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Entre les feuilles: Explorations de l'imaginaire botanique contemporain
Entre les feuilles: Explorations de l'imaginaire botanique contemporain
Entre les feuilles: Explorations de l'imaginaire botanique contemporain
Livre électronique526 pages7 heures

Entre les feuilles: Explorations de l'imaginaire botanique contemporain

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À propos de ce livre électronique

La littérature joue un rôle important en tant que révélateur d’un rapport dynamique au végétal, basé sur une sensibilité écologique : c’est ce que cherche à montrer cet essai, qui offre une synthèse des réflexions collectives menées dans le cadre du groupe de recherche L’imaginaire botanique.

Entre les feuilles : explorations de l’imaginaire botanique contemporain adopte une approche botanique de la littérature développée à partir de l’analyse d’un corpus de textes publiés depuis les années 1980, émanant des différentes régions de la francophonie. Aux figures de l’herbier, du jardin, du champ et de la forêt, qui forment les quatre grands axes de la réflexion, s’ajoute un axe transversal, celui de la mobilité des plantes, obligeant à reconsidérer les préconceptions de la plante comme être non doué de mouvement. Plusieurs portraits de plantes parsèment les pages, de manière à tisser des liens avec le végétal, avec le dehors.

S’inscrivant dans le domaine des études végétales, la réflexion conjugue diverses approches théoriques, notamment la géopoétique et l’écocritique, tout en faisant appel à la botanique, aux humanités environnementales et à la philosophie du vivant. Les scientifiques autant que les férus de botanique, les néophytes, les littéraires et les adeptes de plantes trouveront leur compte dans cette lecture.
LangueFrançais
Date de sortie24 avr. 2024
ISBN9782760559837
Entre les feuilles: Explorations de l'imaginaire botanique contemporain
Auteur

Rachel Bouvet

Originaire de Bretagne, Rachel Bouvet a émigré au Québec après un séjour en Égypte. Depuis, sa fascination pour le désert, la mer et la forêt n’a cessé de grandir. Professeure au Département de littérature à l’UQAM, elle a notamment publié Le vent des rives en 2014 chez Mémoire d'encrier et les essais : Étranges récits, étranges lectures. Essai sur l’effet fantastique (PUQ, 2007 [1998]) ainsi que Pages de sable. Essai sur l’imaginaire du désert (XYZ, 2006). Elle a codirigé plusieurs ouvrages collectifs, dont : L’espace en toutes lettres (Nota Bene, 2003), Nomades, voyageurs, explorateurs, déambulateurs (L’Harmattan, 2006), La carte. Point de vue sur le monde (Mémoire d’encrier, 2008), Topographies romanesques (PUR/PUQ, 2011).

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    Aperçu du livre

    Entre les feuilles - Rachel Bouvet

    Introduction

    Entre les feuilles se déploie un univers aux ramifications innombrables, un monde d’odeurs boisées, subtiles, florales, fétides ou sucrées, un milieu de vie pour des espèces végétales aux mouvements insoupçonnés, un domaine luxuriant qui malgré son allure familière n’en finit plus de nous fasciner.

    Entre les feuilles des livres se terrent des mots, des phrases, des figures complexes grâce auxquels la pensée se fraie un passage, convoquant les jardins, les herbiers, les forêts et les champs dans l’espace de la page.

    Entre les feuilles des souvenirs se glissent : celui du papyrus, lointain support d’écriture que l’on devine encore dans la matière sonore du mot papier, même si les roseaux ont depuis longtemps cédé leur place à la matière ligneuse ; celui de la folia, d’abord feuille d’arbre avant d’être pressée pour recevoir de l’encre ; celui du liber, la pellicule située entre le bois et l’écorce, à l’origine du mot livre.

    À l’instar des mots qui s’imprègnent des plantes, nous avons tenté de nous immerger dans l’univers végétal, à la fois physiquement et mentalement. Nous avons arpenté les sentiers forestiers et les allées des jardins botaniques, écouté les branches secouées par les tempêtes, semé des graines dans la terre du potager, planté des arbres, appris à distinguer les écorces dans les bois enneigés, à identifier les fleurs printanières, les plantes aquatiques, les arbres de la forêt boréale. En tâchant le plus possible de nous abandonner à la lenteur, aux odeurs, aux textures, aux couleurs et aux mouvements infimes du végétal, en laissant la curiosité nous guider, nous avons interrogé les nombreuses lacunes de notre connaissance du règne végétal, consulté des descriptions botaniques, médité à partir des réflexions des scientifiques.

    Entre le végétal et l’humain, il y a une altérité radicale, un écart difficile à penser. S’approcher de l’autre ne suffit pas, encore faut-il « mettre en tension : c’est à quoi l’écart doit d’opérer » (Jullien, 2012, p. 7, l’auteur souligne). Comme le rappelle François Jullien, la préposition entre passe souvent inaperçue dans la langue française, ce qui n’est pas le cas dans la langue chinoise, où le monde est considéré comme ce qui se trouve entre le ciel et la terre, où la respiration est vue comme un soufflet intérieur ayant lieu entre les côtes, comme ce qui nous maintient en vie. Dans l’idéogramme jian (« entre »)

    [se] trouvent figurés en vis-à-vis les deux battants de la porte entre lesquels se glisse un rayon de lune venant éclairer. Or, il ne suffira pas de dire que cet interstice est fonctionnel et maintient du jeu permettant aux différentes pièces assemblées de jouer ensemble sans coincer. Car souvenons-nous aussi que ce sinogramme fait signe vers une disposition de notre ethos et ce qui fait précisément sa vitalité : signifiant alors que l’on « évolue » à l’aise, laissant œuvrer de l’entre, en nous comme entre nous, demeurant disponible et sachant respirer (Jullien, 2012, p. 227, l’auteur souligne).

    Si la promenade végétale, le jardinage ou la plantation d’arbres permettent de développer les relations entre les plantes et nous, la lecture s’avère elle aussi un moyen privilégié pour « laisser œuvrer de l’entre en nous ». En nous mettant au diapason de la « pensée végétale » émanant de la philosophie et en analysant les récits publiés en français depuis les années 1980, qui ont vu émerger le tournant spatial et les humanités environnementales, nous avons voulu retendre les liens qui unissent l’écriture et le dehors, la littérature et les plantes. C’est pourquoi nous avons constitué un corpus de textes littéraires, un corpus auquel se sont ajoutés de nouveaux titres année après année, preuve s’il en est de la présence d’une sensibilité écologique grandissante dans la littérature contemporaine.

    À l’image des racines qui s’enchevêtrent profondément dans la terre, des mousses qui prolifèrent sur la surface des troncs, des branches qui se ramifient sans cesse, les discussions et les analyses à l’origine de cet essai ont le plus souvent pris une forme rhizomatique : certaines pages ont été écrites à deux mains, la plupart à quatre mains, mais pas forcément avec les mêmes duos, quelques-unes à six mains, rarement à huit mains, même si les commentaires ont souvent infléchi la ligne argumentative ou analytique. Autrement dit, c’est un continuel mouvement de relance qui a animé la rédaction de cet ouvrage : les recherches ont suscité des discussions, qui ont à leur tour relancé les analyses ; les balades et observations sur le terrain ont nourri nos réflexions et ouvert de nouvelles pistes : bref, du début à la fin, nous avons conservé une posture d’exploration – des plantes, de leurs lieux de prédilection, des récits, des idées et des approches relatives à l’imaginaire botanique contemporain.

    C’est donc un aller-retour constant entre les plantes et les récits que nous proposons dans ces pages, dans ces chapitres que nous avons conçus sur le modèle du rhizome. Une manière comme une autre de signaler le caractère touffu et inachevé de l’exploration, d’inviter les lectrices et lecteurs à se laisser prendre à leur tour par les multiples racines et enchevêtrements d’idées et d’images proposées, à s’y lover, à cheminer à leur manière à travers les multiples embranchements. Entre les contextualisations théoriques, les analyses des œuvres de notre corpus (dont certaines s’étalent sur plus d’un chapitre) et les portraits de neuf plantes (caféier, orchidée, igname, rosier, pomme de terre, canne à sucre, figuier, ortie, fougère) présentés sous forme de courts encadrés, nous avons en effet construit cet ouvrage de façon qu’on puisse y naviguer suivant de multiples modes de lecture. Alors que les scientifiques et les lecteurs et lectrices férus de botanique souhaiteront peut-être survoler rapidement les encadrés, de même que les analyses approfondies des œuvres littéraires, les néophytes trouveront certainement dans les segments de vulgarisation scientifique un important complément d’information. Participant à ancrer les plantes au cœur du texte, afin que nous ne les perdions jamais de vue, ces portraits botaniques ont été insérés à des endroits stratégiques des analyses dans l’optique d’en étoffer la lecture en redonnant aux végétaux de papier une dimension tangible. Notre but est de créer des ponts entre les domaines, connaissances et sensibilités littéraire et botanique, de rejoindre autrement dit différents publics – écrivains et écrivaines, critiques littéraires, botanistes, écologues, amateurs et amatrices de plantes et de littérature –, des publics dont les habitudes de lecture varient énormément. Nous espérons que chacun, chacune trouvera une manière de parcourir ces pages en accord avec ses propres champs d’intérêt et qu’il ou elle y trouvera de quoi satisfaire sa curiosité.

    Si l’univers végétal a captivé l’esprit humain à travers les siècles dans le monde occidental – il suffit de penser à la racine de mandragore dont l’aspect humanoïde laissait croire à des vertus magiques –, la fascination pour les plantes, perçues comme mystérieuses, dangereuses ou radicalement autres, a pris une nouvelle tournure au cours des 40 dernières années, avec la prise de conscience croissante des effets de la destruction de l’environnement ayant entraîné la perte d’habitat pour de nombreuses espèces. Cette vision changeante du monde végétal doit beaucoup à l’émergence d’un paradigme découlant des observations de certains botanistes tels que Francis Hallé, Stefano Mancuso, Robin Wall Kimmerer, Jean-Marie Pelt, ou de microbiologistes comme Suzanne Simard, mais aussi de penseurs écologistes comme Gilles Clément et de philosophes comme Emanuele Coccia ou Michael Marder, concevant les plantes comme des êtres communicants, perceptifs et intelligents. En dénonçant l’aveuglement face aux plantes (plant blindness), ils et elles ont ouvert la voie à une meilleure connaissance du règne végétal, un règne encore « invisible » pour un grand nombre de personnes.

    Allant de pair avec le développement des sciences de l’environnement et l’essor de la pensée écologique (Blanc, 2009 ; Barbier, 2012 ; Larrère et Larrère, 2015 ; Blanc, 2017), ce changement de paradigme a entraîné dans son sillage l’apparition des études végétales (plant studies) dans le domaine littéraire et dans celui des sciences humaines. Après une période marquée par les recherches formelles en littérature, un « retour du réel » (Viart et Vercier, 2005) se fait sentir tandis qu’en anthropologie et en histoire, des chercheurs et chercheuses s’interrogent sur le rapport au végétal autant sur le plan des représentations (Corbin, 2013, 2018) que sur celui des modes de vie et des pratiques autochtones (Kohn, 2013). Rassemblant des perspectives théoriques variées, les études végétales se développent dans différents domaines de même qu’à l’intersection de plusieurs champs disciplinaires. Par exemple, certains chercheurs et chercheuses allient histoire et études de genre, proposant de repenser l’évolution des savoirs sur les plantes, notamment en interrogeant le rôle des femmes botanistes (Shteir, 1996 ; Sam, 2017 ; Szabari et Meeker, 2017). L’étude du végétal constitue aussi un domaine en pleine expansion sur le plan artistique, autant au cinéma (Thinking Cinema – with Plants : dossier en préparation dirigé par Sarah Cooper pour la revue Philosophies) que dans les arts visuels (Gibson, 2018 ; Aloi, 2019 ; Zhong Mengual, 2021). Dans le domaine littéraire, le végétal a été principalement étudié dans le cadre de l’histoire culturelle (Ryan, 2012, 2016 ; Harrison, 2018 [1992]), de l’écocritique (Sandilands et Gersdorf, 2023), de l’écoféminisme (Sandilands, 2010, 2016), de l’écopoétique (Termite, 2017). Un grand nombre d’ouvrages sont le fait de collaborations faisant se croiser des perspectives ou des disciplines : entre littéraires et botanistes (Szabari et Meeker, 2020), entre philosophes, scientifiques et littéraires (Gagliano, Ryan et Vieira, 2017), entre philosophes de tendances différentes (Irigaray et Marder, 2016), entre historiens, géographes, scientifiques et littéraires (Trivisani-Moreau, Taïbi et Oghinã-Pavie, 2015). Enfin, plusieurs collectifs sont consacrés aux rapports entre plantes et littérature, comme le volume Plants and Literature (Laist, 2013), le dossier « Études végétales » de L’Esprit Créateur (Bouvet et Posthumus, 2020) et le collectif Plant Poetics : Literary Forms and Functions of the Vegetal (Jacobs, Kranz et Nitzke, à paraître).

    L’approche botanique du texte littéraire

    À l’instar de nombreux et nombreuses spécialistes évoluant dans le domaine des études végétales, nous partons du postulat selon lequel les plantes ont leur propre manière d’être dans le monde et nous tentons d’observer comment celle-ci est articulée dans l’espace du récit. Il s’agit donc d’explorer différents types de textes permettant de reconnaître ces manières d’être, de les honorer et d’en prendre soin. À première vue, une telle approche pourrait sembler radicale. Pourtant, nous ne partageons pas le point de vue de Szabari et Meeker dans Radical Botany (2020, p. 2), pour qui la plante résiste à toute forme de représentation. Au contraire, nous croyons que nos langages – surtout quand ils sont employés dans un contexte littéraire – ouvrent de nombreuses voies d’exploration et de création permettant de renouveler nos manières de représenter les plantes et, par le fait même, les rapports que nous entretenons avec ces dernières. Sur ce point, nous nous rallions à la perspective des directrices de Radical Botany, pour qui les végétaux constituent un dispositif de critique sociale (« engine of social critique » : Szabari et Meeker, 2020, p. 16). Une telle affirmation souligne bien les dimensions discursives et symboliques des plantes, qui sont au cœur du présent essai.

    En ce sens, notre ancrage est d’abord et avant tout littéraire : même si, à l’occasion, nous avons consulté des chercheurs et chercheuses en botanique pour valider certaines intuitions, aucun scientifique n’a contribué à l’analyse des textes ou à l’écriture de cet essai. Tout en tenant compte des arguments déployés dans la philosophie contemporaine en études végétales sur la nouvelle métaphysique de la vie des plantes (Coccia, 2016) ou sur le besoin de se situer dans un cadre postmétaphysique pour mieux comprendre l’agentivité des plantes (Marder, 2013), nous plaçons au centre de nos préoccupations le texte littéraire et ses multiples possibilités imaginaires. Plutôt que de nous arrêter à un genre particulier, nous avons opté pour une variété de genres : roman, récit de voyage, récit de flânerie, récit historique, récit de jardin, roman postapocalyptique, thriller, herbier littéraire… Comment la plante évolue-t-elle dans chacun de ces genres littéraires ? Comment l’habite-t-elle, voire le transforme-t-elle ? Ce sont autant de questions auxquelles nous tentons de répondre au fil des analyses.

    En raison d’un accroissement très marqué des publications liées au végétal dans le domaine littéraire, notre corpus s’est étoffé depuis le début de la recherche, en 2017. Parmi la soixantaine de titres analysés, nous avons dû nous résoudre à n’en présenter que la moitié (30 récits), par manque de place. Si nous avons identifié les années 1980 comme balise temporelle au départ, c’est parce qu’un regain d’intérêt pour la nature et un souci écologique global commencent à apparaître à cette époque¹. En effet, différents phénomènes tels que les changements climatiques, les mutations des pratiques agricoles et l’exploitation abusive de la végétation s’aggravent au point de susciter une prise de conscience. Dans les faits, notre corpus comprend seulement trois textes des années 1980 : Humboldt l’explorateur (1985) de Pierre Gascar, Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem (1986) et Traversée de la Mangrove (1989) de Maryse Condé. Les années 1990 ont été le théâtre de certains événements importants dans les domaines politique et scientifique, comme le Sommet de la Terre de Rio en 1992, considéré comme la première rencontre internationale ayant posé les bases d’une gestion plus responsable de l’environnement au niveau planétaire, comme en témoigne l’adoption de la Convention sur la diversité biologique. Mais les intentions louables de la Déclaration de Rio n’ont pas été suivies d’actions majeures, en l’absence de véritables contraintes sur le plan juridique. La portion de notre corpus publiée durant cette décennie demeure, elle aussi, assez mince, avec six textes seulement : Tout jardin est Éden de Marie Rouanet (2010 [1993]), Commandeur du sucre de Raphaël Confiant (1994), La quarantaine de Jean-Marie Gustave Le Clézio (1995), La saga des Béothuks de Bernard Assiniwi (1996), Thomas et le voyageur de Gilles Clément (1997) et Les jardins de Morgante de Jean-Paul Goux (1999). C’est surtout à partir des années 2000 que le changement de paradigme dont il a été question précédemment se fait sentir et qu’un intérêt marqué pour le végétal se manifeste. Notre corpus reflète cette tendance générale dans la mesure où la grande majorité des textes étudiés (22/30) se situe entre 2000 et 2021. Huit textes appartiennent à la première décennie du nouveau millénaire : Encyclopédie poétique et raisonnée des herbes de Denise Le Dantec (2000), Dormance de Jean-Loup Trassard (2000), Comment faire une danseuse avec un coquelicot de Mona Thomas (2004), La panse du chacal de Raphaël Confiant (2005), Raga : approche du continent invisible et Ourania de J.-M. G. Le Clézio (2006a et 2006b), Le jardin sablier de Michèle Plomer (2007) et Mort sur la forêt de Patrick Nottret (2007). La décennie suivante comporte un peu plus de textes (neuf) : Herbes et golems de Manuela Draeger (Antoine Volodine) (2012), Je vois des jardins partout de Didier Decoin (2012), Le maître de café d’Olivier Bleys (2013), Le jardinier d’Arboras d’Abdelkader El Yacoubi (2013), Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre de Katrina Kalda (2016), Au péril de la mer de Dominique Fortier (2016), Botaniste de Marc Jeanson et Charlotte Fauve (2019), Blanc Résine d’Audrée Wilhelmy (2019) et Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier (2019). Enfin, nous avons intégré quatre textes parus au tout début des années 2020 en raison de leur intérêt pour notre réflexion, soit Le palais des orties de Marie Nimier (2020), Les roses fauves de Carole Martinez (2020), Les ombres filantes de Christian Guay-Poliquin (2021) et Bivouac de Gabrielle Filteau-Chiba (2021).

    L’approche botanique de la littérature que nous développons ici repose sur une démarche intuitive, consistant d’abord et avant tout à se laisser guider par les textes, qu’il s’agisse de découvrir la fascination d’Alexander von Humboldt pour le dragonnier et l’orchidée, d’accompagner les plantes mythiques du taro et de l’igname dans leur périple d’île en île, jusqu’au Vanuatu, d’arpenter les plantations de cannes à sucre en Martinique ou d’essayer, avec plus ou moins de succès, de capter l’odeur de plantes imaginaires qui « exhalent leur parfum avant l’aurore » (Draeger, 2012, p. 105). Si nous qualifions notre approche de « botanique », c’est parce que ce concept parapluie nous permet de regrouper deux acceptions différentes : la première renvoie à la botanique, cette discipline scientifique ayant mis au point des pratiques de nomination, d’identification, d’analyse des plantes et dont l’histoire est parsemée de personnalités importantes, de voyages, de découvertes, de confection d’herbiers et de jardins. Cette sous-branche de la biologie ne constitue pour autant que l’un des domaines du savoir sur les plantes : il importe en effet de souligner l’existence des savoirs traditionnels autochtones et allochtones, de l’herboristerie notamment, qui offrent d’autres manières de concevoir les végétaux, le plus souvent divergentes des méthodes scientifiques, comme nous aurons l’occasion de le constater. C’est pourquoi la seconde acception du terme botanique – adjectif renvoyant de manière générale à tout ce qui se rapporte aux plantes – nous paraît tout aussi essentielle. Elle permet d’élargir la portée du terme, d’englober à la fois le registre de l’observation, celle des plantes ou de la vie végétale, à partir des sens ou du microscope, et les registres de lecture et d’interprétation des formes variées de leurs représentations, qu’elles soient textuelles, visuelles ou encore numériques.

    C’est à partir de cette définition très large que nous avons exploré l’imaginaire botanique, un imaginaire spécifique dans la mesure où il est déterminé en fonction du règne végétal. L’imaginaire est ici conçu comme un réseau dynamique de figures ayant toutes un rapport, à des degrés divers, avec les plantes. Au lieu de considérer comme imaginaire tout ce qui est fictif ou mythique, tout ce qui naît de l’imagination et qui, par le fait même, éloignerait du réel, nous le concevons plutôt « comme une dynamique et une interface entre le sujet et le monde – autrement dit, comme ce par quoi le sujet ou une collectivité appréhende le monde, l’interprète et le rend signifiant » (Chassay et Gervais, 2008, p. 13). Puisque le rapport entre le sujet et le monde se construit nécessairement à travers des filtres corporels, esthétiques et langagiers, c’est dans cette tension que l’aspect dynamique de l’imaginaire entre en jeu : « L’imaginaire s’impose dès lors comme un ensemble de signes et de figures, d’objets de pensée, dont la portée, la logique et l’efficacité peuvent varier, dont les limites et la dynamique sont sans cesse à redéfinir, mais qui s’inscrivent indéniablement au cœur de notre rapport à la culture, au monde et à l’histoire. » (Chassay et Gervais, 2008, p. 13) Pour mieux accorder le concept de figure à notre recherche, nous avons fait appel à une métaphore végétale d’un grand intérêt sur le plan heuristique, celle du rhizome, dont l’un des « caractères les plus importants [est] d’être toujours à entrées multiples » (Deleuze et Guattari, 1980, p. 20). À la différence du réseau tel qu’il est envisagé en sciences de l’information, le rhizome évolue selon les lignes et non en fonction de points : « Il n’y a pas de points ou de positions dans un rhizome, comme on en trouve dans une structure, un arbre, une racine. Il n’y a que des lignes. » (Deleuze et Guattari, 1980, p. 15) Des lignes qui s’entrecroisent sans hiérarchie, sans point nodal, sans point d’origine, sans ordre préalable, des lignes mouvantes qui mettent en relation des éléments de natures variées. En effet,

    le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque, et chacun de ses traits ne renvoie pas nécessairement à des traits de même nature, il met en jeu des régimes de signes très différents et même des états de non-signes. […] Il n’est pas fait d’unités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes (Deleuze et Guattari, 1980, p. 31).

    En essayant de retisser les liens entre l’imaginaire et le vivant, qui appartiennent à différentes dimensions, en nous laissant guider par la lecture des textes et par l’observation des plantes, nous privilégions en effet un mouvement de fond qui avance tout en se ramifiant. Cela dit, notre approche n’est pas deleuzienne pour autant. Si nous nous inspirons de la réflexion sur le rhizome, comme l’ont fait bien des chercheurs et chercheuses dans le cadre des études végétales (Gibson, 2018 ; Philippe, 2020), c’est d’abord pour inscrire le principe végétal au cœur de la structure même de notre essai. Celui-ci joue donc un rôle heuristique, se présentant comme un concept moteur de l’exploration de l’imaginaire botanique. À l’image de la mangrove sans cesse en mouvement, milieu de vie très riche pour de nombreuses espèces animales et végétales, aquatiques et terrestres, à l’image des palétuviers dont les racines croissent en se ramifiant à la fois dans l’eau et à l’air libre, notre projet tisse des liens entre les plantes et nous, entre les différentes figures que nous avons identifiées : celles du champ, de l’herbier, du jardin et de la forêt. Généralement, les textes étudiés ne mettent pas en scène une seule mais plusieurs figures entrecroisées. Celles-ci ne forment pas des îlots, mais ont plutôt tendance à se recouper, à renvoyer l’une à l’autre. Elles forment avant tout des balises nous permettant de cartographier l’imaginaire botanique, de relever certaines logiques narratives et caractéristiques formelles, d’observer les traits inhérents à ces réseaux de signification qui s’élaborent au fil de la lecture.

    Située dans le cadre général des études végétales, notre approche s’inscrit à l’intersection de deux domaines théoriques : l’écocritique et la géopoétique, qui ont en commun le fait de souligner l’importance et l’influence du dehors et du vivant dans nos visions et perceptions du monde. Autrement dit, ces deux approches adoptent une perspective moins anthropocentrique que la plupart des autres approches critiques en littérature (Bouvet et Posthumus, 2016). Apparue vers la fin des années 1980, la géopoétique est un champ de recherche et de création qui vise à cultiver un rapport sensible et intelligent à la Terre et à instaurer un dialogue entre la littérature, les arts de manière générale, les sciences de la Terre, en particulier la géographie, et la philosophie (White, 1994). Située à l’intérieur d’un vaste ensemble de réflexions et de créations transdisciplinaires, l’approche géopoétique des textes littéraires accorde une attention soutenue aux représentations de l’espace et tire profit des notions élaborées en géographie pour cartographier le récit de manière à mieux comprendre comment les êtres vivants habitent leurs univers (Bouvet, 2015). En considérant le mouvement comme le principe premier du rapport à l’espace, en examinant la manière dont s’élaborent les paysages, les parcours, les cartes, cette approche vise avant tout à amener les lecteurs et lectrices à réfléchir à leurs propres pratiques de l’espace et à intensifier leur rapport à la Terre, dont le règne végétal forme une dimension essentielle. Quant à l’écocritique, qui s’est développée dans les années 1990 (Buell, 1995), elle cherche à déconstruire la binarité nature/culture qui a conduit à la destruction des nombreux écosystèmes de la planète en plus de justifier d’innombrables formes d’oppressions humaines et autres qu’humaines. S’appuyant surtout sur les sciences de l’environnement, elle remplace le paradigme de la domination de l’humain sur son environnement par des pratiques de réciprocité avec les êtres vivants (Lousley, 2020). Dans le cadre de la pensée écocritique, les plantes sont ainsi perçues en tant qu’agents, elles ne sont plus réduites à un rôle écosystémique, mais considérées comme des sujets différenciés et individualisés. Les lecteurs et lectrices sont invités à aller en dehors du texte et à partir à la rencontre de l’univers végétal en l’expérimentant de manière sensible, à l’aide du toucher, de l’odorat, de la vue, de l’ouïe et du goût (Van Dooren, Kirksey et Münster, 2016).

    Le premier principe qui guide notre approche botanique de la littérature consiste à remettre en question l’approche anthropocentrée du végétal dans le domaine littéraire, celle qui réduit les plantes à un décor, un élément parmi d’autres de la scène sur laquelle se déroule l’action humaine dans le texte. Il ne s’agit pas d’une analyse thématique de type habituel, dans laquelle les actions des personnages, leurs pensées, la dynamique humaine autrement dit, tiennent le premier rôle. Au lieu d’envisager le jardin, la forêt ou le champ comme des espaces de transformation des personnages, l’attention se porte d’abord et avant tout sur le végétal, déclenchant des recherches sur les plantes évoquées et décrites. En nous appuyant sur les réflexions de botanistes, nous privilégions une perception des plantes basée sur une connaissance intime de leur fonctionnement. Nous avons retenu principalement celles qui accordent à la plante le premier rôle, comme celles de Francis Hallé (2004), qui a notamment révélé la richesse de la canopée des forêts tropicales grâce au fameux « radeau des cimes² » (Hallé, Cleyet-Marrel et Ebersolt, 2000) tout en faisant connaître au public de multiples espèces végétales grâce à ses ouvrages, conférences et dessins (Hallé, 2016) ; celles de Robin Wall Kimmerer (2003, 2013), dont les récits tressent trois fils différents: les connaissances botaniques, les savoirs ancestraux autochtones et les interactions quotidiennes avec les plantes du point de vue d’une femme qui est aussi mère et professeure d’écologie ; et celles de l’architecte-paysagiste et écologiste Gilles Clément (2002, 2004, 2006), dont les essais et expérimentations font l’éloge des plantes vagabondes en plus de proposer de stimulantes notions et manières de faire, telles que le jardin en mouvement, l’esthétique de la friche ou le jardin planétaire.

    En plus de faire appel à la botanique, nous accordons de l’importance à l’espace dans lequel les plantes évoluent, de même qu’aux mouvements qui les animent. Contrairement à l’idée reçue voulant que la plante soit un être immobile, inférieur en cela à l’animal qui a la faculté de se mouvoir, nous interrogeons les manières très subtiles dont le végétal circule à travers les lieux, à travers les textes. Que ce soit grâce au vent qui disperse les graines, grâce aux animaux – les insectes pollinisateurs, les oiseaux, entre autres –, ou encore grâce à l’être humain, qui sème, plante, cultive, herborise, échange, voyage, commerce, etc., la plante passe d’un lieu à un autre. Afin de comprendre la manière dont la plante habite la terre, nous nous sommes efforcés de mener une analyse systématique des déplacements des plantes et des personnages et de les cartographier, afin de mettre à jour la dynamique propre au végétal dans chacun des textes. À partir des réflexions cruciales sur l’habiter en philosophie et en géographie, nous tentons d’opérer un pas de côté pour penser l’habiter sous l’angle végétal plutôt qu’humain. Sans oublier que l’espace constitue un milieu, un environnement. L’apport de l’écologie est essentiel pour étudier les relations des plantes avec les autres êtres et éléments de leurs écosystèmes.

    Il s’agit autrement dit de laisser la pensée cheminer au contact du végétal, de la laisser vagabonder dans des régions (encore) inexplorées. Ce type de lecture amène à sortir du texte, à faire non seulement des promenades inférentielles comme le suggère Umberto Eco dans Lector in fabula (1979), mais aussi des promenades encyclopédiques, à la recherche de la description, de l’histoire ou des usages de telle ou telle plante. La traversée du texte devient le moyen d’affiner sa sensibilité aux plantes, à la fois sur le plan esthétique, puisque certaines formes sont imperceptibles à l’œil, peu habitué à discerner les complexités végétales, et sur le plan imaginaire³. L’enjeu consiste à rapprocher la littérature du vivant : la lecture devient un moyen de mieux connaître son environnement, elle déclenche des recherches, des sorties à l’extérieur, elle ouvre sur un univers insoupçonné, auquel on est le plus souvent « aveugle » (Hallé, 2014).

    Les quatre figures identifiées – l’herbier, le jardin, le champ, la forêt – illuminent chacune à leur façon différentes facettes du rapport au végétal, que nous concevons d’abord et avant tout comme une relation, une interaction, une approche singulière. Afin de mieux les distinguer, nous avons défini six paramètres : 1) l’intention, la motivation ou le désir : trois termes suggérant l’idée d’une direction, d’un horizon, d’un appel propre à chaque figure ; 2) la posture, la philosophie, la manière d’être, autrement dit un ensemble de codes, de valeurs, qui découlent de l’intention ou du désir ; 3) la spatialité, à savoir les questions d’échelle, de limites, de lieu ou d’espace, le degré d’anthropisation, d’enchevêtrement ou de séparation, les caractéristiques des écosystèmes et la diversité des espèces végétales qui les habitent ; 4) la temporalité, selon qu’il s’agit d’un temps végétal ou humain, long ou court, cyclique ou linéaire, d’une trame unique ou démultipliée dans le cas de temporalités imbriquées ; 5) les techniques ou les savoir-faire liés à telle ou telle pratique (botanique, jardinage, agriculture, etc.) ; 6) la mobilité, une variable qui se décline elle-même selon quatre modes opératoires : le mouvement propre à la plante, qu’il s’agisse de la pousse des tiges et des feuilles, de l’éclosion des fleurs, de l’avancée des rhizomes, de la prolifération, des mouvements ayant lieu au niveau micro et exigeant par le fait même une acuité du regard et une attention très fine au végétal ; le déplacement : la migration des plantes, leur mise en circulation à travers les échanges économiques ou entre jardins botaniques, leur expansion au niveau macro ; l’aimantation, ou les phénomènes d’attraction et de répulsion, ces forces qui mettent les plantes et les humains en mouvement ; la métamorphose, qui implique non seulement un changement d’apparence, une transformation, mais aussi un changement de nature dans certains cas.

    En tant que paramètre central de nos recherches, la mobilité a d’ailleurs fait l’objet d’un colloque international dont les actes viennent d’être publiés (Bouvet et Posthumus, Mouvantes et émouvantes : les plantes à travers le récit, 2024). Elle a aussi donné lieu à l’élaboration, en 2021, d’une plateforme dynamique et interactive, que nous présentons en annexe⁴. Destinée au départ à illustrer la circulation de dix plantes à travers différents récits de notre corpus, elle a été conçue de manière à multiplier les modes de navigation selon qu’on s’intéresse aux plantes répertoriées, à leurs fonctions dans les récits ou encore aux récits eux-mêmes, et reprend donc à sa manière les formes et principes du rhizome. Alliant de courts textes de vulgarisation scientifique, des citations tirées des œuvres et deux types de cartes (une carte planétaire des biomes et une carte sensible, spécifique de chaque texte), cette plateforme se veut, dans sa structure même, une exploration des différentes formes et manifestations de la mobilité. Comme nous l’expliquons en annexe, l’élaboration de cette carte numérique a suscité de nombreux questionnements et nous a obligés à relever plusieurs défis.

    Véritable axe transversal faisant l’objet de notre premier chapitre, la mobilité se retrouve dans chacune des figures. Le fait de la placer à l’orée de l’ouvrage permet à la fois d’offrir une perspective d’ensemble sur le corpus et de donner l’impulsion nécessaire au déploiement des quatre figures, de dynamiser l’ensemble, autrement dit. Remettant en question l’idée par trop répandue selon laquelle les plantes sont immobiles, nous proposons une réflexion générale autour des notions de mouvement et de mobilité ainsi qu’un examen des quatre modes opératoires de la mobilité végétale exposés précédemment. Au-delà d’une compréhension de la mobilité en tant que faculté de se mouvoir, nous nous intéressons plus particulièrement à cette capacité qu’ont les plantes de mobiliser tant les autres êtres vivants (fictifs comme réels) que les récits eux-mêmes, voyant dans cette capacité une des multiples formes d’expression d’une agentivité exclusivement végétale, dont nous suivons les traces et représentations tout au long de l’essai.

    Les chapitres suivants examinent tour à tour les dimensions scientifique, esthétique, intime, économique et symbolique du rapport au végétal en analysant quatre grandes figures de l’imaginaire botanique, quatre types d’espaces consacrés aux plantes ou investis par elles : l’herbier, le jardin, le champ, la forêt. Trois d’entre eux sont reliés de près à des pratiques séculaires dans lesquelles l’être humain intervient de manière marquée tout en étant à son tour affecté par le végétal. La progression d’un chapitre à l’autre suit une logique sinueuse, un chemin qui rappelle davantage les sentiers suivis par les chèvres dans les montagnes que les lignes droites des chemins forestiers établis pour la machinerie lourde. Largement tributaire de la botanique, science spécialement consacrée aux plantes, le deuxième chapitre pose la question des savoirs et du langage en analysant la représentation de l’herbier en littérature tout en suggérant de considérer certains textes comme de véritables herbiers littéraires. Le troisième chapitre, consacré au jardin, fait appel au registre de l’intimité, du soin à apporter aux plantes et de la proximité tant spatiale que sensuelle avec elles, tout en soulignant une forte dimension mythique. Le quatrième chapitre, consacré au champ, examine deux modèles opposés, celui de la plantation, fondé sur l’exploitation végétale-humaine⁵ et la monoculture, et celui du faire-avec (Larrère et Larrère, 2015), offrant d’autres possibilités. En l’absence de textes littéraires mettant en scène l’agroécologie ou l’agriculture biologique, nous nous sommes intéressés à la graine, point de départ du cycle végétal, avant de suivre des pistes conduisant au réensemencement des récits et des champs. Enfin, le dernier chapitre ouvre la réflexion en examinant un espace moins anthropisé que les trois autres, à savoir la forêt. Même si les forêts actuelles n’ont plus grand-chose en commun avec les forêts primaires, ces dernières exercent toutefois, sur le plan symbolique, une force indéniable. Tour à tour espace de confins, refuge, lieu d’épreuve, zone d’exploitation de la matière ligneuse, la forêt constitue aussi un milieu idéal pour l’enchevêtrement des règnes végétal, humain, minéral et animal. L’enchaînement proposé vise donc à progresser peu à peu vers une nouvelle manière de concevoir nos liens avec le végétal, de les retisser de manière plus harmonieuse, de nous immerger de plus en plus profondément dans l’univers végétal de façon à explorer la manière d’être vivant (Morizot, 2020) propre aux plantes, à mieux percevoir leur diversité, leur beauté, leur manière d’habiter le monde, à se sentir soi-même participer à cet enchevêtrement nécessaire au déploiement de la vie et de la pensée.

    Même si les figures observées apportent chacune à leur tour une dimension nouvelle, nous avons conçu l’ouvrage de façon à le rendre accessible à ceux et à celles qui seraient plus intéressés par l’un des thèmes abordés et qui n’auraient pas le temps de lire l’ouvrage au complet. Ainsi, il est possible de lire chacun des chapitres de manière indépendante, ce qui permet une appréhension non linéaire – autrement dit, rhizomatique – de l’essai. Tous les chapitres sont bâtis selon une structure similaire : ils débutent avec un aperçu général des caractéristiques de la mobilité ou de la figure et font appel à une diversité de textes littéraires ainsi qu’à différentes sources théoriques pour aborder certains points. Par la suite, des analyses approfondies de certains récits sont proposées, dans le but d’explorer de manière plus extensive le rapport aux plantes.

    Plutôt que de soumettre tous les textes à un même traitement, ce qui aurait été redondant, nous avons en effet préféré développer les analyses de certains textes en particulier. Pour complémenter ces segments plus substantiels et dialoguer avec eux, nous avons intercalé entre ceux-ci de courtes analyses, souvent consacrées à un ou des éléments marquants de l’imaginaire de l’herbier, du jardin, du champ ou de la forêt absents des œuvres étudiées extensivement. En plus de favoriser l’inclusion du plus grand nombre possible de textes de notre corpus, il nous a semblé que ce choix méthodologique participait à rendre justice au caractère touffu et complexe de ces quatre grandes figures de l’imaginaire botanique. Enfin, on trouvera, à la fin du volume, l’annexe expliquant le fonctionnement et l’élaboration de notre cartographie numérique et interactive de la mobilité des plantes, suivie d’une bibliographie établie en fonction des figures et d’un index fournissant les ressources nécessaires à de futures explorations.

    ***

    Cet essai offre la synthèse des recherches menées depuis 2017 dans le cadre du groupe de recherche L’imaginaire botanique, qui a vu se succéder de nombreuses personnes au fil des ans et qui a donné lieu à divers événements. Nous tenons à remercier tous ceux et celles qui ont contribué d’une manière ou d’une autre aux discussions, aux analyses, à la recherche documentaire et bibliographique, à la cartographie, en particulier les collègues et la communauté étudiante ayant participé aux journées d’étude sur l’herbier littéraire (2018), aux séminaires sur le jardin (2018-2019) et sur le champ (2021), au colloque Paroles d’arbres, histoires de jardins (2019) de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), au colloque international sur La mobilité des plantes à travers le récit (2021). Ces recherches n’auraient pu se faire sans le travail des assistants et des assistantes de recherche qui ont rejoint l’équipe à un moment ou à un autre et que nous tenons à remercier chaleureusement : Joseph Dorion, Marine Bochaton, Talia Wise, Megan Bédard, Karine Légeron, Chloé Charbonneau et Cat Alexis Blanchette. De la même façon, la collaboration étroite avec l’axe « Cultures du végétal » de la Structure Fédérée de Recherche (SFR) Confluences de l’Université d’Angers a compté pour beaucoup ; nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance à Isabelle Trivisani-Moreau, Aude-Nuscia Taïbi, Cristiana Oghinã-Pavie, Anne-Rachel Hermetet et Bertrand Guest. Un grand merci également aux membres du Groupe de recherche interdisciplinaire sur le végétal et l’environnement (GRIVE), dont les échanges ont enrichi la perspective interdisciplinaire

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