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Normandie légendaire: histoires courtes 1
Normandie légendaire: histoires courtes 1
Normandie légendaire: histoires courtes 1
Livre électronique250 pages3 heures

Normandie légendaire: histoires courtes 1

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À propos de ce livre électronique

La série des histoires courtes de Normandie Légendaire est la nouvelle édition, totalement revue et augmentée de 1000 ans sous les pommiers. Cet ouvrage, édité en 1981 par les éditions Charles Corlet, est épuisé depuis longtemps. D'autres textes ont été conçus depuis. Leur publication sous une autre forme est maintenant justifiée.
Ce sont en fait des historiettes ayant la Normandie pour cadre ou bien des plongées, façon reportage en direct, au cœur d'événements de l'Histoire normande, ainsi que des légendes ou des contes entièrement revisités. Tout cela permet de voyager à travers l'espace et le temps, picorant selon son humeur un moment privilégié mariant culture et détente. Le caractère de ces histoires offre au lecteur un moyen d'occuper des moments disponibles en y prenant plaisir, en particulier dans les transports en commun grâce à sa tablette ou son smartphone.

LangueFrançais
Date de sortie12 juin 2013
ISBN9781301385157
Normandie légendaire: histoires courtes 1
Auteur

Bruno Robert des Douets

Bruno Robert est auteur, essentiellement romancier, après avoir été bibliothécaire de l’État aux universités de Caen et du Havre.Il a été Président de l'Office de documentation et d'information de Normandie, et a fait la promotion de l’édition normande pendant plusieurs années au salon du livre de Québec. Il a été membre de la Société des écrivains normands.Bibliographie :Romans et nouvelles- 1000 ans sous les pommiers, Condé-sur-Noireau, éditions Charles Corlet, 1981 (nouvelles) ;- Fin de jeu, Paris, Téqui, coll. Défi, 1998 (roman jeunesse, historique) ;- Une rose de sang, Paris, Téqui, coll. Défi, 1999 (roman jeunesse, historique, suite du précédent) ;- Snorri, le fils du Viking, Paris, Téqui, coll. Défi, 2005 (roman jeunesse, historique) ;- L’Enseigne du Soleil Royal, Paris, Téqui, coll. Défi, 2007 (roman jeunesse, historique).- Normandie légendaire - histoires courtes, Smashwords edition, 2013 (collection de contes et nouvelles en mode ebook) ;- Le secret du manuscrit perdu, Aventures à la ligne, 2013 (polar médiéval/première enquête) ;- Des ombres et la lumière, aux éditions Delahaye, 2013, coll. Signe de Piste (roman historique - aventures en Russie) ;- Les survivants de Sébastopol, aux éditions Delahaye, 2014, coll. Signe de Piste (roman historique - aventures en Crimée) ;- Normandie, croisière de rêve ou cauchemard ?, Aventures à la ligne, 2014 (thriller).- L'énigme du vaisseau fantôme, Aventures à la ligne, 2014 (polar médiéval/deuxième enquête).Essais et documents- Randonnées sur les chemins de paradis, aux éditions Charles Corlet, 1984 (guide historique et géographique) ;- Dans le vent, la grande Histoire des scouts marins, aux éditions Artège, 2010 ("digest" historique).Inédits (je suis ouvert aux offres de nouveaux éditeurs)- Comme un soleil au coeur de la nuit (roman historique médiéval) ;- Petite vitesse (roman jeunesse - aventures).En chantier- Troisième opus de la trilogie russe ;- Polar médiéval (troisième enquête).En projet- Polar médiéval (six autres enquêtes) ;- Regards croisés Est-Ouest (document sur l'ex URSS et la société occidentale).

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    Aperçu du livre

    Normandie légendaire - Bruno Robert des Douets

    Un amour de Normandie

    Qu'il est beau mon pays quand vient l'été pour épanouir la forêt ! Ne l’était-il pas de même, il y aura bientôt mille ans, dans son agreste parure ? Autrefois, comme aujourd'hui, la nature animée des frémissements de la vie devait chanter sous le soleil. On imagine aisément le bourdonnement continu des insectes affairés dans les futaies, le frais gazouillis du ruisseau qui scintille à travers les ramures… Et c’est alors qu’on entend un appel lointain, celui d’une trompe de chasse. Il est suivi d’aboiements, des froissements de branchages en train de se briser, du fracas de folles cavalcades auquel, à nouveau, succède enfin le chant discret de la forêt profonde.

    Ils sont maintenant loin, les chasseurs exaltés. Le soleil est très haut dans l'azur du ciel et Robert, à présent, n'a plus envie de courir sus à la bête. Il a chaud. Décidément, la saison d’été ne se prête guère à la chasse !

    Aujourd'hui, le jeune homme a perdu l’entrain de ses dix-sept ans. La chasse, effectivement, l'ennuie. Dès lors, il préfère aller retrouver la fraîcheur au creux de son fier donjon.

    Pensif et las, Robert, Comte d'Exmes et propre frère du Duc de Normandie, retourne en sa bonne ville de Falaise au gré des laies forestières.

    Au moment de déboucher dans le val d'Ante, à proximité de la fontaine, il est sorti brusquement de son apathie. Quels sont ces cris ? Quels sont ces rires en train de fuser comme autant de chants d'oiseaux ?

    Soudainement captivé, le chasseur a sauté de sa monture encore dissimulée dans le bois, puis il se fraye un passage, avec précaution, jusqu'à sortir du taillis. Le spectacle alors découvert est si charmant que le jouvenceau perd à cet instant la notion du temps. Là, tout près de lui, se trouvent une demi-douzaine de jeunes beautés qui lavent avec gaieté leur linge en le foulant dans l'eau de la fontaine, au milieu de gerbes d'éclaboussures. Elles n'ont pas encore aperçu le jeune homme en train de s'approcher. Lui les contemple, émerveillé.

    De fait, elles sont vives, et libres, et belles. Elles sont resplendissantes ainsi que le sont généralement nos filles en Normandie. Délivrées des contraintes habituelles, à demi-dévêtues, ces tendrons s’ébattent à l’envi en blanchissant le linge de leur maisonnée.

    Quelle illumination pour le jeune prince ! Lui qui n'avait encore jamais vu de tels oiseaux en liberté. Là, point de convenances, point de seigneur, point de révérences ! Rien qu'une jeunesse épanouie sous le grand soleil de l'été. Rien que cheveux d'or au vent, joues fraîches et babils légers.

    Dieu qu'elles sont jolies dans l'insouciance de leur jeune âge ! Elles sont heureuses et joyeuses à tel point que Robert n'a jamais imaginé que cela puisse être, habitué qu’il est, depuis son enfance, à la vie solitaire et compassée menée dans son donjon.

    Du coup, le nouveau venu s'enivre à la vision de ces bras nus, gracieux à souhait, de ces jambes luisantes à force d’être éclaboussées que découvrent à ses yeux leurs bliauds, très haut retroussés sur les cuisses.

    Tout à coup, les demoiselles ont aperçu l'intrus ! Tout de suite, elles ont deviné qu'il est du château. Passée la surprise, à peine rougissantes, elles lui font une petite révérence mutine, et puis retournent à leur occupation, non sans pouffer tout en se désignant la gaucherie du garçon. Elles ne soupçonnent pas qu'il est leur seigneur - elles ne l'ont jamais vu de si près - sinon ces demoiselles auraient vivement remis de l'ordre dans leur toilette et se seraient inclinées respectueusement. Pour elles, Robert n'est qu'un page intimidé qui s’est égaré dans la forêt durant la chasse.

    Mais décidément, le jeune homme a l'air étrange ! Il en est une, en particulier, qu'il regarde intensément. Celle-ci porte en elle un charme unique et c’est le plus délicieux qu'il soit donné de rayonner. Son visage est bien plus doux que le miel. Elle a le teint, le velouté de la rose et ses yeux contiennent assurément des immensités célestes. En sa chevelure, il y a tout l'or des blés du pays d'Exmes et l'on peut deviner sous son bliaud trempé les plus charmants attraits. Mais ce qu'elle a de plus extraordinaire est son sourire ! Un sourire absolument radieux donné sans réserve au jeune homme. Étonné, Robert lui rend instinctivement ce sourire inattendu. Soudainement troublé, le damoiseau retourne à sa monture afin de regagner le château.

    Les jeunes filles, à peine a-t-il disparu, se précipitent autour de leur compagne.

    — Arlette est amoureuse ! Arlette est amoureuse ! lui scandent-elles.

    — Tu as vu comme il te regardait ?

    — Et son sourire ! As-tu remarqué son sourire ?

    Elle ne les entend pas. La belle Arlette est songeuse.

    — Et si c'était notre comte ? insinua l’une d’elles. Vous ne trouvez pas qu'il lui ressemble ?

    Des jours et des jours ont coulé depuis cette entrevue brève au val d'Ante. À dater de ce moment, Robert n'a plus été le même. Il rêve, assis sur le rebord d'une baie surplombant la vallée, durant des après-midi entières. Ainsi peut-il, à l’occasion, surprendre et contempler la délectable enchanteresse accaparant son cœur.

    Évidemment, le damoiseau s'était demandé qui pouvait être cette jolie personne. Il fut aisé pour lui de la désigner à son chambellan. Ce dernier put le renseigner sans peine.

    — Il s’agit d’Arlette, avait-il répondu, la fille de Maître Herbert, le pelletier de Vaipré.

    La demoiselle était seulement l'enfant d'un fourreur. Étonnamment, cela n'avait pas ému le jeune prince. Il l'appréciait, voilà tout. Le reste ne lui importait guère.

    À présent, l'inquiétude le ronge. Il sait qu'Arlette est le seul être au monde auquel il veut donner son amour.

    Il ressent dans son cœur, à tout moment, la brûlure de son regard. Il sent rayonner tout autant dans ses pensées la suavité de son sourire. À chaque instant, c'est à la fois de la souffrance et l’expression d’un immense bonheur ; un feu ardent tout comme une soif inextinguible.

    Instinctivement, la jolie bourgeoise a parfaitement compris ce qui bouleverse à tel point le garçon. Son cœur lui indique en battant très fort que c'est pour elle que le prince est à sa fenêtre à chaque fois qu'elle vient à passer dessous. Tout d’abord, elle s'était contrainte à baisser les yeux, puis n'avait pas résisté au plaisir d'échanger un sourire. Aujourd’hui, c'est sans hésitation qu'elle adresse au garçon de petits signes exprimant sa tendresse. En fait, ce n'est pas le comte d'Exmes qui l'attire, mais tout simplement ce damoiseau solide et gauche au regard un peu tourmenté prénommé Robert.

    Le garçon, pour sa part, n'y peut plus tenir. Il ne conçoit déjà plus la vie sans la petite Arlette. Il la lui faut pour épouse. Il l'a décidé !

    — Sire comte, lui déclara son conseiller, songez que vous ne pouvez épouser qu'une princesse. Il s’agit de l'honneur de votre lignée. Celui-ci ne peut souffrir une alliance avec un bourgeois !

    — Grand merci pour tes conseil, ami ! Je suis aussi de sang normand ! Si je ne peux faire autrement, je la prendrai more danico (à la danoise) selon l’usage hérité de mes ancêtres !

    La réponse est claire. À ces mots, le chambellan n’a plus qu'à se rendre au logis de maître Herbert et lui demander sa fille.

    En vérité, le pelletier se trouve être, à Falaise, un bourgeois très conséquent. L’homme est honorable et très opulent. Son commerce en peaux et fourrures y est florissant. Cela fait de lui cet homme aisé que l'on respecte. En plus, il a de beaux enfants qui sont élevés dans le droit. Le bourgeois ne souhaite absolument rien de plus qu'une vie paisible. En marchand très avisé, cet homme a déjà songé aux partis qu'il donnerait à ses fils. À propos d’Arlette, il sait qu'elle ne manquera pas de soupirants parmi les marchands de Falaise. Il n’aura pas de mal à la marier.

    La foudre, alors, n'aurait pas fait plus d'effet sur maître Herbert que la nouvelle apportée par ce jeune baron qui se tient maintenant devant lui, dans sa maison...

    — Messire Robert, notre comte, requiert ta fille Arlette auprès de lui. Si tu ne t'y opposes, je viendrai la chercher sans faute, à pareille heure, après-demain.

    Herbert est devenu cramoisi. Le messager parti, c’en est trop, il éclate ! Comment ce gringalet - fut-il son seigneur - peut-il ainsi venir contrecarrer tous ses plans !

    — Prendre ma fille ! Et sans même avoir proposé le mariage ! Ah non ! Décidément, le comte - et j’en fais ici le serment - n'aura pas ma petite Arlette !

    Et puis, la colère enfin s'apaise. Après réflexion, le pelletier recule. Il n'est pas bon de s'opposer à la volonté du comte. Robert d'Exmes est puisant. Ne se permet-il pas déjà de tenir tête au duc de Normandie son frère ? Un refus pourrait signifier la ruine, à tout le moins, pour un modeste bourgeois… La ruine et peut-être, en outre, un séjour indéterminé dans quelque cul de basse-fosse.

    À cet instant désemparé, maître Herbert en appelle à sa femme.

    — Il faudrait demander conseil à ton frère, l'ermite, lui répond-elle. Il est sage et saura bien te dire à l’occasion ce qui est bon pour nous.

    — Tu as raison. Les clercs ont bien plus de savoir, assurément, que nous autres, pauvres tâcherons.

    C'est dans la forêt de Gouffern, où celui-ci vit en reclus, que le père d'Arlette entrevoit le moine Egbert. Il expose ainsi la situation sans préambule au saint homme. A-t-il raison ? Peut-il aller contre la volonté du comte ?

    — Assurément, ce n'est pas ton intérêt... Ni celui de ta fille. Il faut que tu songe aux unions passées contractées par nos ducs et leurs enfants. Ta fille engendrera des princes, ne l'oublie pas. L'honneur en rejaillira sur toi, mais aussi sur la population de Falaise entière, et cela probablement pour des années. Quant à Dieu, dans cette affaire, il a voulu réunir ces enfants. Qui donc aurait le front de s'opposer à la volonté divine ? Elle vaut mille fois plus que celle d'un comte, ou d'un duc éventuellement, car il te faut penser que Robert est d'âge à pouvoir succéder à son frère.

    Le bourgeois de Falaise est convaincu. Bientôt de retour en sa demeure, il fait appeler sa fille afin de l’informer de la volonté du comte. L'embarras lui serre le gosier, l'embarras et même un peu de honte.

    Arlette est là maintenant, devant lui. Arlette fraîche et joyeuse. Il faut tout lui dire. Elle est encore si jeune ! N'est-il pas en train de la donner en pâture à un maître avide ?

    — Ma chère fille ! heu... heu... notre sire le comte... heu... te fais demander... auprès de lui.

    — Mon père, je suis votre enfant et je n'aurais garde de vous désobéir !

    Délicieuse Arlette ! Elle est encore toute rougissante et ses yeux pétillent ! Son gentil cœur de petite femme aimante ayant compris qu'elle est aimée bat toujours une chamade folle. Son pauvre père ne s'est aperçu de rien. La jouvencelle aurait voulu l'embrasser, chanter, crier sa joie, mais elle jouera jusqu'au bout son rôle, en fait par jeu, tout simplement parce qu’elle est encore une petite fille. Elle a donné son cœur à Robert en secret, mais n'avait jamais pensé pouvoir ainsi le lui offrir, au vu et au su de tous.

    Le grand jour est arrivé ! La jeune Arlette, à présent, doit se rendre au château. Des sentiments mélangés la parcourent tout entière. Ils sont fait d'un peu d'inquiétude et de joie voluptueuse. Tantôt rêveuse et parfois toute excitée, la voilà devant sa toilette. Elle se pare à faire pâlir la nature. À ses côtés, deux servantes affairées sont en train de la coiffer. Ces femmes appliquées torsadent avec un soin méticuleux ses longs cheveux dorés, puis y. mêlent un fin ruban d'azur. Elles revêtent enfin la fiancée de ses plus beaux atours. Arlette est ainsi vêtue d’une longue chemise en fine lingerie, ceinte à la taille avec un cordon. La jeune fille - à sa grande satisfaction car elle est seyante à ravir - vient de la faire tailler tout exprès à ses mesures.

    Par-dessus la chemise immaculée, Arlette enfile une élégante pelisse de couleur grise à manches trois-quarts. Elle est bordée de fourrure aux reflets de jais.

    Merveilleuse Arlette, comme tu es exquise !

    — Arlette ! Le cavalier qui doit te conduire au château vient d'arriver !

    — Mon Dieu ! Mon Dieu ! Je ne suis pas prête ! Freydia ! Thorilde ! Dépêchez-vous !

    Devant son miroir, Arlette entrevoit mille imperfections. Pourtant, le miroir est tout resplendissant de sa fraîcheur et de sa beauté. Lorsque l'écuyer du comte aperçoit la demoiselle, il ne peut s'empêcher de laisser paraître immédiatement son admiration. Celui-ci la complimente alors, avant d’expliquer qu'ils attendront la nuit tombée pour entrer dans le château. De cette façon les mauvaises langues n’auraient pas le loisir de s'en mêler.

    — Suis-je une maîtresse ? Suis-je une catin ? s’exclame Arlette. Suis-je une vile chambrière pour être ainsi conduite au comte Robert ? Je me rendrai à lui au grand jour et en grand arroi, ou je n'irai pas. Je suis aimée du comte et je l'aime, ce dont je suis fière. Tout le monde peut le savoir ! Je n'en ai nulle honte.

    Le messager soudainement embarrassé se précipite aussitôt chez son maître afin de lui faire part de ce contretemps. Il est bientôt de retour. Arlette se rendra au château en sa compagnie, toute toilette au vent, portée par le plus beau cheval de Robert. Elle entrera par la grand’ porte et les gardes lui feront la haie.

    Robert se tient dans une petite salle voûtée que le soleil illumine encore. La pièce et richement décorée de tentures précieuses et de peintures murales. Il y a là plusieurs coffres multicolores ainsi que des luminaires ainsi qu’une grande couche où sont éparpillés des coussins douillets pour achever le décor.

    Robert attend.

    Le jeune prince est tenaillé par l'angoisse. Arlette va-t-elle enfin venir ? Il a l'impression de l'attendre ainsi depuis si longtemps ! Pourtant, peut-il être certain qu'elle viendra. Robert en est convaincu comme il l’est de la vérité de leur amour. Elle lui a donné de tels sourires ! Ils ne pouvaient mentir. Mais quand donc arrivera-t-elle ?

    Des bruits dans l'escalier ! Des voix ! La porte s'ouvre lourdement ! Le comte a tout à coup l’impression de sentir son cœur s'arrêter.

    Elle est là ! Demoiselle Arlette est venue !

    Fasciné, Robert considère la jeunette. Elle se tient là, sur le seuil, avec son plus délicieux sourire. Alors, Arlette avance à pas mesurés vers lui. Le garçon aussi s'avance. Ils ont les yeux rivés. Les voici maintenant tout près l'un de l'autre. Un peu timidement, le jeune homme ouvre les bras. La jouvencelle au cœur palpitant s'y précipite. Elle n’a pas hésité, pas un seul instant !

    Cœurs qui battent à l'unisson, vous seuls pouvez comprendre.

    Comme ils sont merveilleux, les premiers baisers ! Qu'importent les paroles ! À l’entrée de la nuit, l'infini appartient aux amoureux.

    Robert et son amie passent ainsi la soirée, de concert. Ils parlent, ils rêvent, ils sont heureux. Tant de choses à partager !

    La nuit est bientôt noire. On aperçoit des millions d'étoiles en train de scintiller dans l'embrasure de la fenêtre. Robert s'est allongé. Arlette, dans la lueur dansante d'un luminaire, ôte avec une grâce infinie sa jolie pelisse. Elle n'est plus revêtue que de sa chemise et dénoue lentement le cordon. La chemise est ouverte de haut en bas, dévoilant au jeune homme les plus purs attraits de la création.

    Robert alors s'étonne. Pourquoi cette chemise est-elle ainsi fendue ?

    — Mon doux sire, il ne saurait être question que cette chemise, ayant touché mes pieds, puisse à présent souiller votre bouche.

    Se peut-il que femme se soit si parfaitement donnée ? Robert enlace le gentil corps qui s'offre à lui, prouvant sa gratitude en offrant à la jeunette un océan de tendresse.

    Il ne reste plus qu'un flot de soupirs alors que s'éteint la dernière bougie.

    À présent, la lumière entre peu à peu dans la chambre avec la fraîcheur matinale, infiniment agréable. Un petit matin d'été commence, un petit matin de rêve égayé par le florilège musical de mille oiseaux.

    Le comte Robert sommeille ! Est-il réveillé ? Dort-il encore ? Il se retourne sur sa couche avec un grognement langoureux. Dès lors, il sent contre sa joue la peau tiède, douce et satinée d’un petit sein frémissant. La conscience alors lui revient peu à peu, tandis que ses doigts vagabonds viennent aussitôt le couvrir d'une caresse très tendre. Dans un long soupir, Arlette s'étire longuement puis elle vient se blottir tout contre son jeune amant, encerclant son cou de ses deux bras. La jeune épousée ouvre doucement ses beaux yeux ensommeillés.

    — Mon bel ami, j'ai fait cette nuit un rêve étrange.

    — Ma chérie, conte-le moi s'il te plaît !

    — En vérité, j'ai rêvé qu'un arbre immense était issu de mon ventre. Il ombrageait la Normandie tout entière et l'Angleterre aussi par-delà la mer.

    Au printemps de l'année suivante, un petit Guillaume est né… Mais c’est une autre histoire !

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    Croisière de rêve

    Le Havre était depuis le matin pris par une fièvre assez rare en ce pays flegmatique et mesuré.

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