Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

Le splendide consort: Belle Compagnie, #2
Le splendide consort: Belle Compagnie, #2
Le splendide consort: Belle Compagnie, #2
Livre électronique374 pages4 heuresBelle Compagnie

Le splendide consort: Belle Compagnie, #2

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Histoire indépendante. Sans cliffhanger. Tout est bien qui finit bien. Les livres de cette série peuvent se lire dans n'importe quel ordre.

Le travail d'escort-boy comprend certaines règles prédéterminées qu'on ne doit jamais violer.

Jamais de baiser. Jamais de sentiments. Et surtout, jamais, jamais de partie de jambes en l'air.

Mais comment Troy est-il supposé réagir quand Harper, superbe blondinette, fait irruption dans sa vie ? Alors qu'il souffre encore de sa rupture avec son ancienne petite amie, avec qui il avait pourtant eu une relation de longue date ? Troy a beau se démener désormais comme il peut pour aller de l'avant et trouver sa place dans ce monde, il n'arrive toujours ni à se faire à cette rupture ni à comprendre ce qui a bien pu pousser son ex à le tromper. Et en conséquence, il est fermement décider à entièrement se fermer à l'amour.

Pourtant, cela lui donne-t-il vraiment une arme efficace face au culot, la beauté, et l'incroyable intelligence de Harper qui le fascinent tant ? Sera-t-il réellement capable de tenir sa parole ?

Ou au contraire violera-t-il toutes les entraves qu'il tient pour règles ?

LangueFrançais
ÉditeurE. L. Todd
Date de sortie23 nov. 2018
ISBN9781386534167
Le splendide consort: Belle Compagnie, #2
Auteur

E. L. Todd

E. L. Todd was raised in California where she attended California State University, Stanislaus and received her bachelor’s degree in biological sciences, then continued onto her master’s degree in education. While science is interesting and a hobby, her passion is writing. After writing novels as a small child, her craft grew until she found the confidence to show her closest friends—which is how Only For You, the first installment of the Forever and Always series, and the Soul Saga series began. When she isn’t reading or writing, she is listening to indie rock music. Her current favorite artist is Mumford and Sons, whom she credits most of her inspiration for her novels. She also enjoys running and swimming, as well as working as a high school teacher. She also works as an assistant editor at Final-Edits.com. She has an unusual obsession with dogs, even though she doesn’t own one, and her favorite vacation spot is Disneyland, which she visits several times a year. The most important aspect of her life is her friends, whom contributed so much time and energy into all of her novels. According to E. L. Todd, “Without them, Only For You and Soul Catcher never would have come to fruition. I am theirs forever.”

Autres titres de la série Le splendide consort ( 5 )

Voir plus

En savoir plus sur E. L. Todd

Auteurs associés

Lié à Le splendide consort

Titres dans cette série (5)

Voir plus

Livres électroniques liés

Romance contemporaine pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur Le splendide consort

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le splendide consort - E. L. Todd

    1

    Troy

    Aller faire les courses me faisait chier comme la mort. N’ayant que deux bras, je me limitais à l’essentiel, soit en majeure partie les ingrédients dont je me servais pour faire mon milk-shake protéiné quotidien après la salle de sport. J’avais une voiture, mais bon, c’était tellement la merde pour se garer à Manhattan que je préférais encore marcher.

    Un panier à la main, je parcourais les allées du supermarché à la recherche de quelques articles bien précis. J’attrapai au passage un paquet de Lucky Charms malgré leur teneur en glucides bien trop élevée à mon goût, ainsi que mes compléments enrichis en protéines, quelques fruits et légumes, avant d’arriver au rayon hygiène. Alors que je venais de repérer un shampoing Head & Shoulders, je m’arrêtai à la vue des boîtes de préservatifs sur un présentoir non loin.

    Mes yeux, à ce spectacle, s’abîmèrent dans une étrange contemplation qui me laissa immobile quelques instants. J’ignorais pourquoi, ce qui me prenait, mais ils me mettaient mal à l’aise. Peut-être à cause de ce qu’ils représentaient : des parties de jambes en l’air. Plaisir auquel je ne m’étais plus adonné depuis plus d’un an. J’avais beau faire faire semblant d’être un playboy, vanter ma légèreté avec les filles que je ne fréquentais, selon mes dires, que pour passer un bon moment ; j’avais beau parvenir à tromper tout le monde, y compris mes proches… ce n’était qu’une mascarade.

    En réalité, je n’avais pas du tout le cœur à cela.

    Perdu dans mes pensées, je ne bougeais toujours pas. J’étais bloqué là, comme un adolescent qui hésiterait à acheter ses premières capotes, paralysé par l’angoisse et une certaine dose de culpabilité tandis qu’il contemplerait tous les choix qui s’offraient à lui. Lubrifiés, avec parfum, magnum… Tant de possibilités.

    — Troy ? s’exclama alors une douce voix féminine.

    Voix qui m’évoqua aussitôt un pré plein de fleurs sauvages, aigre-doux rappel d’une époque révolue. La panique me prit soudain, comme si mes instincts de survie me hurlaient de fuir. Mais, comme une bête encerclée, je ne trouvai aucune échappatoire.

    Je me tournai vers Alexia, celle à qui j’avais offert mon cœur il y a si longtemps. Elle m’avait causé plus de peine que ce qu’aucun mot en ce monde ne pourrait exprimer. Même si notre rupture ne datait pas d’hier, je ne m’en étais pas entièrement remis. Souffrirai-je éternellement ainsi ? Il fallait pourtant que je maintienne une façade de pierre, que je fasse comme si elle ne représentait plus rien pour moi et qu’elle n’avait pas fichu ma vie en l’air… littéralement.

    — Oh salut, chérie, fis-je avec arrogance.

    Ce faisant, je m’emparai de quatre paquets de préservatifs, à savoir une quantité tout à fait excessive, et les jetai dans mon panier. À l’atterrissage, ils recouvrirent le reste de mes courses, soit du lait, du pain, et mon mélange protéiné usuel.

    Elle baissa le nez vers mes provisions, remarquant forcément le produit que je venais d’ajouter, mais se retint de faire le moindre commentaire. Ses cheveux bruns paraissaient fraîchement teints, rehaussés désormais d’une légère teinte rousse, plus doux, plus soyeux que dans mes souvenirs. Je repensai malgré moi à leur résistance dans mon poing fermé, pendant nos ébats, et me sentis bouleversé. Ses yeux bleus se relevèrent vers les miens, glacés, aussi froids que son cœur de pierre.

    — Comment vas-tu ?

    Elle accompagna sa réplique d’un sourire parfait, révélant une dentition impeccable symptomatique de ceux et celles qui avaient porté des bagues Invisiline dans leur enfance, et ce bonheur manifeste m’agaça. Non, il me mit hors de moi.

    — Ça va. Je fais des stocks pour le week-end, me vantai-je en faisant un signe vers mon panier pour bien lui montrer les capotes.

    Tiens, mange-toi ça, sorcière.

    — Et toi, chérie ? repris-je avec un ton condescendant.

    Parce que pour moi, elle n’avait rien d’une chérie. Mais tout d’une putain, plutôt.

    — Ça va, répondit-elle. Je suis juste venue chercher deux ou trois bricoles.

    Pourquoi venait-elle me parler ? Ce n’était pas comme si on était amis. Jamais je n’avais recherché son amitié. Je ne l’avais vue qu’une fois depuis notre rupture, et elle s’était comportée exactement ainsi, comme si on s’était séparés à l’amiable et qu’on était restés en bons termes. Elle avait la mémoire d’un poisson rouge ou quoi ? Cela dit, je n’étais pas surpris : elle n’avait jamais été très futée, celle-là.

    — OK. Il faut que j’y aille.

    Je mourrais d’envie de mettre fin à cette conversation. Mon cœur battait trop vite et mes paumes s’étaient couvertes de sueur, de sorte que la poignée du panier commençait à me glisser des mains. J’étais exaspéré de voir que mon corps réagissait à sa présence. Et de savoir que ce serait toujours le cas m’agaçait encore plus. J’étais coincé dans une spirale infernale, condamné pour l’éternité à vivre au passé. Et même si j’avais honte de l’avouer, je ne pus m’empêcher de baisser les yeux pour vérifier son annulaire. Il n’y avait toujours rien, ce qui me soulagea. Et pourtant, ma haine s’en retrouva décuplée. Pourquoi est-ce que je m’en soucie encore ?

    — On m’attend ailleurs.

    Je passai mon chemin, gardant mon calme et mon indifférence.

    — Attends.

    Je me retournai malgré moi, ce qui me mit mille fois plus en pétard. Pourquoi ne puis-je m’en aller sans un regard en arrière, expliquez-moi ? Est-ce qu’un jour j’en serais enfin capable ?

    — Je n’ai pas toute la journée, sifflai-je d’un ton glacial. Crache le morceau.

    Quelque chose en moi priait pour qu’elle m’avoue que je lui manquais... ou que j’étais beau dans ce t-shirt. Mais ce que je voulais vraiment l’entendre dire, même si j’étais bien incapable de l’admettre, c’était qu’elle avait commis une erreur en me quittant. Je rêvais d’entendre ces mots jour après jour.

    — Est-ce que tu travailles toujours comme escort-boy ?

    La déception m’envahit, bientôt remplacée par la colère. De toutes les raisons du monde, c’était pour celle-là qu’elle venait me voir ? Qu’est-ce qu’on en avait à foutre ?

    — À ton avis ?

    — Est-ce que c’est un oui ?

    L’un de mes sourcils se leva de lui-même, et j’essayai de me montrer aussi désagréable que possible.

    — Qu’est-ce que ça peut te faire, Alexia ?

    Son nom me laissait un goût désagréable en bouche.

    — Eh bien, c’est juste que j’ai une copine qui aurait besoin d’un petit ami pour faire l’anniversaire de mariage de ses parents et…

    Mon. Cul. Putain.

    — Va te faire enculer, Alexia.

    Je tournai les talons et m’en allai. De toute évidence, je ne représentais rien pour elle. C’était comme si on n’était jamais sortis ensemble. Comme si nos trois années de vie commune n’avaient jamais rien signifié pour elle. J’existais… mais c’était tout. Quand arriverai-je à l’accepter ? Quand, enfin, sans que cela me fasse l’effet d’une balle en plein cœur ?

    Jamais ?

    Après avoir rangé mes provisions dans la cuisine, j’allai m’allonger sur le canapé et levai les yeux, blasé, vers le plafond. Les préservatifs, que je n’utiliserais sans doute jamais, poireautaient sur ma table basse. Si j’avais voulu récupérer mon argent, j’aurais bien pu les rapporter. Mais j’aurais alors risqué de recroiser cette sorcière sans cœur.

    Voilà, j’étais maintenant contraint de trouver un autre endroit où faire mes courses. Ce qui me cassait les couilles, parce que c’était mon magasin de secteur. J’allais devoir faire au moins deux kilomètres de plus. Puis me familiariser avec une toute nouvelle disposition de rayons, encore une fois.

    Putain, je hais cette pute.

    Mon téléphone sonna, alors je le tirai de ma poche.

    C’était Danielle, qui m’appelait sûrement pour un nouveau contrat. Je mis mon portable en silencieux et le balançai sur la table basse au milieu du tapis de capotes intactes. J’avais absolument pas envie de travailler. Il m’était actuellement impossible d’afficher un faux sourire et de jouer au charmeur. Dans l’état où j’étais, j’aurais été infect.

    L’écran du portable s’alluma à nouveau ; elle me rappelait.

    Incapable de trouver la force de bouger, je la laissai tomber sur boîte vocale. Comme Danielle ne persévéra pas, je m’étendis comme une bouse sur le canapé. La dépression allait et venait et je commençais à en avoir l’habitude. Mais pour l’instant elle me pesait sacrément dessus. J’étais déçu par moi-même, par la faiblesse dont je faisais preuve. Je me comportais en vraie fiotte, à me laisser abattre par une femme comme ça. Il aurait vraiment fallu que je passe à autre chose.

    Comme si je n’avais pas déjà essayé.

    M’abandonnant à ces pensées noires, je me laissai lentement bercer de tristes illusions et m’assoupis. Le soleil, toujours de sortie, déclinait à toute vitesse derrière les fenêtres. La salle de sport, ce serait pour une autre fois. Vidé de mon énergie, incapable de trouver un sens à ma vie, je continuai à dormir.

    Par un malencontreux hasard, mes rêves furent pires encore que la journée que je venais de passer. Des visions incohérentes m’envahissaient l’esprit sans que je ne sache vraiment ce dont il s’agissait. Mais, comme un soleil surgissant d’une mer de nuages, l’illumination vint me percuter et me brûler la peau.

    En arrière-plan, le Grand Canyon. Des millions d’années gisaient sous nos pas, inscrites dans la roche et dans la terre. Des fossiles s’alignaient là où la main de l’homme ne pouvait se poser sans mettre en péril l’intégrité de cet édifice naturel, un édifice si beau qu’il semblait résulter d’un dieu et non de l’érosion.

    — Est-ce que tu arrives à y croire, toi ? murmurait Alexia qui s’approchait du rebord d’une falaise, en short et en top à dos croisé.

    Ses cheveux longs recouvraient ses épaules nues, voletant au rythme d’une légère brise. C’était une chaude journée d’été, même si la rosée du matin s’attardait toujours sur les brins d’herbe environnants.

    Je souriais, contemplant son dos, heureux d’avoir fait quelque chose qui fasse vibrer sa voix. Mon unique but dans la vie était de la faire sourire, et chaque fois que j’y arrivais, je me sentais pousser des ailes.

    — C’est merveilleux, n’est-ce pas ?

    Je m’approchai d’elle et admirai son visage, mais elle m’ignorait. Seul le canyon sous nos pieds lui importait. Et tels des dieux surplombant un royaume, nous observions le monde comme s’il nous appartenait. Je pris sa main, à ses côtés. Sa paume était chaude, et je discernais les plus infimes sillons de ses empreintes. Voilà combien je la connaissais, jusqu’à la moindre ligne infime de son corps.

    — J’ai toujours voulu venir ici, m’avoua-t-elle. Merci.

    — Je t’emmènerai jusqu’au bout du monde.

    Je contemplai son profil, fasciné par sa beauté. Le Grand Canyon était une œuvre d’art dont l’éclat pâlissait face au sien. Elle se tourna enfin vers moi, ses yeux reflétant la lumière du soleil. Ils scintillaient, comme s’ils ne brillaient que pour moi. Quand elle m’adressait ce regard, je me sentais en paix, en harmonie avec l’univers. Comment avais-je fait pour séduire quelqu’un comme elle et la convaincre de partager ma vie ? Qu’avais-je fait pour mériter quelqu’un d’aussi parfait ?

    — Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ?

    — Parce que je t’aime.

    Il n’y avait rien d’autre à dire. C’était la façon la plus simple d’exprimer mes sentiments : de laisser parler mon coeur.

    Ses yeux scotchés aux miens, elle sembla sonder mon âme. Une mèche qui jusque là virevoltait autour de son visage s’accrocha à sa lèvre légèrement humide et s’y attarda un instant avant d’à nouveau s’envoler.

    Le moment était venu, celui que j’attendais tant. Je sortis l’écrin de ma poche, puis m’accroupis.

    — Oh mon Dieu…

    Ses deux mains se posèrent sur sa bouche dans un sursaut.

    J’ouvris la boîte et levai le nez vers elle, sans éprouver le moindre doute, la moindre hésitation. Lui demander de passer le restant de ses jours à mes côtés était la meilleure décision de ma vie. Nous serions si heureux, ensemble. Elle était faite pour moi.

    — Veux-tu m’épouser, Alexia ?

    Elle baissa les mains et afficha un immense sourire. Ses iris scintillaient d’émotion, émus par l’alliance et par mes mots. Elle avait toujours voulu se rendre au Grand Canyon, et je n’envisageais pas de plus bel endroit pour lui déclarer mon amour éternel. Voir la joie en ses yeux, le reflet en eux de mes propres sentiments, me fit réaliser l’ampleur de ma chance.

    Mais la scène se gâta alors.

    Le soleil disparut sous une couverture de nuages noirs soudain venus obscurcir le ciel. Le vent et le froid se levèrent, et une odeur de pluie vint inonder mes sens. Des corbeaux parcoururent les cieux en râlant de leurs croassements stridents. Le vent s’enhardit d’un coup et s’engouffra violemment dans ses cheveux, assombrissant une partie de son visage. Les bourrasques étaient si violentes qu’elles manquèrent de m’emporter et de me faire tomber de la falaise.

    Alexia recula d’un pas, comme si mon contact la repoussait. Un air de dégoût l’envahit. La joie qui régnait dans ses yeux quelques secondes auparavant s’était maintenant volatilisée. Elle s’avança vers un homme grand dont je ne pouvais distinguer le visage, qu’elle toucha comme si elle avait besoin de lui, plus que de moi.

    — Alexia ?

    Elle s’accrocha à lui, et m’adressa un regard farouche ; regard qui semblait m’enjoindre à disparaître. Le vent s’intensifia encore et forma comme un mur entre nous, me repoussant plus près du bord. Je ne basculai pas, mais de peu. La boîte dans mes mains se mit à trembler, menaçant de m’échapper d’un instant à l’autre.

    — Non.

    Sa réponse retentit en écho dans le vent, m’encerclant de toute part. Il n’y avait pas de méprise possible. Ses mots étaient limpides.

    — Non.

    Une rafale plus forte que les autres me poussa dans le précipice, et in extremis, je parvins à me rattraper au rebord de la falaise et à m’accrocher de toutes mes forces.

    — Alexia ?

    Ne pouvant plus tenir l’alliance, je la déposai à terre pour renforcer mes appuis.

    — Alexia !

    Elle s’approcha lentement du bord puis baissa les yeux vers moi. Son regard était désormais chargé de mépris, comme si elle avait souhaité que mon existence prenne fin… à jamais. Son pied frisa le petit écrin noir dans lequel elle donna un petit coup de pied, l’envoyant rouler par dessus bord et choir dans le ravin.

    Je me raccrochai et vis l’objet tomber, priant pour que je ne connaisse pas le même sort.

    Elle s’accroupit et me prit les deux mains.

    Elle va me hisser. Je ne vais pas tomber.

    Mais au dernier moment, un éclat sinistre naquit dans ses yeux, les faisant virer au rouge, luire de folie. La femme que j’aimais s’était métamorphosée. C’était le diable que j’avais en face de moi. Un feu démoniaque brûlait dans ses yeux, et il était évident qu’elle ne m’aiderait pas.

    Elle est en train de défaire l’un de mes appuis.

    — Arrête ! criai-je en essayant de reprendre mon point d’accroche, mais elle m’en empêcha.

    — Qu’est-ce que tu veux que je fiche avec toi ? demanda-t-elle d’une voix caverneuse. Alors que je pourrais être avec lui plutôt ?

    — Arrête ! l’implorai-je à nouveau en essayant de me rattraper.

    Elle s’intéressa à mon autre main, mon dernier lien à la vie.

    — Qu’est-ce que tu veux que je fiche avec toi ? répéta-t-elle.

    — Alexia, arrête !

    Elle m’empoigna la main et m’adressa un dernier regard, résigné, cette fois-ci. Il n’y avait pas de tristesse, pas de colère, juste le reflet du devoir. Il fallait qu’elle me jette de la falaise, il n’y avait pas d’autre alternative. Il fallait qu’elle se débarrasse de moi.

    — Tu es un imbécile.

    Puis elle m’arracha violemment la main du rebord et me laissa tomber.

    Durant ma chute, un hurlement s’échappa de ma gorge et mes yeux s’accrochèrent à son image qui rapetissait. La descente s’éternisait, et je sentais le sol se rapprocher à chaque seconde. J’allais m’écraser sur la terre et devenir un fossile de plus dans cette marée d’Histoire.

    Mais je me réveillai.

    — Putain !

    Je me redressai d’un coup, le corps trempé de sueurs froides. Ma respiration était instable et j’avais du mal à reprendre mon souffle. Les grandes lignes de ce rêve me traversaient encore l’esprit. Je me souvenais de tout, y compris de la façon dont Alexia m’avait jeté de la falaise. D’un geste, j’essuyai les gouttes de mon front, sentant ma chemise collée à mon dos.

    Ce rêve récurrent reviendrait-il indéfiniment ?

    Étais-je condamné à souffrir pour le restant de mes jours ?

    2

    Harper

    Arrivée au restaurant avant les autres, je décidai d’envoyer un message à ma meilleure amie Aspen qui avait toujours le don de me remotiver. C’était un peu ma pompomgirl personnelle.

    Je suis à deux doigts de me barrer.

    Tu peux y arriver, cocotte.

    Tu parles. Tout ça pour voir ma sœur rouler des patins à son copain, et pour que ma mère se demande à haute voix pourquoi moi je n’ai pas de mec. Je vais finir par lui en coller une. Je te jure.

    Allez Harper, où est la nana qui se fiche du regard du monde, celle que je connais si bien ?

    Toujours là, et j’en ai rien à cirer. Mais ça ne veut pas dire que ça ne me gonfle pas.

    Aspen était supposée apaiser mes nerfs, mais en fin de compte, je ne faisais que m’énerver toute seule.

    Tu ne les vois que quelques mois par an, répondit Aspen, percutante de logique. Tu vas y arriver. Et un jour tu rencontreras Monsieur Parfait, et ils lâcheront l’affaire.

    Quand ?

    Ma réponse était pleine d’ironie, et j’étais sûre qu’elle s’en rendait bien compte.

    Essaie de tenir bon. Je t’offre un verre après.

    Plusieurs. Depuis quand est-ce qu’un seul me suffit ?

    OK, autant que tu veux.

    Je rangeai mon téléphone dans mon sac puis attendis le reste de la troupe. On allait manger dans un restaurant haut de gamme, et les perles autour de mon cou me semblaient ne rien avoir à faire là. J’avais l’impression d’être une de ces pouffiasses guindées, coincée au possible. Ma famille était riche, et ils avaient du mal à accepter le fait que je tranche autant avec leur monde. Rebutée par tout ce snobisme au lieu de me prêter au jeu, j’étais pratiquement une sauvage à leurs yeux.

    Ma sœur entra, une grande blonde, avec son petit ami Sebastian derrière elle. Ils se tenaient par la main. Apparemment, ces deux-là étaient incapables de se de ne pas se toucher, ne serait-ce qu’un instant. J’aimais ma sœur et j’étais heureuse qu’elle soit amoureuse, mais putain, est-ce qu’ils ne pouvaient pas arrêter leur numéro d’amoureux pendant une microseconde ?

    — Sœurette ! couina-t-elle en arrivant près de moi.

    Je laissai tomber ma moue et affichai un masque de joie.

    — Kara ! m’exclamai-je en me levant pour la prendre dans mes bras.

    — Tu es tellement belle ! dit-elle avec trop d’énergie pour moi.

    Son optimisme était barbant parfois. Les gens qui étaient heureux tout le temps avaient le don de me saouler. Ça manquait de réalisme. Ou peut-être que j’étais juste extrêmement négative.

    — J’adore ta robe. Elle t’amincit tellement !

    Dur de rester en colère contre elle quand elle était toujours si gentille. Elle était plus chaleureuse envers moi que n’importe qui dans ma famille, et prenait systématiquement ma défense dès qu’ils se liguaient contre moi ; elle était mon amie en plus de ma sœur, et la vie parfaite qu’elle menait n’aurait pas dû contribuer au fait que je la repousse.

    — Toi aussi tu es magnifique, comme toujours.

    — Je suis on ne peut plus d’accord, murmura Sebastian en frottant son nez contre le sien, les yeux dans les siens, avant de se tourner vers moi et de me serrer dans ses bras. Mais tu arrives de peu derrière.

    Son étreinte était affectueuse, comme celle de ma sœur, et il m’adressa une petite tape dans le dos avant de s’écarter. Il me regardait avec tendresse, lui aussi, comme s’il tenait sincèrement à moi et non pas juste parce qu’il couchait avec Kara.

    Cette dernière passa le bras autour de sa taille et se pencha vers lui, comme si elle aurait préféré qu’ils soient seuls tous les deux. J’étais prête à parier que ça allait bientôt déraper. Kara était grande, un mètre soixante-douze, avec une chevelure blonde magnifique et une taille de guêpe. Mannequin de luxe, elle avait le physique de l’emploi, et la famille ne s’était jamais gardée d’affirmer qu’elle était la plus belle des deux. Évidemment, je ne lui en avais jamais voulu, parce que ce n’était pas de sa faute. J’aurais juste préféré qu’on arrête nous comparer tout le temps. Kara n’échouait jamais ; elle était systématiquement couronnée de succès. Moi, j’avais beau réussir, accomplir de grandes choses, tous mes exploits passaient à la trappe.

    Et j’en avais ma claque.

    On s’assit à la table, et j’essayai de ne pas me sentir triste.

    Sebastian, le bras posé sur les épaules de Kara, lui murmurait quelque chose à l’oreille en privé. L’amour et l’adoration brûlaient ardemment dans ses yeux. Cela ne faisait aucun doute : il était complètement épris de ma sœur. Il chérissait le moindre de ses pas et l’aimait de tout son être. Kara partageait de toute évidence le même sentiment.

    Mais ce spectacle, cette incarnation du véritable amour, me peinait, au fond. Moi, jamais je ne trouverais. Et je ne pouvais le nier : j’aurais bien voulu qu’un bel homme me regarde de cette façon et qu’il soit incapable d’arrêter de me câliner même au bout d’un an. J’avais beau faire des efforts, ravaler mon amertume et me montrer heureuse pour ma sœur, parfois c’était au-delà de mes forces.

    — Je t’aime, lui chuchota-t-il.

    Elle rougit même si ça devait être la énième fois qu’il le lui disait.

    — Je t’aime aussi, chuchota-t-elle à son tour.

    Il posa son visage dans ses mains et l’embrassa, d’un baiser ardent qui n’est approprié que dans une chambre.

    — Ouais… Bon, on va se calmer un peu, non ?

    Ils pouvaient s’aimer autant qu’ils le voulaient, mais qu’ils fassent leur soupe de langue dans leur temps libre.

    — Pardon, gloussa légèrement Kara. Parfois on s’emporte un peu.

    Sebastian frotta son nez contre le sien.

    — Il faut qu’on apprenne à se contrôler.

    J’essayai de ne pas lever les yeux au ciel de dégoût.

    — Qu’est-ce que vous prendrez ?

    Ma question sembla les distraire de leur festival de patins.

    — Le poulet au citron a l’air délicieux, observa-t-elle en examinant le menu de Sebastian.

    — Bon choix, chérie, commenta-t-il. Je crois que je vais prendre la même chose.

    D’abord ils se partagent le menu, et ensuite ils commandent pareil, comme par hasard ? Mon Dieu, qu’ils sont nazes. Et tant pis si je suis méchante.

    À ce moment-là, Maman et Papa entrèrent dans le restaurant à leur tour. Papa était vêtu d’un pantalon et d’une chemise de costume, accoutrement qu’il portait tout le temps même en dehors du travail, et Maman avait l’air d’une Première Dame dans sa belle robe blanche qui s’arrêtait juste aux

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1