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La Moldavie dans l'oeil du cyclone russe
La Moldavie dans l'oeil du cyclone russe
La Moldavie dans l'oeil du cyclone russe
Livre électronique225 pages2 heures

La Moldavie dans l'oeil du cyclone russe

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À propos de ce livre électronique

Avec à peine 2,6 millions d’habitants, la Moldavie est considérée comme le pays le plus pauvre d’Europe. Enclavé entre l’Ukraine et la Roumanie, le minuscule pays se trouve aussi coincé politiquement entre la menace qui pointe à l’est du côté de la Russie, et l’espoir d’une certaine stabilité du côté de l’Europe qu’elle espère rejoindre.

Michel Labrecque connait bien la Moldavie. Il y a séjourné à trois reprises, depuis que le pays a acquis son indépendance en 1991. Ses reportages, toujours remarqués, furent appuyés à chacune des occasions par un collègue et ami moldave indéfectible, Mihai Fusu. Grâce à cette collaboration, l’auteur a pu rapporter de son dernier séjour à l’automne 2023 un portrait contextuel et saisissant du petit pays, exposé à nouveau à tous les dangers. Face à la Russie et Vladimir Poutine qui cherche désespérément à étendre sa domination dans la région,
mais aussi menacé de l’intérieur par un
mouvement sécessionniste qui le déstabilise, le gouvernement moldave cherche désespérément à éviter le plongeon du pays dans l’abîme.

À la manière du grand reporter qu’il est, l’auteur explore dans son ouvrage les quelques voies qui s’offrent au peuple moldave, courageux et fier, pour qu’il parvienne à se sortir de l’oeil du cyclone russe. L’espoir se trouve du côté de l’Europe qui lui ouvre ses portes, mais aussi chez son
voisin immédiat à l’ouest, la Roumanie, avec qui elle partage des grands pans de son histoire, sans compter une langue et une culture. Mais il faudra d’abord réconcilier les factions internes qui déstabilisent la pauvre Moldavie.
LangueFrançais
Date de sortie31 mai 2024
ISBN9782894719510
La Moldavie dans l'oeil du cyclone russe
Auteur

Michel Labrecque

Michel Labrecque est entré au service de Radio-Canada en 1982 après avoir fait ses classes dans les médias communautaires. Surtout remarqué à la société d’État pour son travail à la radio, il fut dépêché aux quatre coins du monde pour y rapporter les situations politiques, sociales, économiques, en mouvement, tout en découvrant au bénéfice des auditeurs le patrimoine culturel et les modes de vie des pays visités. Parmi les expériences les plus marquantes de son parcours professionnel se trouve la couverture de la dislocation de l’URSS en 1991. Envoyé spécial à Moscou, il témoignera des balbutiements d’une démocratie nouvelle et de l’avènement d’un nouvel ordre mondial. Il séjournera au cours du même voyage en Ukraine, puis en Moldavie, où il fera la connaissance de Mihai Fusu, journaliste, comédien et dramaturge, qui le guidera à travers le pays et qui est demeuré depuis un grand ami personnel. Au cours de trois décennies, Michel Labrecque est demeuré un témoin attentif et privilégié des vives tensions qui secouent la Moldavie et fragilisent l’avenir de son peuple.

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    Aperçu du livre

    La Moldavie dans l'oeil du cyclone russe - Michel Labrecque

    I

    AU CENTRE DU CYCLONE RUSSE

    — I need a cigarette, right now, please.

    Ce journaliste vétéran de la CBC n’avait pas fumé depuis quinze ans. Mais en cet automne 1991, à Moscou, les habitudes peuvent changer rapidement.

    Sur le balcon de l’édifice anonyme, gris, où les modestes bureaux de CBC/Radio-Canada sont situés à l’époque, Michael a les yeux hagards et le teint pâle.

    — Quand nous avons atterri, trois trains d’atterrissage ont crevé; l’avion s’est mis à zigzaguer. J’étais sûr que j’allais mourir.

    Je lui ai offert une cigarette. Nous avons pris une bière. Et nous avons trinqué au destin.

    Pour ma part, j’avais passé une heure et demie dans un avion de la compagnie soviétique Aeroflot, sur un fauteuil dont le dossier était inutilisable. J’étais entouré de brebis, surveillées par des paysans assis par terre. J’avais très hâte que le vol se termine.

    L’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) tremblait sur ses bases. Nous étions un groupe de reporters de CBC/Radio-Canada à couvrir ce séisme politique sous toutes ses coutures.

    Nous avons exploré Moscou et d’autres parties de la Russie, jusqu’alors pratiquement interdites à la presse étrangère. Nous nous sommes déplacés en Géorgie, dans les républiques baltes, au Tatarstan, en Ukraine.

    En août 1991, à Moscou, une tentative de coup d’État contre le président Mikhaïl Gorbatchev avait échoué au bout de trois jours. Un mouvement démocratique émergeait. Des manifestations avaient lieu devant la Maison-Blanche russe, et l’armée laissait faire. L’histoire s’accélérait, très vite.

    Entre août et décembre, dix républiques soviétiques allaient déclarer leur indépendance. Le 25 décembre, l’URSS allait se dissoudre. Mais en ce mois de septembre brumeux et frisquet, on ne pouvait que soupçonner ce qui s’en venait.

    C’était un moment formidable à vivre comme journaliste. Les langues, muettes depuis des décennies, se déliaient. Les gens souriaient, parfois béatement. Deux policiers m’ont dit: «Enfin, nous allons pouvoir protéger les citoyens, pas les surveiller.»

    La découverte de la liberté, c’était si exaltant quand on ne l’a pas connue. Mais l’exaltation était souvent suivie d’un doute.

    — À partir de maintenant, nous devons prendre nos propres vies en main. Ça donne le vertige, m’a dit à l’époque un journaliste de l’opposition russe, Sergei Parkhomenko².

    Tout près de l’appartement moscovite que j’habitais avec un collègue français, une chaîne irlandaise de supermarchés venait d’ouvrir ses portes, sur un grand boulevard défiguré par des édifices de béton tous plus hideux les uns que les autres. Après des années passées à faire la queue devant des épiceries, à la recherche de pain ou de sucre, les Russes découvraient une sorte de palais des mille et une nuits alimentaire, avec des tas de produits indisponibles auparavant. Ils se rendaient compte aussi très vite que la plupart de ces biens étaient, pour eux, hors de prix. Lointain présage d’une colère à venir.

    Dans la vitrine du grand magasin GOUM, au centre de Moscou, des gens s’arrêtaient pour observer les nouveaux gadgets ménagers, malaxeurs, aspirateurs, qui, pour plusieurs Moscovites, ressemblaient à des ovnis.

    — Ça prendrait six mois de mon salaire pour acheter ça, m’a dit une femme qui hésitait entre l’émerveillement et l’exaspération.

    Au fil des jours, nous avons formé une micro-communauté de journalistes issus de plusieurs pays, avec à nos côtés des Russes qui nous servaient d’interprètes, ainsi que des gens d’affaires ou des soviétologues attirés par ce grand chamboulement.

    Parfois, des surprises nous attendaient. À la recherche de l’appartement d’une collègue de la CBC dans un complexe où tous les immeubles étaient identiques, nous sommes tombés par erreur sur le logement de l’ambassadeur du Cambodge à Moscou. Nous entendant parler français, ce charmant monsieur nous a invités à prendre le thé. Une fois à l’intérieur, l’effroi. Il y avait des cafards partout sur les murs. J’en ai compté au moins soixante-dix. Nous nous regardions, tétanisés. Beaucoup d’entre nous avaient fréquenté des zones de guerre et pourtant, nous étions désarçonnés par la présence dérangeante de ces insectes répugnants. Monsieur l’ambassadeur a remarqué notre désarroi et nous a expliqué, si je me rappelle bien, que les cafards occupaient une place importante dans la spiritualité cambodgienne.

    Nous travaillions comme des dingues, mais nos journées se terminaient souvent dans une sorte de frénésie festive. Nous allions à la découverte des vins géorgiens et de la cuisine russe, dans des restaurants anciens ou dans des établissements privés nés dans le contexte de la nouvelle économie émergente. Dans les restaurants traditionnels, on pouvait assister à des performances musicales et circassiennes incroyables, issues du divertissement soviétique: des lanceurs de feu, des musiciens. En plus, s’ajoutait dans l’atmosphère un état nouveau, appelé liberté, dont certains ne savaient pas encore comment en disposer.

    Nous faisions des rencontres impromptues et fantastiques. En trente minutes, nous nous racontions tout de nos vies; les Russes éduqués, polyglottes avaient tellement envie de nous parler. De fraterniser. De danser. De s’ouvrir au monde. Lors de mon dernier soir à Moscou, j’ai flirté avec une jeune Russe qui m’a fait part, en dansant un slow, de l’exaltation qu’elle ressentait dans le fait de communiquer avec des étrangers. Dans ces lieux, on ressentait une énergie que je n’ai jamais éprouvée par la suite.

    C’est plutôt triste de se remémorer cette époque au moment où la Russie de Vladimir Poutine envahit l’Ukraine, se met à dos l’Occident tout entier et se referme comme une huître.

    Une jeune Russe francophile m’avait spontanément donné rendez-vous pour une entrevue au premier MacDonald de Moscou, sur la place Pouchkine. Pour elle, c’était la liberté. J’avais beau lui expliquer que, pour moi, c’était une sorte d’asservissement, rien n’y faisait. Je me souviens de son prénom: Ludmilla. Trente et un ans plus tard, MacDonald a décrété la fermeture de ses huit cent cinquante succursales en Russie, en raison de l’invasion de l’Ukraine.

    J’avais trente-cinq ans. Je vivais le moment à fond. Tout était nouveau. Mais sous cette apparente euphorie, on pouvait sentir qu’il y avait des courants souterrains, des failles sismiques, qui n’auguraient rien de bon. Nous entretenions la naïveté de beaucoup d’Occidentaux: les Russes et les Ukrainiens allaient rapidement adopter la démocratie, la liberté, et tous allaient plus ou moins s’enrichir ou améliorer leur vie.

    Nous avions tout faux. Tellement!

    Je me rappelle une rencontre, dans un café ténébreux, avec un Russe francophone qui faisait de l’import-export: il m’avait parlé de l’appétit des mafias pour profiter du chaos économique causé par l’effondrement du régime. Des mafias? En Russie? Il s’est révélé qu’elles allaient dominer la nouvelle économie pendant une décennie. Plusieurs mafieux sont par la suite devenus des oligarques.

    Beaucoup de citoyens qui avaient toujours compté sur l’aide de l’État, avec un boulot mal rémunéré mais garanti, vivaient dans une angoisse intense. Prendre sa vie en main est un principe noble, mais quand vous avez vécu cinquante ans sans le faire, ça provoque beaucoup d’anxiété.

    Sans compter que l’ex-Yougoslavie entrait lentement en décomposition et en guerre et que beaucoup de Soviétiques commençaient à craindre que cette militarisation fanatique ne contamine aussi leur territoire.

    Après une dizaine de jours à Moscou, je me suis retrouvé sur le tarmac de l’aéroport, prêt à embarquer pour Kiev, la métropole ukrainienne. À ce moment, un avion est passé tout près, et la chaleur du réacteur a soufflé sur mon visage. J’ai craint d’être brûlé, mais finalement, il y a eu plus de peur que de mal. Décidément, il fallait éviter les aéroports et les aéronefs en Russie.

    2. Extrait d’un reportage diffusé à la Première Chaîne de Radio-Canada en septembre 1991.

    II

    BLUES ET ROCK’N’ROLL EN UKRAINE

    Après une heure et demie de vol, je suis arrivé dans un monde à la fois similaire et différent de Moscou. Une gentille interprète m’a fait découvrir Kiev, en pleine mutation.

    J’ai découvert la culture ukrainienne et le nationalisme qui avaient été si longtemps opprimés par la Russie. Je ne savais jamais si les gens parlaient ukrainien ou russe entre eux. Chose certaine, c’était une société qui se réinventait, qui se reconfigurait. C’était passionnant. Mais quatre jours, c’était peu pour comprendre ce pays.

    À l’époque, beaucoup d’Ukrainiens étaient convaincus que, grâce à leur blé et leur agriculture riche, la nouvelle Ukraine indépendante allait rapidement rejoindre l’Europe de l’Ouest au niveau économique et allait devenir prospère d’ici quelques années.

    Mais d’autres observateurs me livraient un son de cloche totalement différent. Un Canadien d’origine ukrainienne m’avait prévenu, dans un excellent français, depuis son appartement décrépit de Kiev: «Les politiciens sont incompétents, la nouvelle classe d’affaires est corrompue, les gens n’ont aucune initiative; les prochaines années seront compliquées.» Évidemment, cet homme avait raison.

    Le dernier soir de mon séjour, mon interprète m’a invité chez elle pour un souper de pierogis, ces pâtes ukrainiennes traditionnelles. Son fils adolescent m’a montré sa guitare et a commencé à en jouer. Je lui ai enseigné comment jouer les accords de base du blues et du rock’n’roll. Mi septième, la septième, si septième. La lumière qu’il y avait dans ses yeux! Peut-être est-il devenu musicien professionnel, qui sait? Ou peut-être a-t-il perdu la vie dans la guerre qui frappe son pays depuis 2022…

    III

    C’EST OÙ LA MOLDAVIE?

    Alors que j’étais en train de découvrir Kiev, j’ai reçu un appel téléphonique d’une collègue de Radio-Canada à Montréal.

    — Qu’est-ce que tu dirais d’aller en Moldavie? C’est une ex-république soviétique qui vient de devenir indépendante, me dit Claude Lamazouère, une formidable journaliste à la recherche.

    — C’est où la Moldavie? C’est quoi la Moldavie?

    C’est tout ce que j’ai trouvé à dire. J’ignorais totalement où c’était situé sur une carte.

    — Les Moldaves sont des roumanophones; la Moldavie était une partie de la Roumanie avant, a-t-elle ajouté. J’ai un très bon contact ici à Montréal, le père Popescu. Il connaît un jeune journaliste moldave qui pourrait te servir de guide.

    Pourquoi pas? Je ne connaissais aucun journaliste francophone qui était allé là-bas. J’allais faire découvrir un nouveau pays à la francophonie! Formidable! Mais s’il ne se passait rien d’intéressant? Une perte de temps… Pourtant, le nom était attirant. Il évoquait la Syldavie de Tintin.

    J’étais donc prêt pour une plongée dans l’inconnu. C’était avant internet et il y avait peu d’informations disponibles dans les archives du centre de documentation de Radio-Canada.

    Les arrangements ont été faits: je me suis acheté un billet d’avion pour Kichinev , la capitale de la Moldavie. Je savais que le jeune journaliste moldave viendrait m’accueillir à l’aéroport. J’ai pris avec moi une valisette, pleine de roubles. Cette monnaie dévaluait si rapidement qu’il fallait en apporter beaucoup pour être sûr de tenir le coup. Et il fallait s’assurer de ne pas se les faire voler.

    Première surprise: mon vol était à destination de Kichinev (avec l’alphabet cyrillique), mais l’avion a atterri à Chișinău. Avais-je pris le mauvais avion? Non, la ville avait repris son nom roumain d’origine. Un premier fruit de l’indépendance.

    — Bonjour, je suis Mihai Fusu.

    — Salut, moi c’est Michel Labrecque.

    — Mihai, c’est Michel en roumain.

    Le contact a été chaleureux. J’ai compris tout de suite que j’avais un nouvel ami en Moldavie. Cette amitié dure toujours.

    IV

    LA MOLDAVIE N’EST PAS CE QUE VOUS CROYEZ

    Un ciel bleu resplendissant m’accueille en Moldavie en ce jour de septembre 1991. C’est toujours mieux pour découvrir une ville. À Moscou, une grisaille permanente et froide nous recouvrait. Arriver à Kichinev, pardon à Chișinău, c’est comme débarquer en Virginie, aux États-Unis, depuis Montréal à la mi-automne.

    En quittant l’aéroport à destination de la ville, il est clair que nous sommes toujours en Union soviétique: enchevêtrement de tours grises sans âme – des HLM khrouchtchéviens ou brejnéviens – et babouchkas en robes longues avec un foulard sur la tête qui circulent sur les trottoirs pleins de trous, semblant porter sur leurs épaules le poids du monde. Sur les rues, il y a très peu de voitures, quelques Lada usées par la rouille.

    Mais il y a une différence. «Tu as vu, toutes les affiches sont en caractères latins», dit Mihai Fusu avec un sourire qui deviendra légendaire pour moi. Traits fins et sourcils touffus, mince, il a une allure de comédien grec. «C’est relativement nouveau, ça a été changé il y a deux ans», ajoute-t-il.

    Enfin, je peux presque comprendre l’affichage, après trois semaines de cauchemars cyrilliques. Parfois, à Moscou, je n’étais même pas sûr de descendre à la bonne station de métro.

    Naïvement, je demande à Mihai si les Moldaves parlaient russe auparavant. «On pouvait aussi parler roumain, mais on l’écrivait en alphabet cyrillique», précise-t-il. Par contre, je vais découvrir rapidement que le russe prédomine dans tous les secteurs importants de la vie.

    Mihai m’emmène sur la grande artère principale de la ville, le boulevard Stefan cel Mare. Je découvre que le centre de Kichinev est très verdoyant, avec de jolis parcs et des arbres sur toutes les rues. Plusieurs façades de bâtiments du 19e siècle sont détériorées par la pollution et le manque d’entretien. Elles auraient besoin de beaucoup d’amour, comme on dit au Québec.

    Auparavant, ce boulevard s’appelait Lénine. Mais le nom de la rue a disparu en même temps que la statue du fondateur de l’URSS, qui trônait en face du Parlement de la Moldavie. Le parc entourant la statue d’Étienne le Grand, en roumain Stefan cel Mare, un roi adulé par les Moldaves depuis son règne au 15e siècle, est devenu une sorte de sanctuaire en plein air. Les citoyens viennent déposer des fleurs au pied de l’imposante statue.

    «Ici a commencé le mouvement national moldave, m’explique Mihai. Il y a eu des tas de rassemblements et, par la suite, des manifestations avec des milliers de gens.» Lui-même a participé à presque toutes ces actions. «Nous voulions que notre langue devienne la langue d’État de la Moldavie et non plus une langue de deuxième classe. Nous réclamions le retour de l’alphabet latin.»

    Tout cela a débuté vers 1989. C’était toujours l’URSS, mais avec la glasnost (la transparence) et la perestroïka (la reconstruction) du président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, un vent de liberté a soufflé sur la Moldavie.

    L’État moldave socialiste est demeuré répressif jusqu’à la fin des années 1980. Le Journal de Moldavie. 1987-1988³, du philosophe français Marc Crépon, alors coopérant en Moldavie, permet de se faire une idée du niveau d’omerta qui régnait: «Ici, tout le monde a peur de tout le monde», raconte-t-il. Il décrit un lieu où les étudiants sont infantilisés, dans une Moldavie russifiée. «Les ouvrages en roumain étaient rares dans les librairies moldaves, sans doute par décision du parti communiste», note-t-il, précisant:

    Les Russes, incapables de produire ce qui est nécessaire, se sont approvisionnés dans les terres voisines, au détriment des frontières et de l’histoire linguistique.

    À partir de 1989, un espace s’est libéré. De nouveaux dirigeants communistes pro-glasnost sont arrivés à la tête du gouvernement moldave. Au fur et à mesure que le pouvoir soviétique jetait du lest, le mouvement pro-roumain prenait de l’ampleur. Tout cela a

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