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Échappées: 14 nouvelles d’outre-conscience
Échappées: 14 nouvelles d’outre-conscience
Échappées: 14 nouvelles d’outre-conscience
Livre électronique88 pages1 heure

Échappées: 14 nouvelles d’outre-conscience

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À propos de ce livre électronique

Dans des moments et des lieux hors du commun, ce livre raconte les voyages de 14 entités féminines confrontées à des destins troublés. À la croisée des contes et des légendes surréalistes, chaque histoire suscite des interrogations, des perplexités, et éveille l'esprit. Il s'agit d'un témoignage symbolique du parcours de l'auteure, et ce recueil, qui explore des concepts au-delà de notre conscience habituelle, nous entraîne vers les frontières de réflexions existentielles profondes.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Peintre, sculpteure, créatrice de livres-jeux pour enfants, Florence Chalvignac façonne son imaginaire avec la liberté de la plume et du pinceau, composant avec la matière comme avec les mots. D’épreuves en sursauts, parvenue à une étape clé de son parcours, c’est dans l’intimité de l’écriture qu’elle tente de cristalliser l’essence métaphorique de ses réflexions.
LangueFrançais
Date de sortie24 mai 2024
ISBN9791042222048
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    Aperçu du livre

    Échappées - Florence Chalvignac

    La voie

    Encore une nuit agitée. Je n’ai réussi à fermer l’œil que quelques heures et, comme chaque fois, je traîne au lit en attendant les premières lueurs du matin. Je perds tout bonnement mon temps à attendre tour à tour le sommeil et le jour, et cette impression de laisser filer les heures sans leur offrir de contenu m’est devenue insupportable. Autant se lever. Il n’y a pas de moment indécent pour commencer la journée quand on est seul.

    J’enfile rapidement mon T-shirt de la veille avant de descendre les quelques marches qui mènent au vestibule sans prendre la peine d’éclairer le couloir. J’entrouvre machinalement la porte d’entrée, ramasse à l’aveugle le paquet sur le paillasson, referme derrière moi puis remonte jusqu’au salon. J’éventre la petite boîte de carton pour en extraire le contenu – jaune 1 x 2 plots – que j’ajoute aussitôt aux quelques centaines d’objets similaires dans le volumineux bocal de verre.

    J’observe, perplexe, la vaste collection multicolore à laquelle je ne parviens toujours pas à donner un sens. Car il y en a bien un, à n’en pas douter. Mais lequel ?

    ***

    Tout a commencé voilà plus d’un an. Ce devait être une de ces épouvantables journées de juin qui s’étirent sans jamais vouloir céder la place à l’obscurité. La matinée s’annonçait interminable.

    Dans le jardin aride, les rares plantes à n’avoir pas succombé réclamaient un arrosage quotidien.

    Ce matin-là, je sortis m’atteler à la tâche un peu avant l’aube.

    À peine avais-je franchi le seuil que je manquais de trébucher sur un mystérieux paquet déposé devant la porte. Instinctivement, je scrutai l’obscurité devant moi. J’aperçus avec circonspection plus que soulagement la silhouette impassible du portail au bout de l’allée, fermé. Je ne l’avais moi-même ouvert pour la dernière fois qu’il y a bien longtemps et je savais la tâche particulièrement ardue. Il était impossible d’entrer ou de sortir par la voie terrestre depuis des lustres. Courrier et victuailles étaient déposés devant l’infranchissable structure de fer forgé et il me fallait user de patience et d’ingéniosité pour parvenir à hisser le tout du bon côté.

    Comment ce petit colis avait-il pu parvenir jusqu’au seuil de ma porte ? L’énigme aurait le mérite de m’occuper l’esprit quelque temps. Je laissai l’objet de côté pour y regarder de plus près à mon retour.  Lorsque je fus enfin disposée à m’y intéresser, je constatai que l’emballage cartonné était vierge, il ne comportait aucun nom, aucune adresse, rien qui pût indiquer qu’il m’était destiné. De forme cubique, d’une dizaine de centimètres de côté, il était léger et laissait supposer qu’un élément rigide s’y baladait librement.

    Je glissai un doigt dans l’amorce d’ouverture semi-circulaire et tirai proprement la languette pour déverrouiller le couvercle. Au fond de la boîte sombre se trouvait un petit objet familier auquel les circonstances donnaient un caractère parfaitement insolite.

    Une brique de Lego… rouge, 2 x 2 plots.

    Le lendemain, j’avais presque oublié cette brève intrusion dans mon rythme de vie solitaire.

    Accaparée par la santé précaire de mes plantations, j’étais sur le point de franchir le seuil de la porte, chargée de mon arrosoir, quand je fus stoppée dans mon élan par la découverte du même petit paquet, centré sur le paillasson comme l’était celui de la veille, au centimètre près.

    Je m’en saisis et le portai instinctivement à mon oreille en le secouant. Un nouvel objet rigide s’y déplaçait, plus volumineux peut-être, à peine plus lourd, de consonance plus mate lorsqu’il heurtait les parois de carton.

    Levant les yeux, je distinguai au bout du chemin la masse opaque et rassurante du portail clos. Aucun signe d’effraction…

    Troublée par cette seconde intrusion, je négligeai temporairement l’arrosage de mes végétaux qui, une fois n’est pas coutume, ne m’en tiendraient pas rigueur, et regagnai le salon sans plus attendre pour y desceller le paquet. Une autre brique solitaire gisait au fond de la boîte… Bleue, 4 x 2 plots.

    Le jour suivant, j’avais toujours en tête ces deux intrigantes découvertes lorsqu’il me fallut me rendre au jardin. À dire vrai, mon intention à ce moment-là n’était plus d’aller abreuver la poignée de plantes insatiables, et c’est d’ailleurs sans mon arrosoir que je me dirigeais vers la sortie.

    Mon cœur s’emballa au moment de tirer la porte, comme si un quelconque danger pouvait surgir de l’entrebâillement. J’ouvris et mon regard se figea sur le paillasson. Je restai interdite.

    La scène était en tout point identique, j’avais l’impression de revivre cet épisode pour la troisième fois. Même paquet, même emplacement, même portail clos, même désarroi. À se demander si je n’avais pas fini par m’égarer dans un rêve absurde à trop souhaiter que la réalité soit moins affligeante.

    Les jours qui suivirent furent marqués par le même rituel. Je délaissais définitivement l’entretien de mes plantations superflues pour mener une enquête dans laquelle les indices se cumulaient sans jamais rien révéler de leur finalité.

    Les semaines passaient et se ressemblaient. Les journées débutaient toujours de la même manière. Quelle que soit l’heure, de jour comme de nuit, dès le saut du lit je descendais et trouvais invariablement le petit paquet disposé au centre du paillasson.

    Le protocole virait à l’obsession et me rendait aveugle à tout ce qui ne pouvait alimenter mon enquête. Je voyais des briques partout, je rêvais briques, raisonnais briques, j’entendais malgré moi le son de la brique nouvelle tombant sur l’amas de briques anciennes, je succombais à la folie.

    À défaut de saisir le sens de ces mystérieux messages tridimensionnels, je stockais le contenu de mes livraisons quotidiennes dans une boîte à chaussures, rapidement remplacée par un beaucoup plus volumineux bocal sphérique.

    ***

    C’est devenu une véritable obsession. Il est évident que je ne retrouverai pas

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