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En Toi
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Livre électronique233 pages9 heures

En Toi

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À propos de ce livre électronique

Je m’appelle Thomas Alderson, et le 14 novembre 1965, dans une verte plaine du Vietnam, je suis mort. J’avais tout juste vingt-quatre ans.
Puisque vous êtes là, puisque nous sommes seuls, installez-vous confortablement et offrez-moi quelques heures arrachées à la folie de votre quotidien. Permettez-moi de vous raconter comment l’Univers s’est joué de moi. Laissez-moi vous chuchoter mon histoire avant que les limbes de l’oubli ne l’emportent. C’est si fragile au fond, la mémoire…
Vous tenez entre vos mains les précieux souvenirs que le temps qui passe n’a pas encore pillés, le récit de l’Amour de ma vie. Un grand amour… Quoi de plus ordinaire en somme ? À ceci près que l’homme extraordinaire qui a bouleversé ma destinée s’appelle Adrian, et qu’il est né en 1989. Il a été tour à tour mon Paradis, mon Enfer, mon Purgatoire. Ma folle espérance d’être aimé. Ma deuxième chance d’y croire.
Alors laissez-moi vous confier la sensation de sa peau, l’émoi de son regard, l’ivresse de son corps, ces frémissements à portée d’âme, et cette certitude absolue : la mort n’était pas ma fin. 


À PROPOS DE L'AUTEUR


Gabriel Kevlec est un poète à la petite semaine, né au moins deux siècles trop tard, un pornographe romantique, un fou amoureux, entre folie douce ou folie furieuse. Il compose ses vers et ses phrases à la main, entre les portées des musées et les allées des morceaux de violons, ou alors est-ce l’inverse ?

LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie13 déc. 2021
ISBN9791038802490
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    Aperçu du livre

    En Toi - Gabriel Kevlec

    cover.jpg

    Gabriel Kevlec

    En Toi

    Romance érotique

    ISBN : 979-10-388-0249-0

    Collection : Alcôve

    ISSN : 2678-2553

    Dépôt légal : décembre 2021

    © couverture photo de Philippe Debieve pour Ex Æquo

    © 2021 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays

    Toute modification interdite

    Éditions Ex Æquo 6 rue des Sybilles

    88370 Plombières Les Bains

    www.editions-exaequo.com

    Préface

    Est-ce que L’Aventure de Mme Muir (Joseph L. Mankiewicz) et les Ailes du désir (Wim Wenders) vous parlent ? Si vous avez vu ces films, vous aurez une petite idée de certaines images qui me sont venues en tête lorsque j’ai lu ce troisième opus de Gabriel Kevlec. S’ils vous sont inconnus, je vous les conseille, mais seulement après avoir refermé la dernière page de ce livre. Parce qu’il est unique.

    En Toi est l’histoire de Thomas, tué au Vietnam, qui revient en âme et en pensées dans le monde de ceux en chair et en os. Devenu invisible pour le commun des mortels, il glisse à travers le fil du temps, pénètre la trame des êtres et apprend notre troisième millénaire. Lors de son voyage éthérique, la rencontre d’un papillon, joli guide doré, l’amènera vers celui qui donnera un sens à sa nouvelle « vie ».

    Je n’en dis pas plus, le reste, vous le découvrirez en tournant les pages.

    Envolez-vous au pays imaginaire de Gabriel Kevlec, non pas celui des Enfants perdus, mais celui où les mots ciselés sont rois, habillés de nuances écarlates, habités de poésie, nourris de douceur, entretenus par la passion et animés par la plume exceptionnelle de l’auteur.

    Envolez-vous avec Thomas et Adrian, écarquillez votre esprit, enroulez votre corps telle une liane autour de leurs instants, retenez votre souffle, souriez, pleurez, vibrez.

    Venez vous fondre dans l’écriture de Gabriel et vous aurez tout cela. Je peux vous l’assurer !

    Jeanne Malysa

    Prologue

    J’ai la tête pleine de ces mots, maintenant que je n’entends plus les siens…

    « Le plus beau jour de ma vie ».

    « L’amour de ma vie ».

    « Pour la vie ».

    Ces expressions existent dans toutes les langues du monde. Elles célèbrent l’amour, la réussite, l’engagement, avec pour toile de fond cette unité maîtresse de référence : la vie.

    Une vie humaine. À peu près quatre-vingts ans pour un homme. Vingt-neuf mille deux cents jours. Et sur ces quelques dizaines de milliers de fois où le Soleil s’est levé au-dessus de nous, certaines journées s’ancrent dans la mémoire. Façonnent notre histoire. Font de nous ce que nous sommes. Nous bâtissent. Nous détruisent.

    On ne sait jamais en se réveillant qu’aujourd’hui sera le jour le plus important de notre vie.

    On n’en prend conscience que lorsque la nuit tombe, lorsque des dizaines, des centaines de nuits sont tombées, lorsque vient le temps du bilan, le moment de se raconter à quelqu’un ou au silence.

    Pour moi, l’heure est venue.

    Puisque vous êtes là, puisque nous sommes seuls, et même si je n’ai pas révolutionné le monde ni fait d’immenses découvertes, même si je n’ai pas marqué la grande Histoire des hommes, j’aimerais vous confier mes souvenirs. Me raconter à vous. Vous conter, moi aussi, le plus beau jour de ma vie, l’amour de ma vie. Implacable, le temps pille mes souvenirs, mais je ferai de mon mieux pour ne rien oublier. C’est si fragile au fond, la mémoire…

    Toute histoire a un début. Une naissance. Un incipit. Je vais donc, si vous le permettez, commencer par le commencement.

    Je m’appelle Thomas Alderson, et le 14 novembre 1965, aux alentours de treize heures, je suis mort.

    Je suis mort en soldat. Membre du Premier bataillon du Septième de cavalerie, deuxième peloton, sous les ordres du lieutenant Henry Herrick. Mon unité a été larguée en fin de matinée dans la vallée d’Ia Drang, sur les hauts plateaux du Sud-Vietnam, afin de repousser les régiments des Viêt-Cong vers le massif de Chu Pong. C’était ma toute première intervention, et quand mon arme avait fauché un premier soldat d’en face, je m’étais figé au-dessus de son corps. C’était un jeune homme, à peine plus de vingt ans. Un jeune homme pareil à moi. Les doigts sur son cou à la recherche d’une pulsation, je n’avais pu que constater que je venais de devenir un assassin légal, que j’avais privé l’ennemi d’un pion qui serait vite remplacé. L’ennemi… Son sang sur ma peau était pourtant pareil au mien.

    Lorsque la rafale de mitraillette creva ma gourde et ma poitrine, j’avais vingt-quatre ans depuis quelques minutes à peine. Sous la lumière éblouissante des explosions de napalm, inondé des hurlements de rage et de souffrance de mes camarades, mon corps s’est affaissé le long de ce ruisseau tranquille. Je me rappelle y avoir vu deux libellules accrochées l’une à l’autre, dessinant sur fond d’azur un petit cœur organique. Une déclaration d’amour délicieusement ironique de cette région sauvage, magnifique, dont la végétation exubérante se couvrait peu à peu du sang poisseux de tous ces enfants jouant à la guerre. La main dans l’onde claire, je suis mort comme ces millions de Vietnamiens et ces quelques soixante mille soldats américains de ce que Reagan appellera des années plus tard « la guerre la plus noble de l’histoire des États-Unis ». C’est toutefois avec assez peu de noblesse qu’en un dernier réflexe inutile j’ai tenté de contenir mes tripes, dégueulées par mon ventre ouvert sur le vert tendre de la prairie.

    Je suis mort en gamin. L’uniforme ne compte plus, à la fin. Lorsque votre sang décore de volutes écarlates l’eau si pure de la rivière, vous ne pensez pas aux valeurs que vous avez portées jusqu’à ce champ de bataille. Vous ne pensez pas à ce rôle que vous êtes censé tenir, cette pichenette décisive enrayant l’effet domino, parce que soudainement vous étreint la conscience claire, douloureuse, que le domino, c’est vous, et le camarade tombé juste après vous lors de la deuxième salve, et celui d’après, et celui d’après… Vous ne pensez plus à l’esprit de ce pays qu’on vous a envoyé défendre dans cette vallée aux mille nuances de vert qui se brouillent, devient toile impressionniste derrière le vernis d’hémoglobine. Non… Vous songez confusément à ceux que vous allez laisser derrière vous.

    Mes parents.

    Je ne sais pas pourquoi, une image précise s’imposa à moi alors que ma vie se répandait dans l’herbe, l’image de cet écran de télévision dans lequel le jeune sénateur John Fitzgerald Kennedy, bronzé et confiant, attirait à lui les regards et les suffrages, arrachant à un Nixon pâle et amaigri une victoire qui dès lors semblait déjà écrite.

    Lorsque le temps étira les derniers battements de mon cœur, je nous revis entassés devant le petit poste en noir et blanc, harassés de la chaleur baignant la baie de San Francisco en ce mois de septembre 1960. J’allais avoir dix-neuf ans quelques jours plus tard, mais, tel un bambin, j’étais assis en tailleur sur la moquette. Maman était aux fourneaux, les liens de son tablier plissant sur sa taille fine les carreaux jaunes de sa jolie robe. Chaque fois qu’elle passait une tête curieuse dans l’entrebâillement de la porte, l’odeur appétissante d’un pain de viande s’échappait par vagues de la cuisine. Assis dans son fauteuil, Papa enrageait devant l’image de ce jeune catholique faisant passer son président pour un homme dépassé.

    Papa enrageait souvent.

    Contre les Rouges, ces nuisibles rongeant les idéaux de sa Nation, celle qui lui avait permis de cumuler avant quarante ans une florissante carrière, un pavillon avec jardin sur les hauteurs de Potrero Hill et une rutilante Chrysler noire. Contre le gérant du magasin Woolworth de Greensboro qui, deux mois plus tôt, avait servi à son comptoir les Noirs comme s’ils étaient des Blancs. Contre la vente de la pilule contraceptive, cette hérésie qui allait priver le pays d’une jeunesse forte, capable de le défendre contre ceux qu’il appelait « les bridés » et qui, loin dans l’Est, crachaient sur ses valeurs.

    Il éructait, vitupérait, me dépeignait un monde plein de dangers, me mettait en garde contre tous ceux qui foulaient aux pieds les mots des Pères Fondateurs. Mais tous les grands de son monde étaient les petits du mien, alors je hochais vaguement la tête, de ce mouvement auquel on peut tout faire dire, tandis que mes pensées s’égaraient à la plage.

    Ce jour-là, l’ennemi s’appelait Kennedy, avait l’assurance des vainqueurs, la coiffure parfaite et le sourire étincelant. Je me souviens avoir songé qu’il était très bel homme, de l’inconfort immédiat que cette simple pensée avait instillé dans mon esprit et au creux de mon pantalon. De la chaleur qui avait creusé mon ventre et coloré mes joues. De la honte, aussi, diffuse. Du regard en coin que j’avais jeté à mon père, juste pour m’assurer qu’il n’avait rien perçu de mon trouble. D’avoir refoulé tout au fond de ma tête des envies floues, poisseuses, auxquelles je refusais de donner une image et un nom. Auxquelles je refusais de donner ce nom, ce mot terrible qu’on crachait comme un glaviot sur tous ceux qui avaient l’audace de montrer leurs fragilités ou quelques manières, dénonçant avec une violence inouïe ce que j’imaginais d’une douceur sans pareille.

    Je n’étais pas ça.

    Je ne pouvais pas être ça.

    J’étais un Alderson, un bon fils, un protestant, et tout avait déjà été écrit pour moi ; j’étais promis à un bel avenir dans l’entreprise familiale et à une jeune fille délicieuse aux lèvres aussi rouges et brillantes que la pulpe d’un fruit d’été.

    Elle s’appelait Mary.

    Mary et sa robe d’écolière à carreaux rouges, nattes blondes sautillant au rythme de sa corde à sauter dans la cour de récréation.

    Mary et sa jupe en corolle, un foulard rockabilly retenant des boucles dorées se balançant gentiment dans le vent léger sur le chemin du lycée.

    Mary et son short court, si court sur ses jambes interminables où j’avais posé une main hésitante lors du barbecue du dimanche. Devant l’initiative maladroite, mon père avait donné une grande claque dans le dos du sien, comme pour se congratuler de cet accord signé du bout de mes lèvres. Je l’avais embrassée, elle avait rougi, je n’avais rien ressenti. Mes parents étaient ravis, tout se déroulait de la manière dont ils l’avaient prévu. Ma route était tracée, une ligne droite sans détour que je n’avais plus qu’à suivre vers ce nom et cette réussite qu’on me léguait en responsabilité, aussi lourde que des chaînes à mes chevilles. Ma mère s’était réjouie de la portée de petits-enfants blonds et robustes que je ne manquerais pas de lui amener pour le déjeuner dominical.

    Tachant le sol d’hémoglobine, avachi sur des siècles de terre, cerné de ces montagnes telles des vagues figées, je me laissai lentement immerger par les ombres vieillissantes de ma mémoire. La lumière du Soleil se mit à décroître doucement. Se pouvait-il que la nuit tombe si tôt ?

    Sur la peau du ciel à vif, des bulles de mémoire filaient, déployant leurs ailes rassurantes, chassant la douleur. Déjà, je n’avais presque plus mal. Déjà, le froid engourdissait mes sensations.

    Couchées sur le dos dans un lit d’immensité, les étoiles planquées derrière le bleu observaient leur ciel d’humanités. Vu de là-haut, tout ceci ne devait pas avoir beaucoup d’importance. Tout devint peu à peu si calme. Si paisible. C’était doux de mourir, finalement…

    Un souvenir particulier vint alors se poser sur mon bras, lissant ses plumes tièdes, emplissant mes iris d’images un peu ternes.

    Mary et sa respiration qui s’était accélérée, sous le soleil de cette fin d’après-midi arrosant d’ombres rougeoyantes son dos et les grains de beauté de ses fesses. Dans le parc où nous nous étions promenés, loin des bruits de la ville, je l’avais allongée dans l’herbe tendre.

    Quelques semaines auparavant, sa première fois avait aussi été la mienne ; elle avait laissé sur le drap de ma couche quelques gouttes de sang et une poignée de soupirs. Pas de quoi faire un souvenir grandiose. Mais les premières fois ne sont jamais fantastiques, n’est-ce pas ? Mes copains parlaient de feu d’artifice, d’apothéose, aucun n’avait évoqué ce vide que j’avais éprouvé, ce bruit blanc teinté d’une forme de désespoir ; ils devaient s’être vantés, comme d’habitude. La troisième fois ne s’avéra pas plus extraordinaire que la deuxième, et je commençais à me résoudre à cette fatalité : je devais être de ceux qui n’atteignent jamais les astres.

    Entre les arbres sages, l’air doux de ce soir de juin nous avait étreints dans un cocon de silence que nos corps déchiraient maladroitement. À l’instar des fois précédentes, ma verge en piston profondément accrochée à ses souffles, j’avais essayé de me laisser porter par sa voix, ses gémissements remontant du creux de sa poitrine, espérant percevoir moi aussi ces décharges de lumière, ces courants pétillants sous ma peau en boucles chargées d’étincelles, tout ce que mon ami Gary m’avait décrit, les yeux chatoyants. Mais malgré mes efforts, impossible pour moi de convoquer les cieux. Mécanique, automatique, je réfléchissais peut-être trop.

    Mary s’était soudain cambrée, tendant vers moi ses seins blancs et menus, la tête en arrière, la bouche ouverte. La troublante impudeur de cette vue m’avait fait fermer les yeux. Enclos dans mon monde intérieur, j’avais senti peu à peu fondre mes chaînes mentales, ces résistances inquiètes, et le feu de mes entrailles avait consumé l’image de cette femme gémissant sous mes doigts, laissant place à des visions aussi floues que des rêves.

    Les épaules de Gary, en sueur sous la canicule implacable d’Ocean Beach… Les gouttes d’eau de mer dévalant sa peau, s’accrochant aux poils épars de son torse…

    Des flashs, des flamboyances s’étaient imposés, impossibles à retenir, mais avais-je seulement envie d’essayer ? Personne ne pouvait me reprocher de penser, si ? Dans le creux de mon ventre, un brasier s’était mis à enflammer mes fibres, réduisant ma retenue en cendres.

    Rapidement, Mary s’était échappée de l’étreinte de mes bras, avait plaqué mon dos sur les trèfles, s’était retournée, puis m’avait enjambé. La chaleur de ses cuisses sous leur vernis de sueur moite avait embrasé mes joues. J’avais senti ses doigts fins lissant mon sexe, ses lèvres se poser sur mon gland. Au-dessus de moi, deux monts de porcelaine piquetés de points de cannelle.

    Les fesses charnues de Gary, courant nu et hilare sur le sable, m’entraînant vers les cris de James et Charles qui s’étaient déjà jetés dans les vagues, s’arrosant d’eau froide et de rires comme des gosses. Les muscles de son dos roulant sous l’effort, toute cette force contrôlée… Étrange superposition d’images, impression de voir crépiter les couleurs…

    Nichée dans ses courtes boucles blondes, une fente étoilée de cyprine s’était mise à ondoyer au-dessus de ma bouche. J’y avais osé une langue timide, maladroite entre les plis des lèvres roses, flattant presque par mégarde la perle qu’elles cachaient. En écho, Mary avait fait glisser contre sa joue ma hampe raide jusqu’à la racine. Refermant les paupières, je m’étais abandonné aux caresses, me délectant de la sensation de l’emplir, absorbant le moindre frémissement de sa gorge velours. À nouveau, j’avais alors franchi en pensée les limites imaginaires, dépassé le cadre étroit du réel, du présent. Elle m’aspirait, me suçait, et moi je fouissais de ma langue le cul ouvert de Gary, incapable de repousser ces visions oniriques d’étreintes masculines. J’avais cédé aux suggestions implacables de mon esprit, sans rejet ni colère, sans peur ni honte. C’était tellement… plus évident. Plus naturel.

    Lapant entre ses nymphes le sirop de son plaisir, j’avais imaginé m’emplir la bouche d’une tout autre laitance, luisante comme la queue des comètes, épaisse tels des astres liquides. J’étais devenu terre chaude s’ouvrant à la pluie, à la sève jaillissant d’une poutre que je rêvais d’accueillir au fond de moi.

    À partir de cet instant, Mary n’avait plus étouffé ses cris ; j’avais pu voir s’envoler dans les airs les souffles de sa gorge, le crescendo de ses gémissements, la symphonie de son corps entier. Lorsqu’elle s’était retournée pour me chevaucher à nouveau, je n’avais même pas ouvert les yeux. J’avais voulu jouir de ce plaisir primordial, de cette clarté sauvage dévalant ma colonne vertébrale en coulée de lave jusqu’à mes bourses. La chaleur de son étui de soie autour de ma queue engloutie m’avait enivré aussi sûrement qu’un alcool fort ; au creux de ce vertige, les premiers flux de sève avaient bouillonné en cascade dans mes testicules. Ancrant mes mains à sa taille pour ne pas faillir, je m’étais vu me glisser dans un fourreau que j’imaginais bien plus étroit, sous des râles bien plus graves, l’emplir jusqu’au débordement. Des images mentales saccadées, enchaînées, de moins en moins floues, de plus en plus rapides…

    La lumière de la plage rasant le dos cambré de Gary, ce moment suspendu où le dernier rayon s’éteint, laissant dans l’ombre nos corps emmêlés, imbriqués, arpenter les étendues de sa peau, cette vastitude à mon échelle, ces monts à mordre et ces creux à emplir, les vagues de mon sexe déferlant dans son cul, repartant, revenant plus loin, encore, cette invasion, cette ascension vers le zénith, la nuit qui s’installe et sa chair qui me brûle tel un millier de soleils, son regard brasillant comme si l’univers se consumait à l’intérieur de lui, encore, encore, tellement d’astres au-dessus de nous, son anus ouvert en astérie, la crête, le souffle perdu, ses râles, ses mots, « Baise-moi, putain, vas-y ! Baise-moi ! Tommy… Plus fort, plus fort… », la cadence de ses doigts branlant son propre gland, le torrent qui gronde, coups de reins gorgés d’écume, encore, encore, tout mon corps qui se concentre en un point, gravité que couronne mon bassin qui danse, et soudain l’expansion, la déflagration, blanche, atomique, incendies de foutre épais déversé tout au fond de lui…

    Au diapason de mes divagations intérieures, Mary s’était tendue, les mains pressant mon torse comme pour

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