Les chemins de paradis
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À propos de ce livre électronique
Partir en randonnée pour le plaisir de marcher tout en s’oxygénant, c’est excellent ! Partir en randonnée pour, en plus, aller à la découverte de lieux mythiques et s’enrichir ainsi l’esprit, c’est encore mieux !
L’attirance qu’exerce le Mont-Saint-Michel depuis plus de treize siècles a drainé des foules immenses en provenance de tous les horizons de la chrétienté. Peu à peu, les flux ont imprimé leur marque dans le sol pour former des itinéraires précis, les chemins Montais, que les pèlerins nommèrent bientôt les chemins de paradis.
De nos jours, avec le développement du goût pour la randonnée, l’action d’associations, l’on redécouvre ces chemins qui conduisent à la Merveille et le cheminement prend de la sorte une tout autre dimension.
Bruno Robert des Douets
Bruno Robert est auteur, essentiellement romancier, après avoir été bibliothécaire de l’État aux universités de Caen et du Havre.Il a été Président de l'Office de documentation et d'information de Normandie, et a fait la promotion de l’édition normande pendant plusieurs années au salon du livre de Québec. Il a été membre de la Société des écrivains normands.Bibliographie :Romans et nouvelles- 1000 ans sous les pommiers, Condé-sur-Noireau, éditions Charles Corlet, 1981 (nouvelles) ;- Fin de jeu, Paris, Téqui, coll. Défi, 1998 (roman jeunesse, historique) ;- Une rose de sang, Paris, Téqui, coll. Défi, 1999 (roman jeunesse, historique, suite du précédent) ;- Snorri, le fils du Viking, Paris, Téqui, coll. Défi, 2005 (roman jeunesse, historique) ;- L’Enseigne du Soleil Royal, Paris, Téqui, coll. Défi, 2007 (roman jeunesse, historique).- Normandie légendaire - histoires courtes, Smashwords edition, 2013 (collection de contes et nouvelles en mode ebook) ;- Le secret du manuscrit perdu, Aventures à la ligne, 2013 (polar médiéval/première enquête) ;- Des ombres et la lumière, aux éditions Delahaye, 2013, coll. Signe de Piste (roman historique - aventures en Russie) ;- Les survivants de Sébastopol, aux éditions Delahaye, 2014, coll. Signe de Piste (roman historique - aventures en Crimée) ;- Normandie, croisière de rêve ou cauchemard ?, Aventures à la ligne, 2014 (thriller).- L'énigme du vaisseau fantôme, Aventures à la ligne, 2014 (polar médiéval/deuxième enquête).Essais et documents- Randonnées sur les chemins de paradis, aux éditions Charles Corlet, 1984 (guide historique et géographique) ;- Dans le vent, la grande Histoire des scouts marins, aux éditions Artège, 2010 ("digest" historique).Inédits (je suis ouvert aux offres de nouveaux éditeurs)- Comme un soleil au coeur de la nuit (roman historique médiéval) ;- Petite vitesse (roman jeunesse - aventures).En chantier- Troisième opus de la trilogie russe ;- Polar médiéval (troisième enquête).En projet- Polar médiéval (six autres enquêtes) ;- Regards croisés Est-Ouest (document sur l'ex URSS et la société occidentale).
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Aperçu du livre
Les chemins de paradis - Bruno Robert des Douets
Avant Propos
Dans le courant du XXe siècle, l'évolution de la société conduisit bien trop souvent les hommes en dehors de leurs rythmes naturels. Il en est de même en ce début de XXIe siècle. Cela se vérifie tout autant pour l'esprit que pour le corps.
Par bonheur, la société peut prendre conscience elle-même de ses besoins fondamentaux, de manière à s'assurer l'équilibre indispensable à la continuité et au rayonnement d'une civilisation.
Depuis quelques années, nous pouvons observer des phénomènes intéressants qui vont dans ce sens. Il y eut d'abord un certain retour à la nature. Une société d'essence rurale avait été déracinée par les grands mythes du modernisme. Elle éprouvait soudain le besoin de se retremper dans la réalité de ses origines. À présent, le retour à des valeurs spirituelles est de plus en plus patent. Le monde écrasé par le matérialisme est en train de découvrir qu'il souffre d'un manque de transcendance. Après des décennies de nivellement par le bas, pour ne pas dire de rejet systématique de toutes les valeurs, il nous faut répondre à des appels irrésistibles en vue d'une élévation de l'esprit. Notre monde a trop longtemps méprisé la spiritualité. Victime de formes de pensées nihilistes, il l'a même en vérité dénigrée. Cependant, celle-ci répond de toute manière à des besoins réels et profonds de la condition humaine. Le besoin d'absolu pour l'âme est aussi nécessaire à celle-ci que l'oxygénation pour le corps.
Oxygénation du corps, oxygénation de l'esprit, c'est ce retour aux rythmes vitaux les plus profonds qui se trouve ici proposé sous la forme de découverte de soi sur les chemins de Paradis. La marche qui n'est jamais qu'un moyen prend de cette manière une tout autre dimension. Elle se découvre un but.
Élévation de l'esprit, tel est ce but. Pour cela, les centres d'intérêt ne manquent pas tout au long des Chemins Montais. L'effort physique, avec la redécouverte des bienfaits de la nature, est accompagné par un fantastique enrichissement personnel apporté par une telle démarche. À cela viendra s'ajouter, pour un certain nombre, l'aspect religieux comportant de multiples acquisitions spirituelles en surcroît.
Fait logique, quoiqu'un peu surprenant dans un monde où règne autour de nous le scepticisme le plus grand, c'est la jeunesse qui est la plus assoiffée de ce type de projet.
La jeunesse n'a pas fini de nous surprendre… et de nous apprendre.
Bruno Robert des Douets
Il est peu d'endroits dans le monde qui donnent une pareille impression de spiritualité et d'aspiration vers le ciel.
Émile Mâle, de l'Académie Française
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1300 ans de pèlerinages
C'est au IVe siècle qu'a commencé l'histoire chrétienne au Mont-Saint-Michel, avec l'évangélisation de la contrée. Site druidique auparavant, ce lieu privilégié situé juste au cœur de l'ancienne forêt de Scissy devait séduire de pieux anachorètes ayant fait de ce lieu le séjour de leur vie de prière. À leur suite, les grands ermites que furent Saint Gaud, Scubillion et Saint Pair, ainsi que Saint Sénier, ont laissé de vivantes et nombreuses traces un peu partout dans la région. Dès lors, la réputation du Mont ne fit que grandir. Cela jusqu'au jour de 708 où Saint Aubert, l'évêque d'Avranches alors, reçut en songe l'idée de le consacrer à l'Archange Michel. L'année suivante, le 15 octobre, il dédicaçait le sanctuaire de Saint Michel.
On dit que Childebert, Roi Mérovingien, s’y rendit en pèlerin dès l'an 712, mais le pèlerinage existait déjà sûrement depuis plusieurs années. Il faudra pourtant patienter jusqu'à l'année 867 pour trouver le premier pèlerin connu qui soit attesté par une charte. Il s'agit d'un dénommé Bernard né en Francie qui dans la foulée poursuivit son cheminement jusqu'à Rome et même à Jérusalem. À partir de cette date, les témoignages affluent, prouvant la notoriété déjà très grande, acquise à ce moment-là par le sanctuaire de l'Archange.
Il faut dire que le site du Mont s'y prêtait déjà merveilleusement. Tout dans ces lieux prédispose à la prière et à 1'élévation de l'âme, particulièrement la qualité de la luminosité que crée la réfraction des rayons du soleil en raison de 1'atmosphère humide. Au lever du jour, à l’approche du couchant, c’est sublime ! La rumeur alors transforma peu à peu cette luminosité en nuée miraculeuse au sein de laquelle serait descendu des cieux celui qui Archangele est d'amunt del Ciel e dreit provost de paradis ainsi que l'écrivit plus tard Guillaume de Saint-Pair - un religieux du Mont – dans le savoureux langage normand du XIIe siècle.
Le pèlerinage s'accroissait de plus en plus. Il s'accrut à un point tel qu'il fallut effectuer les premiers agrandissements de l'édifice. On établit aussi les premiers maillons de la vaste chaîne que constitua l'organisation hospitalière, chaîne qui jalonna peu à peu les itinéraires Montais, tel l'hospice de Genêts vers 875. C'est de cette époque aussi que date l'implantation du village et de l'église paroissiale du Mont-Saint-Michel.
Toute cette période fut aussi celle de la conquête normande. L'installation des Scandinaves en Normandie ne freina cependant pas l'attrait qu'exerçait le Mont-Saint-Michel. Bien au contraire, elle ne fit que l'accentuer. D’ailleurs, les premiers ducs normands s’en feront les promoteurs les plus efficaces.
En 966, à l'initiative de Richard 1er, duc de Normandie, une communauté de moines bénédictins vint prendre la relève des chanoines de la première heure. La vie chrétienne s'intensifia de ce fait, renforçant la popularité de l'abbaye. Par ailleurs des événements miraculeux entretenaient la notoriété du Mont, telle cette vision d'embrasement qu'eut un jour l'évêque d'Avranches, Norgod. Telle aussi cette aventure d'une jeune femme de Lisieux prise au milieu des grèves par la marée et par les douleurs de 1'enfantement, jeune femme que le flot épargna tout autant que son nouveau-né.
Malgré tout, la plupart des pèlerins qui se rendaient au Mont le faisaient Orandi Causa, c'est-à-dire en vue d'acquérir l'état de grâce ou la force de s'y maintenir. La formule est fréquente dans les textes. Et pour cela, Saint Michel, défenseur de la Vierge et de l'Enfant, vainqueur du Dragon et de ses démons (Apocalypse XII, 7) se révèle le plus solide des protecteurs. Le Mont-Saint-Michel, de tout temps, c'est le pèlerinage de la Rédemption.
Ces pèlerins qui affluaient vers le Mont venaient de tous les coins de la Chrétienté. D'abord originaires de France, de Bourgogne, du Berry - il descendra grand abundance de Micquelotz des montaignes de Savoye et de Auvergne (Rabelais) - ils vinrent bientôt d'Alémanie, de Bavière, d'Italie, des Pays-Bas, de Rhénanie, d'Angleterre, d'Alsace et de plus loin encore.
Ces pèlerins qui se pressaient vers le Mont appartenaient à toutes les couches sociales. On y rencontrait tout aussi bien le simple bûcheron que le puissant baron, le riche laboureur, l'orfèvre et l'artisan charpentier. On y pouvait aussi, parfois, rencontrer les plus illustres princes de la Chrétienté. Il faut en particulier citer le duc de Normandie Richard II, surnommé le bon. Ce dernier vint quelques années avant 1008, choisissant d’ailleurs ce lieu pour y célébrer ses épousailles avec Judith de Bretagne. Il fut suivi par son héritier, Robert de Normandie, qui profita de l’occasion pour y rencontrer le comte de Bretagne, Alain III. L’arrière-petit-fils de Richard, fils de Robert, était Guillaume, le futur Conquérant. Il s'y rendra vers 1066, ainsi qu'on peut le voir sur la toile de Bayeux. En 1158, le roi de France Louis VII, qui y était déjà venu en pèlerinage deux ans plus tôt revient au Mont pour y rencontrer Henri II, duc de Normandie et roi d'Angleterre. Reçus avec magnificence par l’abbé dom Robert de Torigni, les deux monarques étaient accompagnés de l'archevêque de Rouen, de deux cardinaux qui deviendront plus tard papes et de cinq abbés. Des années plus tard, le roi de France Philippe IV, surnommé le bel, y vint à son tour. Cela se situait vers 1290. Il est rapporté qu'il fit présent au monastère d'une statue couverte d'or.
Parallèlement, des multitudes de pèlerins plus modestes arrivaient de l’Europe entière. En 1333, tous les habitants d’un village se décident à partir pour le Mont, entraînant son curé sur leurs pas. Dans le Thalamus parvus, on en cite encore en 1393. Cependant, c'est à partir de la première moitié du XIVe siècle et surtout durant tout le XVe siècle que les témoignages se sont multipliés. Ainsi sait-on qu'un évêque allemand vint lui-même au Mont en 1424.
L'influence de l'archange a toujours été grande sur la foi des puissants. Le cas de Guillaume le Conquérant est l'un des plus significatifs à ce sujet. Ne choisit-il pas le jour de la Saint-Michel, malgré l'équinoxe, pour franchir la Manche en vue de sa conquête de l'Angleterre ! Une telle influence, le réseau très élaboré de voies de communication que formaient les chemins montais devait la véhiculer sur l'Europe entière, mais ce réseau ne servit pas qu'à cela. Indirectement, il diffusa la culture de l'État normand qui se trouvait alors très en avance sur ses voisins. L'art, l'architecture, se sont ainsi répandu sur le reste de l'Europe et cela jusqu'à influencer la construction d'édifices aussi prestigieux que Notre-Dame de Paris (façade harmonique normande) ; jusqu'à donner une part prépondérante au normand parmi les langues du domaine d'Oïl dans la construction de la future langue française ; jusqu'à diffuser des idées aussi nouvelles pour l'époque que l'abolition du servage.
Les Chemins Montais, ainsi, ne furent pas moins que le véhicule de l'essor et de la vitalité d'une part considérable des pays d'Europe et de la France en particulier. À l’approche du siècle des grandes découvertes, on voit venir au Mont des pèlerins d’un autre style. Ainsi cet Arnold von Harff, voyageur et ethnologue originaire de Cologne arrivant au Mont-Saint-Michel vers la fin de 1499. Il y aura plus tard, en septembre 1607, Marc Lescarbot qui était un compagnon de Champlain, avocat et écrivain, de retour du Canada. Le Roi François Ier y avait été reçu précédemment de façon somptueuse. Il est à noter ici le rôle joué par l’abbé du Mont, Jean le Veneur - il deviendra cardinal - à cette époque dans la préparation des voyages au Canada. Il présenta et recommanda en effet Jacques Cartier à François Ier à l'occasion d'un pèlerinage que le Roi fit à l'abbaye du Mont-Saint-Michel en mai 1532. Tenant la promesse qu'il avait fait au Roi à cette occasion, Jean le Veneur allait participer de ses propres deniers aux frais du voyage de Jacques Cartier au futur Canada. De plus il lui fournit les aumôniers du voyage en les choisissant parmi les moines de l'abbaye du Mont-Saint-Michel.
Le pèlerinage privilégié des enfants
De tous les pèlerins du Mont, ces pèlerins que les Normands surnommèrent les Miquelots, les plus attachants sont incontestablement les enfants. Venant presque toujours de leur propre initiative, parfois même contre la volonté de leurs parents, ces tout jeunes pèlerins dont les cadets n'avaient pas huit ans, dont les aînés ne dépassaient guère la vingtaine, se constituaient le plus souvent en groupes d'une trentaine de membres appartenant à la même paroisse ou à la même région. Ils partaient brusquement, comme sous la pression d'un appel irrésistible, et se rendaient au Mont pour y faire leurs dévotions, puis rentraient chez eux quelques semaines ou quelques mois plus tard. Certains d'entre eux restaient en chemin, faisant souche. Bien des gens d'aujourd'hui dont le patronyme s'apparente à Miquelot sont descendants de ces pèlerins-là.
Le mouvement de ces pèlerinages d'enfants prit son essor avec le commencement de la guerre de Cent Ans. Ils venaient souvent de Liège et