Summer Lodge
PREMIÈRE PARTIE Chapitre premier
Sherry regarda Tim Haulighy et haussa les épaules. Jamais elle ne l’avait vu aussi décoiffé. Depuis deux jours au moins, le peigne n’avait pas glissé dans son abondante chevelure rousse que le vent finissait d’emmêler… Tim était un rêveur. Il se perdait beaucoup plus souvent dans la contemplation des mouettes qui venaient se poser sur les rochers à fleur d’eau, d’un coucher de soleil sur la lande ou d’une aurore blonde, qu’il ne se souciait de son aspect physique. Prenait-il conscience du charme qui, malgré tout, se dégageait de sa personne? Il faisait comme s’il l’ignorait. Et peut-être l’ignorait-il, en effet.
Charme était d’ailleurs un mot peu approprié. La carrure du garçon, son air franc contrastaient avec son regard timide et doux, ses manières gauches. Il respirait la santé. Aucun tourment ne devait harceler ce front court où les sourcils fournis, moins rouges que ses cheveux, exprimaient si bien l’étonnement, l’irritation, la béatitude.
Fils de l’intendant de Summer Lodge, Tim Haulighy évoluait dans le sillage des sœurs Trebbleton. Maureen le traitait avec condescendance, mais Sherry, elle, trouvait quelque attrait à sa compagnie. Camarades d’enfance, ils ne s’étaient guère quittés jusqu’à ce jour, et ne se souciaient pas de ce qui les séparait : un nom, un château, des terres…
Hélas ! au cours des dernières années, Sherry avait vu les biens de sa famille se disperser peu à peu. Il n’en restait maintenant plus rien, « rien, songeait-elle avec violence, sauf Summer Lodge… » Mais, même ruinés, les Trebbleton demeuraient au-dessus de ceux qui, riches et considérés, tentaient de donner le ton. Et si l’on vivait très chichement au manoir, le seul fait d’habiter les murs ancestraux effaçait ce que cette pauvreté avait de dégradant.
De chaque côté du sentier que les jeunes gens suivaient, l’aubépine en fleur formait une haie d’honneur. Son parfum suave embaumait l’air. À quelque vingt yards de là, la falaise plongeait à pic dans la mer dont on entendait le grondement sourd, incessant comme la fuite des heures.
dix-huit ans, Sherr y prenait conscience de ce temps qui s’écoulait.
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