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Voyage au pays des juges: Récit d'investigations judiciaires
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Voyage au pays des juges: Récit d'investigations judiciaires
Livre électronique203 pages2 heures

Voyage au pays des juges: Récit d'investigations judiciaires

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À propos de ce livre électronique

De quelles façons déceler les actions frauduleuses au sein du monde de la justice ?
Ce livre est une invitation au voyage dans un pays à risques : celui des juges. Le fil conducteur du récit se nourrit d’une dramaturgie où va se jouer l’honneur d’hommes injustement mis en cause. Au fil de 45 étapes, vous rencontrerez l’usage d’un faux, la manipulation de témoin, la déformation des pièces du dossier, la garde à vue pour faire craquer et l’intime conviction comme habillage juridique de l’arbitraire, avant une marche lente vers la vérité. Tant que ces méthodes n’ont touché que les hommes politiques, elles n’ont pas soulevé de protestation, mais le jour où l’opinion a découvert qu’elles pouvaient concerner d’autres publics, alors... Alors bon voyage.

Découvrez au fil des chapitres, les étapes de la vie professionnelle d'un juge

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

- "La plume alerte sert la vivacité du propos au moment de sonner la charge." (Frédérique Bréhaut, Le Maine Libre)
- "Jean-Claude Boulard dénonce les rouages de la République des juges." (F.B, Le Maine Libre)
- "Un récit à la manière d’un polar. Il y a là matière : un mort pour lancer l’histoire, un juge poursuivi par un procureur qui s’enferme pour perquisitionner en paix, les broyeuses sélectives du PS... Chapitres courts, dialogues abondants, allers et retours entre la Sarthe, Marseille, Paris, Saint-Brieuc... On ne s’ennuie pas. La charge contre les magistrats est violente." (Ouest France)
- "Un vrai thriller qu’on ne quitte plus dès qu’on l’a commencé, avec en plus un fond politique d’une grande perspicacité." (Louis Mermaz, Sénateur de l’Isère et ancien président de l’Assemblée Nationale)
- "Cette contribution si importante pour rétablir l’image d’une justice très abîmée [...] participe de la prise de conscience que la Justice exige de retrouver sérénité et équité." (Christiane Feral-Schuhl, Bâtonnier désigné du Barreau de Paris)

A PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Claude Boulard, homme politique et écrivain français, est né à Nantes le 28 mars 1943. Il est maire du Mans depuis 2001. Il est également l’auteur de nombreux romans.

EXTRAIT

Les dysfonctionnements de la justice sur des dossiers récents et le débat permanent sur la réforme de l’institution m’ont convaincu que la relation de mon voyage au pays des juges pouvait être utile.
Ce petit manuel de « travaux pratiques » pourrait être consulté par tous ceux qui, régulièrement, parlent de couper le « cordon » entre le pouvoir issu du suffrage universel et l’institution judiciaire, ou qui font, sans réserve, l’éloge du juge d’instruction.
Ils couperont le cordon ou prononceront l’éloge après lecture.
Pour ma part, à l’occasion de l’éclairante épreuve de trois années d’inculpation, je n’ai rencontré ni la politisation des magistrats, ni le complot judiciaire, ni même le gouvernement des juges, mais les préjugés et les carences d’une corporation coupée de toute responsabilité, ignorante du monde professionnel, déformée par la recherche obsessionnelle de la culpabilité, prompte à donner des leçons tout en couvrant ses propres errements.
LangueFrançais
ÉditeurIntervalles
Date de sortie10 nov. 2015
ISBN9782369561316
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    Aperçu du livre

    Voyage au pays des juges - Jean-Claude Boulard

    Prologue

    Avant de couper le cordon

    Les dysfonctionnements de la justice sur des dossiers récents et le débat permanent sur la réforme de l’institution m’ont convaincu que la relation de mon voyage au pays des juges pouvait être utile.

    Ce petit manuel de « travaux pratiques » pourrait être consulté par tous ceux qui, régulièrement, parlent de couper le « cordon » entre le pouvoir issu du suffrage universel et l’institution judiciaire, ou qui font, sans réserve, l’éloge du juge d’instruction.

    Ils couperont le cordon ou prononceront l’éloge après lecture.

    Pour ma part, à l’occasion de l’éclairante épreuve de trois années d’inculpation, je n’ai rencontré ni la politisation des magistrats, ni le complot judiciaire, ni même le gouvernement des juges, mais les préjugés et les carences d’une corporation coupée de toute responsabilité, ignorante du monde professionnel, déformée par la recherche obsessionnelle de la culpabilité, prompte à donner des leçons tout en couvrant ses propres errements.

    Au fil des pages vous croiserez la détention préventive comme mode de pression, la manipulation de témoin, la sélection des preuves, le refus des confrontations, l’usage d’un faux, l’instruction exclusivement à charge, la dénaturation des pièces d’un dossier et, plus grave encore : l’intime conviction instaurée en principe alors qu’elle n’est que l’habillage juridique de l’arbitraire, le tout s’appuyant sur une redoutable capacité à se tromper avec une totale bonne foi.

    Tant que ces méthodes n’ont touché que les hommes politiques, l’opinion ne s’en est guère émue. Leur application à d’autres publics l’a heureusement alertée.

    L’institution peut se tromper sans grand risque puisqu’elle dispose du privilège de n’être responsable que devant elle-même à travers le Conseil supérieur de la magistrature¹ et de pouvoir poursuivre ceux qui osent critiquer ses décisions en brandissant l’article 434-25 du Code pénal².

    Elle s’autogère, s’autoprotège et rêve de s’autosaisir en habillant ses aspirations sous le principe flatteur d’indépendance.

    Vous croiserez les preuves de ces affirmations en cours de voyage.

    Vous trouverez également quelques précieux conseils dans le cas où vous seriez amené à voyager dans cet étrange pays.

    Bien sûr, chemin faisant, vous rencontrerez aussi des magistrats respectueux de la procédure contradictoire et soucieux de la recherche de la vérité par la preuve.

    Alors à tous bon voyage.


    1. Un simple blâme dans l’affaire d’Outreau par exemple.

    2. L’article 434-25 du Code pénal sanctionne le fait de porter le discrédit sur tout acte judiciaire, le juge fixant lui-même la frontière entre porter une critique ou porter le discrédit. Aurait-on le droit d’écrire sans se trouver sous le coup de poursuite au titre de l’article 434-25 que certains actes judiciaires portent par eux-mêmes le discrédit ?

    1. Un drame dans le bâtiment

    13 juin 1990, 12 heures 30, centre-ville du Mans.

    Sur un chantier de construction d’un immeuble destiné à accueillir les bureaux de la Communauté urbaine du Mans, une grue descend lentement la lourde paroi préfabriquée d’un parking.

    Avant de sceller cette paroi sur le soubassement, le chef de chantier vérifie, au fil à plomb, son positionnement. À ses côtés, deux ouvriers maçons se tiennent prêts à procéder aux opérations de fixation.

    Soudainement, un glissement de terrain se produit, provoquant le basculement de la plaque qui s’abat sur les ouvriers. Le conducteur, du haut de sa grue, assiste, impuissant, au drame. Descendu le premier au fond du trou, il creuse de ses mains pour tenter de dégager les victimes et découvre deux corps inanimés.

    Deux maçons, l’un turc et l’autre portugais, viennent de perdre la vie en la gagnant.

    Le lendemain, à l’appel des organisations syndicales, une centaine d’ouvriers du bâtiment se rassemblent sur les lieux du drame.

    Pendant les courtes allocutions, les visages sont graves et la colère, mêlée de tristesse, anime les regards. Beaucoup trop d’accidents mortels endeuillent le secteur. Après la minute de silence, un collègue de travail accroche à la palissade une gerbe de fleurs des champs, puis les compagnons du bâtiment se séparent.

    À 22 heures, un juge d’instruction fait apposer les scellés. Le chantier est interrompu pour les besoins de l’enquête. L’ouverture de celle-ci attendra la fin des vacances judiciaires car le juge, aussitôt les scellés posés, part en congé. Ce juge s’appelle Thierry Jean-Pierre. C’est encore un inconnu.

    Les noms des victimes disparaîtront très vite de la « une » des journaux¹.

    Ce n’est pas en raison de ce drame que ce chantier va connaître la célébrité judiciaire. Pour revenir à la « une » de l’actualité, il lui faudra servir de « marchepied » à une réouverture des dossiers sur les financements politiques, une réouverture qui m’entraînera au pays des juges.

    Pour comprendre comment va s’effectuer cette translation, il faut remonter un peu dans le temps et accomplir un petit détour par Marseille.


    1. Même la plaque commémorative de l’accident, posée dans le hall de l’immeuble construit sur ce site, ne porte pas leur nom.

    2. Un homme à abattre

    Marseille, novembre 1986.

    Pendant des décennies, cette ville a été tenue d’une main ferme par Gaston Defferre dont le pouvoir se fondait sur un charisme certain, conforté par un clientélisme actif et une autocratie sans faille.

    En 1986, un de ses adjoints, Michel Pezet, plutôt que d’attendre de recueillir l’héritage en patientant dans l’ombre de ce grand baron, décide de partir à la conquête de la mairie de Marseille aux municipales de 1989. Dans cette perspective, il commence par arracher à Gaston Defferre le contrôle de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône à l’issue d’une soirée où les débats très tendus se sont terminés tard dans la nuit. Gaston Defferre, rentré seul, est frappé d’une crise cardiaque et meurt au petit matin à l’hôpital de la Timone.

    La presse locale fait des descriptions shakespeariennes de l’ambiance de la dernière séance au cours de laquelle le vieux chef a été renversé. Les éditorialistes parlent d’homicide presque volontaire, d’autres, de meurtre politique du père. Michel Pezet sous-estime la résonance affective de cet événement dans une ville aux réactions convulsives et passionnées. En revanche, il sait qu’il vient de se faire une ennemie mortelle en la personne d’Edmonde Charles-Roux, la veuve de Gaston et actionnaire influente du journal local Le Provencal.

    À la suite du décès de Gaston Defferre, Robert Vigouroux, son premier adjoint, devient maire de Marseille. Aussitôt, Edmonde Charles-Roux lui apporte son soutien en vue des élections municipales de 1989 avec l’accord de François Mitterrand.

    Paris, juin 1988.

    Pour faire face à cette forte coalition, Michel Pezet doit absolument chercher des appuis nationaux. Il va les trouver lors d’une séance du Conseil national du PS du 28 juin 1988 que les socialistes appellent, non sans emphase, « la nuit des longs couteaux », alors qu’elle ne fut que la soirée des petits canifs.

    Ce 28 juin 1988, le Conseil national doit régler la question de la succession au poste de premier secrétaire de Lionel Jospin, devenu ministre de l’Éducation nationale du gouvernement de Michel Rocard. Deux candidats s’affrontent pour ce poste, Laurent Fabius soutenu par les mitterrandistes et Pierre Mauroy soutenu par les jospinistes. L’issue du vote est très incertaine. En contrepartie d’un soutien du PS pour les municipales de Marseille, M. Pezet et ses amis contribuent à faire basculer le vote en faveur de Pierre Mauroy.

    Après cette séance, les instructions de François Mitterrand sont claires. Il faut freiner l’ascension de Michel Pezet et surtout son goût pour l’autonomie.

    M. Pezet se voit proposer les voies dorées d’un ralliement sous la forme d’un poste de ministre dans le gouvernement de Michel Rocard, à la condition qu’il renonce à sa candidature à la mairie de Marseille pour laisser la voie libre à Robert Vigouroux.

    Il refuse.

    Dès lors, du côté de l’Élysée les consignes sont claires : tout doit être mis en œuvre pour que Michel Pezet échoue aux municipales de Marseille de mars 1989.

    Retour à Marseille, janvier-avril 1989.

    Or, dans les premières semaines de l’année 1989, un homme, l’inspecteur Gaudinot, s’active beaucoup au SRPJ de Marseille, dans le cadre d’une enquête sur les abus de biens sociaux dans le secteur du bâtiment.

    Au cours de cette enquête, il croise la piste des financements politiques entre une société de construction (la SAE), la société URBA et certains élus marseillais.

    En février 1989, la Chancellerie donne son feu vert à l’ouverture d’une information judiciaire sur ce dossier. L’inspecteur Gaudinot s’étonne de l’attitude d’un gouvernement qui laisse ouvrir une information contre son propre camp. N’ayant aucune idée de la gangrène générée par les batailles de pouvoir chez les socialistes, il ne sait pas qu’il est devenu l’instrument d’un règlement de compte entre factions, un instrument qui, selon la longue tradition des apprentis sorciers, échappera aux mains de ses manipulateurs initiaux.

    Dans les semaines qui précèdent les élections municipales de mars 1989, les élus marseillais proches de Michel Pezet sont attaqués par la presse qui s’est emparée des fuites de l’enquête sur les financements politiques. Aux municipales, Michel Pezet est écrasé par Robert Vigouroux¹. L’action judiciaire n’a pratiquement joué aucun rôle dans son échec. Pezet écarté, elle a perdu toute utilité. Elle va néanmoins se poursuivre car il faut le punir.

    Le 13 avril 1989, l’inspecteur Gaudinot prévient sa hiérarchie qu’il envisage de faire une perquisition dans les locaux d’URBA à Marseille. Le 14 avril 1989, le directeur de la Police nationale, Yves Barbot, alerte Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur.

    Pierre Joxe, ancien trésorier du PS, qui a favorisé la mise en place du système URBA, laisse faire et n’informe pas ses amis de la perquisition envisagée.

    Le 17 avril, Gaudinot saisit dans les locaux du bureau d’études un redoutable petit cahier d’écolier à spirales dans lequel un cadre administratif a scrupuleusement noté les comptes rendus de réunions tenues entre les responsables du bureau d’études et de nombreux élus PS dans la France entière sur des questions de financement de la vie politique.


    1. Robert Vigouroux terminera son parcours politique dans le ralliement à la droite. Quant aux socialistes ils cherchent toujours à Marseille une candidature de la qualité de Michel Pezet.

    3. Soirée de panique au PS.

    Avril 1989. Bureau exécutif du PS.

    Quelques jours après cette perquisition, Pierre Mauroy arrive au Bureau exécutif du PS dans un état de relative agitation, si l’on en juge par le mouvement de ses mains brassant le vent et la légère rougeur de son visage. Pierre a du sentiment et « de la tripe ». C’est à la fois sa force, son charme et sa faiblesse. Plus ému et scandalisé que furieux, il déclare au sujet de la perquisition de l’inspecteur Gaudinot dans les locaux d’URBA à Marseille :

    « C’est la première fois, dans une longue carrière politique durant laquelle j’ai reçu beaucoup de mauvais coups, que celui qui nous est porté vient de l’un des nôtres. »

    Il n’a cité aucun nom mais les membres du Bureau exécutif, tout en piquant un peu du nez, ont décodé le message.

    Une inquiétude réelle se peint sur les visages. Un silence lourd pèse sur l’assemblée. Les responsables présents connaissent tous le rôle d’URBA. Certains se voient déjà gravir les marches du Palais sous les flashs et les projecteurs.

    Comme souvent chez les socialistes face à une difficulté, il apparaît urgent de ne rien décider. Après des débats confus, le Bureau exécutif se sépare dans une inquiétude à la mesure de son désarroi.

    Quelques jours plus tard, Michel Rocard réunit à Matignon les éléphants¹ du PS pour examiner toutes les solutions possibles.

    Pierre Arpaillange, ministre de la Justice, affirme de son inimitable voix de fausset : « La hiérarchie judiciaire est débordée, elle ne maîtrise rien. Il n’y a plus aucun moyen d’arrêter l’affaire URBA. »

    Michel Rocard propose de jouer cartes sur table en s’expliquant devant l’opinion. Plutôt que de donner l’impression d’avoir des choses à cacher en tentant de paralyser l’action des juges, il croit possible une opération vérité puisque tous les partis politiques sans exception, en l’absence de loi sur leur financement, ont dû recourir aux mêmes expédients. Il propose d’aller s’expliquer devant la justice qui saura faire le tri entre « le bon grain et l’ivraie ».

    Michel Rocard a raison. En l’absence de loi d’amnistie, les juges auraient accepté d’opérer ce tri entre les élus uniquement concernés par les financements politiques et les corrompus. Comme souvent le PS s’apercevra trop tard de la justesse de sa position.

    Pierre Mauroy et la majorité des « éléphants » estiment préférable, à l’occasion du vote d’une loi sur le financement des partis politiques, d’absoudre le passé, en remettant « les compteurs à zéro ». Cette position va l’emporter.

    La discussion de la loi sur le financement

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