La première fois que Rouslan participa à un TacTik challenge, c’était en mai. Il se trouvait avec Sam et Driss, ce jour-là, dans le parc de l’internat. Des tilleuls immenses ombrageaient le domaine du lycée agricole, il abritait aussi une châtaigneraie et des terres labourables à perte de vue – ça permettait de s’isoler pendant l’heure du déjeuner. Sam le défia d’allumer un feu, sans briquet, en moins de trois minutes – pendant qu’il le filmait. Rouslan sortit la blague de cuir dans laquelle il gardait toujours ses deux ficelles de chanvre, de l’amadou séché et sa baguette de tilleul qu’il posa sur une planchette percée. Il la fit pivoter à grande vitesse, sans archet à feu, juste en tirant sur les ficelles nouées – puis il déposa délicatement un peu d’amadou, cette chair de champignon inflammable. L’étincelle rouge puis jaune, miraculeuse, apparut, elle lui évoquait toujours quelque chose d’infiniment précieux, une fragile parcelle tombée des étoiles.
Il souffla très délicatement. L’amadou se mit à fumer. Rouslan dressa des mousses et des brindilles sur la poussière incandescente. La flamme monta, parut disparaître, fit craquer une brindille. Il déposa une branchette dessus. Une autre. Un feu.
Ça avait pris deux minutes dix secondes.
Sam posta la vidéo, accompagnée du hashtague #SurvivorContest. Elle fit quelques milliers de vues, des centaines de partages.
La deuxième fois, Rouslan fabriqua une cordelette en tordant, cassant la fibre végétale d’une liane, pour la tresser ensuite, la rendre souple et utilisable. C’est son père qui lui avait appris ça.
La troisième, quatrième et cinquième fois, c’était en juin. Les élèves de seconde avaient pas mal de liberté, et Sam et Driss, dans le parc ensoleillé, lui lançaient des nouveaux challenges.
Ensuite, ils postaient.
Il pêcha une truite palpitante dans la rivière située un peu en contrebas de la route départementale, avec un harpon à trois pointes d’os. Puis il tailla à coups secs un silex ramassé au fond du lit, des lames si fines qu’elles en étaient translucides. Il montra à la caméra du téléphone de Driss comment elles tranchaient – suffisamment pour ouvrir le ventre du poisson et lever des filets. De vrais rasoirs. Ça, Rouslan l’avait appris en regardant des tutos YouTube. Son père était déjà mort quand il s’y était essayé. Le travail agricole en France l’avait tué; commis journalier dans les fermes et les vignes, à se casser le dos, à épandre du désherbant,