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Livre électronique267 pages4 heures

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À propos de ce livre électronique

Jusqu'à cet incroyable accident aussi spectaculaire qu'étrange, Julie et Michael formaient un couple heureux. Michael est en état de mort cérébrale.
Reste Julie seule avec ses deux filles. Elle ne se sent plus capable d'affronter un avenir qui lui parait trop sombre. Extrêmement fragilisée, elle s'en remet à son entourage pour l'aider à accepter l'inacceptable. Sa meilleure amie qui doit se rendre à Miami, ne peut se résoudre à la laisser seule,et l'emmène dans ses bagages. Au moment du départ, rien ne se passe comme prévu et sa vie bascule en enfer. Un suspense haletant jusqu'à la dernière page, avec cette question: Jusqu'où peut-on aller par amour?
LangueFrançais
Date de sortie14 oct. 2019
ISBN9782322194414
29 secondes
Auteur

Emmanuel Fouet

Etant musicien professionnel, j'ai toujours écrit des chansons. La musique bien sûr, mais aussi les paroles. J'ai ressenti l'envie d'aller plus loin avec un premier roman. Je suis sensible à la musique des mots, j'aime quand les phrases chantent. L'accueil de ce premier roman est tellement encourageant que je viens de commencer le deuxième. Je prends beaucoup de plaisir à écrire, j'espère que vous en prendrez autant à le lire...

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    Aperçu du livre

    29 secondes - Emmanuel Fouet

    REMERCIEMENTS

    1.

    JOHN

    Aout 2014

    John est songeur ce matin. Il patiente dans la salle d'attente du docteur Blusson, psychiatre à La Teste de Buch sur le Bassin d’Arcachon. Les patients aimeraient bien enterrer leurs problèmes sous les tonnes de sable de la Dune située à deux pas. Les magazines sur la table sont très récents, et il y en a pour tous les goûts : de « Sport-Auto » qui porte bien son nom, à « Neptune » pour les riches passionnés de plaisance à moteur, nombreux à côtoyer ces murs, en passant par les standards des salles d’attente comme « Femme Actuelle ». La décoration dernier cri aux matériaux nobles, laisse deviner qu’ici on prend soin de la clientèle. Nul doute que cette dernière appartient plus à la bourgeoisie qu’au « tout venant ». Un petit fond musical détend l'atmosphère en y distillant des notes et des sons légers. À chaque visite, quand il s'installe sur la chaise, il se dit que, riches ou pauvres, personne n’est épargné par les accidents de la vie. La pendule qui trône sur la cloison ne tourne pas assez vite à son goût. Les pensées surfent sur le flot des minutes qui s’écoulent. Peut-être que cela fait partie de la thérapie. Les questions ont du temps pour trouver leurs réponses : Est-ce que l’argent aide à apprivoiser ses démons? Il ne le pense pas. Est-ce que les psys sont meilleurs dans les quartiers aisés? Il l’espère. En tout cas, vu le standing du cabinet, il devait y avoir beaucoup de patients. Pourtant, il n'en n'avait jamais croisé aucun. Il avait essayé les 6 chaises de la pièce, mais à chaque fois il était seul.

    Si cette fois le rendez-vous se passe bien, et qu’il obtient le « feu vert » du psy, il restera encore les tests d’aptitude physique à passer. Il espère que, vu son entraînement quotidien, ils ne seront qu'une formalité pour lui. Son corps avait moins souffert que son mental, et cela fait déjà longtemps qu’il avait repris l’entraînement. Il le sent, il va bientôt pouvoir de nouveau piloter.

    *****

    Un an auparavant, en juin 2013, à bord de son Mirage 2000 armé jusqu'au cou, il était fier de défendre la liberté à Mach II. C'est au Mali qu'il a appris le prix de cette liberté. 20 millions d'euros au bas mot, c'était le prix de son Mirage, mais combien pour les sept vies humaines fauchées? Et celles qui n'ont été qu'abimées, lorsque sa machine s'était écrasée sur le village? Bien sûr, il n'avait rien pu faire pour empêcher cela. N'importe quel pilote de chasse sait qu'à près de Mach 1, à très basse altitude, le champs de vision se réduit à son strict minimum: le centre, droit devant, rien sur les côtés et de toute façon, à cette vitesse, il n’était pas question de détourner le regard, sous peine de risquer une fausse manœuvre, qui pourrait s’avérer fatale. Il n'avait donc pas pu voir le projectile qui allait détruire une partie des entrées d'air. Le réacteur n'étant plus alimenté, si ce n’est en débris de carlingue dévastateurs, son pronostic vital venait d’être sérieusement écourté. Pour les rebelles, leur dieu avait agi: toucher un engin lancé à cette vitesse avec une arme aussi désuète était un miracle. L'impact n'avait pas déstabilisé l'appareil, mais seulement affecté le réacteur qui avait fini par rendre l'âme. Les alarmes retentissaient dans le cockpit, et les voyants clignotaient. Désormais dépourvu de poussée, la décélération le poussait violemment vers l’avant. Le premier réflexe fut de prendre de l’altitude sur son élan, puis d’essayer de remettre le réacteur en route, mais aucune réponse de la machine ne vint le rassurer. Il avait pu lancer son Mayday, Mayday, Mayday, 3 fois de suite, comme le réflexe acquis lors des séances d’entraînement, que les pilotent espèrent ne jamais vivre sur le terrain. Le tout avait duré 29 secondes avant qu’il n’ait plus d’autre choix que de s'éjecter à presque 10 km du point où il avait été touché. 29 secondes pendant lesquelles il avait dû analyser la situation, aidé par les alarmes et les indicateurs du tableau de bord, communiquer à la radio, gérer son stress, poussé par une décharge d’adrénaline instantanée, avant de prendre la décision ultime en un éclair. Les pilotes aiment les poussées d’adrénaline, ils les recherchent même, parfois, comme une drogue. Mais, entre mettre deux doigts dans une prise, et prendre la foudre, il y a un monde. Et ce monde là venait de s’ouvrir à lui.

    Le traumatisme n'était pas physique. Pourtant, au moment de l'éjection, il avait subi vingt-deux G, vingt-deux fois son poids. Pendant une fraction de seconde, son corps avait pesé presque deux tonnes. Aucun régime au monde ne prévoit ça. De plus, il était très bas, et le parachute n’aurait pas le temps de ralentir sa chute, et encore moins de freiner ses pensées. Elles se sont mêmes emballées si vite, que ces quelques secondes lui ont parues trop longues. Il aurait préféré ne pas avoir le temps de voir le sol qui jaillissait, de penser aux conséquences, probablement fatales, du choc. Puis l’instant arriva. Il avait eu l’impression de se faire traverser par le big bang, et que son corps s’était éparpillé aux quatre coins de l’univers. Cette douleur extrême, il ne l’aurait pas sentie s’il était mort. À cet instant précis, peut-être l’aurait-il voulu. La seconde suivante, son esprit prit le dessus et demanda un contrôle de l’intégrité de son corps, une sorte de checklist de lui même. Rien, pas de fracture, aucune brûlure, pas une égratignure, il s'en était sorti indemne. Là aussi, un dieu avait agi, même si lui n'en pratiquait aucun.

    Non, le traumatisme, n'était pas physique. Mais dans l’instant qui suivît, quand il s'était rendu sur l'épave embrasée, au milieu du petit village, un traumatisme bien plus pervers avait planté sa mauvaise graine. Ce qu'il avait vu l'avait marqué au fer, au plus profond de son être. Une cicatrice ouverte sur son identité intrinsèque. Les militaires sont formés au combat, mais rien ne l'avait préparé à affronter l'horreur d'un tel carnage. 3 corps encore entiers gisaient sur la terre rouge. Probablement identifiables, pensa t-il bizarrement. Deux avaient une petite taille, des enfants. Et au fur et à mesure qu'il s'approchait de la carcasse, il ne voyait que des morceaux, des restes humains éparpillés au milieu des petits bouts d’avion encore fumant. Il était évident qu'ils n'appartenaient pas tous à la même personne. John était tombé à genou, prostré au cœur de l'enfer. Si proche du néant, si tentant, il n’aurait qu’un pas à faire pour y sombrer. Mais son cerveau s'était mis en protection, en lui renvoyant ses souvenirs les plus profonds: il se rêvait dans les bras de la femme qu'il n'avait jamais cessé d'aimer. La chaleur des flammes et celle de l'étreinte sensuelle se confondaient. En fait, ce moment précis, où il avait occulté l'enfer, il aurait voulu qu'il ne cesse jamais.

    Il ne réalisait plus du tout l'urgence de la situation. Le temps s'était arrêté. Il était même resté indifférent au raffut que dégageait l'hélicoptère de récupération qui venait le chercher. Ses pales fouettaient l'air si fort que le bruit du moteur n'était qu'un timide « chant » de cigales en comparaison. Son équipage était rompu à ce type de mission où seule la rapidité d'exécution compte. Les rebelles djihadistes qui avaient suivi la trajectoire de l'avion, n'étaient plus qu'à une centaine de mètres, une demi- heure à peine après leur tir miraculeux. Un des « récupérateurs » avait sauté de l’hélico avant même qu’il ne touche le sol. Il prit le bras de John autour de son cou, puis tira fort sur la ceinture de son pantalon pour le soulever. John se laissa faire sans aider ni s’opposer. Quelques secondes plus tard, le Puma s’extirpait du village avec la satisfaction du devoir accompli.

    Plus tard, la graine avait germé, et le conflit intérieur prospérait. Que s’était-il passé pendant ces 29 secondes. Avait-il eu les bons réflexes? Et s'il n'avait pas essayé de sauver son avion? S’il avait tout de suite compris qu'il n'y avait plus rien à faire? Il se serait éjecté plus tôt et n'aurait pas tué tous ces gens. Ceux là mêmes qu'il était venu protéger, défendre contre la barbarie. Des femmes et des enfants à qui il aurait pu rendre l'espoir. C'était ça le but de la mission « Serval », l’intervention française de soutien.

    Au retour des forces françaises en août 2013, John avait demandé sa mutation sur la base de Cazaux et l’avait obtenue tout de suite, compte tenu des événements tragiques qui l’avaient fortement perturbé. Il n’avait plus le droit de voler jusqu’à nouvel ordre. Et cet éventuel nouvel ordre dépendait de ses capacités à guérir de ses blessures internes.

    La première de ces blessures était cette femme qu’il avait connue, plus jeune, sa première, celle dont on dit qu’elle compte plus que les autres et qu’on ne l’oublie pas. Celle qui lui était apparue pour l’extraire du chaos. Il ne l’oubliera jamais, cette jeune femme qui venait lui rendre visite presque toutes les nuits, dans ses rêves quand il arrivait à dormir, ce qui était rare, ou dans ses pensées quand le sommeil lui résistait, ce qui arrivait beaucoup trop souvent...

    L’autre blessure avait été ce grand écart dans l’enfer du Mali, qui avait rouvert une cicatrice pourtant bien fermée. Il avait déjà été écartelé par le passé.

    L’armée prenait soin de ses soldats touchés, et John avait vu beaucoup de médecins. Les radios, scanner et autres IRM n’auraient jamais pu trouver l’image de cette femme, pour l’effacer et l’en guérir. Non, seul un travail psychologique, voire psychiatrique, pouvait porter cet espoir. Ce travail avait commencé il y a presque un an.

    *****

    — Bonjour Docteur Blusson.

    — Bonjour John, comment ça va depuis la semaine dernière ?

    Le psychiatre est très grand. Il impose le respect également par son léger embonpoint. Son gros ventre s’affiche comme une carte du Lions club. Probablement un ancien joueur de rugby vu les oreilles aux reliefs arasés. La chevelure grisonnante, les cernes sous les yeux et les deux rides bien marquées entre les sourcils portent une expérience importante. La Porsche Cayenne garée devant le cabinet, le confirme.

    — J'avance, j'ai compris pas mal de choses.

    — Vous avez compris pas mal de choses ? Mais je vois que pas mal de choses ont changé.

    — Quelles choses ont changé ?

    — Je m’explique : Quand vous êtes venu la première fois, il y a presqu’un an, vous n’aviez pas le crâne rasé, vous n’aviez pas de barbe ni de lunettes.

    John a une barbe « Van Dyke » composée d’une barbiche et d’une moustache pointue, plus longue que celle de Johnny Depp dans « La neuvième porte » mais plus courte que celle de Leonardo Di Caprio dans « Django ».

    — Je me suis cherché longtemps, et je crois que cette nouvelle apparence me convient mieux. Dit-il l’air convaincu.

    — Pour les lunettes, c’est le début de la vieillerie.

    Continue-t-il avec humour.

    — De toutes façons, c’est pour cela que je viens ici presque toutes les semaines, c’est bien pour accepter mes souffrances, apprendre à vivre avec. Je suis différent d’avant l’accident. Vous m’avez aidé à le comprendre.

    — C'est bien, j'aime cet optimisme. Voyons cela, asseyez vous..

    La séance dure une bonne demi-heure avec un long résumé comparatif entre sa situation d’aujourd’hui et celle d’il y a un an. À la fin John demande à son psy ce qu'il en pense.

    — J'envoie le rapport à votre adresse et une copie à l'état major.

    C'est la première fois que le Docteur Blusson utilise une telle procédure. John ne sait pas si c'est bon signe. De toute façon, il se méfie des signes, bons ou mauvais. Il n'en avait pas eu au Mali.

    En sortant du cabinet, après avoir présenté sa carte vitale, ainsi que sa voisine de portefeuille, la carte bleue, au moment de serrer la main du psychiatre, il essaie de lire dans le regard de ce dernier. Celui-ci, ne peut l’ignorer et pose sa main sur l’épaule de John :

    — Je crois que vous n’avez plus besoin de moi...

    Un clin d’œil suit la phrase, et la porte qui claque ponctue cette année. John est un peu troublé par la rapidité de cette fin qui a un goût de définitif auquel il ne s’attendait pas. Il a la sensation qu’on lui retire la béquille sans être sûr qu’il sache marcher. D’un autre côté, c’est dans ce but qu’il était venu toutes les semaines, et, selon toute vraisemblance, il est atteint. Il repart en voiture en traînant derrière lui quelques doutes tenaces.

    Trois jours plus tard, il a le compte rendu dans sa boîte aux lettres : John est enfin apte à passer à l’étape suivante. Celle qui le ramènerait vers son objectif s’il est suffisamment performant, ce qui ne l’inquiète pas .

    *****

    Depuis son retour à Cazaux, John est hébergé chez le capitaine Louis Robert, au moins le temps de sa convalescence. Louis Robert est commandant de l’escadrille SpA2201. Du haut de ses 1m88, il n’a pas de mal à se faire respecter. Sa coupe militaire, et un visage anguleux taillé à la serpe, collent parfaitement avec son grade de capitaine.

    John et Louis s’étaient connus jeunes, lors de leur formation sur AlphaJet et étaient devenus les meilleurs amis du monde. Ils se tiraient la bourre dans les airs, poussant leurs machines toujours plus loin. Pendant leur temps libre, Ils en faisaient autant à la salle de sport. John y poussait des poids et enchaînait avec des séances de cardio, alors que Louis sévissait dans la salle d’arts martiaux, juste à côté. Il n’y allait pas pour prendre des cours, mais pour en donner au personnel de la base désireux de s’améliorer au combat au corps à corps.

    Ils passaient presque toutes leurs soirées ensemble. Ils étaient tous les deux célibataires par choix, même si ce n’était pas pour les mêmes raisons. Louis était, et est toujours un séducteur redoutable. Les filles ne font que de courts passages dans sa vie, et il n’est pas question de changer cela. C’est d’ailleurs ce qui lui avait permis d'accueillir son pote et collègue John, chez lui... Comme un retour aux sources.

    John était lui aussi célibataire. Lui ne voulait pas revivre de rupture trop douloureuse. Celle qu’il avait subie, le poursuivait encore. Aujourd’hui, il avait accepté, grâce à sa thérapie, le fait qu’il vivrait toute sa vie avec cette plaie en lui. Il n’y aurait plus d’engagement avec le sexe féminin.

    Le capitaine Robert avait rarement vu une motivation aussi persistante et insistante que celle de John. Tous les jours il lui répète que dès qu’il aura passé les tests physiques, il compte bien intégrer l’escadrille que commande Louis Robert. Il aura besoin de son soutien, son aval, sa signature ! Mais fort de cette amitié de plusieurs années, il n’a aucun doute à ce sujet. Louis, de son côté, reste silencieux et ne promet rien, tant que les tests ne sont pas passés. S’il y a un endroit où il y a des règles à observer, des hiérarchies à respecter, c’est bien l’armée.

    Tous les jours, Louis et John se rendent à la base 120 ensemble. Louis met en place les vols programmés pour la semaine. Les exercices s’enchaînent pour les petits nouveaux. Le lundi, exercice en basse altitude, le mardi, vol de nuit, le mercredi, tir sur cible, le jeudi, en formation et basse altitude, et le vendredi, mission « surprise ». John s’imprègne, frustré, de cette atmosphère si familière qu’il ne peut que renifler sans y goûter. Même s’il n’a pas le droit de piloter, il fait de nouveau partie de la base 120 et en profite pour déambuler dans les hangars, les parcs où les avions attendent, silencieux et froids. Il éprouve un peu de compassion pour ces ailes de fer qui, à ses yeux, ne sont sublimées que par le tonnerre et le feu de leurs réacteurs. Le contrôle d’une puissance phénoménale dans les doigts d’un pilote. Pour tuer le temps, il part discuter avec les mécanos, comme il le ferait avant un décollage. Il s’installe en bord de piste pour regarder départs et arrivées de missions ou d’exercices. Il patiente comme ça tous les jours jusqu’au soir quand il rentre avec Louis. John sait que son heure va bientôt arriver.

    Le soir, ils sortent chasser d’autres cibles. Ce samedi soir, le 20 septembre, ils se rendent au Mira, un bar-restaurant branché de La Teste. En traversant la terrasse à demi remplie de couples, à l’heure du dîner, John devient blême, aussi livide qu’un cadavre, dont la rigidité aurait été instantanée. Figé littéralement sur ses deux jambes qui ne peuvent plus avancer. Louis le remarque immédiatement et le soulage en prenant le bras de John sur ses épaules et passant le sien autour de sa taille pour lui éviter de s’écrouler.

    — Ca ne va pas John ? Qu’est ce qui t’arrive ?

    Pas plus de réponse que de mouvement. Louis assoit John sur un tabouret à l’entrée de la terrasse.

    — Tu veux que j’appelle un médecin ?

    — Non, ça va aller... je... je vais rentrer. Reste si tu veux.

    C’était comme si on lui avait tiré dessus. En une fraction de seconde, il était passé de l’enthousiasme à l'abattement.

    — Pas question ! Je te ramène.

    Sur le retour, Louis a beau questionner John sur ce qui se passe, les réponses restent évasives :

    — Ne t’inquiète pas, ça va aller.

    — Mais il faut vérifier ! On va aux urgences, c’est plus prudent.

    — Non !

    Cette réponse est bien plus ferme et n’appelle aucune alternative.

    — Si tu es malade, il faut savoir ce que tu as. Les tests physiques sont pour bientôt, il ne faut pas risquer de passer à côté.

    — On rentre. Ça va aller.

    Le ton de sa voix n’a plus aucun relief. Louis se dit que si John ne veut pas se soigner, sachant qu’il a ses tests, et connaissant sa motivation extrême, c’est qu’il n’est pas malade. Il s’est donc passé autre chose, John a vu quelque chose ou quelqu’un qui l’a tétanisé. Pourquoi ? Qu’est ce qui peut bien déclencher une telle réaction ? Louis repousse ses questions à plus tard, John est assez secoué comme ça pour ne pas en rajouter ce soir. La soirée qui s’annonçait chaude se transforme en un glacial et silencieux tête à tête. Louis improvise un repas. Le bruit des ustensiles de cuisine qui s’entrechoquent, accidentent le silence imposant. Et, une fois à table, Louis se sent obligé d’allumer la télé pour rompre cette chape. John est dans sa bulle et ne s’en rend même pas compte.

    Le lendemain, dimanche, quand Louis se réveille, John n’est plus là. Il est parti sans un mot d’explication. Ce n’est pas dans ses habitudes ni de laisser de mot, ni de se lever tôt le dimanche. Avec ce qui s’est passé hier, l’inquiétude du capitaine commence à se ramifier dans toutes les directions de sa pensée. Quand John réapparaît, vers midi, il n’est pas plus loquace.

    — Tu t’es levé tôt ce matin ?

    — Je suis allé courir et prendre l’air, j’en avais besoin.

    — C’est la première fois un dimanche.

    Louis est dubitatif.

    — Oui, mais, comme tu l’as dit, les tests sont pour bientôt, il faut que j’en mette un coup.

    — Ça va mieux alors ?

    — T’inquiète.

    L’après midi se passe chacun de son côté, en s’ignorant poliment, histoire de faire semblant d’oublier l’incident.

    Lundi matin, John s’excuse auprès de Louis, mais il ne viendra pas à la base avec lui. Il lui explique qu’il va s’inscrire à une salle de sport pour se préparer.

    — Mais il y a la salle de la Base où tu peux venir quand tu veux, gratuitement.

    — Je serai mieux en ville, loin des avions. Ils m’envahissent un peu trop l’esprit.

    Louis, est de plus en plus étonné, mais après tout, John est majeur et vacciné, et il est encore considéré convalescent. Il n’est pas tenu de se présenter à la base.

    Mardi matin, une mauvaise nouvelle vient d’arriver à la base. Lors d’un exercice en basse altitude, un AlphaJet de la base de Tours s’est écrasé sur des bâtiments qui accueillaient des personnes handicapées, à Vouvray. Les deux pilotes ont pu s’éjecter, mais l’accident a fait un mort et plusieurs blessés au sol. De plus, le pilote instructeur est gravement blessé, car le siège éjectable n’était pas conçu pour une éjection trop près du sol. L’élève pilote a quant à lui eu plus de chance et ne souffre que de légères contusions.

    La base 120

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