qui en sont généralement les plus proches. L’intérêt de l’enfant ne serait donc pas un absolu à définir mais plutôt une question relative.
Les répercussions d’un divorce sur le développement de l’enfant sont soumises à de nombreuses controverses. D’aucuns pensent que les enfants de parents divorcés rencontrent plus de difficultés scolaires, comportementales, affectives, de l’énurésie, voire de la délinquance alors que par ailleurs, des pédagogues, sociologues ou psychologues estiment d’une part que ce qui nuit le plus à un enfant c’est le conflit (or il peut être omniprésent dans un couple non séparé), parfois pire qu’une rupture et d’autre part que tout dépend des conditions qui entourent le divorce.
G. – Difficultés rencontrées dans l’application de la loi sur l’hébergement égalitaire…
Les différents professionnels et parents rencontrés lors de notre étude ont relevé une série d’éléments qui entrent en ligne de compte dans le choix ou non de l’hébergement égalitaire :
Les rythmes d’alternance
La question des frais extraordinaires et des loisirs
Le choix du domicile de l’enfant, certains parents se sentent « moins parents » lorsque leur enfant n’est pas domicilié avec eux. De plus, la domiciliation a un impact pratique, administratif, fiscal et symbolique.
Les remboursements des soins de santé et la carte SIS
La question des allocations familiales
La question des parts contributives. Cette question est un sujet à haut risque dans les relations entre ex conjoints
Le logement : la difficulté de trouver un logement satisfaisant pour les parents séparés. L’hébergement égalitaire augmente le besoin d’un logement de plus grande taille car chaque parent doit disposer d’une habitation adaptée à l’hébergement des enfants dans de bonnes conditions, une semaine sur deux ou selon l’alternance choisie.
La consommation d’eau qui subit une différence de tarification en fonction du nombre de personnes occupant l’habitation. Ainsi ici le nombre de m3 d’eau à un tarif avantageux est fixé par domiciliation. Cela implique pour le parent dont les enfants ne sont pas domiciliés chez lui qu’il subisse une tarification d’eau ne correspondant pas à la réelle taille du ménage.
Les primes, aides, prêts et réductions. Le parent peut être confronté à l’écart entre sa situation de fait et sa situation administrative.
Le transfert des enfants
La garde d’enfant malade
La fiscalité,
Les vêtements et le transport des affaires
Le rôle de l’école qui ne prend pas toujours en compte la réalité des séparations.
Cette énumération permet de se rendre compte à l’évidence que les questions concernant l’hébergement et la garde des enfants sont nombreuses et parfois complexes au moment de la séparation.
H. – Quelle parentalité après un divorce ?
Lors de notre étude, nous avons utilisé la typologie réalisée par la CNAF en 2008 au niveau du fonctionnement de parents séparés pratiquant la résidence alternée. Il s’agit de la « coparentalité associative », de la « coparentalité tolérante ou collaboration civilisée » et de la « biparentalité ou parentalité parallèle ». « Leur responsabilisation, le respect qu’ils se portent et la coopération dont ils font preuve sont considérés comme des facteurs essentiels du dépassement de la crise conjugale et du respect de l’intérêt de l’enfant » (Irène Théry page 155).
Le domaine de l’après divorce est sujet à la mise en cause de beaucoup de certitudes comme la suprématie de la relation à la mère, le partage rigide des rôles entre le père et la mère, etc … les savoirs psychologiques et pédagogiques sont convoqués pour légitimer les nouvelles manières de se séparer et d’organiser l’après divorce au niveau des enfants.
Par ailleurs, un constat apporté par notre étude est relatif aux intervenants du droit familial et tient dans le fait que chacune des professions interrogées a tenu un discours assez critique à l’encontre des autres professionnels du domaine. En plus de cette vision assez négative, nous avons remarqué que souvent, les uns ne semblaient pas connaître les rôles et missions des autres. Certains parents se sont plaints du manque d’informations, n’étant pas toujours avertis des différents services au niveau juridique, « à quoi ai-je droit ? » mais également au niveau fiscal par exemple « Quelles sont les conséquences fiscales de ma séparation ? »
Conclusions
Si on constate une désinstitutionalisation de la famille, on ne peut cependant l’apparenter à la « mort de la famille ». En effet si le lien conjugal s’est fragilisé, le lien parental lui a été valorisé. Les sociologues considèrent ainsi que le « couple parental survit au couple conjugal ». D’autant que le rôle des hommes au niveau des tâches domestiques et la place du père dans la famille ont évolué dans le sens d’une plus grande participation même si cette évolution n’aboutit pas encore à un réel partage entre homme et femme, entre père et mère.
Toutes les évolutions en marche depuis une quarantaine d’années vont dans le sens, comme le dit Irène Théry qu’ « à l’idéal d’indissolubilité du mariage, le temps du démariage substitue progressivement celui d’indissolubilité de la filiation comme le pivot de la sécurité symbolique face à l’inanité de l’être et la fugacité du temps ». (page 144)
Références bibliographiques
Casman
M-Th. (sous la direction de), « Évaluation de l’instauration de l’hébergement égalitaire dans le cadre d’un divorce ou d’une séparation », Rapport de recherche pour le Secrétariat d’Etat à la politique des Familles, Université de Liège, 2010.
Sommer
M., Femmes de ma génération, Éditions Luc Pire, 2008.
Théry
I., Le démariage, Éditions Odile Jacob, 1993.
Le divorce pour desunion irrémédiable : les causes et la procédure
par
Didier Pire
Avocat au barreau de Liège
Maître de conférences à l’ULg
Introduction
La loi du 27 avril 2007 a fait l’objet de nombreuses critiques lorsqu’elle est entrée en vigueur mais finalement le législateur n’a pas jugé utile d’en modifier l’essentiel (bien que la majorité politique ait changé par la suite).
La loi n’a fait l’objet que de quelques modifications somme toute mineures.
Deux lois réparatrices :
– la loi du 17 novembre 2009 modifiant le Code judiciaire quant à la répartition des dépens entre parties dans le cadre d’une procédure en divorce ;
– la loi du 2 juin 2010 modifiant certaines dispositions du Code civil et du Code judiciaire en ce qui concerne la procédure de divorce ;
– et une loi assouplissant la procédure, en supprimant l’obligation de comparution personnelle des parties : la loi du 5 avril 2011modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la comparution personnelle et la tentative de conciliation en cas de divorce, et instaurant une information sur l’existence et l’utilité de la médiation en matière de divorce ;
et deux lois dont le champ d’application ne concerne pas principalement le divorce :
– la loi du 2 juin 2010 modifiant le Code judiciaire et le Code civil en ce qui concerne le traitement en chambre du conseil des procédures judiciaires relevant du droit de la famille ;
– la loi du 19 mars 2010 visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants
Ce sont essentiellement les Cours suprêmes qui ont détricoté le texte qui avait été adopté en 2007 (en particulier pour ce qui concerne les dispositions transitoires.)
A. – La Cause unique de divorce : La désunion irrémédiable
1. – Notion
La désunion est irrémédiable « lorsqu’elle rend raisonnablement impossible la poursuite de la vie commune et la reprise de celle-ci entre [les époux] » (1)
Le projet de loi ne définissait pas la notion de désunion irrémédiable, les travaux préparatoires se bornant à préciser que le juge pourra prononcer le divorce s’il a l’intime conviction que plus aucun rapprochement n’est possible entre les époux (2). La chambre a néanmoins jugé utile d’adopter un amendement « définissant » la désunion irrémédiable mais en utilisant des termes qui ne sont guère plus précis. (3)
2. – La désunion irrémédiable fondée sur le comportement des parties
a. Constat sans jugement de valeur
La constatation faite par le juge que la désunion est irrémédiable ne repose pas nécessairement sur le caractère fautif du comportement adopté par un des deux époux.
Ainsi il a été jugé que lorsque chacun des deux époux établit, pièces à l’appui, la réalité de leur désunion irrémédiable il y a lieu de faire droit autant à la demande de l’un des époux qu’à celle de l’autre sans entrer dans un débat sur la responsabilité de la séparation et de la désunion des parties (4).
Evidemment, cela n’exclut pas que les comportements autrefois qualifiés d’injurieux puissent être utilisés par les plaideurs pour obtenir le divorce immédiatement (5).
Dans le projet de loi, l’article 229 comportait un § 4 qui donnait au juge la possibilité de prononcer le divorce immédiatement « lorsque l’un des époux prouve que l’autre a adopté un comportement rendant impossible la poursuite de la vie commune ».
Ce paragraphe a été supprimé par un amendement n° 24 (6) identique à un amendement n° 90 du Gouvernement (7).
La justification de l’amendement indique notamment : « il ne se recommande pas de maintenir la faute comme fondement potentiel de divorce. L’argument de l’accélération de la procédure est insuffisant pour maintenir la faute comme fondement dans la loi. L’époux qui se considère comme victime est libre d’utiliser ‘le comportement adopté par l’autre époux rendant impossible la poursuite de la vie commune’ pour prouver qu’il est question d’une désunion irrémédiable. Si le juge considère que la désunion durable est ainsi prouvée à suffisance, il peut également prononcer rapidement le divorce ».
L’amendement du Gouvernement dont le dispositif est identique (suppression de l’article 229 § 4), relève que l’objectif initial du projet (ne pas exclure totalement le débat sur la faute) peut être atteint sans maintenir le § 4 en précisant « même s’il n’existe pas de demande de pension alimentaire, le juge peut motiver la décision de prononcer immédiatement le divorce en constatant la désunion irrémédiable sur base de l’article 229 § 1er proposé (…) Le présent amendement supprime le § 4 mais laisse subsister le § 1er, qui permettra au juge de prononcer le divorce immédiatement, notamment en considération du comportement d’un des conjoints, sans attendre l’écoulement des délais prévu aux § 2 et 3 ».
Dans l’esprit de ces amendements, l’article 229 § 1er laisse subsister la possibilité de plaider sur base d’un comportement fautif mais pas uniquement.
En d’autres termes, les anciennes « injures graves » pourront continuer à être utilisées afin d’obtenir le divorce immédiatement, sans attendre l’écoulement des délais.
b. Absence d’autorité de chose jugée quant à la faute grave de l’article 301
La constatation faite par le juge dans ce contexte se fera sans jugement de valeur et n’aura pas l’autorité de la chose jugée sur le débat qui aura lieu ultérieurement dans le cadre de la pension alimentaire après divorce : « La charge de la preuve (de la faute dans le cadre du débat sur la pension alimentaire après divorce) pèsera sur le défendeur. Si le divorce a été prononcé sur base de l’article 229 § 4 (comportement du demandeur rendant impossible la poursuite de la vie commune) cela ne suffira pas car la décision à cet égard n’entraîne aucun préjugé quant au débat relatif à la pension » (8). Cette remarque vaut a fortiori si le divorce est prononcé sur base de l’article 229 § 1er.
c. Preuve par toutes voies de droit
La preuve de la désunion irrémédiable pourra être rapportée par toutes voies de droit (sans préjudice de l’écoulement des délais : voy. infra) y compris par l’aveu. L’aveu est en revanche exclu pour établir l’écoulement des délais prévus aux articles 229, § 2 et § 3 (voy. infra). Cette différence de traitement se justifie par le fait que lorsque le juge est amené à prononcer le divorce immédiatement sur base de l’article 229, § 1er, il dispose d’un pouvoir d’appréciation pour constater le caractère irrémédiable de la désunion. L’aveu portera sur un fait concret (par exemple un adultère) mais pas sur le caractère irrémédiable de la désunion lui-même pour lequel le juge disposera d’un pouvoir d’appréciation (9) .
3. – Jurisprudence
a. Constat de la désunion par l’accumulation d’indices
La jurisprudence exige de manière générale une accumulation d’indices pour prononcer le divorce sur base de