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Indésirable: Indésirable - Tome 1
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Livre électronique409 pages5 heures

Indésirable: Indésirable - Tome 1

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À propos de ce livre électronique

Il est impossible de changer son ADN… Même lorsqu’il dit que vous êtes un meurtrier.

Lorsque l’on dépiste chez Davy le syndrome de tendances meurtrières, que l’on surnomme le «gène du tueur», elle perd tout. Elle n’a pas l’impression d’être différente, mais les gènes ne mentent pas. Un jour, Davy tuera quelqu’un. Indésirable de son école préparatoire, Davy est jetée dans une classe particulière pour porteurs du STM. Elle ne pourrait pas être plus différente de ses camarades de classe, surtout de Sean, dont le H tatoué est la preuve de son passé violent.

Mais sans personne vers qui se tourner, Sean pourrait bien être la seule personne en qui elle puisse avoir confiance. Peut-être n’est-il pas aussi dangereux qu’il paraît. Ou peut-être Davy est-elle tout aussi menaçante que lui.
LangueFrançais
Date de sortie17 févr. 2017
ISBN9782897671518
Indésirable: Indésirable - Tome 1
Auteur

Sophie Jordan

Sophie Jordan grew up in the Texas hill country, where she wove fantasies of dragons, warriors, and princesses. A former high school English teacher, she’s the New York Times, USA Today, and international bestselling author of more than fifty novels. She now lives in Houston with her family. When she’s not writing, she spends her time overloading on caffeine (lattes preferred), talking plotlines with anyone who will listen (including her kids), and streaming anything that has a happily ever after.

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    Aperçu du livre

    Indésirable - Sophie Jordan

    Luke

    1re partie Porteuse

    COMMUNIQUÉ DE PRESSE

    Pour publication immédiate

    Communiquer avec : Services de presse CDC

    15 mars 2021

    Le médecin-chef publie un nouveau rapport sur le STM. Plus de 19 000 personnes en seraient officiellement porteuses.

    Un nouveau rapport sur le syndrome de tendances meurtrières montre que les cas sont beaucoup plus dangereux et répandus qu’on l’a d’abord cru. Les données illustrent une prédisposition pour l’extrême violence chez les personnes porteuses ainsi qu’une forte corrélation entre les porteurs du gène STM et les meurtriers condamnés. Cette information, combinée à la hausse des crimes capitaux, invite à une augmentation du dépistage et à l’établissement de mesures plus sévères pour protéger nos citoyens contre les personnes porteuses du STM…

    Chapitre 1

    J’ai toujours su que j’étais différente.

    Lorsque j’avais trois ans, je me suis assise au piano et j’ai joué Chopin. Maman prétend que j’avais entendu la mélodie la semaine précédente dans l’ascenseur d’un hôtel. Je ne sais pas où je l’ai entendue. Je savais seulement comment placer mes doigts sur les touches… comment les faire bouger. De la même façon que l’on sait marcher, c’était quelque chose que je savais, tout simplement. Quelque chose que je faisais.

    La musique a toujours été mon don. Cette chose pour laquelle j’étais douée sans le moindre effort. Il y a d’abord eu le piano. Puis la flûte. Et le violon. Il ne me fallait jamais beaucoup de temps pour maîtriser un nouvel instrument. Toute ma vie, j’ai entendu des mots comme douée. Extraordinaire. Bénie. Lorsque tout le monde a découvert que je possédais une voix pour rivaliser avec mes habiletés pour jouer d’un instrument, on a dit que j’étais un « prodige ».

    En dehors de tous ces talents, j’avais aussi des rêves normaux. À l’âge de six ans, j’ai décidé de devenir archéologue. L’année suivante, pilote de course. À travers tout ça, il y a aussi eu le rêve habituel de princesse. Je passais des heures dans ma chambre à construire des châteaux forts que mon frère finissait toujours par détruire. Je faisais semblant qu’il était un dragon et je reconstruisais ces châteaux.

    J’avais tous ces rêves de devenir quelque chose. Quelqu’un.

    Personne ne m’a jamais dit que je ne le pourrais pas.

    Personne n’a jamais mentionné le mot tueuse.

    En fermant les yeux, je savoure la sensation des lèvres de Zac sur mon cou. Il se penche vers le point sensible juste derrière mon oreille et je glousse, mon corps frémissant dans ses bras.

    — Zac, nous sommes à l’école, lui rappelé-je en m’éloignant et en lui donnant une petite poussée sans conviction sur l’épaule.

    Il pose ses yeux verts et brillants sur moi et je retiens mon souffle.

    Deux jeunes étudiantes de première année passent devant nous. Elles essaient de détourner leur regard, jouent les indifférentes et regardent droit devant, mais je peux voir que c’est une lutte pour elles. Une lutte qu’elles perdent. Leurs yeux glissent avec admiration sur Zac. Il porte son short de sport. Un maillot de rugby d’Everton est parfaitement ajusté sur son torse élancé. Lorsqu’il lève un bras et appuie sa main contre le casier derrière moi, son chandail remonte un peu et révèle un ventre plat sculpté par de longues heures passées à la salle de sport. Ma bouche s’assèche un peu.

    Les filles s’éloignent et chuchotent assez fort pour que je les entende :

    — Tellement beau… Si chanceuse…

    Il les ignore.

    — Mais tu n’aimes pas ça ?

    Il se penche, m’appuie contre les casiers et pose un tendre et long baiser au coin de ma bouche.

    — Et ça.

    Il m’embrasse ensuite la mâchoire.

    J’ai des papillons dans le ventre et je suis sur le point de m’abandonner, oubliant mon cours avec madame McGary et la tonne de devoirs de mathématiques qui m’attendent, et de céder à l’envie d’embrasser Zac à l’extérieur de la salle de musique où Anthony Miller s’exerce avec plus ou moins de succès à la batterie. C’est l’un des seuls instruments dont je ne joue pas, mais je suis certaine que j’en jouerais mieux qu’Anthony.

    Zac s’écarte en poussant un soupir et me jette un de ces regards intenses qu’il croit, je le sais, irrésistibles. Tout simplement parce qu’ils le sont. Tout simplement parce qu’il fait chavirer le cœur de toutes les filles lorsqu’il leur lance ce regard.

    Mais c’est moi qu’il a choisie. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine et je le laisse tout de même m’embrasser à nouveau, bien que je sois en retard à ma répétition et que madame McGary déteste que je sois en retard. Elle me rappelle constamment que je dois être un exemple pour tout le monde.

    Tori se dirige vers nous en levant les yeux au ciel.

    — Prenez une chambre, tous les deux.

    Elle ouvre la porte de la salle de musique et le son du solo de batterie fait saigner mes oreilles.

    Elle tient la porte ouverte pour moi.

    — Tu viens, Davy ?

    Zac lui jette un regard noir.

    — Elle arrive dans une minute.

    Tori hésite et me dévisage de son air de chien battu.

    — Est-ce que nous étudions toujours ce soir ? Je croyais que tu voulais que je t’aide avec tes devoirs de mathématiques.

    J’acquiesce.

    — Oui, je veux toujours.

    Les mathématiques. C’est le drame de mon existence. J’ai obtenu un A de peine et de misère au cours des six dernières semaines. Et ce A, je l’ai principalement obtenu grâce à la patience infinie de Tori.

    — Ça marche toujours.

    Elle sourit, adoucie.

    Je lui rends son sourire.

    — J’arrive dans une minute. Garde-moi une place.

    Tori disparaît dans la salle de musique. Zac soupire.

    Je passe une main sur son torse ferme.

    — Sois gentil.

    — Elle nous interrompt tout le temps.

    J’essaie du mieux que je peux de partager également mon temps entre Zac et Tori, mais c’est un exercice d’équilibriste. Je n’arrive jamais à les satisfaire complètement tous les deux.

    — Ai-je déjà dit que j’ai hâte d’être à l’année prochaine ? demandé-je.

    C’est la seule chose que je trouve à dire chaque fois qu’il se plaint de Tori.

    Il me dévisage sciemment. Il a une de ces façons de me regarder. Si profondément. Comme s’il pouvait lire au plus profond de mon âme. Il sait que j’essaie de le distraire avec la promesse de notre futur. Heureusement, ça fonctionne.

    Ses doigts se glissent dans mes cheveux. Il aime lorsque je les détache, il aime les toucher. Me toucher. Oui. Je suis un peu dépendante de mon petit ami. Ça devient de plus en plus difficile de nous arrêter ces jours-ci.

    — Oui. Et puis tu connais la meilleure partie de tout ça ?

    Son regard soutient le mien.

    — Nous aurons nos propres chambres d’étudiant.

    Je ris. L’année prochaine. Le seul fait d’y rêver me titille. Moi, à Juilliard. Zac, à l’Université de New York. Je sais que je ne devrais pas être excitée à l’idée que ma meilleure amie aille à l’université à des milliers de kilomètres de moi, mais comme ça allait être bien de ne plus avoir à m’inquiéter de blesser Tori.

    Mon téléphone sonne. Je sors de son étreinte pour voir qui m’appelle. En jetant un petit regard à Zac, j’articule : « Maman. »

    Il hausse un sourcil. Ma mère est généralement au travail à cette heure.

    — Allô ? réponds-je.

    — Davy, il faut que tu rentres à la maison.

    J’hésite avant de répondre. Pas à cause de sa demande, mais à cause du tremblement dans sa voix. Ça ne ressemble pas à ma mère. Elle parle toujours vite, ses mots fusant de sa bouche. Les heures passées à donner des ordres aux employés de son entreprise de design, j’imagine.

    — J’ai une répétition…

    Maintenant, Davy, m’interrompt-elle.

    — Est-ce que tout va bien ?

    Ma réponse est accueillie par un silence et je vois bien que tout ne tourne pas rond.

    — C’est papa ?

    — Ton père va bien. Il est ici.

    Mon père est à la maison lui aussi ? Il est un plus grand ­bourreau de travail que ma mère.

    — C’est Mitchell, dis-je, prise de terreur. Est-ce qu’il va bien ?

    — Oui. Oui. Il va bien, lance-t-elle rapidement, toujours avec ce trémolo nerveux, qui semble même augmenter.

    J’entends des murmures en arrière-fond, puis le son du ­téléphone s’étouffe, comme si ma mère le couvrait pour éviter que j’entende. Et sa voix revient à mon oreille.

    — Viens à la maison. Je t’expliquerai tout lorsque tu seras ici.

    — D’accord.

    Je raccroche et regarde Zac.

    Il me lance un regard empathique.

    — Mitchell ?

    Je hoche la tête, l’inquiétude pour mon frère s’emparant de moi. Qu’a-t-il fait cette fois ?

    — Laisse-moi seulement avertir madame McGary.

    Je passe ma tête dans l’embrasure de la salle de musique. Madame McGary est assise à son bureau dans le coin de la pièce et parle au téléphone. Je lui fais un signe, mais elle secoue la tête et lève un doigt pour me signifier d’attendre.

    En me voyant avec Zac dans l’embrasure, Tori s’avance vers moi. La salle de musique a toujours été une « pièce sans Zac » et je sais qu’elle aime ça ainsi.

    — Que se passe-t-il ?

    — Maman a appelé. Il faut que je rentre à la maison.

    En fronçant les sourcils, elle touche mon bras.

    — Est-ce que tout va bien ?

    — Je ne sais pas.

    Je me mordille la lèvre.

    Elle incline la tête, ses yeux brillants d’inquiétude.

    — Mitchell ?

    Je secoue la tête.

    — Je ne sais pas.

    Sa main frotte mes bras pour me réconforter.

    — Ça va aller. Il ne traverse qu’une phase. Ça va lui passer.

    Si c’est le cas, mon frère aîné traverse une phase depuis qu’il a 13 ans. Et maintenant qu’il en a presque 21, je ne suis pas convaincue qu’il en sortira de sitôt.

    — Tu verras, me rassure Tori en hochant la tête avec ­certitude. C’est un bon garçon.

    — Merci.

    Un petit regard en direction de madame McGary me confirme qu’elle est toujours au téléphone.

    — Écoute, peux-tu l’avertir…

    — Bien sûr.

    Tori me serre les doigts en guise de réconfort.

    — Vas-y. Je viendrai te voir après la répétition. Tu veux que je te ramène un frappé ? Au melon d’eau ?

    — Merci, mais je passe mon tour. Je ne sais pas ce qui se passe à la maison.

    — Allez, viens.

    Zac prend ma main. J’attrape mon sac à dos et ensemble, nous montons à l’étage des salles de classe. Nous passons devant plusieurs amis. Zac continue d’avancer, bien que chacun d’eux essaie de nous arrêter pour parler.

    Le meilleur ami de Zac est le seul à réussir l’exploit. Un vrai tombeur, ce Carlton, il ne me laisse jamais passer sans m’enlacer.

    — Hé, ma belle.

    Je me retire de son étreinte.

    — Hé.

    Carlton et Zac se saluent en se frappant les poings.

    — Tu lèves des poids aujourd’hui, mec ?

    Zac me tire à ses côtés.

    — Nan. Je dois ramener Davy à la maison.

    Carlton me fait un clin d’œil.

    — Cool. Nous nous verrons plus tard, les amis.

    — Hé, Bridget, salué-je une fille de deuxième année qui est assise à côté de moi dans l’orchestre.

    Elle est second violon. Elle s’arrête brusquement, sa main s’agrippant à la rampe tandis qu’elle me regarde avec un quasi-émerveillement.

    La fille de deuxième année hoche vivement la tête et reste immobile alors que nous continuons de monter.

    — Salut, Davy.

    Son regard glisse sur Zac et ses joues s’empourprent.

    — Salut, Zac.

    Il lui lance un regard vide.

    — Hé.

    Je fais un petit sourire.

    — Pourquoi souris-tu ? me demande-t-il alors que nous atteignons le premier étage.

    — Tu ne connais même pas son nom.

    Il entoure ma taille de son bras et m’attire contre lui.

    — Je connais ton nom.

    Je ris.

    — Oh vraiment ? Juste mon nom ?

    Son regard glisse sur moi et me donne des papillons dans le ventre.

    — Je connais quelques autres petites choses sur toi.

    — Tu aimerais en connaître certaines autres, le nargué-je.

    — Je vais les découvrir.

    Il sourit, si sûr de lui. Si sûr de nous.

    Il m’ouvre la porte et nous quittons l’établissement scolaire en marchant sur le sentier de gravier vers le terrain de stationnement. Le fond de l’air est frais en cette fin d’après-midi… Ce que l’on pouvait appeler l’hiver texan tire à sa fin. Bientôt, il allait faire si chaud que les chandails colleraient à notre peau et que l’air deviendrait vapeur.

    J’ai hâte d’être à New York. Je n’ai vu de la neige qu’une seule fois, il y a 10 ans. Elle avait fondu immédiatement, ne s’attardant sur les toits que l’espace d’une journée. Mon frère et moi avions raclé tout ce que nous pouvions sur la pelouse pour en faire des boules et les avions conservées au congélateur en espérant les ­sauver. Elles étaient crasseuses et brunâtres avec des brindilles et des feuilles sèches qui sortaient de partout. Maman les a jetées avant que nous ayons la chance de les sortir du congélateur.

    Je scrute du regard les collines brun vert qui se dessinent sur un ciel si bleu qu’il me fait mal aux yeux. Le manoir aux colonnes blanches du directeur de l’école nous surplombe au sommet de la colline tandis que nous passons devant le réfectoire. Un champ de verdure parfaitement entretenue s’étend à notre gauche. Au loin, des drapeaux claquent dans le vent, se mêlant au léger vrombissement de la voiturette de gauche conduite par le chef de la sécurité du campus sur les terrains d’entraînement. Tout le monde l’appelle Claquette, car il aime claquer des doigts pour attirer notre attention. Mon frère a trouvé le surnom quelques années auparavant, alors qu’il était en première année. Claquette avait pris Mitchell en flagrant délit à plusieurs reprises.

    Nous dévalons la colline vers le terrain de stationnement. Les étudiants plus âgés ont les meilleures places. C’est l’un de nos privilèges à Everton, en plus de notre salon privé rempli de divans, d’une télévision, de boissons gazeuses et de distributeurs à collations. Zac s’était garé dans la première rangée sous un lilas des Indes en pleine floraison. De petites fleurs blanches décorent maintenant le capot de sa voiture.

    — Quelqu’un devrait tailler cette chose.

    — C’est joli.

    Il me serre la main.

    — Pas aussi joli que toi.

    Je lève les yeux au ciel en souriant toujours. Il déverrouille sa BMW et me mène jusqu’au siège du passager. J’aime qu’il fasse toujours ça. Même après six mois de relation, il me fait encore sentir spéciale. Comme si chaque jour était un premier rendez-vous.

    Avant que je puisse entrer dans la voiture, il m’arrête. En plaçant ses mains de chaque côté de la voiture, il me coince entre le véhicule et son corps. Mon cœur se met à battre la chamade. Je lui souris, pensant qu’il allait m’embrasser de nouveau. Mais il ne le fait pas. Ses vifs yeux verts me transpercent avec une intensité inhabituelle.

    — Davy, tu sais ce que tu me fais, ce que tu me fais ressentir…

    Je touche sa poitrine de la paume de mes mains.

    — Tu me rends heureuse, aussi.

    — Bien. Parce que c’est tout ce que je souhaite, Davy. Te rendre heureuse.

    — Tu y réussis bien, le rassuré-je.

    Il acquiesce, mais ne bouge toujours pas. Il me dévisage, comme s’il essayait de mémoriser mon visage.

    J’incline la tête, me demandant ce que signifie ce curieux regard sérieux. Ce n’est pas comme s’il passait son temps à ­déclarer son amour.

    — Zac ?

    — Je t’aime, murmure-t-il lentement.

    Tout en moi se tend. Il n’a jamais prononcé ces mots auparavant.

    Mon cœur se serre et la douleur est si douce. C’est une agonie parfaite. Je prends une vive respiration, puis expire rapidement. Il m’est impossible de parler. Les mots restent coincés dans ma gorge serrée.

    Son regard scrute les alentours et il semble presque nerveux.

    — Je ne savais pas que j’allais dire ça ici. Maintenant. Dans le terrain de stationnement. Je veux dire… je le sais depuis des semaines que je t’aime. Tu es tout ce à quoi je pense…

    Il me sourit.

    — Je bafouille.

    — J’avais remarqué.

    Il m’embrasse. Nous avons déjà partagé des baisers magnifiques, mais rien de comparable à celui-ci. Zac m’aime. Il. M’aime.

    Il s’éloigne pour respirer et murmure contre mes lèvres :

    — Dieu que j’ai essayé de trouver le courage de te dire ça. Désolé de ne pas l’avoir fait dans un endroit plus spécial.

    Je lui donne un petit coup sur l’épaule.

    — Pourquoi aurais-tu peur de me le dire ?

    Probablement pour la même raison que celle qui me retenait, moi aussi, de le prononcer.

    Il reprend un air sérieux et ses bras se serrent autour de moi.

    — Je ne sais pas si je pourrais vivre avec le fait que tu ne m’aimes pas en retour.

    Je touche son visage. Pose mes doigts contre sa mâchoire. Elle est un peu piquante. Mes doigts glissent sur sa peau, se délectant de sa texture.

    — Eh bien, c’est impossible. Je crois que je t’aimais avant même que tu me demandes de sortir avec toi.

    Le soulagement se lit sur son visage. Il m’embrasse de nouveau, avec douceur et langueur, puis nous entrons finalement dans la voiture.

    Le trajet est court jusque chez moi. Je m’assieds dans un état d’hébétude en absorbant la sensation de sa main qui tient la mienne et tout ce qu’elle implique. Moi. Zac. Pour toujours. C’est ce que je ressens. Je sais que j’ai seulement 17 ans, mais pourquoi pas ? Pourquoi pas pour toujours ?

    En 10 minutes, nous sommes chez moi. Aujourd’hui, j’aurais espéré ne pas vivre si près du campus. J’aurais aimé que nous restions dans notre petit monde plus longtemps.

    Deux autres voitures sont garées dans l’allée circulaire. Je ne sais pas à qui elles appartiennent, mais mon regard se pose sur la Range Rover de mon père. Il est à la maison au beau milieu de la semaine et en plein jour. Cela n’arrive jamais.

    Zac sort avec moi. Il attrape rapidement ma main. Nous atteignons à peine la grande marche en pierre menant à la porte d’entrée double lorsque l’une d’elles s’ouvre grand.

    Ma mère sort et je m’arrête.

    Elle est pâle et sa peau normalement douce est tendue. La clé de la jeunesse de ma mère est de ne jamais s’exposer au soleil. Vraiment… jamais. Elle ne nage dans notre piscine qu’en soirée. Mais en ce moment, tous ces efforts semblent vains.

    — Davy.

    Elle prononce mon nom d’un souffle en me regardant avec une intensité dévorante, ce qui m’amène à vouloir toucher mon visage et vérifier que je ne suis pas prise d’une éruption cutanée soudaine.

    Son regard se pose ensuite sur Zac. Elle lui fait un signe de tête.

    — Merci de l’avoir ramenée.

    La traduction est claire : va-t’en. Mes parents adorent Zac. Si je ne savais pas déjà que quelque chose clochait, je le sais maintenant.

    Zac me serre la main et ses yeux d’un impossible vert se posent longtemps sur moi. La préoccupation se lit sur son visage, l’amour. J’avais déjà observé ce regard, mais maintenant, il a un nom. Maintenant, je le sais.

    — Appelle-moi.

    Je hoche la tête.

    Avec un dernier regard, il retourne à sa voiture.

    Nous nous retrouvons alors toutes seules, ma mère et moi. Elle regarde par-dessus son épaule et je peux entendre des voix émerger de la maison. Je reconnais la voix de baryton de mon père et pas seulement parce qu’elle m’est familière. C’est la plus forte.

    — Maman ? Que se passe-t-il ?

    Elle me pousse vers la maison.

    Je pose mon sac à dos dans le vestibule. Nous marchons sur le plancher de bois foncé vers le salon. J’entre avec prudence, posant mes pieds sur le tapis oriental.

    Immédiatement, je vois mon père, en train de faire les cent pas. Ses bras et ses mains bougent sans cesse tandis qu’il parle. Mitchell n’est pas là en revanche. Mon regard balaie la pièce caverneuse. Je reconnais mon directeur, monsieur Grayson. Il se lève lorsque nous entrons. Il n’est jamais venu à la maison auparavant, et c’est étrange de le voir ici et non sur le campus. Comme si le seul endroit où il peut se trouver est Everton.

    Et il y a un autre homme. Je ne l’ai jamais vu. Il porte un costume bon marché. Ses manches s’arrêtent bien avant ses poignets poilus et la coupe n’est pas adéquate, car elle n’est pas assez serrée aux épaules. J’ai appris à reconnaître les beaux habits. Papa porte des Caraceni et des Gucci. L’étranger demeure assis, l’air presque ennuyé.

    Monsieur Grayson met la main dans la poche de son costume. Il s’adresse à mon père d’une voix apaisante.

    — Patrick, écoutez-moi. J’ai les mains liées. Il y a un protocole…

    — N’y avait-il pas aussi un protocole avec Mitchell ?

    Mitchell a terminé ses études il y a trois ans. Il a toujours eu des problèmes. De drogue. D’échecs scolaires. Et il n’y a eu aucune amélioration lorsqu’il est entré à l’université. Il est revenu à la maison après le premier semestre et vit aujourd’hui dans la maison d’invité. Mon père le pousse constamment pour qu’il aille travailler à la banque. Un « stage », dit-il. C’est mieux que dire : « Mon fils est caissier à la banque que je possède. »

    La banque Hamilton est dans la famille depuis que mon arrière-grand-père l’a fondée. Il semble que cet héritage prendra fin avec mon père. Mitchell n’est pas fait pour ça et j’ai d’autres plans.

    Mon père agite vivement un bras.

    — J’avais fait un chèque à ce moment-là. Un don substantiel et tout s’était bien passé. Pourquoi pas cette fois-ci ? Il s’agit de Davy ! Elle est un sacré prodige. Elle chante et joue de Dieu sait combien d’instruments depuis la maternelle… Elle a même joué pour le gouverneur lorsqu’elle était âgée de neuf ans !

    Je cligne des yeux. Peu importe ce dont il s’agit, il est question de moi.

    — Tout ça est hors de notre pouvoir, déclare calmement monsieur Grayson, comme s’il s’était entraîné à dire ça.

    Mon père sort en trombe du salon et passe devant moi sans dire un mot.

    Monsieur Grayson remarque alors ma présence. Son attitude change du tout au tout.

    — Davy, dit-il en frappant des mains devant lui. Comment vas-tu ? demande-t-il lentement, comme si j’avais des problèmes de compréhension.

    — Bien, Monsieur Grayson. Et vous ?

    — Très bien ! répond-il en hochant la tête avec enthousiasme, ce qui me fait penser à un pantin.

    Étrange.

    Ses yeux n’expriment toutefois pas le même entrain. Ils volent nerveusement vers moi, puis balaient la pièce, comme s’il cherchait toutes les portes de sortie possibles. Ils s’arrêtent sur les portes-fenêtres menant à l’extérieur, et se tournent vers l’homme assis sur le divan.

    Le directeur fait un geste en sa direction.

    — Voici monsieur Pollock.

    — Bonjour, le salué-je. Enchantée.

    Il ne prend même pas la peine de répondre. Il m’examine de la tête aux pieds de ses petits yeux profondément enfoncés sous ses sourcils. Sa bouche se détend et sa lèvre supérieure humectée se pince de manière vaguement menaçante. La pensée me frappe : il ne m’aime pas.

    C’est ridicule, bien sûr. Il ne me connaît même pas. C’est un étranger. Comment pourrait-il s’être fait une opinion sur moi de toute façon ?

    Au loin, j’entends le claquement des pas de mon père qui revient. Il entre dans la pièce à bout de souffle bien qu’il ne soit pas allé très loin. Bien qu’il joue au racquetball toutes les semaines et soit en pleine forme. Son visage est rouge comme s’il avait passé la journée au soleil.

    Il brandit son carnet de chèques et se cale dans sa chaise. Son crayon levé, il demande :

    — Combien ?

    Grayson échange un regard avec l’étranger. Il se racle la gorge et parle presque avec douceur.

    — Vous ne comprenez pas. Elle ne peut pas revenir demain.

    Je les interromps.

    — Revenir où ? Que se passe-t-il ?

    Je m’avance dans la pièce. Grayson recule d’un grand pas, son regard volant presque désespérément sur Pollock.

    Les yeux fixés sur son carnet de chèques, papa crie :

    — Combien ?

    Je sursaute, mal à l’aise, la poitrine serrée. La peau de mon cou se met à fourmiller. Papa ne crie jamais. Il a trop de dignité pour ça. Tout semble clocher.

    Mon estomac se noue. Je regarde ma mère. Elle se tient hésitante à l’autre bout de la pièce, le visage pâle. Sa bouche s’entrouvre et elle s’humecte les lèvres comme si elle allait parler, mais elle demeure silencieuse.

    Monsieur Pollock se lève du divan et je constate qu’il est très petit. Ses jambes et son torse paraissent de la même longueur. Ses mains robustes lissent son costume de mauvais goût. Il fait attentivement le tour de la pièce des yeux, son regard balayant les meubles, la bibliothèque s’élevant jusqu’au plafond, les rideaux épais et, dans le coin, le grand piano sur lequel je joue depuis que je m’y suis assise à l’âge de trois ans.

    Mon père lève maintenant les yeux et regarde Pollock avec presque de la haine. Et quelque chose qui ressemble à de la peur. Même si ce n’est de toute évidence pas le cas. Patrick Hamilton n’a peur de rien ni de personne. Et certainement pas de cet homme aux yeux globuleux et au costume peu seyant.

    En regardant mon père, je m’étonne de l’éclat sévère dans ses yeux… de l’effondrement de sa respiration. Une partie de moi veut aller vers lui et poser ma main sur ses épaules voûtées. Pour je ne sais quelle raison. Peut-être seulement pour me sentir mieux. Peut-être parce que voir mon père dans cet état me rend folle.

    Monsieur Pollock s’arrête devant mon père et baisse le regard vers lui. Mon père se lève, en serrant toujours fermement son carnet de chèques.

    Pollock tourne sa tête vers moi.

    — Vous ne pouvez pas acheter sa liberté.

    Je les dévisage, complètement perdue. Qu’avais-je fait ? La peur rampe dans ma gorge qui se met à fourmiller et j’ai du mal à avaler.

    — Papa ?

    Ma voix est rauque et sèche.

    Il se tourne vers moi, le blanc des yeux soudain rose, rempli d’émotion.

    Monsieur Grayson s’apprête à sortir. Il me lance un petit ­sourire sympathique en passant devant moi, levant la main comme s’il allait me donner une petite tape sur l’épaule, puis la laisse tomber, changeant d’idée.

    C’est ensuite au tour de monsieur Pollock. Il passe si près que je peux sentir son haleine acide de café. Il sort une petite carte.

    — Je serai ton travailleur social. Je ne viendrai plus ici. À partir de maintenant, nous nous rencontrerons à mon bureau. Sois là demain à 10 heures pile.

    Le sinon qui était sous-entendu reste suspendu dans les airs.

    Mes pensées s’entremêlent. Je regarde la carte, sans arriver à me concentrer sur les mots.

    Puis, les hommes s’en vont. Nous nous retrouvons seuls, mes parents et moi.

    Je pivote vers ma mère.

    — Pourquoi dois-je le voir demain ? Je dois aller à l’école…

    — Non, annonce mon père en se calant lentement dans sa chaise. Tu n’y vas pas.

    Ma mère entre dans le salon, sa main glissant sur le dossier du divan comme si elle avait besoin de s’appuyer sur quelque chose de solide.

    Mon père passe une main sur son visage, étouffant ses mots que je peux tout de même entendre :

    — Oh, mon Dieu !

    Ces mots couverts me font frissonner.

    J’humecte mes lèvres sèches.

    — Quelqu’un doit me dire ce qui se passe. Que voulait dire cet homme lorsqu’il a dit qu’il était mon travailleur social ?

    Ma mère ne me regarde

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