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Une Europe, deux lois pénales
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Livre électronique327 pages4 heures

Une Europe, deux lois pénales

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À propos de ce livre électronique

Au sein de l’Union européenne, 27 systèmes de droit pénal issus de traditions juridiques différentes coexistent. Leur mise en oeuvre par la procédure pénale les confronte, notamment dans le cadre de la coopération judiciaire. La libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux confrontent les citoyens et les opérateurs économiques à des systèmes pénaux différents. Les décisions rendues peuvent donc varier d’un État à un autre et créer une distorsion de traitement ou encore affecter le niveau de confiance mutuelle nécessaire au bon fonctionnement du marché commun. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a modifié les compétences des institutions européennes. Il fait du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires la pierre angulaire de cette coopération. Afin d’y parvenir, le rapprochement voire l’harmonisation des législations nationales constitue des moyens disponibles. Ce constat induit différentes questions auxquelles les auteurs tentent de répondre dans cet ouvrage : - Les États de l’Union européenne sont-ils disposer à opérer une convergence de leurs systèmes pénaux ? - Les magistrats sont-ils prêts à abolir toute forme de barrière à la circulation des décisions judiciaires ? - Peut-on tendre vers une mutualisation des politiques et des moyens répressifs ? Quels seraient les avantages pour les citoyens et les opérateurs économiques ?
LangueFrançais
ÉditeurBruylant
Date de sortie19 févr. 2013
ISBN9782802738916
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    Une Europe, deux lois pénales - John Thomas

    9782802738916_Cover.jpg9782802738916_TitlePage.jpg

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

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    Éditions Bruylant

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    Tous droits réservés pour tous pays.

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    ISBN 978-2-8027-3891-6

    Cette collection, dirigée par Thomas Cassuto, propose une analyse thématique des normes de micro droit national face aux macros normes europpéennes et internationales. Elle a pour objectif d’apporter aux acteurs institutionnels et économiques des repères afin de leur permettre d’agir dans un environnement juridique et économique en mutation et sujet à la confrontation des systèmes juridiques multiples.

    La collection macro droit micro droit a été créée en partenariat avec l’Institut Presaje. www.presaje.com

    Dans la même collection

    De Beaufort V. (sous la direction de),

    Entreprises stratégiques nationales et modèles économiques européens, 2012.

    Cassuto Th.(sous la direction de), Une Europe, deux lois pénales, 2012.

    All the great things are simple, and many can be expressed in a single word: freedom, justice, honor, duty, mercy, hope.

    Winston Churchill

    A ceux qui avec passion et raison œuvrent pour un monde plus juste.

    Sommaire

    Foreword

    Introduction

    Note de l’auteur

    Partie 1

    Une Europe – Deux droits pénaux

    En bref

    Exposé de Thomas CASSUTO

    Exposé de Gualtiero Michelini

    Exposé de Simon Horsington

    Débat

    Partie 2

    État des lieux et perspectives de la construction européenne dans le domaine pénal

    Rappel historique : la construction Européenne

    dans le domaine pénal

    Les apports majeurs du traité de Lisbonne

    dans le domaine pénalLes chantiers en cours de la justice pénale

    Les enjeux persistants de la construction européenne

    dans le domaine pénal

    Partie 3

    Débats. La construction du droit et la mise en œuvre de la sanction pénale

    Présentation

    Au nom du Peuple Français

    Les Entretiens de Saintes

    1999

    Faut-il toujours un coupable ?

    La responsabilité des décideurs

    Les Entretiens de Saintes

    2000

    Peines perdues

    Les Entretiens de Saintes

    2002

    Auteurs et Intervenants

    Foreword (1)

    Sir John THOMAS

    President of the Queen’s Bench Division of the High Court of Justice of England and Wales, Deputy Head of Criminal Justice

    The necessity for rules of law that enable the different peoples of the world to trade and have other relations has long been recognised. One of the early examples is the Lex Rhodia, a body of maritime law dating from the third century BC. It was not law imposed by conquest, but the necessity for commonly understood principles which enabled early seafaring traders to trade between the many states of the ancient world.

    The experience has been different in criminal law. Although the crime of piracy iure gentium has long been recognised, it was only the late 19th century which saw the development of laws relating to the conduct of war. Much more recently we have seen international conventions extending to crimes that are recognised as common to all humanity.

    There can be no doubt in today’s world that the scope of the criminal law must expand so that it can effectively deal not only with crimes such as terrorism and drug dealing with their trans-national elements, but also with much wider issues such as the financial markets where companies operate on a global basis.

    This excellent collection of papers deals with the two principal routes to a solution to these problems – harmonisation of the substantive law and of procedure and much more effective international judicial co-operation. Both routes require an understanding, not only of the general public, but also of judges and lawyers, of two matters that are not entirely self-evident. First, each of our legal systems has much more in common than it has differences. Second, each state has traditions and cultural approaches to criminal law which are different. Those differences have had the danger of solidifying in the public mind an apprehension of the way in which other systems operate. Thus both the necessary routes to a solution – harmonisation and the strengthening of judicial co-operation – have to address both of these matters.

    These clear and illuminating papers seek to advance the debate on the essential task of finding a solution in a way that demonstrates the considerable insight of each of the contributors into these very difficult issues that have been far too long ignored.

    (1) Avant-propos [NdA].

    Introduction

    Par

    Michel ROUGER,

    Président de l’Institut Présaje

    Président honoraire du Tribunal de Commerce de Paris

    L’Europe et ses lois pénales

    Pourquoi le débat sur ce sujet devient-il si nécessaire ?

    Parce qu’il doit être ouvert, au moment où les opinions publiques s’interrogent sur le fond et la forme des institutions européennes mises en place par une succession de traités qui n’ont pas clairement choisi entre le modèle britannique de type sociétal et le modèle français de type politique. Au point de faire arbitrer par le modèle budgétaire allemand, la guerre déclarée en 2011 par le britannique, contre l’EURO.

    Pour introduire le sujet, dessiner le cadre dans lequel il s’inscrit, il parait indispensable de recourir à une réflexion liminaire sur l’EUROPE et sur ces trois modèles qui s’affrontent qui sont au cœur des évolutions politiques depuis, qu’en 1948, Churchill a souhaité rassembler les familles européennes pour éviter une 3ème guerre entre elles.

    1. – L’Europe et les trois modèles européens

    La famille européenne qu’évoquait Churchill comporte trois branches. Deux se sont constituées au début du deuxième millénaire, la britannique et la française, conquérantes et colonisatrices. La plus récente, l’allemande née en 1871 à Versailles, sur les débris du second Empire français a pris le même chemin. De tous temps elles se sont entrebattues, envahies, et alliées à deux contre la troisième. À elles trois elles ont marqué et dominé l’actuelle Union européenne.

    Le modèle britannique, de type sociétal, marchand, est caractérisé par la domination qu’exerce sur l’action politique, une société rassemblée autour de sa monarchie, qui rejette toute emprise de la part de ses gouvernants, en leur imposant le respect de règles et de coutumes ancestrales qui empêchent la prolifération des lois à base idéologique.

    Le modèle français, de type politique, est caractérisé par la domination qu’exercent les gouvernants sur une société, coupée en deux par l’idéologie, mise sous tutelle par une prolifération de textes qui nourrissent 62 codes, dont 8 ou 10.000 sont de nature pénale.

    Le modèle allemand, de type budgétaire, est caractérisé par la domination qu’exerce la monnaie, à la fois sur la société et sur l’action politique, mise sous la tutelle de structures expertes indépendantes, bancaires, la Deutsch Bank, et judiciaires, la cour de Karlsruhe.

    L’Union européenne, telle que la vivent les citoyens des 27 pays qui la composent, a connu 3 mutations depuis qu’elle est née en 1957, à Rome, une fois la Grande Bretagne écartée, avant d’y adhérer en 1973.

    La phase politique, 1957 – 1973, dominée par le modèle français, qui concilie les intérêts de l’agriculteur (la faucille) avec la PAC, et ceux de l’industriel, (le marteau) avec la communauté charbon acier, chacun des six membres conservant ses pouvoirs, aux temps de la Guerre froide.

    La phase sociétale, 1973–1991, dominée par le modèle britannique, qui intègre, la fin de la Guerre froide, les conséquences des chocs pétroliers, le retour de l’Allemagne réunifiée dans la compétition commerciale, oriente l’action des institutions vers le commerce, les marchés, entreprend l’extension de la zone à d’autres pays, et construit l’ensemble des institutions traitant des Droits de l’Homme européen comme rempart à celles, plus politiques, des droits du citoyens des pays adhérents.

    La phase budgétaire, 1991–2012, dominée par le modèle allemand, qui inspire les traités de Maastricht, de Lisbonne, et de Nice et voit naitre la monnaie unique, l’Euro, les prémices d’une constitution européenne, et les premier conflits d’orientation entre les 3 puissances qui ont, chacune, dominé les trois phases. En attendant l’engagement de la 4ème en 2013.

    2. – L’ Europe et ses lois pénales

    Le cadre européen ainsi dessiné à gros traits comme base de la production et de la mise en œuvre des textes applicables, il faut aborder le fond du sujet, celui des 2 lois pénales dominantes en Europe.

    Il convient de noter qu’il concerne les 27 pays reconnus comme États dits de droit, au sein desquels la loi démocratiquement délibérée et votée constitue la base du pacte social qui lie la communauté des citoyens. Pacte social dans lequel chaque « ressortissant » de cet État de droit devient lui-même un sujet de droits, sous protection européenne, au cas où quelque emportement législatif émotionnel viendrait à négliger le respect des droits du citoyen par les services de l’État adhérent, la Cour européenne des droits de l’homme en rappelant alors la primauté.

    Tout cela est bel et bien beau, mais ne résiste pas à la grande mutation survenue au cours du dernier quart du XXe siècle, la liberté voulue par le modèle sociétal régnant entre 1973 et 1991 qui a fait assurer la libre circulation des individus au sein de l’espace Schengen.

    Comment concilier cette liberté accordée à près de 500 millions d’individus avec l’arsenal répressif des lois pénales existantes restées à la discrétion des 27 États membres dont les modes de sanctions sont inspirés par les deux grands modèles européens, celui issu de la culture britannique, celui de la culture romano germanique.

    Il suffit de prendre trois exemples dans l’actualité pour être alertés.

    Celui du suspect mondialisé par la dispersion en quantités massives d’informations protégées par les États, sujet de droit australien, résidant au Royaume-Uni, réfugié à l’ambassade d’Equateur, réclamé par la Suède qui le poursuit pour un délit local.

    Ceux des réputés coupables des délits de manipulation des taux de références appliqués aux emprunts internationaux, préposés de banques aux multiples nationalités, eux-mêmes sujets de droits multi passeports.

    Celui du criminel inconnu, assassin, sur le territoire français de personnes sujettes de droit britannique d’origine irakienne, et de droit suédois.

    Exemples auxquels s’ajoutent les multiples interrogations sur l’applicabilité des sanctions retenues par les codes locaux à des personnes aux situations juridiques indéfinissables qui circulent au gré des modes d’accueil qu’elles trouvent au sein des 27 pays de l’UE.

    3. – Conclusion

    Le grand mérite de l’auteur de cet ouvrage est d’avoir mis sa compétence professionnelle au service des institutions européennes, et sur le cas, essentiel, des lois pénales applicables au sein des 27 pays de l’U E, d’avoir introduit le débat en réunissant l’anglais de grande culture juridique Common Law, érudit et francophone et l’italien tout aussi érudit, de culture juridique romano germanique, devant un parterre de français issus des plus grandes écoles, du droit, de la technique, comme de l’économie.

    Le chantier est ouvert, il faut le mener à bien avec tous ceux qui s’y intéressent.

    Note de l’auteur

    Tout auteur qui invite ses lecteurs à s’installer dans son ouvrage, le temps de la lecture, leur doit le confort d’une description qui les aidera à mieux le vivre. Spécialement dans les publications appliquées aux sciences humaines, dans lesquelles une question précède la rédaction du premier mot. C’est bien le cas de « Une Europe, deux lois pénales ».

    La question originelle s’imposa d’elle-même. Face aux désordres financiers nés d’une globalisation sans régulation, une fois les conséquences dramatiques observées sur l’économie réelle occidentale qui fait vivre les peuples, que peuvent faire les juges pour sanctionner les responsables ?

    La réponse méritait de tourner sept fois son doigt sur le clavier, même en la cherchant auprès d’un magistrat détaché dans les services bruxellois de l’Union européenne. Car les choses ne sont pas simples, ni des deux côtés de la Manche, pas plus, d’ailleurs que des deux côtés de l’Atlantique. L’UE vit son économie sous l’empire de deux lois pénales, celle issue du monde des usages marchands, la Common Law, celle issue du Droit continental écrit, cher aux juristes formés au droit Romano-germanique.

    C’est ainsi qu’une conférence débat s’est déroulée à Paris le 5 décembre 2011 à l’École du Management de Paris sous l’égide d’anciens de l’École des Mines, très préoccupés par la dégradation des échanges industriels et commerciaux dont ils ont la responsabilité.

    L’institut PRESAJE, dont toutes les études et publications associent le Droit, l’Économie et la Justice, pour lequel j’ai déjà publié, m’a fait l’honneur de me charger de cette manifestation, et, bien sûr, d’en rédiger les actes qui constituent le 1er chapitre qui suit.

    L’intérêt manifesté par cette initiative en a inspiré un second. Celui qu’il y aurait à étendre l’étude, bien au-delà de la cohabitation des deux lois pénales disséquées le 05 décembre, pour analyser les perspectives de leur harmonisation. Cette démarche a paru plus que pertinente, après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009 et les réformes institutionnelles profondes qu’il a entrainées en matière judiciaire.

    C’est le second chapitre, moins narratif, plus didactique, qui traite de l’évolution institutionnelle et des réalisations accomplies, ou en cours, dans le domaine de la justice pénale au sein de l’Union européenne, en croisant les regards et les perspectives.

    Cette mise en perspective a paru, alors, devoir être éclairée par la rétrospective offerte par le fonds documentaire de l’Institut PRESAJE avec les actes des colloques, sur les rapports de la Justice et de la Société, organisés par les Entretiens de Saintes. Ceux de 1999, 2000 et 2002, ont paru présenter un réel intérêt, autant par leur caractère rétrospectif – 12 ans – que par la personnalité des intervenants, à l’époque où la France regardait sa justice pénale au fond des yeux. Ils constituent le 3ème chapitre de l’ouvrage.

    Le premier chapitre, la conférence-débat de 2011 met en évidence, à travers le regard de professionnels du droit, les avancées et les perspectives de rapprochements tant des législations que des pratiques pénales. Une avancée qui révèle à quel point a évolué l’intérêt porté aux lois et aux juges, au-delà des juristes, par les industriels, qui ont eu l’initiative de cette manifestation organisée à l’École supérieure du management Paris Europe.

    Le second chapitre constitue le cœur de la réflexion entreprise pour respecter la mise en perspective des évolutions observées. 15 ans après l’appel de Genève et 10 ans après les attentats du 11 septembre, il n’est pas inutile de mettre en avant les progrès réalisés comme leurs limites.

    Dans le contexte de mutation et de crise tant économique que démocratique que traverse l’Europe, la construction du droit, la légitimité de la loi, la hiérarchie des normes, la mondialisation du droit et l’articulation des différentes sphères de souverainetés judiciaires n’ont pas encore apporté toutes les réponses légitimes que se posent les acteurs de la société. Pour le législateur national, le transfert de compétence ne s’est pas nécessairement accompagné du transfert de légitimité. Pour le juge, l’inflation législative nationale se double de la « communautarisation » et de la globalisation du droit sous le contrôle de juridictions internationales. Enfin, pour les opérateurs économiques comme pour les citoyens, la hiérarchie et l’articulation des normes constituent un défi pour anticiper l’avenir et motiver des comportements.

    La crise budgétaire démontre qu’elle est liée à la crise institutionnelle européenne. L’intégration européenne est un processus à rebours de l’histoire: le transfert de souveraineté à un échelon supranationale là où la communauté internationale ne cesse de s’agrandir par le fractionnement, parfois violent, des États. S’il s’agit d’un mouvement politique nécessaire pour assurer la préservation de la paix et des économies européennes, le mouvement initié ne peut s’arrêter sous peine de voir le navire Europe rester échoué au milieu du gué de la recomposition géopolitique mondiale. À cet égard, la justice qui tend d’une certaine manière à la satisfaction équitable d’intérêts divergents, sorte de paradigme de la démocratie, a du mal à s’épanouir à l’échelon européen. Les chantiers sont nombreux, les réalisations sont déjà substantielles, mais elles semblent dans le même temps trop insuffisantes pour répondre aux défis du XXIe siècle à commencer par l’extension de la criminalité organisée qui, elle, a su mettre à jour ses stratégies d’extension pour profiter pleinement de l’ouverture des frontières et la libre circulation des personnes, des biens et des services.

    Derrière la question de l’harmonisation du droit, il y a une question politique majeure: quels moyens sommes-nous prêts à déployer pour assurer la protection effective des citoyens et d’un ordre public européen? N’est-il pas temps de mettre en œuvre une politique pénale ambitieuse à l’échelle européenne qui s’appuie sur des outils procéduraux et des institutions efficaces? Sommes-nous prêts à mettre en phase nos systèmes judiciaires, non pas dans le renoncement mais avec l’ambition de les considérer comme potentiellement compatibles dès lors qu’on ne regarde plus l’autre avec défiance?

    Le troisième chapitre consacré aux colloques 1999, 2000 et 2002 des Entretiens de Saintes, devenus les Entretiens de Royan, en 2009, impose de rappeler qu’ils constituent un moment unique de l’année pour les décideurs publics et pour les professionnels du droit, de la justice et de l’économie, qui peuvent y confronter leurs idées sur des questions sociétales transverses. En 1999,  « au nom du peuple français » venait poser le débat de la construction du droit dans la démocratie française à l’heure où certains s’inquiétaient du rôle accru des juges. En 2000, « faut-il toujours un coupable? » prolongeait à distance le débat sur le sentiment de pénalisation excessive exprimé par les décideurs publics alors même que la loi Fauchon de juillet 2000 était en cours d’élaboration. En 2002, sous le titre à double sens « Peines perdues » les débats ont interrogé le sens des politiques pénales et la place de la prison dans la société. Nous étions dans le débat de 2012, avec 10 années d’avance, à fronts renversés.

    En terminant sa note, l’auteur souhaite que les réflexions rapportées ci-après apportent une contribution utile à l’édification d’un ordre juridique européen garant des valeurs fondamentales et respectueux des droits des citoyens (1).

    (1) V. Th.

    Cassuto

    , La révolution juridique: remettre le droit au service des citoyens, Lettre Prés@je n° 3, Octobre 2008.

    Partie 1

    Une Europe – Deux droits pénaux

    Conférence débat Paris 11 décembre 2011

    En bref

    Selon que vous serez sujet de droit romain ou de Common Law, le juge vous traitera différemment. Mal compris ou mal vécu, le fait est là. Autant les lois civiles et commerciales des États de droit occidentaux reconnaissent la primauté des organismes et standards internationaux et communautaires, autant ces États s’accrochent aux prérogatives répressives de leurs droits nationaux. La globalisation des échanges peut-elle se satisfaire de telles distorsions ? Au niveau européen, la notion d’harmonisation du droit pénal n’est plus un tabou et plusieurs indices témoignent d’une convergence lente mais sans doute inéluctable, liée à la nécessité de combattre les crimes à dimension transfrontalière mais aussi de protéger les droits fondamentaux de l’ensemble des citoyens européens.

    L’Association des Amis de l’École de Paris du management organise des débats et en diffuse des comptes rendus ; les idées restant de la seule responsabilité de leurs auteurs. Elle peut également diffuser les commentaires que suscitent ces documents.

    1. – Exposé de Thomas CASSUTO

    A. – Droits anglo-saxons et droits continentaux

    Le droit anglo-saxon a des racines communes avec le droit romain : la devise française de la reine d’Angleterre, « Dieu et mon droit », s’inspire d’une tradition romano-germanique importée par Guillaume le Conquérant au XIe siècle. Mais il présente aussi de grandes différences avec les droits continentaux.

    B. – La Common Law (1)

    À la fin du roman Le bûcher des vanités (1987), de Tom Wolfe, le juge, constatant que dans l’affaire dont il s’occupe, la justice a été quelque peu l’otage des parties, observe que « The law is not a creature of the few or of the many ». Cette phrase révèle que le droit, dans la conception anglo-saxonne, est une notion extrêmement large et dynamique, qui ne peut se réduire à  « la loi » telle qu’on la produit en France ou dans la plupart des pays d’Europe. Dans le droit britannique, certaines infractions ne sont pas définies par la loi, mais par les juges : l’assassinat (murder) ou l’homicide involontaire (manslaughter) sont recensées par la Common Law depuis le XIVe siècle et sanctionnés selon un régime de peines qui n’est pas non plus défini par la loi au sens  « textuel » où nous l’entendons en Europe continentale.

    C. – Continuité et ruptures

    Autre différence, les institutions britanniques, tout comme les institutions américaines, se sont construites dans la continuité, alors que les institutions européennes se sont développées dans la confrontation et dans la rupture. Les idées des Lumières ont été introduites de façon brutale par les révolutionnaires français avant de se propager sur le continent. En France, c’est par exemple la Révolution qui, par défiance pour les tribunaux d’ancien régime, a fait interdiction aux juges de connaître des actes administratifs, ce qui explique l’existence de nos deux ordres juridictionnels, l’ordre judiciaire et l’ordre administratif. Au nom de l’abolition des privilèges, elle a également prévu des appels tournants et supprimé les brevets. Au niveau européen, le droit pénal a évolué à la faveur des mouvements sociaux et des révolutions qui ont agité le continent tout au long du XIXe siècle.

    D. – Le rôle de l’État

    Au Royaume-Uni, le droit pénal est considéré comme une sorte d’immixtion exceptionnelle de l’État dans les rapports entre les individus en cas de violation des normes contractuelles ou extra-contractuelles. Le procès reste avant tout la chose des parties, et c’est la notion d’égalité des armes qui prévaut : le procureur est un avocat choisi par la Couronne pour défendre les intérêts de cette dernière, à armes égales avec la défense. En France, le procureur est placé sous l’autorité du ministre de la justice.

    Ce sont des différences très importantes, qui ont un impact, notamment, sur l’administration de la preuve. Dans un système où le procureur a l’exercice de l’action publique et la capacité d’engager des poursuites, c’est lui qui dirige l’enquête, réunit les éléments, saisit le tribunal, soutient l’action publique et amène la peine à exécution. Il est le centre névralgique de la chaîne qui assure la cohérence de la réponse pénale. Dans le système anglo-saxon, le procureur n’est qu’une partie poursuivante et il dispose des mêmes moyens que la défense ; tous deux viennent débattre des preuves devant le juge.

    Cette différence dans la place accordée à l’État s’illustre particulièrement dans le traitement des actes de terrorisme. Dans les systèmes continentaux, on privilégie une réponse judiciaire qui passe par l’action de l’État, la poursuite, le jugement et la sanction des actes de terrorisme définis selon un principe de droit commun. Aux États-Unis, le jugement d’actes de terrorisme graves a été confié à des commissions militaires, ce qui témoigne de la défiance fondamentale

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