« Flaubert avait la haine de son époque »
OBSD PAR SON ART, libéral tendance anar et foncièrement antimoderne: l’auteur de Madame Bovary était tout un personnage dont ses contemporains n’ont pas pris la pleine mesure. A la faveur du bicentenaire de sa naissance, Michel Winock, auteur d’une inoubliable biographie chez Gallimard (1), publie Le Monde selon Flaubert (2). L’occasion de redécouvrir avec lui les traits saillants d’un écrivain auquel Sartre reprochait, en 1945, son « incompréhension apeurée devant la Commune ».
Sartre a d’abord considéré Flaubert comme un affreux réac, avant de nuancer son jugement dans la monumentale biographie qu’il lui a consacrée, L’Idiot de la famille. Pourquoi a-t-il changé d’avis?
Flaubert était incontestablement ce qu’on appelle un antimoderne, mais n’était pas réactionnaire à la façon dont Balzac a pu l’être, en ce sens qu’il n’avait aucune sympathie pour la monarchie et l’Eglise, symboles de l’Ancien régime. On a pu le qualifier d’anarchiste de droite – rebelle à s’identifiant pleinement à saint Polycarpe, évêque de Smyrne de l’Antiquité tardive qui répétait: « Dans quelle époque vivons-nous! » Si Sartre l’a d’abord rangé parmi les chiens de garde de la bourgeoisie, c’est parce que Flaubert, comme l’immense majorité des écrivains de son époque, maudissait les communards du printemps 1871, qui incarnaient, selon lui, une forme de folie collective. Mais Flaubert a été surtout outré par les bourgeois anticommunards – les Versaillais –, qui avaient misé sur les Prussiens pour mater l’insurrection de la Commune.
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