Tout le monde tout nu !
Par Vivianne Moreau
()
À propos de ce livre électronique
Depuis six mois, je file le parfait bonheur auprès de Lennon. Beau, drôle, attentionné, généreux, il a décidément toutes les qualités. Sauf qu’il a « oublié » de m’informer d’un minuscule détail : toute sa famille passe ses étés nu-fesses dans un camping naturiste. Incluant lui.
Quand je l’apprends, je panique légèrement. Est-ce un voyeur ? Un détraqué sexuel ? Je m’en serais rendu compte si c’était le cas, non ?
Me voilà déchirée : je le laisse vivre ses week-ends tout nu sans moi, ou je l’accompagne au Domaine Clairevue, où je devrai également me déshabiller ?
Qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour ?
Vivianne Moreau
Détentrice d’une maîtrise en lettres et travaillant dans le milieu de l’édition depuis plus de vingt ans, Vivianne Moreau a contribué à des centaines d’ouvrages, que ce soit à titre de réviseure, de rédactrice, de traductrice ou de graphiste. Lorsqu’elle n’a pas un bouquin entre les mains, elle aime jardiner, restaurer sa vieille maison, cuisiner pour sa famille et faire du bénévolat. Aimer sans frontières est son cinquième roman jeunesse.
En savoir plus sur Vivianne Moreau
Entre cousines : Les funérailles Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEntre cousines: Les fiançailles Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEntre cousines: Les retrouvailles Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationKlepto (70) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Lié à Tout le monde tout nu !
Livres électroniques liés
Si les hommes viennent de Mars... qu'ils y retournent! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationFaire Un Triomphe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe vrai visage de l'amour: Mémoire d'une éperdue éconduite Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe jour où je me suis réveillée sous emprise Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne larme de Romanée-Conti Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEntre Deux Milliardaires: Entre Deux Milliardaires Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Jarne: tome 3 série ESQUISSES Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationFucking quarantaine Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationReading love – Welsie et Isaac Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe voisin d'à côté Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa petite fille au ballon rouge Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRévèle-toi - Tome 1: Romance Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEn Toi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCeci n'est pas une comédie romantique: Comédie romantique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe nouveau souffle d'une vie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSuspendu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEn amour avec Paris Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNos folies ordinaires Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Messager - tome 1: Thriller fantastique Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5EVERSEA: Une Histoire D'Amour: Eversea Français, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationFrissons sur la toile Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDouceur et sucreries Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe poids du mensonge (29) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Librairie Manquante: Tome 3 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNoëlle Deschambault Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHate me! That's the game! - Coup de foudre: Romance rock torride et addictive entre une fan audacieuse et une rockstar inaccessible Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Grogneux rempile: Une nouvelle aventure du commissaire Paul Berger Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation13 ans dans ses griffes: Histoire vraie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe destin d'une sentinelle - Tome 2: Sur les traces de la prophétie : Révélations et défis pour Alexandra Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Comédie romantique pour vous
L’Héritage : Tout ce qu’il Désire Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les Possédés Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTeste-moi si tu peux Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Rêves Érotiques 5 - Histoires Erotiques Très Chaudes: Dix Histoires De Sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Joueur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRêves Érotiques 4 - Histoires Erotiques Très Chaudes: Dix Histoires De Sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJ'ai l'intention d'être le partenaire idéal d'un tyran Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSecrets des coeurs romantiques Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTout ce qu’il désire (L’Argent de mon Lait) Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Rêves Érotiques 7 - Histoires Erotiques Très Chaudes: Dix Histoires De Sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDes Frères en Uniforme : Noël Chez la Famille Bryson: Des Frères en Uniforme, #4 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn Démon et sa Sorcière: Bienvenue en Enfer, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRêves Érotiques 3 - Histoires Erotiques Très Chaudes: Dix Histoires De Sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes de sagesse: Au coin du feu comme au coin de la rue Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Quête du Lion: Le Clan du Lion, #12 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPrise Dans Les Glaces: Agence de Rencontres Paranormales, #7 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSex&love.com: Petite parodie des sites de rencontres ! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationQuand Un Oméga Craque: Le Clan du Lion, #3 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationQuand un Alpha Ronronne: Le Clan du Lion, #1 Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Quand un Lion Rugit: Le Clan du Lion, #2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJack O'Lion: Le Clan du Lion, #15 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur Tout le monde tout nu !
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Tout le monde tout nu ! - Vivianne Moreau
Chapitre 1
Lennon respire doucement à mes côtés, apparemment insensible aux rayons du soleil qui s’infiltrent par la fenêtre. Il a épinglé un drap foncé par-dessus le cadre de fenêtre pour m’accommoder, mais ça prendrait des rideaux vraiment opaques pour empêcher ma cervelle de s’éveiller en même temps que les oiseaux. J’ouvre un œil en direction de la source de lumière et je me retourne en soupirant, convaincue que je n’arriverai pas à me rendormir. J’en profite pour espionner mon chum, tellement séduisant avec sa barbe matinale et ses cheveux mi-longs en bataille répandus sur l’oreiller. Ça fait seulement quelques mois qu’on est ensemble et je me pince encore chaque matin.
Il se tourne vers moi, et le drap chute par terre, dévoilant sa nudité. Mon premier réflexe est de fermer les yeux, par pudeur… mais au fond, il n’y a rien de mal à me rincer l’œil. Je soulève une paupière à demi. Incroyable ! Comment fait-il pour dormir comme ça, exposé aux courants d’air, aux mouches, aux regards ? Je détaille le haut de son épaule, où je repère le creux sexy formé par les muscles saillants autour de sa clavicule, puis mon œil glisse jusqu’à son thorax superbement découpé. Comme il est beau…
— Bonjour, mon amour, me murmure-t-il d’une voix enrouée, les paupières closes.
Oups ! M’a-t-il surprise en flagrant délit de voyeurisme ? Ses yeux gris s’ouvrent et croisent les miens. Il me sourit et dépose un bras sur ma hanche. Il m’enlace plus fermement et tente de réduire l’espace entre nos corps, ses lèvres tendues vers les miennes. Houlà ! Je place une main paniquée sur ma bouche, puis mon autre paume contre son torse pour le maintenir à distance.
— Hé ! J’ai mon haleine du matin…, marmonné-je en prenant soin de ne pas trop respirer.
— Pas grave ! insiste-t-il.
Je secoue résolument la tête. Pas question de frencher dans ces conditions ! Il abandonne la partie, non sans planter d’abord un bisou sur le revers de ma main, puis il saute en bas du lit.
— Bien dormi ? me demande-t-il en étirant les bras au ciel, m’exposant toute sa virilité.
Il fait tressauter ses sourcils de manière suggestive, sans doute une allusion au réveil nocturne dont j’ai été la victime fort consentante.
— Oh oui…, réponds-je, rêveuse.
Je lui souffle un baiser. Il l’attrape en ouvrant la porte de la chambre, puis il se dirige vers la salle de bain.
— Salut, bro ! En forme ? l’entends-je claironner tandis qu’il s’éloigne dans le corridor.
Je lève les yeux vers le plafond, à la fois irritée et amusée. Il est huit heures du matin ! Qu’est-ce que son frère fout ici ? Sacré Marley ! Il a beau habiter en haut (Lennon et lui partagent ce duplex, situé à Sainte-Anne-de-Bellevue), on croirait plutôt qu’il vit ici, au rez-de-chaussée. Il y a trois jours, je l’ai surpris à minuit en train de se faire un sandwich, debout devant le frigo ouvert, pigeant à mains nues dans les pots et les emballages. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne s’installait pas sur le comptoir avec une assiette et des ustensiles, il m’a répondu qu’il ne voulait pas s’incruster. Pfft ! Des fois, je me demande s’il fait exprès ou s’il ignore réellement qu’il dérange. Je ne peux même pas péter en paix, il est tout le temps ici !
Comme j’ai toujours peur de tomber sur lui, je me suis mise à verrouiller les serrures aussi compulsivement que si j’habitais un penthouse luxueux dans un quartier malfamé. Pas sûre que ce soit bien efficace, par contre, parce qu’il me semble que j’ai barré la porte hier soir… Bordel ! J’espère que Marley ne traînait pas dans l’appartement quand je chevauchais Lennon cette nuit !
Je balance mes jambes par terre, puis attrape la robe de chambre suspendue au montant du lit. Si je dois croiser mon beau-frère dans la cuisine, j’ai intérêt à me couvrir.
Je m’aventure dans le couloir en souhaitant que la salle de bain soit libre. Chemin faisant, je fais attention où je pose les pieds ; Lennon n’a pas rangé les outils qu’il utilise pour décaper les moulures. C’est un projet à long terme… Je dirais même : à terme « imperceptible à l’œil nu ». À terme « un moment donné ». À terme « pas dans ce calendrier ». Pour l’instant, seuls le cadre de porte pelé et le ruban à masquer vert qui protège le plancher témoignent de l’avancement du chantier. Ça risque de prendre plusieurs années, au rythme où ça progresse.
Malgré mes précautions, je m’enfarge sur un ciseau à bois en lâchant une série de jurons pas très élégants. Mon chum m’interpelle de la cuisine :
— Rox ? T’es-tu correcte ? Viens nous rejoindre !
— Euh… je m’en allais prendre ma douche…
— Plus tard ! On a une surpriiis-e ! chantonne Marley.
Piquée par la curiosité, je m’avance en boitant jusqu’à la cuisine, où Lennon me tend un panier en osier.
— Marley et moi, on a organisé une chasse aux cocos !
— Hein ? Comment ça ?
— Parce que c’est Pâques, voyons ! C’est une tradition chez les Turner.
— Pétunia est là ? supposé-je en cherchant la fille de Lennon des yeux.
C’est la seule explication logique qui me vient. Après tout, j’ai passé l’âge de croire à Coco Lapin.
— Non, la chasse est juste pour toi !
Les deux gars ont l’air plutôt fiers de leur coup. Ce brin de folie me déstabilise et m’envoûte tout à la fois.
— Ben là ! C’est donc le fun ! m’extasié-je comme une gamine surexcitée.
— Allez, vas-y, m’encourage mon chum en plaçant le panier entre mes mains. Je vais te préparer un café en attendant.
— Ah, t’es trop sweet ! le remercié-je en lui faisant un câlin.
Le sourire fendu jusqu’aux oreilles, je me mets en quête des chocolats. Je suis tout simplement ravie.
Sérieusement, hormis sa tendance à laisser ses projets de rénovation en plan et son indulgence envers son frère qui tente un peu trop souvent de péter notre bulle, mon amoureux est parfait.
Saut d’espace temps.— Tu as une belle robe !
Je viens de faire ce compliment à l’adorable Pétunia, bien installée dans son siège d’auto. On l’a récupérée chez Marie-Soleil, sa mère et l’ex de Lennon, et on est maintenant en route vers le brunch de Pâques organisé par mes beaux-parents.
— Le mauve, c’est sa couleur préférée, pas vrai, ti-pet ? dit Marley, qui a pris place sur la banquette arrière à côté de sa nièce.
— Oui ! répond Pétunia en balançant ses mollets dodus de manière à faire rebondir les jolis froufrous de sa jupe de princesse. Mais maman dit c’est un costume d’« aween ».
Je craque ! Elle est si mignonne ! Je ne la connais pas encore beaucoup, ne l’ayant croisée que quelques fois. Elle ressemble énormément à son papa, avec ses cheveux châtains, sa fossette à la joue droite et ses yeux gris. Déterminée à m’en faire une amie, j’étire mon bras entre les sièges et entrouvre ma paume pour lui révéler trois cocos enrobés de papier d’aluminium.
— T’en veux un ?
— C’est quoiii ? gazouille la bambine en inspectant les friandises.
— Ben, des cocos ! Dis-moi pas que le lapin de Pâques est pas passé chez toi cette nuit ?
Pétunia me dévisage avec de grands yeux innocents. Lennon intercepte mon regard étonné devant l’incompréhension de sa fille.
— Euh… Pétunia a jamais mangé de c-h-o-c-o-l-a-t, épelle-t-il pour m’indiquer qu’il s’agit d’un aliment interdit.
J’arque les sourcils de surprise. Marley switche à l’anglais pour que les jeunes oreilles près de lui ne puissent comprendre :
— Yeah, her mother has banned sugar entirely. Miss Sunshine would totally cut Lennon’s balls off if she found out he gave their daughter chocolate¹ !
Malaise. Je referme précipitamment la main pour faire disparaître les sucreries. La dernière chose que je souhaite, c’est foutre le trouble entre Lennon et son ex (qui ne me porte déjà pas dans son cœur…) !
— Veux cocos ! se décide enfin Pétunia en tendant son buste vers l’avant.
Hi là là ! Je panique, ne sachant quoi inventer pour m’extraire de cette situation gênante.
— Tu veux un colleux ? réplique aussitôt Marley en faisant mine de n’avoir pas compris la requête de sa nièce. OK !
Il se penche vers Pétunia pour lui chatouiller les côtes. La petite rit à gorge déployée, oubliant bien vite les mystérieux cocos de Pâques. J’articule un « merci » silencieux à l’intention du beau-frère. Ouf, je lui en dois une !
— Désolée, dis-je tout bas à Lennon. J’avais aucune idée !
— Fais-toi-z’en pas, tu pensais pas mal faire, me rassure-t-il avec un sourire.
J’ai tout de même l’impression d’avoir commis un faux pas. J’en ai encore beaucoup à apprendre au sujet de Lennon et de sa famille, il faut croire. J’espère que je ne me mettrai pas trop les pieds dans les plats pendant le brunch !
Saut d’espace temps.— Reste assise, je m’en occupe ! clame Syd, mon beau-père, lorsqu’il entend la sonnerie du four.
Il se lève et quitte la salle à manger pour aller s’occuper du repas. Ce dernier est aux petits soins pour sa femme, Marjolaine, qui est sage-femme de profession et qui a passé une partie de la nuit debout. Elle raconte à sa sœur Louise l’accouchement auquel elle a participé hier, et qui s’est fini tard en soirée. Tandis que Lennon et Marley secondent leur père, je tends l’oreille, captivée.
— Le travail avançait pus, ma patiente était épuisée. J’y ai suggéré de prendre un bain, en espérant que ça y donnerait un répit des contractions douloureuses.
— Hon ! Je gage que ç’a débourré ? devine Louise, qui semble en savoir aussi long que sa sœur sur les grossesses et les accouchements.
— Ben quin ! confirme Marjolaine. Dix minutes après, elle était passée de sept à dix. Trois poussées plus tard, le bébé était sur le ventre de la mère. L’eau a même pas eu le temps de refroidir !
— Le bébé est né dans le bain ?! ne puis-je m’empêcher de m’exclamer.
Marjolaine hoche la tête.
— C’est une pratique courante en maison de naissance, me rassure-t-elle. Je compte pus les fois où un bon bain a fait débloquer le travail pis a empêché l’accouchement de finir à l’hôpital.
— Marjo a plus d’un tour dans son sac, soutient Louise en lançant un regard admiratif à sa sœur. Avec un peu de chance, elle va pouvoir t’accompagner, toi aussi. À condition que tu tombes enceinte avant qu’elle prenne sa retraite dans deux ans, ha ! ha ! ha !
Je force un sourire crispé. Euh… pas sûre que j’ai envie que ma belle-mère soit présente à mon accouchement ! Je l’aime bien et je suis certaine qu’elle est hyper compétente, mais il est hors de question que je me déshabille devant elle et que je la laisse insérer ses mains dans mon vagin !
Interprétant mon air traumatisé comme l’expression de ma terreur face à la possibilité d’avoir un bébé d’ici vingt-quatre mois, Marjolaine me tapote le bras et gronde Louise :
— Mets-y pas de pression ! Chaque chose en son temps.
Marjolaine recule sa chaise pour barrer le chemin à Pétunia, qui court sans relâche après Gustave, le gros matou roux des Turner. Elle saisit sa petite-fille à bras-le-corps et l’installe sur ses genoux.
— Allez, hop ! Viens donc faire un beau dessin à mamie.
— Non, veux minou ! lance Pétunia, qui se tortille pour se libérer.
Mon amoureux arrive sur les entrefaites en tenant une assiette de service à bout de bras. Il dépose devant nous une masse brunâtre piquée de clous de girofle, de tranches d’ananas et de cerises au marasquin, puis se place derrière ma chaise et enlace mes épaules. Le mari de Louise, assis face à moi, se bidonne de me voir jeter des œillades inquiètes en direction du plat de résistance.
— Tu te demandes c’est quoi ? me dit-il, taquin.
— On dirait un jambon ? me risqué-je. Ç’a l’air vraiment bon.
Bon, je ne gagnerai pas un Oscar avec ma face de fille hyper enthousiaste un peu fake, mais ils ne pourront pas dire que je ne suis pas polie.
— C’est un mock ham à base de seitan, intervient Marley, qui transporte un bol de purée de pommes de terre. Ma mère pis ma tante sont végétariennes.
— Comme Lennon, ajoute l’oncle.
Je lève la tête vers mon chum, étonnée d’apprendre qu’il ne consomme pas de viande. Il rectifie :
— J’ai recommencé à manger du poulet et des fruits de mer.
— Mais je nous ai fait des burgers au porc avant-hier ! dis-je, troublée.
— C’est pas grave, Rox. Marie-Sol est végétalienne pis elle avait décidé qu’on mangerait pus de protéines animales, mais j’ai jamais été à cheval sur les principes comme elle.
— Lennon est un caméléon, il s’adapte à tout, soutient affectueusement Marjolaine.
C’est vrai que Lennon est plutôt facile à vivre. Son oncle, qui ne semble pas trouver que cette souplesse constitue une qualité, se permet de philosopher :
— Quand on est un bon gars comme Lennon, faut faire attention de pas se transformer en carpette. Faut jamais perdre de vue qui on est, sinon on finit par se faire marcher dessus.
J’ai l’impression que c’est une mise en garde. Mais je ne suis pas comme Marie-Soleil ! Je n’ai aucune intention d’imposer quoi que ce soit à Lennon ! Je l’aime tel qu’il est.
Lennon resserre son étreinte autour de mes épaules et rassure sa parenté :
— Avec Rox, j’ai pas besoin de faire semblant d’être quelqu’un que je suis pas.
Syd revient à la table, portant un tablier fleuri bordé de dentelle et des mitaines pour le four assorties. Son accoutrement me fait sourire malgré moi. Il ajoute un plat de véritable jambon (fiou !) au festin et déclare le dîner servi. S’étant débarrassé du tablier et des mitaines, il retire ensuite ses bas en émettant un « ah ! » de contentement, puis verse à tous les convives une tasse de thé au jasmin. Personne ne relève ces excentricités, pas même Pétunia, qui souffle sur sa boisson chaude comme une grande habituée. Une enfant de trois ans qui boit du thé vert ? Eh bien, coudonc !
Pendant le repas, je deviens le point de mire. L’oncle et la tante me posent des questions en rafale, tentant d’en savoir davantage au sujet de mes intérêts. Lennon contribue à la discussion en mettant de l’avant quelques-uns de mes accomplissements.
— Rox est une super graphiste. Elle est vraiment douée pour organiser des visuels. En plus, elle fait du bénévolat à un marché bio, mentionne-t-il.
— Ah, pour vrai ? s’intéresse Louise. Qu’est-ce qui t’a donné le goût de t’impliquer ?
Je leur explique que c’est mon amie Sofia, déjà volontaire pour l’organisme qui chapeaute les marchés fermiers de sa ville, qui m’a initiée.
— C’est-tu la même Sofia qui travaille pour toi chez Détrak ? demande Marjolaine à son fils.
— Oui, elles ont continué à se voir après que Rox m’a remis sa démission, l’an passé.
On échange un regard entendu. Lennon a effectivement été mon patron avant d’être mon chum. Ce que la parenté ignore cependant, c’est que je suis partie parce que mon amour impossible pour lui était en train de me rendre malade. Je voyais bien que Marie-Soleil, avec qui il était encore en couple, le rendait profondément malheureux et je ne comprenais pas ce qui le poussait à rester avec elle. Être la confidente de Lennon et le soutenir alors que j’avais juste envie de lui crier par la tête de crisser Marie-Soleil là pour me donner ma chance, ç’a fini par devenir too much. J’ai donc mis fin à mon contrat chez Détrak, où je concevais des affiches de films (le rêve !), et j’ai accepté un poste chez DoomMedia, une compagnie qui imprime des circulaires. Maintenant, je positionne des prix sur des images de steak haché (quel cauchemar !). Mais c’est mon départ de Détrak qui a ouvert les yeux à Lennon, et qui lui a fait réaliser qu’il tenait à moi.
— Rox et Sofia font plein de choses ensemble, ajoute-t-il. En plus de leur bénévolat, elles jouent au volley les mercredis pis, la fin de semaine, elles préparent des recettes pour le blogue culinaire de Sofia.
— Wow ! Et tu travailles à temps plein ?! Où trouves-tu l’énergie pour accomplir tout ça ? s’extasie ma belle-mère.
Je me fais humble :
— Bah, le bénévolat au marché me tient occupée juste à partir de juin. Pour moi, l’été commence en même temps que l’arrivée des asperges. J’ai hâte !
— Hé, hé, t’es pas la seule qui attend le retour de la chaleur, commente le mari de Louise, en jetant aux parents de Lennon un coup d’œil lourd de sous-entendus.
— Eh oui, une nouvelle saison de camping est à nos portes ! se réjouit Syd.
L’oncle me considère de ses yeux mi-clos, l’air curieux.
— Et toi, Roxane… es-tu amatrice de camping ?
Il a beaucoup appuyé sur le mot « camping », ce qui me laisse croire que lui non plus n’apprécie pas du tout cette activité.
— Oh boy ! Jamais de la vie ! Ça m’attire pas paaantoute !
Je ris grassement pour conclure mon affirmation. Moi, dans une tente ?! Pfft !
Il semble satisfait par ma réponse, mais je constate soudain que les membres de la famille Turner fuient mon regard. J’espère n’avoir froissé personne avec mon opinion non nuancée ! J’ai dû leur donner l’impression que le camping était pour moi aussi plaisant qu’un arrachage de dent de sagesse sans anesthésie… Juste à penser aux moustiques, à la boue et au matelas de sol inconfortable, la princesse en moi pince les lèvres de dégoût.
Pour éviter de me mettre à dos mon beau-père, qui semble être adepte de ce mode de vie, je tempère mes propos :
— Remarquez, je suis vraiment mal placée pour parler. Peut-être que j’aimerais ça, si j’essayais… quoique, j’en doute sincèrement.
— Je comprends, je comprends, c’est pas pour tout le monde…, renchérit l’oncle en m’adressant une œillade de connivence. Marjolaine non plus était pas trop chaude à l’idée au départ. Astheure, la voilà convertie. Pas vrai ?
Cette dernière hoche la tête vigoureusement tout en nous observant, Lennon et moi. Mon chum entreprend alors de débarrasser en attrapant les assiettes à sa portée. Un malaise s’installe.
— Avez-vous faim pour du dessert ? demande finalement Marjolaine.
— Ouiii ! Veux dessert ! réclame Pétunia.
Je remercie silencieusement la mère de Lennon d’avoir changé de sujet, mais, pour ma part, cette conversation m’a coupé le peu d’appétit qu’il me restait après avoir goûté au faux jambon. J’examine mon chum à la dérobée, inquiète face à son comportement fuyant. J’aurais dû masquer un peu mieux ma répugnance pour le camping ! À présent, il n’osera jamais me proposer un séjour dans le bois. Et je n’ai pas envie qu’il moule ses goûts aux miens. Je ne suis pas comme Marie-Soleil.
Ce serait sans doute à moi de mettre de l’eau dans mon vin. Oui, j’aime mes petits conforts, mais je ne suis pas faite en dentelle. Il me semble que Sofia m’avait parlé d’un site où les tentes sont comme des chalets, pourvues d’électricité et d’eau courante… On est censées se voir samedi prochain. J’espère que mon amie, dont le seul défaut est d’aimer la randonnée et le camping sauvage, aura de bons conseils pour moi.
Chapitre 2
Je cogne deux coups et pousse aussitôt la porte d’entrée du jumelé où habite ma copine et ex-collègue, Sofia.
— C’est moiii ! Scuse mon retard, ç’a été l’enfer sortir de l’île par le pont-tunnel.
— Allô, Roxana ! Pas de problème, j’ai
