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La police des grains au XVIIIe siécle en Franche-Comté
La police des grains au XVIIIe siécle en Franche-Comté
La police des grains au XVIIIe siécle en Franche-Comté
Livre électronique191 pages2 heures

La police des grains au XVIIIe siécle en Franche-Comté

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À propos de ce livre électronique

Le blé est l'or de l'ancien régime

La police des grains au XVIIIe siècle en Franche-Comté

Qu'appelle-t-on la police ?

Elle a pour but le maintien de l'ordre public

c'est-à-dire de la préservation de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité. On encadre certaines activités privées afin d'empêcher que l'ordre social ne soit troublé. Elle est l'activité juridique qui consiste à maintenir cet ordre par une règlementation et des interventions adaptées.

Les denrées alimentaires au dix-huitième siècle

Au XVIIIe siècle, si l'on veut parler des denrées alimentaires, on doit mentionner le pain. Les ouvriers et paysans mangent presque que cela. Le plus grand nombre des habitants ne consomme que du pain. Si l'on évoque un problème des subsistances, c'est un problème du pain. Comment parler des subsistances, sans traiter du commerce des grains ? Le pouvoir royal a toujours prêté une attention particulière au pain, pour s'en convaincre, on peut consulter le traité de police de Delamare.

Le commerce des grains nous parait particulièrement complexe. Mais qu'est-ce que les grains ? C'est le froment, l'avoine, l'orge, le sarrasin, le méteil, le seigle, maïs et d'autres menues. Le roi des céréales à cette époque est le froment.

Variations selon les provinces

Ce commerce variait selon les provinces, leur activité agricole et leur activité commerciale offrent des jalons qui permettent de les distinguer. Certaines produisaient plus de céréales qu'elles en consommaient, d'autres en produisaient la quantité nécessaire pour leur subsistance, quelques-unes n'en produisaient pas, ou pas assez pour satisfaire la demande. La question des subsistances variait d'une province à l'autre.

Le commerce est avant tout un problème local

On doit tenir compte aussi de la géographie, l'approvisionnement en cas de besoin est-il facile ou non ? Les voies de communication existent-elles ? Les producteurs sont-ils assez puissants pour demander la possibilité de sortir des grains de la province ? Que ce soit la subsistance ou le commerce, c'est avant tout un problème local. Chaque province connait des spécificités qui lui sont propres, et apportent des réponses qui sont différentes.

LangueFrançais
Date de sortie26 déc. 2023
ISBN9798223306313
La police des grains au XVIIIe siécle en Franche-Comté

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    Aperçu du livre

    La police des grains au XVIIIe siécle en Franche-Comté - Lorenzo di Gaio

    La police des grains en Franche-Comté au XVIIIe siècle

    Les produits céréaliers, et en particulier le bled, constituent jusqu'à la fin du XIXe siècle l'alimentation de base d'une grande partie de la population française :  Le grain est un produit de première nécessité : une question de vie ou de mort pour des millions de consommateurs [1]. La moindre erreur dans la politique suivie se répercute sur le public. Le commerce des grains tire sa puissance et sa raison d’être du principe de marché. Le jeu de l’offre et de la demande détermine la répartition des revenus entre producteurs, intermédiaires et consommateurs. Le jeu du marché suit un schéma général d’ajustement automatique et perpétuel des prix selon l’offre et la demande. La loi du marché exige une liberté du commerce sans contraintes. C’est l’existence des contraintes et son allégement éventuel qui guident le débat économique du XVIIIe siècle. 

    Dans les faits, de mauvaises récoltes successives, en entraînant la hausse du prix du bled, provoquent des crises de subsistance quasi endémiques au XVIIe siècle en France. Ces difficultés d'approvisionnement s'accentuent en période de troubles intérieurs ou de guerre. Pourvoir aux besoins immédiats de la population est une préoccupation des gouvernements pour éviter les années de disette. Le pouvoir ordonne donc en temps de crise des réquisitions et des rationnements. À plus long terme, il tend à encourager la production — défrichement des terres incultes, introduction de nouvelles cultures, dessèchement des zones marécageuses, perfectionnement des méthodes de culture — pour parvenir à remplir les  greniers d'abondance . Très tôt se développent aussi le commerce des grains et parallèlement les moyens de lutte contre toute velléité d'accaparement ou de monopole : ce commerce fait l'objet d'une réglementation particulière appelée la police des grains.

    Le XVIIIe siècle marque une ultime étape de la longue histoire de l’opposition entre une conception paternaliste de la société et une conception basée sur un mode libéral. La formation du prix des céréales fut longtemps soumise à la morale : la notion de juste prix[2]. Cette conception de l’économie conduit à l’autoconsommation et à l’autarcie, d’abord dans un milieu familial, puis dans une communauté ou une cité. Le mercantiliste fait passer l’économie au stade étatique. Le marché des grains était conditionné par des devoirs du pouvoir royal. Le premier devoir du Roi est celui de la charité envers les pauvres ; le deuxième est de vieller à l’approvisionnement des marchés, surtout urbains ; le troisième est de privilégier le consommateur national par rapport aux acheteurs étrangers. Le pouvoir royal doit veiller au bon fonctionnement des marchés. Cela se traduit par une surveillance de l’approvisionnement des marchés locaux et un contrôle de la formation du prix. Les nouvelles doctrines économiques qui naissent au milieu du XVIIIe siècle remettent en cause ces conceptions. 

    Les physiocrates préconisent la culture et la circulation des grains, ce qui garantit selon eux la prospérité économique du pays. Selon les mercantilistes, les richesses sont en quantités fixes, il convient d’en attirer le plus possible, non par la création, mais en prenant aux autres. La différence entre ces deux doctrines, semble-t-il, est que le mercantilisme ignore la croissance économique : tout est figé et immuable. Selon les physiocrates, il faut accroître la production. La doctrine physiocrate a inspiré la législation d’augmentation des terres cultivables.

    À partir de la deuxième moitié du XVIIIe, la nouvelle doctrine économique influence le pouvoir central. Cette nouvelle doctrine peut être synthétisée par la formule de Vincent Gournay "laissez faire, laissez passer"[3]. Il est clair que la conception du rôle de l’État n’est plus celle du volontarisme qui cherchait à contrer les lois naturelles, mais celle qui lui assigne comme premier objectif de les respecter. Pour autant, l’État peut tout de même développer une politique économique, qui consiste en l’occurrence à favoriser l’accroissement du produit net, c’est-à-dire la croissance, qui est bien sûr favorable à l’amélioration des finances publiques !

    Le domaine essentiel est celui du commerce extérieur, domaine où le dessein de ces nouvelles théories économiques est le plus probant. Il s’agit d’établir la liberté des échanges, qui doit également être respectée dans le pays. On va ainsi favoriser la détermination du  bon prix  tel que la valeur de marché ne s’écarte pas de sa valeur fondamentale. Dans le cadre de la France de cette époque, cela signifie en fait qu’on cherche à faire augmenter les prix agricoles par rapport à leur niveau antérieur : les mercantilistes s’étaient efforcés de les maintenir bas afin de conserver des salaires et des coûts de production faibles. En interdisant les exportations de grains, pour maintenir une abondance favorisant les bas prix, les mercantilistes réussirent à faire que les prix agricoles français furent les plus faibles d’Europe. Les physiocrates espèrent donc, par la libération du commerce et la possibilité d’exporter notamment vers l’Angleterre à des prix plus élevés, restaurer un niveau normal de ces prix, et favoriser ainsi les producteurs et les propriétaires fonciers. Le prix faible des céréales s’explique par le fait que la production agricole est supérieure aux besoins moyens de la population du royaume[4]. 

    La police des grains sera étudiée dans la Franche-Comté du XVIIIe siècle[5]. Cette étude permettra de mesurer l’impact des réformes économiques au sujet des grains dans une société essentiellement rurale. Ces réformes économiques sont une remise en cause du mercantilisme qui annonce l’ouverture de l’économie sur le marché extérieur. De plus, les économistes de la fin de l’Ancien Régime ont introduit un nouveau concept, selon lequel les grains dans les champs, dans les greniers, sur les marchés, sont le bien absolu de leurs propriétaires, ce qui entre en contradiction avec  l’économie morale populaire , celle-ci est renforcée par des pratiques paternalistes traditionnelles estimant que la vente de cette propriété connaît des limites réelles. Le fait que les autorités dans certaines régions ont pu prendre des règlements paternalistes révèle la tension entre ces attitudes contradictoires[6]. La Franche-Comté est productrice de grains, et sa production nous semble supérieure à sa consommation, mais c’est difficilement quantifiable. Dans cette province, le but des théories économiques préconisant le libre-échange prendra toute sa signification. À partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la police des grains aura pour but d’ouvrir la province sur le marché intérieur et extérieur des grains. On va instaurer la liberté du commerce des grains (I). Ensuite, il faudra étudier si la police des grains s’applique uniformément dans la province (II). Enfin, nous devinons que la question du commerce des grains est primordiale en cette matière, aussi est-on conduit à s’y attarder (III). 

    I. 

    La liberté du commerce

    La liberté du commerce des grains n’est pas une innovation du XVIIIe siècle : en 1601, Henri IV et Sully avaient instauré la liberté du commerce des grains aussi bien entre provinces que vers les pays étrangers. Mais il apparaît que ce ne fut pas appliqué, les Parlements défendirent la sortie des grains des provinces de leurs ressorts[7]. La liberté du commerce est tributaire de la doctrine économique, et pour être plus exact, des opinions économiques du Contrôleur général. Cela explique peut-être pourquoi l’application de la liberté du commerce ne fut pas linéaire. Le débat économique peut être synthétisé en deux propositions : le pain à bon marché et le bon prix du bled. Le législateur va intervenir pour définir la liberté du commerce (A), comme il survient une crise des subsistances à partir de 1770, cette liberté du commerce va être atténuée (B). Après cette crise, la liberté d’exportation des grains se heurtera à des pratiques contraires (C).

    A.   

    La législation royale instaurant la liberté du commerce

    Le commerce des grains connut une longue période de contrôle et de surveillance. Les personnes désirant exercer cette profession devaient se faire enregistrer auprès des justices royales. Le commerce entre provinces était, en théorie, possible avec le régime des permissions ou des passeports, mais il semble qu’en période d’abondance, on ait fermé les yeux sur des relations commerciales entre provinces. Il existait un contrôle effectué sur la destination des grains. Le 27 septembre 1710, un arrêt du Conseil d’État concernant le transport des grains décide que les marchands, négociants ou autres, qui voudront faire des envois de grains d’une partie royaume à une autre, seront tenus de donner à l’intendant de la province d’où se fera l’envoi une déclaration de la quantité de grains qu’ils voudraient faire sortir pour une autre province et de faire la soumission de rapporter dans le délai de trois mois la décharge de ces grains[8]. Ce climat de contrôle et de surveillance ne doit pas cacher qu’on avait conscience de la nécessité de la liberté du commerce des grains. Un arrêt du Conseil avait, en 1719, reconnu que le développement de l’agriculture dépendait de la liberté du commerce des grains[9]. Il semble que cela soit resté un vœu pieux, sans suite dans l’immédiat.

    L’interdiction des exportations de grains ne fut pas d’une application linéaire. De 1702 au 1er octobre 1708, l’exportation des grains est permise dans le royaume. Un arrêt du Conseil de septembre 1710 avait de nouveau prohibé l’exportation des grains[10]. L’exportation des grains vers l’étranger ne pouvant avoir lieu qu’après une permission du Conseil. En fait, le particulier qui désirait exporter des grains présentait une requête au Conseil, le Contrôleur général demandait l’avis de l’intendant sur ce projet, ensuite c’est le Conseil qui décidait.

    Mais un vent nouveau souffle en France, des idées sont émises, celles-ci remettent en cause le fondement de l’économie d’Ancien Régime. Quand nous suggérons ce renouveau d’idées, nous pensons à Turgot, qui fut intendant et puis Contrôleur général. Dés ses premiers écrits, il se prononce pour la liberté du commerce et dénonce la taxation des prix des denrées. Il affirme la nécessité de laisser jouer la concurrence afin de  procurer au peuple sa subsistance au plus bas prix possible . Il est contre la réglementation et le dirigisme économique. Selon lui, les prix doivent uniquement être déterminés par le rapport de l’offre et de la demande[11]. Si Turgot estime que la liberté du commerce apportera des subsistances à bas prix au peuple, un autre de ces objectifs est de procurer un profit suffisant aux laboureurs. En effet, selon lui, si le laboureur ne trouve pas un profit adéquat pour sa récolte, il réduira sa production l’année suivante. Pour inciter à une augmentation de la production, il faut laisser augmenter les prix pour procurer un revenu satisfaisant aux laboureurs[12]. Un double objectif est poursuivi : l’augmentation de la production et l’apport de subsistances au peuple, mais on sacrifie le bas prix du pain pour le bon prix des grains.

    Turgot n’est pas le seul personnage de l’État à jouer un rôle dans la liberté du commerce. Machault d’Arnouville, Contrôleur général, et Moreau de Seychelles, qui lui succéderont, sont partisans d’une liberté du commerce des grains. En 1749, Daniel Trudaine devient directeur du commerce ; en 1751, Gournay est investi d’une fonction officielle[13]. Ces quatre personnages peuvent être considérés comme les pères de l’arrêt du Conseil du 17 septembre 1754[14]. Cet arrêt supprime les permissions et passeports pour le commerce intérieur. Ce n’est pas encore une liberté complète, mais elle est l’étape obligée de l’évolution future. Cet arrêt ne fut pas revêtu de lettres patentes donc il ne fut pas soumis à l’enregistrement des Parlements. Selon, Georges Weulersse le fait que cet arrêt ne fut pas enregistré fit naître de nombreuses difficultés, tant de la part des Parlements que des bailliages[15]. Avant cette date, il apparaît que le pouvoir royal a fermé les yeux sur la circulation des grains entre les provinces du royaume ou même a donné son accord tacite du moins : c’est la conclusion que l’on peut tirer de deux lettres reçues par l’intendant de Franche-Comté. La première est une lettre de Machault du 16 décembre 1747 écrite après des représentations des  messieurs  de la Grande Chambre du Parlement de Besançon sur les dispositions de l’arrêt du conseil du 7 novembre 1747 au sujet des marchés et embarrements de bleds. Selon le Parlement, cet arrêt l’a dépouillé de sa compétence pour connaître des achats et embarrements de bleds, c’est l’intendant qui a la compétence en cette matière. De plus, Droz lui a écrit une lettre à propos des achats de bleds faits par les habitants du Pays de Gex à la grande judicature de Saint-Claude, il demande que les habitants du Pays de Gex n’obtiennent plus la permission de  tirer des bleds . Machault répond à Droz que les provinces du royaume doivent se secourir mutuellement[16]. Une  circulaire  du 23 mai 1750 spécifie que les intendants pourront accorder les permissions de sortir les grains de la province sans en référer au Conseil[17]. Nous n’avons aucun exemple d’application de cette circulaire en Franche-Comté. Tout au plus, nous pouvons citer une lettre de Machault à Beaumont, datée du 24 décembre 1752, où on donne à l’intendant des indications sur la conduite à tenir au sujet du commerce des grains :  chercher à concilier tous les objets, c’est à dire d’empêcher qu’il ne passe des grains à l’étranger et laisser la plus libre circulation à ceux qu’ils voudront faire circuler d’une province à l’autre, en prenant toutes les précautions pour qu’il ne fût pas possible de nuire de cette liberté... [18].

    L’arrêt du Conseil du 17 septembre 1754 autorise la libre circulation des grains. En fait, il instaure la liberté de la circulation des grains et non la liberté du commerce des grains. La mutation importante, c’est la Déclaration de Roi de mai 1763. Elle permet à tous les habitants de faire le commerce des grains, d’en vendre et d’en acheter, même d’en faire des magasins sans être astreints à aucune formalité, transporter librement de province à province toutes espèces de grains et denrées sans être obligés de faire aucune déclaration, ni prendre congé ou permission[19].

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