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MINISTÈRE AMER

POUVOIR

En pénétrant dans le bureau d’Éric Dupond-Moretti place Vendôme, on imagine se faire broyer la main, soutenir un regard intimidant, affronter le colosse. Eh bien non, nous voici accueilli par les jappements joyeux de Jean-Claude, la nouvelle mascotte de la chancellerie. Un teckel noir qui dispose de son propre couffin, à côté de la bibliothèque dite royale, toute en dorures. Le garde des Sceaux, lui, se tient devant une porte-fenêtre entrouverte, donnant sur la grande pelouse du jardin. Et il fume.

On en était resté au bras d’honneur à l’Assemblée nationale le 4 mars 2023. Le revoilà quelques mois plus tard, tiré à quatre épingles dans un costume croisé, fier d’être inscrit à l’agenda des « cent jours » d’Emmanuel Macron. Fin juin, il présentait devant le Parlement sa loi de programmation pour la justice, traduction de l’engagement présidentiel de restaurer une institution délabrée. Il s’excuse pour les cinq minutes de retard, « un échange téléphonique urgent avec Gérald Darmanin ». Pour la séance photo, on lui propose une mise en scène avec Jean-Claude. Furtif clin d’œil de l’intéressé : « Je ne suis plus acteur mais ministre. »

Est-ce si vrai ? Certes, il a renoncé aux formules cinglantes et provocatrices qui ont bâti sa légende d’avocat pénaliste durant trente-cinq ans en cour d’assises. Certes aussi, son nouveau statut lui interdit désormais de monter sur les planches, lui qui faisait encore salle comble au Théâtre de la Madeleine fin 2019 avec son one-man-show À la barre. Mais restons lucides : il faut quand même un sacré sens de la comédie pour contenir un tempérament de feu et jouer la solidarité gouvernementale en toutes circonstances, avec des collègues commes Gabriel Attal ou Marlène Schiappa. « Oui, mon champ lexical était plus large avant, minimise-t-il. Je n’avais jamais eu de patron depuis mon premier stage d’avocat. Désormais j’en ai deux. » Une première ministre avec qui il entretient des relations distantes. Et un jeune président de la République qui ne lui a jamais ménagé son soutien dans la tempête. Ça oblige.

On évoque la faible longévité de ses prédécesseurs dont les portraits en noir et blanc sont accrochés à l’entrée du ministère. Élisabeth Guigou, trois ans et quatre mois ; Dominique Perben, trois ans ; Rachida Dati, deux ans ; Christiane Taubira, deux ans et des poussières. Sans oublier les douze semaines de François Bayrou, à peine arrivé et déjà démissionnaire, suite à sa mise en examen pour des soupçons signifie du regard Éric Dupond-Moretti. Le voilà proche des trois ans de bail. Et s’il réussit à survivre au prochain remaniement gouvernemental, il égalera le record d’un certain Robert Badinter.

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