Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Bloody Birthday: Un thriller palpitant !
Bloody Birthday: Un thriller palpitant !
Bloody Birthday: Un thriller palpitant !
Livre électronique354 pages5 heures

Bloody Birthday: Un thriller palpitant !

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Enquête policière et intrigue politique pour ce roman de Yannick Letty

Alors que la colère des Indignés gronde dans les rues, Karl se faufile anonyme dans la foule. Bien décidé à agir, il observe les défilés, épie les manifestants, se joue de la police. Cependant, à ses yeux, la lutte est par trop inégale… Il est persuadé que face à un pouvoir qui refuse d’entendre toute contestation et méprise le peuple, il n’y a qu’une issue : frapper la classe dirigeante en plein cœur lors d’un attentat spectaculaire. Mais rien ne se passe comme prévu et il se retrouve entraîné dans une spirale infernale et funeste. L’alerte attentat est à son maximum. Karl devient l’homme le plus recherché de notre histoire. Tous craignent qu’il frappe à nouveau. Lancées sur sa piste, la police judiciaire et la section anti-terroriste des commandants Margulis et Labonne parviendront-elles à comprendre ce qui s’est réellement passé et à mettre Karl hors d’état de nuire ? Très vite, en effet, l’enquête se heurte aux secrets et aux manœuvres de milieux qui se croient intouchables parce qu’au-dessus des lois. Rien n’est simple dans cette affaire où tous les pouvoirs se mélangent et rivalisent à la fois.

Récit d’un homme pris au piège du système judiciaire et politique

EXTRAIT

Ses yeux bruns dans le vague, Karl explorait l’intérieur du wagon. La paupière tombante, la mâchoire relâchée et la lèvre molle, il semblait absent quand il ne perdait rien de ce qui se passait autour de lui. Les regards l’effleuraient sans s’arrêter. Qui aurait pu s’intéresser à ce type dont la tête dodelinait au rythme des secousses du métro ? Un type anonyme, sans signe distinctif ni caractère particulier.
L’engin piqua une pointe de vitesse dans un tunnel sans lumières, décéléra, puis finit par freiner. Karl, qui ne s’était jamais appelé Karl, laissa son corps se pencher en avant. Il sentit l’odeur des cheveux de la fille accrochée à la barre devant lui. Pomme…
À l’autre bout du wagon, un flic en civil faisait des efforts pour paraître invisible : jean, baskets, veste cool, mais son regard balayait un peu trop furtivement le wagon, s’attardant sur tel ou tel groupe de jeunots excités qui rêvaient tout haut de révolution, avant de chercher le profil de son collègue qui faisait semblant de l’ignorer.
Crissement douloureux des roues. Arts et Métiers… Les portes s’ouvrirent. Adieu Pomme… La brunette s’écarta pour le laisser descendre. Elle était vraiment jolie, mais il ne pouvait pas prendre le risque de rester jusqu’à la station suivante, la surveillance devait être maximum aux abords du Châtelet, et il ne voulait pas froisser Cassandre. Ou lui donner raison.

CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE 

- « L’auteur est décidemment bien le roi de la cocotte-minute. Il n’a pas son pareil pour faire monte la pression, sans oublier la soupape de sécurité qui permet au lecteur de reprendre son souffle. Il malmène nos émotions de bout en bout, pour notre plus grand plaisir, oserions-nous dire, de son écriture rapide et concise. » - D. Cresson – Ouest France
- « Thriller palpitant, d'une actualité brûlante. » - Le Télégramme

A PROPOS DE L’AUTEUR

Yannick Letty est brestois. Océanologue de formation, il a exercé plusieurs métiers avant de se lancer dans l’écriture.
LangueFrançais
Date de sortie26 févr. 2015
ISBN9782843625695
Bloody Birthday: Un thriller palpitant !

En savoir plus sur Yannick Letty

Auteurs associés

Lié à Bloody Birthday

Livres électroniques liés

Mystère pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Bloody Birthday

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Bloody Birthday - Yannick Letty

    l’acrobate…

    CHAPITRE PREMIER

    « C’est dans les dossiers des archives de police que se trouve notre seule immortalité. »

    (Milan Kundera, Le Livre du rire et de l’oubli)

    Ses yeux bruns dans le vague, Karl explorait l’intérieur du wagon. La paupière tombante, la mâchoire relâchée et la lèvre molle, il semblait absent quand il ne perdait rien de ce qui se passait autour de lui. Les regards l’effleuraient sans s’arrêter. Qui aurait pu s’intéresser à ce type dont la tête dodelinait au rythme des secousses du métro ? Un type anonyme, sans signe distinctif ni caractère particulier.

    L’engin piqua une pointe de vitesse dans un tunnel sans lumières, décéléra, puis finit par freiner. Karl, qui ne s’était jamais appelé Karl, laissa son corps se pencher en avant. Il sentit l’odeur des cheveux de la fille accrochée à la barre devant lui. Pomme…

    À l’autre bout du wagon, un flic en civil faisait des efforts pour paraître invisible : jean, baskets, veste cool, mais son regard balayait un peu trop furtivement le wagon, s’attardant sur tel ou tel groupe de jeunots excités qui rêvaient tout haut de révolution, avant de chercher le profil de son collègue qui faisait semblant de l’ignorer.

    Crissement douloureux des roues. Arts et Métiers… Les portes s’ouvrirent. Adieu Pomme… La brunette s’écarta pour le laisser descendre. Elle était vraiment jolie, mais il ne pouvait pas prendre le risque de rester jusqu’à la station suivante, la surveillance devait être maximum aux abords du Châtelet, et il ne voulait pas froisser Cassandre. Ou lui donner raison.

    Il se faufila sans hâte dans le flot de passagers, remonta le quai, s’arrêta un instant pour consulter le plan du métro, avant de se retourner comme s’il cherchait son chemin.

    Meuglement lugubre du klaxon. Les portes claquèrent, la rame s’ébranla. Son regard croisa celui de la brunette restée dans le wagon. Curieux. Elle paraissait s’intéresser à lui. Il en fut presque contrarié. Serait-ce un flic ? Pourtant elle l’avait laissé partir sans se précipiter pour sortir son téléphone et maintenant la rame avait disparu. Ce n’était sans doute qu’un regard machinal.

    Il se dirigea vers la sortie, grimpa les escaliers sans plus jeter un coup d’œil derrière lui et parvint à l’air libre. Il traversa la rue, parcourut quelques mètres sur le trottoir et soudain, sortant un portable, s’adossa au mur d’un immeuble et fit mine de téléphoner. Son manège dura trois minutes, pendant lesquelles, perdu à des lieues de distance, il guetta la moindre anomalie dans le paysage, le moindre comportement suspect d’un gus qui l’aurait attendu ou qui aurait passé le relais. Il le faisait plus par jeu que par nécessité. Il était ici en touriste, même si Cassandre la trop bien nommée trouvait cela imprudent. Elle aurait voulu qu’il reste au calme. Transparent. Elle ne comprenait pas qu’il avait besoin de bouger, de continuer à vivre. Ils s’étaient même engueulés.

    La tension augmentait à l’approche du grand jour.

    Il rengaina son mobile, coiffa un bonnet de laine et, l’œil pétillant, s’éloigna à grands pas. Soudain il n’était plus le même. Remontant la rue Saint-Martin, il piqua directement vers Beaubourg et traversa l’esplanade sans rien percevoir d’anormal. L’après-midi tirait à sa fin pourtant il faisait encore chaud. Un groupe de musicos développait la grande stratégie pour charmer les derniers visiteurs pendant qu’une fille fourguait leur CD. Une place de province… ou tout au moins remplie de provinciaux.

    Cap au sud. Toujours rien. Il dut contourner la Tour Saint-Jacques pour percevoir la rumeur du rassemblement. La densité humaine augmenta brutalement. Il se faufila le long de la Chambre des Notaires et grimpa sur un muret. Trois cents gus à tout casser bloquaient la place du Châtelet, sans compter les flics qui étaient presque autant. Pas de quoi pavaner, mais l’ambiance lui plaisait, même si Cassandre les trouvait puérils.

    – Les Indignés ! raillait-elle. Un troupeau de moutons qui va à l’abattoir ! Les Bisounours vont à la manif… Rien n’arrête un peuple qui marche ! singeait-elle en trimbalant une petite pancarte. Surtout quand il a les CRS au cul !

    Heureusement elle n’était pas là pour voir ça… Les Gardes Mobiles avaient libéré le pont au Change et les berges de la Seine, contenant la manif entre les deux théâtres sur la place. Plus loin, la circulation se faisait sans problème. Le soleil avait disparu depuis un moment.

    Karl sauta de son perchoir et se glissa dans la foule. Il y avait de l’usure dans les rangs. Les pancartes étaient promenées sans vigueur : Réveillez-vous ! un autre monde est possible ! Dette publique = Richesse privée. Nos rêves ne tiennent pas dans vos urnes. Les plus vieux tournaient en discutant autour de la place. Assis sur des cartons, les jeunes semblaient vouloir s’installer pour la nuit. Un ou deux types donnaient des cours d’économie politique. Debout au pied de la fontaine, une fille jouait du violon. Karl slaloma entre les groupes et trouva un coin près d’elle où s’asseoir. C’était une jolie rousse aux cheveux frisés. Juchée au bord du bassin dans une robe de velours vert, elle souriait d’un air doux. Que faisait-elle là, perdue au milieu du vacarme ? Son violon paraissait dompter les roulements de tambours venus de l’autre côté de la place… Karl s’allongea sur le sol. Le soir tombait, le ciel était encore bleu. La musique l’emportait. Au sommet de la colonne, la statue dorée des victoires napoléoniennes étendait les bras offrant ses couronnes de lauriers. C’était la première fois qu’il la voyait ainsi, semblant planer dans les airs. Elle lui faisait penser au Christ pendu au bout d’un filin sous l’hélicoptère du début de la Dolce Vita. Il le prit comme un signe de bon augure pour la suite… Mais soudain une rumeur l’arracha à sa rêverie : les flics avaient enfilé leur casque et, matraque au poing, avançaient en rangs serrés depuis la Seine. Il bondit sur ses jambes et, le regard attiré par un mouvement sur sa gauche, repéra la brunette du métro qui le fixait entre les arbres. Elle détourna brusquement les yeux. Derrière elle, un bataillon de Mobiles progressait depuis le théâtre de la Ville. La foule paniquée refluait tandis qu’une cinquantaine de courageux restaient au sol, les bras entremêlés. Les flics poussèrent de plus en plus dur. Ils isolaient les irréductibles, les choppaient un par un et les entraînaient aussitôt vers les fourgons.

    Pas question de se laisser coincer. Karl contourna la fontaine et tenta de se frayer un chemin vers la Chambre des Notaires. Merde ! Bloqué… Les flics bouclaient entièrement la place.

    – Pas de violence ! hurlaient des voix. Pas de violence !

    Les manifestants refusaient l’affrontement. Ils s’accrochaient à leurs bouts de carton, s’enfermaient dans leur duvet, tiraient sur leur couverture pendant que d’autres faisaient face debout, les bras levés, les doigts écartés.

    – Vos enfants vous regardent ! scandaient-ils tandis que derrière eux les copains filmaient sur leurs portables.

    Les flics non plus ne perdaient rien du spectacle. Leurs caméras balayaient un à un les visages mais, depuis un moment, Karl avait enfoncé son bonnet sur son crâne et relevé son foulard. Inutile de se faire repérer… Même s’il savait que les caméras tournaient depuis le début de l’aprem… Le pire, bien sûr, serait d’être embarqué. Il devait faire vite, il devait dégager. Il se faufila entre les grappes humaines cherchant une zone de faiblesse, remonta la foule à contresens, mais tout bascula quand un gendarme se prit les pieds dans un duvet et se cassa la gueule sur deux jeunes enlacés. On aurait dit un gros scarabée empêtré dans son caparaçon de ninja noir. Les deux jeunots l’attrapèrent en riant.

    – La police avec nous ! La police avec nous.

    Le type ne parvint pas à se dégager. Il essaya d’attraper sa matraque mais un rigolo s’en empara et fit mine de l’embrasser.

    La charge commença aussitôt.

    – Pas de violence !

    Des cris, des hurlements, du sang… Les flics se lâchaient, les coups pleuvaient.

    Quelques courageux attendirent stoïquement les mains levées pendant que leurs potes immortalisaient le coup de matraque qui leur fendait le nez ou l’arcade sourcilière, mais à présent, tous tentaient de fuir. Les gaz se rabattaient vers eux, ils étaient encerclés. Karl escalada rapidement la fontaine. Là-bas, dans l’angle de la place, les arbres et les grilles gênaient la progression des flics. Quelques jeunes réussissaient à passer. Il sauta à terre, se mit à courir, slalomant entre les obstacles et les coups de matraques, franchit sans trop de mal le cordon de ninjas mais derrière, dans un nuage de lacrymo, des flics en civil coursaient les rescapés, n’hésitant pas à les plaquer au sol… Ces salauds ne l’auraient pas. Les yeux irrités par les gaz, il piqua un sprint dans le brouillard, évita deux civils qui tordaient les bras d’un barbu, sauta une grille et, repoussant un dernier infiltré, vira à l’angle de la Tour Saint-Jacques. L’avenue était libre. Pris dans son élan, il allait traverser quand sous l’avancée d’un porche, il aperçut une fille plaquée au mur, aux prises avec un type en Adidas qui arborait le brassard orange de police… La brunette ! Elle pissait le sang de l’arcade. Sans plus réfléchir, Karl brisa sa course et se mit à marcher. Le flic se retourna en l’entendant venir.

    – Barre-toi ! gueula-t-il.

    – C’est chez moi ! chantonna Karl en montrant la porte. C’est là que j’habite…

    Le gars eut un moment d’hésitation, il tourna la tête et paya pour tous les autres. Karl frappa deux fois, libérant toute la rage accumulée depuis le début de la charge : un coup à l’estomac, l’autre au foie.

    – Viens !

    La jeune femme ne réagissait pas, tétanisée devant le policier qui suffoquait à ses pieds. Karl l’attrapa par la main et l’entraîna derrière lui.

    – Dépêche-toi !

    Ils quittèrent rapidement l’avenue et, sans cesser de courir, contournèrent Beaubourg par un réseau de ruelles. Difficile de passer inaperçus. Les passants se retournaient sur leur passage. Malgré le mouchoir qu’elle tenait plaqué sur son front, la jeune femme avait le côté gauche du visage couvert de sang. Karl hésitait, il avait fait ce qu’il pouvait pour la sortir d’affaire. Séparés, ils se feraient moins remarquer. Il avait pris assez de risques, elle pouvait se débrouiller toute seule. Brusquement il lui lâcha la main et se précipita vers un immeuble où un gamin peinait à sortir son vélo. Il lui tint la porte et le regarda s’éloigner en souriant.

    La jeune femme le rejoignit en soufflant.

    – C’est ici que tu habites ?

    C’était la première fois qu’il entendait sa voix.

    – Non, tu vas m’attendre ici, murmura-t-il en entrant dans le hall. On va finir par se faire repérer. Je vais chercher de quoi te nettoyer. Je reviens tout de suite. Je taperai trois petits coups à la porte…

    Lorsqu’il revint, un quart d’heure plus tard, il faisait presque nuit. Les jours raccourcissaient à grands pas. Avec ses deux ou trois réverbères vacillants, le petit passage sympathique entre les immeubles paraissait sordide. Il frappa discrètement. Aucune réponse. Recommença un peu plus fort, secoua la porte. Toujours rien.

    Merde ! Du sang sur la poignée. Il en avait aussi sur la main et la manche de sa veste. C’était pour ça que la caissière le regardait de travers dans la supérette. Il frappa une dernière fois. Tant pis… Inutile de se faire repérer. La petite Pomme en avait eu marre d’attendre et elle avait mis les bouts. Il avait acheté tout ce bazar pour rien. Il s’éloigna. Ça suffisait ! Assez pris de risques ! Il avait déjà évité une patrouille de flics de justesse. Heureusement son sac de courses les avait bluffés et ils ne s’étaient pas attardés sur sa tronche. Si la brunette avait été avec lui, ç’aurait été une autre paire de manches !

    Il revint malgré tout sur ses pas. Il ne se sentait pas tranquille. Encore un de ses foutus pressentiments. Il ferait mieux de se barrer. Il avait fait ce qu’il pouvait. Qu’est-ce qui lui avait pris aussi de se farcir le flic ? Il aurait pu se casser sans problème en la laissant se dépatouiller toute seule. Elle aurait été quitte pour un passage au poste suivi d’un ou deux points de suture à l’hosto…

    Il était trop impulsif. Avec ses conneries, il risquait de faire foirer leur plan. Jusqu’ici pourtant tout roulait. Il regarda la porte. Frappa trois coups secs. Que s’était-il passé ? Il n’aimait pas ça. Et si elle avait viré de l’œil ? Après un tel coup sur la tête, c’était pas impossible. Une rupture d’anévrisme ? Putain, si jamais elle avait passé l’arme à gauche… La porte s’ouvrit brusquement. Il recula. Un couple sortit en le dévisageant puis, toujours sans le quitter des yeux, l’homme tira soigneusement le battant.

    Grillé…

    Karl s’écarta, les regarda s’éloigner et prit la direction opposée. Au moins un problème de réglé : la brunette n’avait pas claqué dans les escaliers… Il n’arrivait cependant pas à se détendre. Cassandre avait raison, cette idée d’aller faire un tour à la manif était une connerie. Les flics devaient être sur le pied de guerre. Ils supportaient mal de voir un des leurs au tapis, même si, de leur côté, ils s’en donnaient à cœur joie. Il devait dégager, il devait quitter le quartier en vitesse. La ruelle se resserrait, au point qu’il aurait pu toucher les deux côtés en écartant les bras. Il pressa le pas, vira à droite dans une petite cour mal éclairée et, l’apercevant trop tard, manqua renverser la silhouette dissimulée dans l’angle.

    – Tu es revenu ? s’écria la brunette en rangeant précipitamment son portable.

    – Je t’avais dit de m’attendre dans l’entrée ! grogna-t-il.

    – J’ai entendu quelqu’un descendre. J’ai eu peur, j’ai pensé… J’ai préféré sortir en vitesse. Mais maintenant, je ne savais plus comment faire avec tout ce sang…

    – Assieds-toi sous le réverbère, je vais te nettoyer ça !

    Une heure plus tard, il la raccompagnait jusqu’au pied de son immeuble, rue des Abbesses, dans le XVIIIe.

    – Tu es sûre que ça ira ?

    Elle hocha la tête.

    – Il vaudrait mieux que tu montres ça à un toubib.

    Il ne se décidait pas à partir. Elle sourit, pianota ostensiblement son code.

    – Faut que j’y aille.

    – Ah ! Tu es attendue…

    Elle hocha la tête.

    – Merci pour le pansement.

    – Bon… alors salut Louise.

    – Salut Karl. À une prochaine manif…

    – Ouais. Peut-être.

    Elle poussa la porte, se faufila dans l’entrée.

    – Ciao…

    La serrure claqua.

    Il s’éloigna. Plus tard, il repenserait souvent à cet instant. Peut-être aurait-il tout laissé tomber si elle lui avait dit de monter…

    Il décida de rentrer à pied. Il devait traverser tout Paris mais il avait besoin de marcher, de vider cette énergie qui par moments déferlait dans son corps et d’oublier ces images du pouvoir qui lâchait ses chiens de garde sur des manifestants pacifiques, qui les tabassaient, les arrêtaient, les fichaient pour une pancarte, une gêne à la circulation ou un slogan subversif, lorsque d’autres profitaient de la crise pour exploiter encore davantage, s’enrichissaient quand le nombre de pauvres ne cessait de croître ou mettaient en péril l’économie de pays tout entiers par leurs jeux financiers. Les plus odieux d’entre eux n’hésitaient pas à spéculer sur le blé, le riz ou le mil, les rendant inaccessibles à ceux qui crevaient déjà de faim… Mais ces salauds ne risquaient rien. Pas un coup de matraque, pas une arrestation ! Aucune règle n’interdisait de spéculer sur les denrées vitales d’un peuple, ni d’introduire des effets de levier sur la dette d’un pays exsangue, ni d’exploiter la misère ! Le marché n’avait pas besoin de règles, il se régulait de lui-même… Quelle farce !

    Mais les manifestations ne suffisaient pas. Des milliers de personnes descendaient dans la rue exprimer leur désaccord, elles n’étaient pas entendues. D’autres actions devaient prendre le relais…

    Il mit plus d’une heure à atteindre le quartier où il habitait derrière le Père-Lachaise. Une chambre de 8 m² y compris le lavabo et les chiottes. Mais l’immeuble était tranquille, c’était le luxe qu’il s’offrait.

    Avant de monter, il fit un détour par un petit square où les riverains allaient faire pisser leurs chiens. Il passa le long de la grille, fit mine de relacer sa godasse sur un boîtier électrique et d’un geste rapide récupéra un morceau de papier collé sous le bord inférieur et enveloppé dans un bout de plastique. Il contourna le jardin, vérifia qu’il n’était pas observé et déballa le message. Tout est prêt… Il sourit. Trois mots. Cassandre dans toute sa splendeur ! Pas de fioritures. Il déchira la feuille en confettis qu’il jeta dans une bouche d’égout… Rien par ordinateur, ni par téléphone. Pas un mot, pas un signe. Tout de vive voix ou par courrier dans des boîtes à lettres prévues à l’avance. C’était leur sécurité de base.

    Il grimpa en courant les cinq étages qui le menaient chez lui et ouvrit rapidement sa porte.

    Il se détendit. Il avait faim. Plus que 48 heures et ils allaient frapper un grand coup.

    CHAPITRE II

    Richard Zeller, directeur du département Sécurité et Communication du groupe Valverde tourna son fauteuil et regarda par la fenêtre. Loyauté… Le mot résonnait en lui sans qu’il puisse se décider à agir. La nuit était tombée depuis longtemps. C’était l’heure qu’il préférait. Il ne se lassait pas de la vue qu’il avait de son bureau depuis plus de quinze ans maintenant, même si l’Arc de triomphe ne lui offrait qu’un trois-quarts profil. Il laissa son regard flotter sur les lumières des Champs-Élysées. Il avait besoin de réfléchir. Directeur de la Sécurité, il avait réussi à convaincre Hugo Valverde, unique héritier du groupe, qu’il devait aussi contrôler la communication. C’était fait depuis trois ans, malgré les réticences des autres membres du comité exécutif qui répugnaient à le voir empiéter sur certaines de leurs prérogatives. Il avait fallu presque deux ans de guerre ouverte pour qu’ils finissent par accepter que la lutte contre l’espionnage industriel, la fraude, les attaques informatiques ou les atteintes à l’image du groupe passait par une maîtrise de la communication. Ce n’était pourtant pas compliqué à comprendre, mais chacun était ancré dans ses habitudes. Et qui disait contrôle de la communication, disait contrôle de la parole… or tous individuellement voulaient garder la liberté de s’exprimer. Lui n’y voyait pas d’inconvénients. Il voulait simplement placer des bornes, définir une stratégie qu’ils mettraient au point ensemble et s’y tenir.

    – Un contrôle de l’image du groupe ? avait demandé Dupeyrat.

    – Tout simplement… Avec tout ce que ça implique au niveau information.

    – Précise.

    – La dynamique de communication ne doit plus être traitée au coup par coup. Nous devons la planifier en comité exécutif, mettre au point ce que l’on veut montrer mais aussi ce qui doit rester dans l’ombre et ce qui ne doit pas sortir.

    – On fait ça depuis des années !

    – Attends ! Quand je dis ce que l’on veut montrer, ce n’est pas simplement j’ouvre la fenêtre et Par ici, regardez Messieurs-Dames. Mais je prépare, j’arrange, voire je fabrique l’image que je veux offrir.

    – De l’intox ?

    – Oui… Soyons clairs : On fait de l’information mais aussi de l’intoxication et de la désinformation à destination de nos concurrents.

    – Comme de nos partenaires, grogna Roussel.

    – Concurrents, partenaires, actionnaires… Les uns basculent souvent dans le camp des autres. Chacun joue le même jeu : Qui mange qui ? L’important c’est le tas de fric qu’ils récupèrent à la fin de l’année.

    Exactement comme autour de cette table, avait-il failli ajouter. Mais il n’avait pas osé. C’était Hugo Valverde qui l’avait sorti, son sourire juvénile aux lèvres malgré ses presque cinquante ans, puis il avait regardé un à un les cinq membres du comité :

    – C’est bien pour ça que vous êtes là ? avait-il ajouté avant d’éclater de rire et de déclarer que c’était une affaire entendue.

    Ainsi depuis trois ans, ils avaient soigneusement calculé leur stratégie de communication. Tous désormais avaient compris que le sabotage de machines ou d’usines n’était qu’un petit risque comparé à celui d’une dégradation de l’image du groupe. Et pour bien leur prouver qu’il n’y avait pas de visée personnelle dans ses plans, il avait laissé Nabil Hammadi prendre la place de porte-parole. C’était un beau gars au sourire charmeur, c’était ça l’important. Puis très vite, ils s’étaient mis d’accord sur les grands principes d’un code déontologique que devaient respecter tous les collaborateurs du groupe : respect d’autrui, excellence, esprit d’équipe, loyauté…

    La loyauté ne joue que si elle est réellement réciproque. Il eut un sourire amer. Il avait été loyal lorsqu’il avait évoqué, seul à seul avec Hugo, le projet pharaonique de construction de château pur Louis XIV à quelques minutes de Paris, que celui-ci leur avait présenté. Quel mauvais goût ! C’était bon pour un émir de Dubaï. Plus kitsch, c’était pas possible ! Il n’en avait pas vraiment parlé ainsi, mais ça résumait assez bien ses propos. Il avait été direct. Il voulait ouvrir les yeux d’Hugo. Après la mort tragique de son père dans un accident d’hélicoptère, il s’était pris d’affection pour lui. Ce n’était pas facile de prendre brutalement la relève. Jusque-là, le jeune héritier présomptif s’était tenu en marge du groupe, alors il s’était chargé de lui en faire découvrir tous les arcanes. Ça s’était fait progressivement. Peu à peu, les actionnaires et partenaires avaient pris confiance dans le sérieux du nouveau patron… Mais ce château…

    – J’en ai envie, avait répondu Hugo. Tu verras, ça ne sera pas du toc. Je veux montrer qu’on peut encore construire des bâtiments qui rivalisent avec les plus beaux châteaux du XVIIe siècle.

    – Des pastiches… Tu ne trouveras jamais les artisans capables de refaire ça.

    – Je les ai trouvés ! Et pour les moindres détails, j’aurai le label des Monuments Historiques.

    – Tu imagines l’impact d’un tel machin sur l’image du groupe auprès des actionnaires ?

    – L’excellence !

    – Une débauche de luxe !

    – Je les emmerde. C’est un projet privé qui ne regarde que moi.

    – Tu sais bien que tu es l’incarnation du groupe.

    – Les modes changent ! avait balancé Hugo mettant fin à la conversation.

    Il n’avait pas insisté. À présent, le château Louis XIV semblait une broutille : Hugo semblait avoir perdu la raison.

    Il regarda le dossier marron posé sur son bureau. Un informateur les avait avertis d’une possibilité d’attaque de sécurité contre le groupe. Une attaque de niveau 3, d’après la classification qu’il avait lui-même établie et que chacun se devait de respecter. La procédure d’alerte avait été correctement enclenchée et le bureau d’enquêteurs privés avec lesquels ils travaillaient depuis longtemps, avait été chargé d’écoutes et de filatures afin de pouvoir évaluer le risque réel. Au final, au vu des renseignements obtenus, il avait conclu qu’il s’agissait d’une simple action subversive qui, si elle se confirmait, pourrait être discrètement muselée au dernier moment.

    Contrairement aux idées reçues, dans ce boulot il fallait se garder de toute paranoïa et, s’il y avait bien des risques, il fallait avant tout conserver la tête froide. On ne pouvait pas intervenir préventivement sur toutes les menaces. La plupart n’étaient que rumeurs, d’autres avortaient d’elles-mêmes. Pourtant c’était curieux, quelque chose le gênait dans ce rapport. La procédure avait été respectée, mais il ne suivait pas la dynamique habituelle. Une dynamique implicite qu’il n’avait jamais réussi à formaliser. D’abord un renseignement, suivi d’une enquête avec une montée en puissance progressive, corrélative aux moyens engagés, jusqu’à l’évaluation précise du risque et la prise de décision. S’en suivait alors un retour au calme entrecoupé de pics d’informations parfois contradictoires… Mais justement ici, toute contradiction semblait avoir disparu. Comme si l’opération prévue était en cours d’abandon ou très habilement verrouillée. Bien sûr il pouvait toujours s’agir d’un écart à la moyenne de ses statistiques aussi personnelles qu’intuitives… Certains appelaient ça du pif, d’autres du flair, mais sans se vanter, force était de constater qu’il se trompait rarement. Il voyait défiler tant de dossiers d’alertes de sécurité par jour qu’il avait fini par développer une sorte de sixième sens qui lui permettait d’en comprendre rapidement l’importance.

    Il attrapa la chemise, en tapota une dernière fois la couverture puis la rangea dans son coffre.

    De toute façon, il avait décidé de laisser courir… Hugo méritait bien une leçon.

    CHAPITRE III

    À six heures du matin, Karl était de nouveau dans le métro. Après une demi-heure de somnolence coupée d’un changement à République, il sortit place d’Iéna. La manif de la veille et le K.-O. du flic étaient oubliés. Il devait se concentrer sur le projet, uniquement le projet. Il n’avait pas le droit à l’erreur.

    Il respira un grand coup. La température était toujours aussi clémente bien que le mois d’octobre fût déjà largement entamé. Il passa devant l’ambassade du Mexique qui semblait construite autour d’un arbre et déboucha sur une petite place. Fayolle et Montaigle. L’inscription était peinte en doré sur un grand porche noir. La raison sociale n’était pas précisée. Inutile, on ne venait pas ici par hasard.

    Il se faufila par le portillon sur le côté, salua le gardien et traversa la cour où étaient garés plusieurs fourgons frigorifiques prêts à partir. Les chauffeurs s’affairaient, une liasse de documents à la main. D’ici quelques minutes, le chef donnerait le signal et ils fileraient en procession vers le site d’une célèbre enseigne des Champs-Élysées.

    Passant sous un auvent, il poussa une porte de verre gravée et pénétra dans les anciennes écuries transformées en laboratoire de cuisine haut de gamme par la fameuse dynastie de traiteurs de luxe, et rejoignit les vestiaires.

    Par le hublot, il vit qu’Anthony l’attendait… Premier aide du chef pâtissier, c’était grâce à sa rencontre que Cassandre et lui avaient pu pénétrer l’entreprise. Les divins Fayolle et Montaigle étaient toujours à la recherche d’extras pour les réceptions dont ils étaient les maîtres d’œuvre. Pour eux, il ne s’agissait pas simplement de préparer les repas, il fallait aussi les mettre en scène. Leurs dîners étaient de véritables ballets scrupuleusement chorégraphiés, mis en lumière et scénarisés dans les moindres détails, car si le versant culinaire de leurs prestations restait primordial, il n’en représentait plus qu’une partie, et c’était en réalité un fabuleux spectacle pour tous les sens qui était offert. Mais un spectacle dont les invités devaient rester les acteurs principaux… Le service prétendait donc être techniquement irréprochable, beau,

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1