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L’âme cœur
L’âme cœur
L’âme cœur
Livre électronique177 pages3 heures

L’âme cœur

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À propos de ce livre électronique

Constance, Adam et Sarah, liés par une amitié profonde depuis leurs années universitaires, refusent de rompre leur attachement unique alors qu’ils entrent dans leur vie d’adulte. Ils décident de se retrouver tous les 4 ans en différents lieux, malgré des chemins de vie divergents. Constance s’installe aux États-Unis, Adam part en Grèce poursuivre ses études, Sarah devient professeure à la Sorbonne et renoue avec ses racines provençales. Entre secrets de famille, souffrances conjugales et retrouvailles teintées de vaines promesses, ils cherchent le bonheur en niant l’essentiel : le lien indéfectible qui les unit à la vie, à la mort.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Sa passion pour l’histoire et la littérature a guidé Sandra Duhot dans la création de plusieurs œuvres remarquables. Après avoir publié Lola et Immortelles destinées chez Évidence Éditions en 2018 et 2019 respectivement, ainsi que L’encre des maux chez Le Lys Bleu Édition en 2022, elle nous présente son nouveau roman : "L’âme cœur".
LangueFrançais
Date de sortie12 mars 2024
ISBN9791042217020
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    L’âme cœur - Sandra Duhot

    1

    Septembre 2003

    Sarah aimait la nature luxuriante. La canopée l’avait toujours impressionnée. Ces vastes forêts tropicales, d’où émergeaient des sons discrets puis tout à coup stridents et dans lesquelles semblait grouiller une faune extraordinaire, étaient paradoxalement apaisantes. Elle observait à l’aube et au crépuscule cette faune sauvage tandis qu’elle disparaissait pour le reste de la journée avec les premiers rayons du soleil, comme si soudain tout semblant de vie n’avait plus lieu d’être. Les voyages l’avaient nourrie depuis toujours. Petite, elle se laissait guider par ses parents, confiante, vers des contrées inconnues ; l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud… Ses parents étaient médecins sans frontières. Ils changeaient donc d’espace, de lieu d’habitation, de pays, de culture au rythme des événements de par le monde ; conflits armés, catastrophes naturelles, épidémies. Comment s’attacher dans ces conditions ? Sarah était nulle part et partout chez elle à la fois. C’était un sentiment étrange que d’avoir la planète entière comme lieu d’existence. C’était à la fois troublant et rassurant.

    Elle s’établit à Paris lorsqu’elle eut dix-huit ans, le baccalauréat en poche passé depuis le Gabon après l’avoir travaillé par correspondance. Elle quittait, pour la première fois, ses parents, le cocon familial et la nature sauvage au contact de laquelle elle avait grandi et s’était construite depuis l’enfance. Vouant une vraie passion pour les grands espaces indomptés où l’animal est roi, Paris lui fit l’effet d’une bombe. Trop de monde, trop de bruit, trop de pollution ! Comment allait-elle supporter un tel vacarme continuel ?

    Elle décida d’aller de l’avant et fonçait tête baissée dans sa nouvelle existence d’étudiante assidue et sérieuse. Portée par l’histoire et les civilisations anciennes, elle s’inscrivit à la Sorbonne, en histoire de l’art et archéologie.

    La Sorbonne, plus qu’un nom, était un monument qui impressionnait par sa beauté et son histoire. Construite pendant le moyen-âge et le Paris médiéval, à l’image des medersas islamistes, l’imposante bâtisse appelée « Collège » au treizième siècle, avant de prendre le nom de Sorbonne, avait accueilli, durant les siècles qui s’étaient succédé, des milliers d’étudiants en provenance de l’Europe entière. Les enseignants de la Sorbonne et ses illustres étudiants (nombreux devinrent et deviennent encore des hommes politiques, écrivains, philosophes ou historiens…) contribuèrent largement au débat intellectuel qui animait le royaume de France de l’époque, et participèrent à la renommée de l’Université dans le monde. Le cardinal Richelieu, proviseur de l’établissement au début du quinzième siècle, fut notamment à l’origine de la chapelle construite en son sein pour y placer son tombeau. Les rénovations successives des bâtiments tout au long des siècles dont celles des dortoirs et l’immense bibliothèque contribuant à son prestige, en avaient fait un monument d’exception pour étudier.

    Pour toutes ces raisons, la jeune Sarah se réjouissait de poursuivre ses études à la Sorbonne. Ses Parents, Paul et Martha, lui avaient loué un petit studio à deux pas de la place du même nom, niché sous les toits, dans une ruelle adjacente débouchant sur le Panthéon, au cœur du Quartier latin, tout près des jardins du Luxembourg et à deux pas de l’île de la Cité. Elle mit un certain temps à s’habituer à sa nouvelle vie et à sa solitude, mais elle finit par prendre ses marques. Elle adopta un chaton, qu’elle prénomma Okka, pour ne pas se sentir trop seule. Le soir après les cours, travailler à son contact, l’entendre ronronner à ses côtés l’apaisait et lui permettait de supporter l’absence de ses parents qui poursuivaient, heureux, leur périple autour du monde. Ils avaient quitté le Gabon pour la Thaïlande où Sarah les rejoindrait à Noël. Ils avaient pris l’habitude de communiquer via Six Degrees et MSN aux prémices des réseaux sociaux puis avec Facebook, Messenger, WhatsApp, Skype qui avaient supplanté MSN. Bref, Internet n’avait pas de secret pour eux. Ils compensaient ainsi l’absence par des échanges interminables à travers leurs écrans et cette virtualité du contact leur convenait. Ils se racontaient l’essentiel ou des banalités et rompaient la communication avant de se lasser. De fait, les discussions houleuses étaient rares et les échanges heureux plus nombreux.

    À l’Université, Sarah découvrit avec stupeur la difficulté de se lier d’amitié. Les étudiants étaient si nombreux en première année qu’il était difficile de recroiser les mêmes visages dans une même journée. Ainsi, Sarah restait plusieurs semaines, seule et désœuvrée, s’astreignant à une certaine routine pour ne pas déprimer. Levée aux aurores, elle rejoignait le jardin du Luxembourg à deux pas pour un footing matinal. À 7 h 15, elle prenait une douche vivifiante, avalait à la hâte son petit-déjeuner pour attaquer les cours à 8 h. Il lui arrivait de rentrer chez elle pour déjeuner si son emploi du temps le permettait sinon elle mangeait sur le pouce et finissait généralement la journée à la bibliothèque à la fois pour se donner du cœur à l’ouvrage, encouragée par l’ambiance studieuse qui y régnait, et parfaire les recherches que suscitait la formation qu’elle avait choisie.

    L’histoire de l’art et l’archéologie étaient deux matières très complémentaires. Pendant cinq ans, l’enseignement allait se focaliser sur l’art et l’archéologie en Europe depuis l’Antiquité classique jusqu’à l’époque contemporaine, l’histoire des arts égyptiens, islamiques, indiens, chinois et amérindiens. Cette formation permettait aux étudiants d’acquérir une solide culture en histoire ancienne et un esprit critique. Mais ce qui l’avait surtout séduite était les fouilles archéologiques proposées au programme. Elle n’avait en revanche aucune idée du métier qu’elle souhaitait faire plus tard. Elle préférait se laisser porter par les événements, comme elle l’avait toujours fait, et se laisser guider par les opportunités de la vie. Il lui importait également de suivre son instinct. Et son instinct l’entraînait invariablement vers l’étude des civilisations qui avaient peuplé cette terre et du passé de l’humanité. Pourquoi ? Elle n’en savait trop rien, mais une chose était sûre, elle était plus intéressée par la compréhension de ce qui avait conduit l’humanité à être ce qu’elle est aujourd’hui plutôt qu’à chercher à se projeter dans le futur pour connaître ce que l’humain allait faire de tout le savoir emmagasiné depuis sa genèse.

    Adam et Constance étaient entrés dans sa petite vie tranquille sans crier gare. Constance lui avait adressé la parole pour la première fois en cours d’histoire de l’art. Sarah s’était retournée et n’avait vu que les grands yeux bleus de cette jolie blonde qui la fixait sans détour. Comment n’avait-elle pas remarqué ce sublime regard azur ? La fille qui lui faisait face était tout simplement splendide et c’est à elle qu’elle voulait parler. Ayant perçu son étonnement, la belle blonde avait poursuivi en lui souriant, cherchant de toute évidence à créer le contact. Son sourire aussi était magnifique. Ses dents blanches illuminaient son visage de porcelaine auréolé d’une chevelure lisse et retombant en cascade sur ses épaules menues. Sarah n’aimait pourtant pas les filles, mais cette fille-là avait vraiment quelque chose de spécial.

    Et c’est ainsi que Constance devint pour Sarah aussi indispensable que l’air qu’on respire… Elle devint sa meilleure amie. N’en ayant jamais eu, il ne fut pas très compliqué pour Sarah de la placer au-dessus des autres. En outre, cette incursion dans sa vie de solitaire endurcie allait changer beaucoup de choses. Finies les pauses déjeuner entre ses quatre murs ou assises sur les marches d’escalier de la faculté ; les deux amies déjeunaient ensemble dès que leur emploi du temps le permettait. Habitant tout près de la Sorbonne, Constance venait travailler chez Sarah pendant les permanences ou bien elles investissaient la bibliothèque des heures durant pour leurs recherches et autres devoirs chronophages qu’il était plus plaisant de peaufiner à deux.

    Constance habitait depuis peu Boulogne-Billancourt. Elle arrivait de New York où elle avait vécu avec sa mère depuis le divorce de ses parents. Mais voilà, sa mère s’était remariée et avait donné naissance, il y a deux ans, à des jumeaux avec lesquels la cohabitation était devenue impossible. Happée par les deux petits garnements, elle n’avait plus aucune minute à consacrer à sa fille aînée. Cette dernière avait donc, à sa majorité, fait le choix de venir s’installer chez son père en France pour y poursuivre ses études. Fraîchement débarquée dans la capitale, Constance n’avait eu aucun mal à s’habituer au climat et à la frénésie parisienne contrairement à Sarah dont la dernière résidence, avant d’investir son studio du Quartier latin, était perdue en pleine savane africaine à plus de deux cents kilomètres de Libreville dans laquelle elle ne s’était jamais rendue hormis pour passer le baccalauréat six mois plus tôt. Pour la première fois, Sarah découvrait l’amitié et la satisfaction de se dévoiler, enfin, à une personne de confiance sans retenue. Comment naissait un tel sentiment ? Pourquoi certaines personnes se rencontrant, étaient-elles attirées l’une vers l’autre ? Quel était l’élément déclencheur ? Était-ce une question d’alchimie ou d’onde magnétique ? Pourquoi Constance et non Marie ou Julie ? Les questions affluaient dans l’esprit de Sarah sans qu’aucune réponse satisfaisante ne prenne corps. L’attirance physique se comprenait par la chimie des composants, mais l’attirance de l’esprit ?

    Bref, elle avait tout d’abord beaucoup écouté Constance lui raconter sa vie. Son enfance heureuse en banlieue parisienne élevée par une nounou dévouée qu’elle voyait toujours ; ses parents aimants, mais ayant tous deux des fonctions haut placées dans la finance qui les avait rapidement conduits à quitter la France pour les États-Unis, Manhattan précisément, où ils avaient poursuivi leur vie et leurs carrières tambour battant ; puis un soir, le regard triste de son père l’avait alerté sur l’éminence du cataclysme qui allait à nouveau bouleverser son quotidien de jeune adolescente insouciante ; cette catastrophe portait un nom qui la faisait frémir depuis toujours. Et puis le mal du siècle l’avait frappé à son tour : ses parents divorçaient ; s’en était suivie une année horrible de larmes et de déchirement ; puis le choix cruel de rester à New York avec sa mère ; la séparation douloureuse d’avec son père rentrant à Paris ; son premier petit ami qui l’avait sortie du marasme ; le remariage de sa mère et leur départ en banlieue avec ce beau-père qu’elle n’avait jamais vraiment accepté, la naissance de ses deux demi-frères… Enfin, la libération pour Constance que représentait sa nouvelle existence parisienne et les retrouvailles avec son père…

    À son tour, Sarah avait osé parler. D’abord de ses parents qui ne juraient que par leur travail ; un travail difficile au plus près des populations locales dans le besoin, éloigné le plus souvent des grandes villes et des agglomérations surpeuplées de ces contrées retirées. Là-bas, pourtant, elle n’avait jamais réellement souffert de la solitude. Peut-être parce qu’elle avait rapidement trouvé le remède pour s’en prémunir… Fille unique elle aussi, Sarah partageait le quotidien des enfants des villages qu’elle traversait ou des autres médecins et infirmiers qui œuvraient dans les dispensaires aux côtés de ses parents. Chaque déplacement était l’occasion de côtoyer d’autres jeunes, mais aussi, à son grand regret, de perdre de vue de nombreux camarades de jeu. La séparation était devenue pour elle, au fil des années, une véritable plaie purulente. Aussi, afin de ne plus souffrir, avait-elle inconsciemment fait le choix de ne plus s’attacher. Elle avait également trouvé la parade : elle s’était créé, enfin le supposait-elle, un double imaginaire toujours présent à ses côtés. Son double portait un nom. Elle l’avait prénommée « Elle ». « Elle » parce que c’était une fille, « Elle » parce qu’elle lui ressemblait et que Sarah n’avait aucun secret pour elle. « Elle » était sa conscience, sa petite voix, son étoile qui guidait ses pas depuis l’enfance, dans l’apprentissage de la vie. Quelquefois, « Elle » disparaissait. Mais il suffisait que Sarah y pense pour que « Elle » réapparaisse… « Elle » l’avait beaucoup aidée à appréhender sa nouvelle existence loin des siens et de sa vie d’avant. C’est parce que « Elle » était là que la solitude n’avait jamais été un fardeau. Ainsi, Okka et son double avaient réussi à combler le vide qu’avaient laissé ses parents depuis qu’elle s’en était éloignée.

    Lorsque Sarah avait parlé à Constance de son double, cette dernière avait beaucoup ri. Elle ne s’en était pas offusquée, mais cela l’avait surpris.

    Constance avait fait une drôle de tête et Sarah s’en était étonnée, car, pour elle, il était évident que tout le monde avait son « Il » ou son « Elle » à portée de main.

    Sarah ne comprenait pas où Constance voulait en venir. Elle touchait du doigt en revanche, qu’elle n’avait pas de double et trouvait cela très surprenant et angoissant. Comment faisait-elle pour appréhender le quotidien en étant totalement livrée à elle-même ?

    Sarah s’était figée.

    Sarah n’avait pas répondu et avait baissé les yeux.

    Constance l’avait longuement observé, les yeux ronds, prête à éclater de rire.

    Sarah avait baissé la tête, prête à verser sa première larme.

    Constance était sincère. Il était vrai qu’à leur âge, beaucoup de filles avaient déjà eu une première relation avec un garçon. Elle-même avait eu son premier rapport sexuel à seize ans et demi avec son ami américain qu’elle avait laissé tomber par la suite. Ce n’était pas le cas de Sarah et Constance venait de le réaliser. Et tel qu’elle appréhendait la chose, ce n’était pas prêt d’arriver. Elle était affreusement timide et pudique. Son corps lui faisait horreur, alors le montrer à quelqu’un d’autre… elle ne s’en sentait

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